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Les Associations d'Epargne et de Crédit Autogérées de la Plaine de Marovoay

4. Les autres activités et sources de revenus

Nous pouvons voir sur le tableau 1 (sur la part des différentes sources de revenus dans le revenu total par région) que les cultures et l'élevage représentent la majeure partie des revenus pour la région de Marovoay. A part ces deux activités, les habitants de la Plaine travaillent également dans l'artisanat, le commerce et le salariat. Le faire-valoir indirect des terres (location et métayage) et l'octroi de prêts informels sont des sources de revenus importantes dans la région.

4.1. Les cultures, hormis le riz

Les agriculteurs cultivent d'autres cultures à part le riz sur leurs parcelles en baiboho (terre de décrue), des parcelles asara (rizières pour le riz pluvial) ou des parcelles de tanety (collines) :

• Sur les baiboho, ils cultivent du manioc, de la patate douce et du maïs pendant la campagne

jeby (d'avril à octobre). Pour le manioc et le maïs, une deuxième campagne a lieu pendant la

période asara (saison des pluies). Quelques plants de canne-à-sucre, principalement destinés à la transformation en togagasy (alcool artisanal), y sont également cultivés.

• Sur les terres asara et de tanety, le manioc, l'arachide, le maïs ou une association maïs-arachide sont cultivés pendant la saison des pluies.

Quant aux arbres fruitiers, des paysans possèdent quelques pieds de bananiers, de manguiers, dont les fruits sont principalement autoconsommés.

La culture, hors riziculture, est pratiquée avec très peu d'investissements (semences, engrais, produits phytosanitaires, main-d'oeuvre salariée,...) et est essentiellement destinée à l'autoconsommation, comme nous pouvons le constater sur le tableau 2 (revenu agricole mensuel et dépenses en intrant, par culture et par région) : ces cultures représentent une faible part du revenu issu des ventes agricoles (revenu en numéraire). Les surfaces de tanety cultivées par ménage sont, de plus, beaucoup plus faibles que les surfaces de rizières cultivées et les dépenses en intrants pour les surfaces de tanety sont également très faibles :

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Tableau 16 sur les surfaces de terres cultivées, valeurs de terres, dépenses en intrants

Ces cultures à caractère vivrier représentent une source de revenus monétaires peu importante et font peu l'objet de demande de financement.

Nous avons cependant remarqué une différenciation des activités suivant les ethnies dans la partie 2-3 : le système de production des Antandroy est basé sur les cultures sur baiboho. Pour cette

ethnie, les cultures d'arachide et de maïs sont des sources de revenus non négligeables et sont l'objet de demande de financement, en particulier pour le labour des terres.

4.2. L'élevage

Lors de notre étude, nous avons observé les élevages suivants sur la Plaine :

• l'élevage de zébus. Celui-ci peut revêtir différents caractères : engraissement de zébus, élevage de zébus de trait, reproduction de zébus, thésaurisation, troupeau d'effectif important à caractère social (prestige social). Dans les villages visités, le nombre d'effectif maximum pour un ménage était de 50 têtes. La majorité des ménages possède entre 0 et 4 têtes.

• l'élevage porcin : reproduction et/ou engraissement. Le nombre de têtes par ménage est de maximum 6, d'après nos enquêtes. Il existerait quelques élevages porcins intensifs qui se

seraient développés avec l'aide du Projet d'Appui à l'Elevage à Cycle Court (VSF). Rares sont les cas où l'élevage porcin est mené avec une logique intensive. Les agriculteurs sont intéressés par la commercialisation de leurs animaux et l'approvisionnement (aliments), mais peu le sont par l'intensification (communication du Conseiller Technique Permanent, CIDR). En effet, la Maison du Petit Elevage (Vétérinaire Sans Frontière) a tenté de mettre sur pied un suivi de l'alimentation chez des éleveurs, mais cette opération s'est soldée par un échec du fait du désintéressement des éleveurs. Pour certaines personnes de la Plaine, l'élevage porcin est

faddy (interdit, tabou) : nous avons recontré des villages quasi entiers où il n'était pas

partiqué. De plus, les porcs étant nourris avec le son du riz, cet élevage est complémentaire et lié à l'activité rizicole.

• la majorité des ménages élève des volailles (poules, canards, oies, dindons).

Tous les élevages sont de type extensif : le petit élevage est laissé en liberté dans le village la journée et parqué dans des porcheries, des poulaillers la nuit et, les zébus sont soit parqués près de la maison toute la journée (accrochés à un piquet) lorsqu'ils sont peu nombreux (moins de 4), soit emmenés à pâturer sur les tanety ou des pâtures éloignées par un gardien.

Le petit élevage (porcs, volailles) a connu un essor lors de l'arrêt des crédits institutionnels en 1987 sur la zone (voir encadré de la chronologie) : les paysans élevaient leurs animaux afin de financer leurs activités (main-d'oeuvre salariée pour le riz, fonds de commerce,...). L'élevage représente une importante source de revenus : 13,9 % du revenu total provient de l'élevage dans la région de Marovoay (tableau 1 sur la part des différentes sources de revenus dans le revenu total par région). Bien que assez risqué21 (maladies pour le petit élevage, absence de couverture sanitaire dans la Plaine, vol de bovidés), il est considéré comme un placement, une épargne ou une assurance par les paysans : ils vendent leurs animaux pour faire face aux difficultés (maladies, mort, soudure,...), ils placent leur argent (principalement à la récolte jeby) dans des animaux qu'ils revendent pour financer leurs travaux rizicoles. Les animaux représentent des liquidités facilement mobilisables du fait de l'existence de plusieurs marchés, notamment de marchés aux zébus hebdomadaires, dans la Plaine (Rive Droite et Rive Gauche). Pour certains ménages, les revenus issus du petit élevage représentent l'essentiel des entrées monétaires, leur production rizicole étant insuffisante pour couvrir leurs besoins alimentaires (CIDR, 1990).

Les besoins de financement en termes d'élevage concernent l'achat des animaux (surtout pour les zébus), leur alimentation22 et un peu les produits vétérinaires.

La pêche (avec un filet artisanal) est pratiquée par de nombreux ménages. Elle est une source d'apports protéiques pour ces derniers et peut également être une source de revenus, surtout pour les ménages pauvres.

4.3. L'artisanat

Nous avons rencontré des menuisiers (fabricants de charrettes, de herse, de charrue, de meubles, de maison,...), des tresseuses de nattes et de paniers, des fabricants de filets de pêche (qui sont ensuite loués ou vendus), des couturiers, ... Mais la riziculture restait leur activité principale. Les activités artisanales semblent peu développées dans la région. Pour les menuisiers, par exemple, la demande en matériel agricole est faible et ne leur procure que peu de revenus (1-2 commandes par an). Du fait de la demande peu importante (faible pouvoir d'achat des ménages

ruraux), l'artisanat est encore trop limité pour constituer un besoin conséquent de financement.

21 69 % des comptes d'exploitation de l'activité élevage se soldent par une perte, d'après les enquêtes menées par le CIDR en 1996 (CIDR, 1996¹).

22 En juillet 98, le prix du son a fortement augmenté avec l'arrivée massive d'acheteurs d'Antananarivo et certains agriculteurs ont été contraints de vendre leurs cochons. Question soulevée : jusqu'à quel prix du son (investissement dans l'alimentation) l'élevage porcin reste-t-il rentable ?

4.4. Le commerce

Comme l'artisanat, le commerce est généralement une activité secondaire pour les ménages, à part les Karana. Dans la partie 2-3, nous avons noté que les Karana exercent de nombreuses activités commerciales dans la région : pharmacie, commerces de gros, épiceries en ville, collecteurs, etc. Ne pouvant être propriétaires de rizières, le commerce est leur activité principale. Grands collecteurs, ils sont également des prêteurs informels pour les paysans de la Plaine (prêts de carburant pour la pompe, remboursés à la récolte en paddy, par exemple). Nous avons peu d'informations sur le fonctionnement de ce groupe en matière financement : ils ont généralement accès au secteur bancaire et nous supposons que, leur groupe étant très fermé, ils possèdent leur propre circuit informel. N'habitant pas dans les villages, ils ne seraient pas concernés par des caisses villageoises. De plus, le "racisme malgache-indien" les exclut de toute organisation dont le fonctionnement serait basé sur une entente mutuelle entre les participants.

Dans les villages, certains agriculteurs possèdent des bars, des "épi-bars" (épicerie et bar associés), des épiceries, des décortiqueries et/ou effectuent la collecte de paddy. Dans les régions d'enquête de l'IFPRI-FOFIFA - dont fait partie la Plaine de Marovoay - 95 % des transactions se font en cash pour tous les types de produits (Minten et al, 1998¹) : le crédit joue un rôle très minime dans le marché des produits agricoles que ce soit entre les producteurs et les consommateurs ou les collecteurs.

Une demande de financement de la part des commerçants existe et l'assouvir nécessiterait des crédits à la commercialisation. En effet, d'après Isabelle Droy (1997), les collecteurs étaient à court

de crédit à la commercialisation en 1995 et 1996 ; la collecte fut interrompue et lorsqu'un collecteur arrivait avec des fonds, il imposait son prix, le plus bas possible. De tels crédits bénéficieraient donc aux commerçants, mais aussi aux producteurs : nous avons noté dans la partie 3-5 qu'un meilleur accès au crédit des commerçants minimiserait les variations des prix agricoles.

Nos enquêtes de ménages révèlent des demandes de crédit pour le transport, le fonds de roulement d'épicerie, le commerce de paddy.

Les activités commerciales dépendent de l'acitivité rizicole : le principal produit commercialisé est le riz et sa production détermine le pouvoir d'achat des paysans (qui est plus élevé à la récolte jeby). Elles sont donc saisonnières.

4.5. Le salariat

Il est principalement agricole, et même rizicole, sur la Plaine. Comme nous l'avons décrit dans la partie 3-3-3, il est saisonnier et cette saisonnalité induit des salaires agricoles journaliers assez élevés. Le salariat agricole est une source monétaire, utilisée surtout par les ménages pauvres - qui n'ont pas de stocks de produits, ni d'élevage à vendre ou accès au crédit formel (les crédits formels sont plutôt destinés à l'achat de nourriture) - pour financer leurs propres travaux. Les pauvres doivent aller travailler sur les terres des autres comme salariés avant d'entreprendre les travaux sur leurs propres terres23 (CIDR, 1990) : ils sont alors en retard par rapport au calendrier cultural ce qui affecte leurs rendements rizicoles. L'accès au crédit de ces agriculteurs leur

permettrait d'augmenter ou du moins de stabiliser leurs rendements grâce à une installation de leurs cultures "dans les temps".

A part quelques cas de salariés "permanents" (fonctionnaires, entreprises, projets), un autre type de salariat est assez répandu dans la zone : les gardiens de troupeau de zébus (des jeunes hommes) reçoivent des salaires en espèces, complétés par des revenus en nature (têtes de zébu), ce qui permet à leur famille de recevoir des revenus complémentaires non négligeables.

23 Le riz doit être installé rapidement et tout ménage cultivant des rizières doit faire appel à de la main-d'oeuvre extérieure salariée (entraide quasi inexistante sur la Plaine).

4.6. Une importante source de revenus : le faire-valoir indirect

D'après le tableau 1 (sur la part relative des différentes sources de revenus dans le revenu total par région), la location est une importante source de revenus sur la Plaine : elle représente 12,3 % du revenu total des ménages de la Plaine. Le métayage rapporte également beaucoup aux propriétaires : le contrat le plus répandu serait le "50/50"24. Les pratiques de location et de métayage sont décrites dans la partie 3-3-1.

4.7. Les prêts informels

Les prêteurs sont des commerçants (Karana ou autres), de riches agriculteurs. Les prêts informels concernent principalement l'achat de nourriture pendant la période de soudure et au début des travaux rizicoles jeby (situés à la fin de la période de soudure) et parfois au paiement de la main-d'oeuvre agricole. Dans la plupart des cas, le taux est de 100 % : pour un prêt de 25 000 Fmg à la soudure (en février-mars), le remboursement s'élève à 50 000 Fmg ou un sac de paddy de 4 vats25 à la récolte (en septembre-octobre). D'après nos enquêtes, les taux varient entre 150 et 50 % suivant la confiance qui s'est établie entre le prêteur et l'emprunteur : un prêteur diminue sontaux lorsqu'il a déjà effectué à plusieurs reprises des prêts à un emprunteur et que ceux-ci ont été remboursés comme convenu. Les seules garanties du prêteur sont sa connaissance de l'emprunteur (confiance en celui-ci) et la menace de ne plus lui octroyer de nouveaux prêts en cas d'impayé. Le prêteur espère pouvoir louer les terres de l'emprunteur si celui-ci éprouve des difficultés à le rembourser. Un système financier pourrait s'inspirer de telles garanties (l'interconnaissance, la

menace de non-accès au crédit) en les renforçant afin de diminuer les risques et les taux des crédits.