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Chapitre 1 : État des connaissances

1.3. La pollinisation en pomiculture

1.3.2. Les bourdons, Bombus spp Latreille

Les bourdons, Bombus spp. Latreille, sont, tout comme l’abeille domestique (A. mellifera), des hyménoptères de la famille des Apidae. Les bourdons arborent généralement une coloration jaune-orangée et noire, mais les teintes et les patrons varient selon l’espèce. Le genre Bombus comprend environ 250 espèces (Williams, 1994) dont quelques-unes seulement sont retrouvées dans les vergers nord-américains : B.

bimaculatus Cresson, B. borealis Kirby, B. fervidus Fabricius, B. impatiens Cresson, B. perplexus Cresson, B. ternarius Say, B. terricola Kirby et B. vagans Smith (Gardner & Ascher, 2006; Sheffield et al., 2013; Martins,

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Les bourdons sont des insectes eusociaux4 primitifs donc la colonie est divisée en castes, comme

pour l’abeille domestique, mais les différences morphologiques entre les individus des différentes castes sont beaucoup moins marquées que chez les eusociaux spécialisés (Apis spp.). Ainsi, la principale différence entre les castes est la taille des individus : la reine est la plus imposante et mesure entre 13 et 32 mm, les ouvrières mesurent entre 7 et 18 mm et les mâles mesurent entre 10 et 17 mm (Goulson, 2010). De plus, l’organisation sociale des castes de bourdons est moins complexe que celle de leurs cousines (Apis mellifera) (Goulson, 2010). Comme chez les abeilles domestiques, les ouvrières bourdons possèdent des peignes et des corbeilles sur les pattes postérieures pour assurer le transport du pollen sous forme de pelotes compactes (Goulson, 2010). Toutes les ouvrières sont en mesure de sortir du nid pour récolter le nectar et le pollen. Or, c’est généralement la taille qui dicte leurs habiletés physiologiques; les grosses ouvrières, qui sont en mesure de mieux réguler leur température corporelle, sont plus susceptibles de sortir butiner alors que les petites ouvrières restent à l'intérieur du nid. Ainsi, les bourdons se trouvent à être de meilleurs butineurs comparativement à l’abeille domestique; étant plus gros que celle-ci et également recouverts d’un pelage dense, ils sont en mesure de porter des charges en pollen ou en nectar relativement plus lourdes (Goulson, 2010).

Les bourdons sont également moins affectés par les conditions météorologiques adverses (Boyle- Makowski & Philogène, 1985). Les vents forts, la couverture nuageuse, l’intensité lumineuse et les fluctuations de température et d’humidité sont tous des paramètres pouvant affecter l’activité des insectes pollinisateurs. Toutefois, les bourdons sont endothermes, c’est-à-dire qu’ils sont capables de produire de la chaleur interne. Ainsi, leur métabolisme, de même que leurs poils isolants, les aident à maintenir une température interne élevée. Ils demeurent donc généralement actifs à des températures plus basses que les abeilles domestiques (Heinrich, 1979) qui requièrent des températures supérieures à 10°C (Burrill & Dietz, 1981; Boyle-Makowski & Philogène, 1985). Cela peut donc être un avantage important pour certaines cultures comme les pommiers, qui fleurissent tôt au printemps alors que les températures dans les régions tempérées, comme le Québec, peuvent se situer entre 5 et 25°C. Tandis que les abeilles domestiques ne volent pas si le temps est couvert (Burrill & Dietz, 1981), pluvieux ou que le vent souffle à plus de 16 km/h, les bourdons sont quant à eux actifs à des intensités lumineuses faibles (Boyle-Makowski & Philogène, 1985), lors de vents forts et sous la pluie fine (Koppert Biological System, 2018).

Les bourdons ne sont pas présents en aussi grand nombre que l’abeille domestique durant la floraison des pommiers; les reines, la seule caste de bourdons présente au printemps, recherche nt à la fois des sites de nidification et des provisions pour le premier couvain (Gardner & Ascher, 2006). Toutefois, comparés à l’abeille domestique, les bourdons ont un rythme de travail plus élevé avec un plus

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4Insectes qui présentent la vie sociale la plus évoluée et qui se distinguent par 1) la division et spécialisation des rôles entre les

membres, 2) la cohabitation de différentes générations, 3) la forte cohésion entre les membres et 4) l'existence d'une coopération dans les soins données aux formes immatures (Crepsi & Yanega, 1995).

grand nombre de visites de fleurs par minute (plus de 10 fleurs/min comparativement à 6-8 fleurs/min) (Jacob- Remacle, 1989). Ils ont également une grande mobilité dans la culture, avec des vols plus fréquents et rapides d’un arbre à l’autre, ce qui facilite la pollinisation croisée (Koppert Biological System, 2018). Bien que les bourdons soient en mesure de visiter des fleurs d’espèces différentes (Goulson, 2010), ils vont demeurer loyaux à une ressource florale rentable, comme le pommier (Heinrich, 1976). Ainsi, les bourdons passent significativement plus de temps par fleur lorsque la disponibilité du nectar et du pollen est importante (Heinrich, 1976).

Aucun système de communication et de recrutement n'a encore été découvert chez les bourdons. Cependant, des études ont démontrés que les butineuses bourdons utilisent des signaux odorants déposés sur les fleurs pour améliorer leur efficacité de recherche de nourriture (Stout & Goulson, 2001). Ces marqueurs sont sécrétés par une glande présente sur le tarse du bourdon. Par exemple, des odeurs répulsives de courte durée sont utilisées pour éviter de sonder des fleurs récemment épuisées en nectar et/ou en pollen, et des odeurs d'attraction à plus long terme sont utilisées pour indiquer des fleurs particulièrement gratifiantes (Stout & Goulson, 2001). La détection de marques odorantes est ainsi censée améliorer l'efficacité de la recherche de nourriture tout en réduisant le temps passé à visiter ou butiner les fleurs sans intérêt (Williams 1998 cité dans Stout & Goulson, 2001). Les bourdons sont en mesure d’éviter les fleurs récemment visitées par eux-mêmes, leurs congénères et les autres espèces, tandis que les abeilles domestiques, elles, évitent les fleurs visitées par elles-mêmes et leurs congénères mais pas celles visitées par d’autres espèces (Stout et al., 1998).

Les bourdons effectuent également la sonification, un léger bourdonnement émis par les contractions des muscles thoraciques qui font vibrer les fleurs (Buchmann, 1985). Cette technique permet de recueillir le pollen contenu dans les sacs polliniques des anthères et a pour effet de rendre la pollinisation plus efficace. Les bourdons vont d’ailleurs déposer plus de grains de pollen sur le stigmate des fleurs de pommiers que les abeilles domestiques (1,5x plus de pollen par visite) (Park et al., 2015), car ils font des contacts plus fréquents durant les visites (Thomson & Goodell, 2001; Matins et al., 2015). Chez l’abeille domestique, on distingue, au sein des ouvrières butineuses, celles qui collectent le nectar et celles qui récoltent le pollen. Ce sont celles qui récoltent le pollen qui permettent de maximiser la pollinisation. Par contraste, celles collectant le nectar ne touchent pratiquement jamais le complexe anthères-stigmate, ce qui ne contribue pas à la pollinisation des fleurs (Schneider et al., 2002).

Toutes ces informations démontrent qu’à l’échelle de l’individu, le bourdon est mieux qualifié pour la pollinisation des fleurs de pommiers que l’abeille domestique. Toutefois, la mise à fruit des pommiers reste somme toute équivalente entre les deux espèces (Park et al., 2015) car les stratégies de pollinisation utilisées

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