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1.4 Interactions avec le milieu interstellaire

1.4.3 Expansion des régions H II

La région HII idéale décrite au paragraphe précédent l’est dans un cadre statique : en fait, il s’agit d’une situation intermédiaire entre deux phases d’expansion. La première a lieu entre le moment où l’étoile qui la génère commence à émettre des photons ionisants et le moment où la sphère de Strömgren est intégralement ionisée : il faut un certain temps pour que le flux de photons parvienne à ioniser ce volume avant de parvenir à l’équilibre entre recombinaison et nombre de photons ionisants. La deuxième intervient après que la taille de la région HII ait atteint Rs : le milieu à l’intérieur de cette sphère a une densité comparable au milieu qui l’entoure, mais une température et une pression plus élevées. La sphère va donc s’étendre jusqu’à l’équilibre des pressions.

De la naissance de l’étoile à la sphère de Strömgren

On modélise la naissance de l’étoile comme l’apparition instantanée d’une source de photons ionisants émettant S photons par seconde. Ce flux de photons servira à ioniser le milieu ambiant couche après couche, puis maintenir cette ionisation en compensant les pertes

1.4. INTERACTIONS AVEC LE MILIEU INTERSTELLAIRE 31 dues à la recombinaison. On se place en symétrie sphérique et on considère l’ionisation d’une coquille de rayon R et d’épaisseur R + dR.

Si J est le flux de photons ionisant atteignant la surface interne de la coquille, le nombre d’ions qu’il est possible de former est tel que :

Jdt = n0dR d R dt =

J

n0 (1.15)

Cette relation n’est exacte que si chaque photon est utilisé et si la vitesse de propagation d’une coquille à l’autre est suffisamment rapide pour négliger le processus de recombinaison dans la coquille en cours d’ionisation. On obtient ici la vitesse du front d’ionisation par rapport au gaz neutre (qui est supposé immobile par rapport à la source).

Pour toutes les coquilles internes, on admet que la condition d’équilibre 1.10 est réalisée et que la part de flux absorbée l’est pour compenser la recombinaison. On peut alors écrire la conservation du nombre de photons ionisants sous la forme :

S= 4πR2J +4 3πR

3n20β2 (1.16)

J, le flux disponible pour ioniser la coquille, est alors la luminosité de l’étoile répartie sur la sphère de rayon R moins le flux absorbé par les couches internes pour compenser la recombinaison :

J = S

4πR213Rn20β2 (1.17) En combinant les équations 1.15 et 1.17, on obtient la vitesse du front d’ionisation :

d R dt =

S

4πR2n013Rn0β2 (1.18) Cette vitesse s’annule pour R = Rs, Rsétant le rayon de Strömgren précédemment défini. Cette équation s’écrit plus simplement sous forme adimensionnée : prenant Rs comme rayon caractéristique et tR= (n0β2)−1comme temps caractéristique associé à la recombinai-son de l’hydrogène, on définit les variables sans dimension :

λ = R Rs VR= Rs tR τ = t tR ˙λ = 1 VR d R dt L’équation 1.18 s’écrit alors :

˙λ = 1 31 − λ3

λ2 (1.19)

32 CHAPITRE 1. ÉTOILES MASSIVES ET RÉGIONS H II λ = (1 − e−τ)13 (1.20) 1.0 2.0 3.0 4.0 = / 0.0 0.5 1.0 = /

FIG. 1.6: Courbe λ(τ), λ étant la taille de la région (normalisée par rapport au rayon de Strömgren) et τ étant le temps (norma-lisé par rapport au temps caractéristique tr = (n0β)−1. 1.0 2.0 3.0 4.0 = / 0.0 0.5 1.0 / = ( / )) /

FIG. 1.7: Courbe ˙λ(τ), ˙λ étant la vitesse (normalisée par rapport à VR= RS/tR) et τ tel que défini fig. 1.6.

La figure 1.6 présente la courbe λ(τ) tandis que la figure 1.7 présente la courbe ˙λ(τ). En utilisant des valeurs typiques des différents paramètres (n0= 108m−3, Te = 104K , β2(Te) = 2 × 10−16Te−3/4, S= 1049s−1), on obtient :

Rs ≃ 1 × 1017m ≃ 3.4pc tR ≃ 5 × 1010s ≃ 1500ans

VR ≃ 2 × 106m s−1 ≃ 2000km s−1

Évolution de la sphère de Strömgren

La première phase d’expansion est donc initialement très rapide puis ralentit jusqu’à s’annuler lorsque la région atteint la taille de la sphère de Strömgren, au bout d’un temps de l’ordre de 104 ans. La vitesse du son typique du milieu interstellaire étant de l’ordre 10km s−1, ce laps de temps est très inférieur à la constante de temps associé à la thermody-namique de l’objet (Rs/v ≃ 3 × 105ans ). La pression engendrée par la température 100 fois plus élevée à l’intérieur de la sphère de Strömgren n’influe donc pas significativement sur cette première phase d’évolution. En revanche elle va être le moteur de la deuxième phase d’évolution, qui se produit sur des échelles de temps plus grandes.

Au final, l’équilibre entre la zone ionisée (de densité 2nf, où nf est la densité d’électrons et de température Ti ≃ 104K ) et le milieu neutre (de température Tn≃ 100K ) s’écrit :

1.4. INTERACTIONS AVEC LE MILIEU INTERSTELLAIRE 33 La densité finale sera donc :

nf = Tn

2Tin0 (1.22)

La condition d’équilibre entre flux ionisant et taux de recombinaison (équation 1.10) s’applique ici aussi et permet d’obtenir le rayon de la zone ionisée finale :

Rf = 2Ti Tn 2 3 Rs≃ 34Rs (1.23)

Cette évolution est lente et en général l’équilibre n’est pas atteint au cours de la durée de vie d’une l’étoile massive (détail des calculs dans ?).

Modèles en milieu inhomogène

Les hypothèses développées dans les paragraphes précédents supposent un milieu inter-stellaire homogène, ce qui n’est habituellement pas le cas. Un modèle supposant la formation d’une sphère de Strömgren au bord d’un nuage moléculaire dense est proposé par Tenorio-Tagle et al. (1979) : il s’agit du modèle «champagne».

La figure 1.8 illustre l’évolution d’une région HII dans de telles conditions. Un étoile O nouvellement formée au bord d’un nuage moléculaire dense commence à développer une sphère de Strömgren, puis une région HII plus vaste. Lorsque la zone ionisée, en surpres-sion par rapport à son environnement, atteint l’extérieur du nuage moléculaire, la résistance moindre opposée par le milieu rompt la symétrie sphérique et laisse échapper le gaz ionisé ainsi que le rayonnement ionisant vers l’extérieur du nuage.

L’expansion de la région HIIse poursuit alors préférentiellement dans cette direction : la pression du nuage dense a tendance à faire ralentir le front d’ionisation sphérique entourant l’étoile, tandis que se forme un front d’ionisation au fur et à mesure que l’ionisation se propage dans le milieu interstellaire.