• Aucun résultat trouvé

Les Associations d'Epargne et de Crédit Autogérées de la Plaine de Marovoay

3. La structuration du réseau fut amorcée en 1995 par la création des Unions d'AECAs

3.1.3. Le refinancement affecté ou crédit sur dossier

Ce type de prêt concerne le financement de crédits de montants plus importants (plusieurs millions de Fmg - plafond de 10 millions de Fmg par demande), sur de courts termes (moins de un an). Il a été élaboré par le projet pour financer les activités productives à court terme (commerce, élevage) dans le but de diversifier le portefeuille du réseau, jusqu'ici très dépendant de la production rizicole jeby, et d'en augmenter le volume des activités (souci d'autonomie et de viabilité financière).

Il a débuté en 1997 : huit dossiers ont été financés pour un total de 34,1 millions de Fmg, dont six pour la collecte de paddy, un pour un bar et le dernier pour l'élevage de porcs. Le projet désire effectivement améliorer la commercialisation des produits agricoles par le financement des collecteurs locaux (comm. Technique Permanent, CIDR). Cependant ce choix ne lui permet pas réellement de diminuer les risques inhérents à la production de paddy : la collecte présente des risques covariants à celle-ci. L'octroi de ces crédits a lieu en juin-juillet, avant la récolte jeby, et les objets financés par ces crédits sont souvent liés à cette récolte : collecte de paddy, élevage de porcs nourris avec du son de riz, bar dont les bénéfices dépendent des revenus des agriculteurs à la récolte

jeby.

Il semble que de nombreuses caisses hésitent à se lancer dans ce type de financement (CIDR, 1998) :

- elles jugent le risque trop élevé pour la caisse (qui se porte garant de l'emprunteur) et attendent de voir comment se sont effectués les premiers crédits sur dossier ;

- leurs fonds permanents sont insuffisants pour bénéficier d'un refinancement suffisant pour être rentabilisé (le montant de l'enveloppe accordée à une caisse est limité à une fois les fonds permanents de l'AECA) ;

- les demandeurs potentiels manquent de garanties matérielles : en plus des 20-30 % d'apport personnel (nos enquêtes), des garanties matérielles sûres sont exigées, compte tenu des sommes importantes en jeu. Le projet a maintenu cette exigence bien que les membres des caisses en demandent la levée (CIDR, 1998).

.

Ce crédit est en phase d'installation, d'expérimentation. Nous avons pourtant observé une meilleure information des caisses sur ce produit par rapport au crédit équipement : ce crédit semble les intéresser (il répondrait à une demande potentielle), malgré les conditions sévères dont il est doté.

3.2. Le crédit "interne"

Cette activité de crédit est "totalement autogérée, à partir de fonds propres constitués de l'épargne de ses membres", par chaque caisse (CIDR, 1990). Elle existe depuis la création des caisses et connaît un développement fonction généralement de l'ancienneté de celles-ci : le rapport encours moyen fonds propres sur encours moyens crédits est passé de 0,22 à 0,27 entre 1996 et 1997 (tableau 20 sur l'évolution des principaux indicateurs de 1991 à 1997).

Ces crédits sont gérés par le comité de gestion de chaque caisse, qui étudient les demandes de crédit interne, les octroient suivant la disponibilité des fonds de la caisse et l'éligibilité du demandeur. Les délais de déblocage sont d'environ 1-2 semaines. Ces crédits sont ouverts à toutes demandes concernant des activités productives. Les taux pratiqués sont décidés en Assemblée Générale, mais les caisses uniformisent généralement les taux avec ceux des crédits sur refinancement, soit 4 % par mois en 1998 pour les caisses que nous avons enquêtées. La durée des prêts est comprise entre 5 et 10 mois pour les activités productives ; elles dépendent de l'objet du crédit et sont décidées en Assemblée Générale.

Dans les caisses que nous avons visitées, les membres distinguent quatre types de crédit selon les objets financés :

• Le crédit de campagne asara.

Ce crédit est destiné aux travaux agricoles pendant la saison des pluies, concernant en

particulier le riz asara (voir "le milieu physique et les différentes cultures rizicoles" du contexte) : il est octroyé en décembre-janvier et remboursé environ six mois après. Dans certaines caisses, ce crédit n'existe pas : comme le village est au centre de la Plaine, entouré de rizières, les membres ne pratiquent pas ou peu des cultures pluviales ou du riz asara. De

plus, les années où certaines caisses n'ont pas eu accès au refinancement, ces dernières ont privilégié le financement de la campagne jeby aux dépens des autres objets de crédit intene (campagne asara, élevage, commerce, dépannage).

• Le crédit élevage.

Son existence dans le statut (Règlement Intérieur) des caisses semble récente51 (nos enquêtes). Il connaît un succès inégal suivant les caisses. Dans trois caisses sur quatre (nos enquêtes), les demandes des membres sont faibles, voire nulles. Tandis que dans la quatrième

51 Le crédit élevage existe depuis 1997 pour deux caisses que nous avons enquêtées de la Rive Droite (dont une caisse créée en 1991). Nous ne savons pas la date de création de ce crédit dans les deux autres caisses.

caisse, l'élevage est l'objet de nombreuses demandes : élevage de volailles, de cochons, de zébus. Cette dernière caisse n'octroie pas de crédit de campagne asara (pas de demandes).

Les différences entre les caisses s'expliquent par leur contexte, de la gestion des fonds disponibles et de l'adaptabilité des produits du système : les trois premières privilégient les travaux agricoles asara par rapport à l'élevage, jugé plus risqué, et la dernière l'élevage, ses membres ne cultivant pas de terres en période asara.

• Le crédit commerce.

Il existe dans les statuts de toutes les associations depuis la création des caisses (nos enquêtes). Il finance le petit commerce comme les transactions de paddy, de poissons séchés, le commerce de poules, le fonds de roulement des épiceries des villages, etc.. Une fois le crédit asara remboursé, certaines caisses effectuent un deuxième octroi pour des activités de commerce (en juillet). D'autres, où la demande de crédit de campagne asara est moins importante, en octroient en novembre, décembre, janvier, après la récolte jeby, période d'activités commerciales intenses sur la Plaine (moment où le pouvoir d'achat des paysans est le plus important de l'année).

Pour les crédits commerciaux, des paysans se sont plaints des dates de déblocage et des montants limités52 qui ne leur permettent pas de rentabiliser leur commerce. Nous avons vu dans la partie contexte (paragraphe "le commerce") que les activités commerciales sont saisonnières, liées aux activités agricoles : les paysans souhaitent un déblocage en septembre-octobre (début de la récolte jeby) et un remboursement en début de période de soudure53. Or à ce moment de l'année, les caisses n'ont généralement pas assez de fonds pour effectuer des prêts commerciaux54. Le projet est conscient de cette demande, mais il considère que le

refinancement ne peut financer ces activités, compte tenu qu'il finance déjà les activités agricoles (obligation de choix entre les activités agricoles et commerciales) : cela engendrerait plusieurs périodes de décaissement, les périodes d'activité étant décalées, ce qui présenterait un risque important pour le système (remboursement d'un crédit externe par un autre crédit externe d'où des dysfonctionnements graves en cas d'arrêt du refinancement). Une solution serait de demander aux membres de déposer suffisamment en

avance leurs demandes afin que les caisses réservent des fonds pour ces activités commerciales. Le problème reste cependant le montant des crédits octroyés, les ressources internes de la majorité des caisses ne permettant pas encore l'octroi des sommes demandées.

• Le crédit dépannage.

Il est octroyé en cas de maladie, de mort, de problèmes graves, pour secourir, dépanner le membre. Les modalités, décidées en Assemblée Générale, diffèrent entre chaque caisse : son taux peut être nul ou égal aux autres crédits internes, sa durée est courte (un à trois mois), son plafond est compris entre 50 000 et 150 000 Fmg.

Le projet souhaite les limiter : ces crédits sont considérés comme risqués, ne finançant pas d'activités productives (CIDR, 1994). De plus, leur part dans les montants octroyés cumulés pour 1997 s'élevait à 4,8 % (CIDR, 1998), pourcentage jugé trop élevé par le projet (comm. Conseiller Technique Permanent, CIDR) : ce crédit s'octroie dans l'urgence, le contrôle en est difficile et le projet pense que des membres des comités de gestion en profiteraient.

52 Car dépendants des fonds disponibles en caisse et des demandes de tous les membres.

53 Afin de bénéficier de l'augmentation des prix des produits pour les transactions de produits (surtout de paddy) et parce que le reste de l'année, le pouvoir d'achat des agriculteurs est faible (faible rentabilité des épiceries et bars).

54 Soit elles ont déjçà tout prêté (deuxième octroi de crédit interne en juillet), soit elles ne financent que la campagne

L'objet principal financé semble être les campagnes rizicoles, asara et jeby55 : le riz est l'activité prioritaire de la Plaine (voir la partie contexte). Les caisses développent d'autres produits financiers une fois qu'elles ont répondu aux besoins des campagnes rizicoles , hors il apparaît que les ressources internes sont encore insuffisantes pour développer réellement d'autres produits financiers comme des crédits commerciaux, élevage ou artisanaux.

A l'initiative de ses membres, une caisse a développé un produit financier supplémentaire : un grenier de solidarité. L'épargne est collectée en nature (paddy), puis redistribuée soit sous forme de crédits en nature, soit comme dotations en cas de décès et de funérailles. L'excès du grenier est vendu afin d'augmenter les capitaux de la caisse (CIDR, 1994). D'après des enquêtes menées en 1996 par le CIDR auprès de membres et de non-membres (CIDR, 1996¹), 98 % des membres interrogés (80 personnes au total) sont intéressés par un tel produit. La généralisation de celui-ci n'a cependant pas marché. Quelques caisses (environ 6-7) avaient élaboré, vers 1994, un paragraphe dans leur Règlement Intérieur à ce sujet, mais elles n'ont pas réussi à collecter le paddy, les membres n'étant pas assez sensibilisés (comm. Conseiller Technique Permanent, CIDR). Cet échec de la diffusion de ce produit a plusieurs explications :

- la caisse, où s'est développé le grenier, connaît une cohésion très forte entre les membres que l'on ne retrouve pas dans les autres caisses (comm. Conseiller Technique Permanent, CIDR) ; - les caisses ne disposent pas de bâtiment pour stocker le paddy ;

- la gestion de crédits en nature nécessite un travail d'animation, de formation qui représente des coûts élevés.

De plus, le projet a choisi de financer les collecteurs (voir le paragraphe sur les crédits sur dossier), afin que les agriculteurs aient accès à un marché local pour leurs produits à tout moment de l'année, plutôt que des greniers villageois (comm. Conseiller Technique Permanent, CIDR), qui permettraient aux agriculteurs de bénéficier de l'augmentation des prix en période de soudure (voir paragraphe "la commercialisation du riz" de la partie contexte). Le projet songe à des produits de type "grenier villageois", financés à partir d'un crédit sur dossier collectif, mais le problème de la formation pour la gestion d'un tel produit réside. D'après le projet, la mise en place de telles structures nécessite des moyens importants en personnel pour effectuer l'animation, la formation et le suivi (comm. Conseiller Technique Permanent, CIDR).

3.3. Performances et spécificités des crédits