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Chapitre I : Généralités sur les télomères

III. Les protéines des télomères

IV.2. Les ARN TERRA

Une autre particularité des plantes est qu’en plus des C situées en contexte CG, les C situées en contexte CHG ou CHH (H représentant un autre nucléotide, A, T ou G) peuvent aussi être méthylées. Ainsi les C localisées dans les répétitions télomériques TTTACCC sont des cibles potentielles de la méthylation. Il a été montré à plusieurs reprises la méthylation de ces C (Cokus et al., 2008; Vrbsky et al., 2010; Ogrocka et al., 2014). L’induction d’une hypo-méthylation de l’ADN télomérique induit un raccourcissement des télomères. Le mécanisme sous-jacent n’est pas encore déterminé, toutefois l’activité de la télomérase n’est pas affectée laissant supposer que le changement d’état chromatinien empêche l’accès de celle-ci aux télomères (Ogrocka et al., 2014).

Le caractère bivalent de la chromatine télomérique peut être la cause de l’absence de TPE chez A. thaliana.

IV.2. Les ARN TERRA

Malgré l’environnement chromatinien hétérochromatique, les télomères ont été découverts comme transcrits, donnant naissance à une classe de longs ARN non codants contenant des répétitions télomériques nommés TERRA (Telomeric Repeat-containing RNA ; Azzalin et al., 2007; Schoeftner and Blasco, 2008). La transcription des télomères est une caractéristique largement conservée puisque qu’elle a été rapportée dans de nombreux organismes tels que les mammifères, les oiseaux, le « zebrafish », les plantes ainsi que les levures.

IV.2.a. Biogenèse & structure

La transcription des ARN TERRA s’effectue à partir de plusieurs loci subtélomériques en utilisant le brin riche en C comme matrice (Figure 13 ; Azzalin et al., 2007). Il est suspecté que la transcription des télomères représente un challenge pour la polymérase et que seulement une fraction de télomères sont entièrement transcrits, ce qui est en accord avec l’hétérogénéité de taille des ARN TERRA (de 100 pb à 9 kb chez les mammifères ; Azzalin et al., 2007).

Les ARN TERRA sont principalement synthétisés par la l’ARN polymérase II (RNAPII ; Luke et al., 2008; Schoeftner and Blasco, 2008; Bah and Azzalin, 2012). De ce fait, ils portent une coiffe 7-méthylguanosine à leur extrémité 5’ (Porro et al., 2010) et sont, au moins en partie,

 

polyadénylés en 3’ (environ 10% chez l’humain ; Azzalin and Lingner, 2008) à pratiquement la totalité chez la levure S. cerevisiae (Luke et al., 2008). La polyadénylation des TERRA influence positivement leur stabilité ainsi que négativement leur association avec la chromatine (Porro et al., 2010).

En plus des ARN TERRA, d’autres longs ARN non codants proviennent des extrémités des chromosomes (Figure 13). On retrouve l’ARN ARIA, antisens au TERRA, transcrit à partir du brin riche en G et contenant des répétitions télomériques ; l’ARN ARRET, complémentaire à la région subtélomérique des ARN TERRA et ne présentant pas de répétitions télomériques, et l’ARN α-ARRET complémentaire de l’ARN ARRET. Ces ARN télomériques ont été caractérisés chez la levure S. pombe (Greenwood and Cooper, 2012; Bah et al., 2012). Les ARN ARRET existent aussi chez S. cerevisiae (Luke et al., 2008). Les tentatives de détection des ARN ARIA ont échoué en cellules de mammifères et chez S. cerevisiae (Azzalin et al., 2007; Luke et al., 2008; Schoeftner and Blasco, 2008). Néanmoins, il reste possible que des ARN ARIA instables et rapidement dégradés soient transcrits dans ces organismes. En revanche, les transcrits ARIA ont été détectés chez A. thaliana (Vrbsky et al., 2010). L’existence des ARN α-ARRET reste à tester dans tous les organismes hormis chez S. pombe.

IV.2.b. Fonctions

De la même manière que les longs ARN non codants, les ARN TERRA participent à la régulation de processus biologiques, ce qui a ouvert un nouveau domaine dans la compréhension de l’homéostasie télomérique.

Régulation de la longueur des télomères : L’augmentation de la transcription des TERRA induit un raccourcissement des télomères chez S. cerevisiae (Pfeiffer and Lingner, 2012). Plusieurs mécanismes ont été décrits pouvant expliquer ce raccourcissement. Dans un premier temps, il a été suggéré que les TERRA perturberaient les activités protectrices des complexes KU70/KU80 et/ou CST envers les attaques nucléolytiques soit en les séquestrant (étant donné que TERRA interagit physiquement avec l’hétérodimère KU70/KU80) soit en augmentant l’accessibilité des télomères aux nucléases (Pfeiffer and Lingner, 2012). De plus, les TERRA interagissent in vitro

 

avec la télomérase afin d’inhiber son action (Redon et al., 2010). Cependant in vivo (en cellules humaines) des protéines, comme hnRNPA1 (heterogeneous nuclear Ribonucleoprotein A1), se lient aux ARN TERRA pour prévenir cette inhibition et permettre une régulation fine de l’action de la télomérase au cours du cycle cellulaire (Redon et al., 2013). L’association des TERRA avec la télomérase est conservée chez S. cerevisiae et il a été démontré que la transcription des télomères courts est augmentée de façon à recruter la télomérase au niveau de ces télomères afin de favoriser leur élongation (Cusanelli et al., 2013). Enfin, en formant des R-loop, les ARN TERRA contribuent à la maintenance des télomères via la stimulation de la recombinaison homologue (Balk et al., 2013).

Régulation de la composition protéique des télomères : Les ARN TERRA peuvent provoquer des changements dans la composition protéique des télomères en modifiant leur abondance et leur capacité à recruter des enzymes capables de modifier les télomères. Au cours du cycle, en cellules humaines, les niveaux de TERRA sont élevés en G1, déclinent pendant la phase S et ré-augmentent en G2 (Porro et al., 2010). Pendant la phase S, le complexe RPA se lie à l’ADN simple brin favorisant la réplication. Or les répétitions télomériques simple brin sont liées par POT1 durant la plupart des stades du cycle cellulaire. Il semble que l’action de ces protéines soit coordonnée à la fin de la phase S grâce aux ARN TERRA (Flynn et al., 2011). A défaut de pouvoir se lier aux ARN TERRA qui sont présents en faible quantité pendant la phase S, hnRNPA1 se lie aux répétitions télomériques simple brin déplaçant ainsi les protéines RPA. Quand les TERRA s’accumulent de nouveau au début de la phase G2, hnRNPA1 se dissocient de l’ADN télomérique pour séquestrer les TERRA autorisant ainsi la liaison de POT1 sur l’ADN télomérique simple brin (Flynn et al., 2011). De plus, les transcrits TERRA participent également au remodelage des télomères dysfonctionnels. En absence de TRF2, le complexe MRN (MRE11, Meiotic recombination 11/NBS1, Nijmegen Breakage Syndrome 1/RAD50, Radiation sensitivity abnormal 50) recrute la protéine LSD1 (Lysine-Specific Demethylase 1) au télomère afin de stimuler son activité et de permettre l’élimination de façon efficace de l’extrémité 3’ simple brin, étape nécessaire pour la prise en charge du télomère par les voies de réparation NHEJ. Dans ce contexte, il a été démontré que la transcription des ARN TERRA est augmentée et ces transcrits

 

se lient in vitro et in vivo à LSD1 afin d’augmenter son affinité pour le complexe MRN (Porro et al., 2014). Ce mécanisme, à ce jour démontré qu’en absence de TRF2, pourrait être mis en place en contexte physiologique (e.g. senescence cellulaire, tumorigenèse).

Régulation de la chromatine télomérique : Les ARN TERRA, comme les autres longs ARN non codants, sont considérés pour avoir la capacité d’influencer épigénétiquement les séquences à partir desquelles ils proviennent. Une portion des transcrits télomériques chez A. thaliana sont transformés en siRNA (small interference RNA) qui sont cruciaux pour la maintenance de la méthylation des C télomériques via la voie RdDM (RNA-Dependant DNA Methylation ; Vrbsky et al., 2010). La voie RdDM est un mécanisme spécifique des plantes qui utilisent les siRNA pour guider les méthyltransférases aux C asymétriques (en contexte CHH). Un rôle causal des transcrits TERRA pour la formation de l’hétérochromatine des télomères apparaît chez A. thaliana, mais ce rôle ne semble pas être spécifique aux plantes. Des petits ARN contenant des répétitions télomériques ont aussi été rapportés en cellules souches embryonnaires de souris (Cao et al., 2009). De plus, l’interaction des ARN TERRA avec TRF2 est critique pour maintenir les protéines (HP1) ainsi que les marques histones (H3K9me3) hétérochromatiques aux télomères (Deng et al., 2009b)

IV.2.c. Régulation

L’association physique des TERRA avec les télomères ainsi que leur implication dans la régulation de la longueur et la composition protéique des télomères indiquent la nécessité de réguler de façon étroite ces longs ARN non codants afin d’éviter une altération de la stabilité télomérique. Cette régulation encore mal connue à ce jour fait l’objet de nombreuses études.

Régulations transcriptionnelles : Le premier niveau de régulation des TERRA est transcriptionnel. Les séquences promotrices nécessaires à la transcription des TERRA ont été identifiées sur environ la moitié des régions subtélomériques humaines et présentent des répétitions en tandem riche en dinucléotides CpG (Nergadze et al., 2009). La RNAPII se lie aux promoteurs des TERRA in vivo et son activité transcriptionnelle est réprimée par la méthylation établie de façon coopérative par les méthyltransférases ADN, DNMT1 et DNMT3a

 

Methyltransferase 1 et 3a ; Nergadze et al., 2009). L’expression des ARN TERRA humains est également régulée de façon négative par la méthyltransférase histone H3K9, SUV39H1 (Suppressor of Variegation 3-9 Homolog 1) et la protéine liant ces H3K9me3, HP1 (Arnoult et al., 2012). Les îlots CpG des séquences promotrices des TERRA sont souvent précédés par un site de liaison au régulateur CTCF (CCCTC-binding Factor) ainsi qu’à la sous-unité RAD21 du complexe cohésine (Deng et al., 2012). Ces protéines favorisent la transcription des télomères étant donné que leur délétion entraîne une diminution de l’expression des TERRA (Deng et al., 2012). De plus, il semble que les protéines télomériques régulent également la transcription des TERRA. Après délétion de la protéine TRF2, l’expression des transcrits TERRA est augmentée (Porro et al., 2014) tandis qu’après délétion de la protéine TRF1, celle-ci est diminuée (Schoeftner and Blasco, 2008). Chez S. cerevisiae, Rif1 et Rif2 répriment la transcription des TERRA au niveau de tous les télomères tandis que les protéines Sir contribuent à cette répression qu’aux télomères contenant l’élément Y’ au niveau subtélomérique (Iglesias et al., 2011).

Régulations post-transcriptionnelles : Les principales régulations post-transcriptionnelles des ARN TERRA mises en évidence concernent les TERRA sous forme de R-loop.

Les R-loops télomériques (impliquant les transcrits TERRA) ont été détectés chez la levure S. cerevisiae. Le complexe multiprotéique THO (Thp2/Hpr1/Tho2/Mft1/Tex1) ainsi que les endonucléases ARN RNaseH1 et RNaseH2 diminuent fortement leur abondance au sein d’une cellule sauvage dans laquelle une minorité de molécules TERRA est engagée dans une telle conformation (Balk et al., 2013; Pfeiffer et al., 2013). Ces protéines agissent respectivement en empêchant la formation de ces hybrides ou en les éliminant par clivage de la partie ARN. La capacité de la protéine Pif1 (Petite integration frequency 1) à défaire les hybrides ADN-ARN in vitro (Boule and Zakian, 2007), fait de cette hélicase une autre candidate potentielle pour la résolution des R-loops télomériques chez S. cerevisiae.

Chez les mammifères, de nombreux facteurs ont été impliqués dans la régulation de ces R-loops. Des membres de la machinerie NMD (Nonsense-Mediated RNA Decay), comme UPF1 (Up-Frameshift 1) et EST1A, préviennent l’accumulation excessive des transcrits TERRA aux télomères ainsi que la perte brutale de répétitions télomériques en cellules humaines cancéreuses

 

(Azzalin et al., 2007). L’analyse de ces mêmes cellules déficientes pour la protéine UPF1 établit que les défauts télomériques proviennent principalement de problèmes réplicatifs du brin direct (Chawla et al., 2011). Ceci suggère qu’en absence de UPF1, les cellules accumulent des structures sur le brin riche en C répliqué via la formation d’un brin direct, qui perturbent la réplication en bloquant la progression de la fourche au sein des répétitions télomériques. Les ARN TERRA étant transcrits à partir de ce brin riche en C peuvent s’hybrider avec celui-ci. Etant donné l’accumulation des TERRA aux télomères (Azzalin et al., 2007) et les problèmes réplicatifs du brin direct (Chawla et al., 2011), en absence de UPF1, il en a été conclu que UPF1 permettait le déplacement et peut-être la dégradation des TERRA des télomères. Il a été montré par le même raisonnement que l’endonucléase FEN1 (Flap Endonuclease 1) élimine les R-loops télomériques (Teasley et al., 2015). Cela fut confirmé par l’expression ectopique de la RNaseH1 qui restaure les défauts de réplication du brin direct observés en absence de FEN1 (Teasley et al., 2015). De la même façon que l’hélicase Pif1 de S. cerevisiae, l’hélicase PIF1 humaine a été montrée comme capable de défaire les R-loops in vitro (Zhang et al., 2006).

La présence de R-loops télomériques a également été montrée en cellules ALT. La transcription des TERRA est augmentée aux télomères en absence d’activité télomérase et les R-loops en résultant sont principalement éliminées par la RNaseH1 en cellules ALT (Arora et al., 2014). Une mutation de la protéine ATRX (α-Thalassemia/mental Retardation syndrome X-linked), responsable du remodelage de la chromatine des régions répétées vers un état hétérochromatique, est souvent associée aux cellules cancéreuses ALT (Heaphy et al., 2011; Schwartzentruber et al., 2012). Cette perte de ATRX compromet la régulation des TERRA au cours du cycle cellulaire en entraînant des niveaux de TERRA associés au télomères qui persistent au cours de la phase S/G2 (Flynn et al., 2015). Cela suggère que ATRX favorise le déplacement des transcrits TERRA dans ces cellules.

Depuis la découverte des hybrides ADN-ARN impliquant les TERRA, de nombreux facteurs (cités ci-dessus) semblent participer à leur métabolisme mais l’implication exacte de ces protéines reste à présicer.

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