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1.1 Classification des étoiles massives

1.2.3 Accrétion, coalescence ?

Diverses théories sont en concurrence pour expliquer, malgré les difficultés relevées dans le précédent paragraphe, l’observation d’étoiles massives. Elles peuvent se classer en deux familles : celles qui adaptent le scénario de formation des étoiles de faible masse en trouvant des mécanismes d’accrétion alternatifs et celles qui explorent des scénarios radicalement différents, comme la possibilité que les étoiles massives se forment par coalescence d’étoiles de masses plus faibles.

Indices observationnels

L’une des constatations les plus fermement établies concernant la formation des étoiles massives est leur tendance à se former en groupes ou en amas qui donneront plus tard les associations OB (Garay & Lizano 1999, et références incluses). Plus précisément, il semble que les étoiles massives se trouvent préférentiellement au centre des amas, sans que cette localisation puisse s’expliquer par une relaxation du système gravitationnel (qui prendrait trop de temps). Il semble donc que les étoiles massives se forment dans les régions centrales des amas, où la densité de gaz et/ou d’étoiles déjà formées est la plus grande (Clarke et al. 2000, et références incluses).

Il existe, par ailleurs, des étoiles de type O ou B isolées dont on peut néanmoins rattacher la formation à une association d’étoiles OB proches : leur vitesse élevée (le seuil étant fixé par convention à ∼ 30 km/s) et la proximité d’une association OB en fait des «runaways» (Blaauw 1961), des étoiles éjectées de leur amas de naissance (par exemple, à cause d’un système binaire massif où l’une des composantes explose en supernova).

Dans certains cas, l’apparition de sites de formation d’étoiles massives est clairement re-liée à des perturbations du milieu interstellaire. L’expansion d’une région HIIdans un nuage moléculaire neutre peut, par exemple, créer un choc dans la zone neutre, ce qui forme une

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couche instable susceptible de s’effondrer gravitationnellement. Les calculs menés par El-megreen & Lada (1977) montrent que, sous certaines conditions, cette situation peut mener à collecter la matière nécessaire à la formation des étoiles massives, en particulier dans les nuages les plus denses. Ce mécanisme est récursif, dans la mesure où les étoiles massives nouvellement formées vont à leur tour initier l’expansion d’une région HII et ainsi déclen-cher la formation de nouvelles étoiles dans leur environnement.

L’existence de ce mode de formation des étoiles massives est relativement bien étayé par des observations (parmi les plus récentes : Deharveng et al. (2003a,b); Bratsolis et al. (2004); Walborn et al. (2002b)). Toutefois, ce mode de formation ne peut, à lui seul, expliquer tous les événements de formation d’étoile massives, en particulier, la formation d’étoiles massives isolées. Il est donc nécessaire d’élaborer des scénarios expliquant la formation d’étoile massive sans influence extérieure.

Scénarios d’accrétion

Les scénarios de formation des étoiles massives par accrétion découlent du modèle adopté pour les étoiles de masse faible et intermédiaire (voir section 1.2.1 p. 16), avec des amé-nagements destinés à contourner les difficultés interdisant la formation d’étoiles de masse supérieure à ∼ 10 M. Ils reposent, par conséquent, sur l’existence de disques et de jets jouant le même rôle que dans le cas des étoiles de masse plus faible (Garay & Lizano 1999). Les observations directes ou indirectes de telles structures sont encore rares : Chini et al. (2004) ont publié des observations intéressantes allant dans ce sens. Leurs images NAOS-CONICA/VLT de la région galactique M17 par optique adaptative montrent des structures pouvant être interprétées comme un disque et des jets, autour d’une source dont ils estiment la masse à 20 M. Néanmoins, cette estimation de la masse de l’objet est particulièrement délicate en raison de l’extinction locale et de la résolution nécessaire : de nouvelles obser-vations sont prévues afin de déterminer la nature exacte de l’objet central. ?) appuient éga-lement l’hypothèse de disques moléculaires autour de YSO massifs à partir d’un échantillon de spectres.

Parmi les obstacles à ce scénario, figure le taux d’accrétion supposé de la proto-étoile : les taux caractéristiques admis, de l’ordre de ˙M = 10−5Man−1 nécessiteraient de toutes façons 107ans pour former une étoile de 100 M et Maeder & Behrend (2002) notent que ceux-ci sont probablement largement sur estimés : la turbulence des nuages moléculaires (et le support qui en découle) est négligée pour ce calcul. Des observations semblent cependant indiquer qu’on peut atteindre des taux d’accrétion 100 fois plus élevés, qui permettraient alors de former des étoiles massives dans un temps d’accrétion inférieur à leur durée de vie. Une autre façon d’augmenter le taux d’accrétion est d’avoir une luminosité moindre : il est possible de produire cet effet en prenant en compte la rotation de l’étoile. Yorke & Sonnhalter (2002) présente des simulations numériques prenant en compte cet effet (ainsi que des modèles de poussières plus détaillés que dans les précédentes simulations) pour aboutir à la conclusion que la formation d’étoiles massives par accrétion sur un disque est possible.

Keto (2003) adopte une approche différente en considérant la possibilité que l’accrétion ait lieu à un rythme modéré (de l’ordre de 10−4M an−1), mais puisse se poursuivre sur

1.2. THÉORIES DE FORMATION DES ÉTOILES MASSIVES 21 de longues échelles de temps en prédisant l’existence de régions HII hyper-compactes suf-fisamment petites et denses pour être piégées par la gravité de l’étoile malgré la pression de radiation. Les étoiles ainsi formées peuvent continuer d’accrêter de la matière alors qu’elles sont sur la ZAMS. Elles se contentent alors de «remonter» la séquence principale en pas-sant d’un type spectral à l’autre (ce qui concorde avec la jonction de la «birthline» et de la ZAMS).

Finalement, McKee & Tan (2003) propose un modèle de formation des étoiles massives incluant la turbulence dans les coeur moléculaire et les modifications que cette turbulence suppose pour les paramètres initiaux de la formation stellaire (fragmentation, support ma-gnétique, densité locale).

Scénarios de coalescence

Les difficultés rencontrées à plusieurs stades de la construction du scénario de formation par accrétion ont motivé l’élaboration d’une théorie alternative, susceptible d’expliquer aussi bien la masse que la localisation des étoiles massives dans les amas. Le modèle proposé par Bonnell et al. (1998) s’appuie sur le fait que les étoiles massives sont fréquemment observées au centre d’amas et tente de faire le lien entre la formation des étoiles massives et leur envi-ronnement. Dans un premier temps, la fréquence plus élevées d’étoiles massives localisées au centre de l’amas est expliquée par le processus d’«accrétion compétitive», qui correspond au fait que toutes les étoiles se formant dans l’amas puisent dans le même réservoir (fini) de gaz. Dans cette compétition, les étoiles situées au fond du puit de potentiel gravitationnel, donc au centre de l’amas, sont favorisées : elles accrètent plus de masse que les autres (Bonnell et al. 1997). La densité d’étoiles ou de proto-étoiles de masse intermédiaire peut éventuelle-ment devenir suffisaméventuelle-ment importante pour que les probabilités de collision ne soient plus négligeables et rendent plausible un mécanisme de formation des étoiles massives par coales-cence. Ce mécanisme suppose de fortes densités de gaz pour favoriser les collisions, un fort taux de binaires parmi les étoiles massives (collisions «ratées») et une réduction de la pro-portion des étoiles de masse intermédiaire (puisque ce sont elles qui deviennent par ce biais des étoiles massives). Le processus prend fin lorsque les premières étoiles massives formées dispersent le gaz qui les entoure et, ce faisant, réduisent les probabilités de collisions.

Des observations confirmant le fort taux de binaires massives (Zinnecker & Bate 2002) ainsi que des simulations numériques mettant en évidence les relations entre les caracté-ristiques d’un amas d’étoiles jeunes et les masses de ses composants (Bonnell et al. 2004) viennent à l’appui de ce scénario radical. En revanche, les bouffées d’énergie liées à la coa-lescence de deux étoiles ainsi que les amas très denses (> 108

∗ /pc3) qui précèdent cette coalescence n’ont, semble-t-il, pas été observés à ce jour (Tan 2003).

Conclusion

Les revues récentes portant sur la formation des étoiles massives (entre autres Evans 1999; Stahler et al. 2000; Larson 2003) traduisent le manque d’observations concluantes per-mettant de valider ou d’invalider l’un ou l’autre des scénarios. Ces observations «définitives» font partie des objectifs principaux d’ALMA et du JWST. En attendant la mise en service

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de ces projets il semble raisonnable d’estimer que tous ces modes de formation contribuent, d’une manière ou d’une autre, à la formation des étoiles massives que nous observons. Les deux modèles semblent pouvoir opérer si les conditions sont appropriées.