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B.3 Le stress hydrique chez les arbres

B.3.2 Le stress hydrique chez le pin maritime

B.3.2.1 Les approches physiologiques

Les travaux précurseurs de Guyon (1980 et 1982) ont confirmé la présence d’une variabilité des individus au sein de cette espèce. Les données de mesures morphologiques sur 18 provenances ont permis de distinguer les groupes : Atlantique, Corse, Maroc-Espagne et Tunisie. Les mesures de pression de sève, de transpiration et de teneur en eau des provenances sur des stations différentes indiquent que la variabilité concerne également le comportement hydrique. Les variétés les plus opposées appartiennent aux groupes atlantiques, tunisiens et marocains qui diffèrent sur leurs stratégies de régulation de la transpiration et leur potentiel de base en condition de sécheresse (Guyon 1980; 1982). La sélection naturelle a favorisé les individus les plus adaptés aux conditions climatiques de leur région d’origine en privilégiant la limitation des pertes en eau au détriment de la croissance pour les régions les plus xériques et les meilleurs compétiteurs (les plus efficaces pour l’utilisation de l’eau) dans les zones humides (Alia et al. 1993).

La compréhension du comportement écophysiologique du pin maritime landais vis-à-vis de la disponibilité en eau a été améliorée par le travail de El Hadj Moussa (1989) dans le cadre de sa thèse. L’estimation des apports externes, de l’interception par le couvert, de la transpiration de la strate arborescente et celle du sous-bois, et l’évolution du stock hydrique du sol, ont permis d’établir un bilan hydrique à l’échelle de la parcelle et de l’arbre. Les résultats

Synthèse Bibliographique

montrent une régulation de la conductivité hydraulique et de la conductance stomatique avec une modulation de la transpiration suivant les disponibilités en eau. L’auteur indique que le comportement du pin des landes est du type « évitement ».

Les travaux se sont ensuite répartis entre l’aspect régulation stomatique et l’aspect régulation osmotique.

L’ouverture des stomates va dépendre de nombreux facteurs et aura un impact sur l’assimilation photosynthétique du carbone. La sensibilité stomatique à la sécheresse est très élevée chez le pin maritime comparée à d’autres espèces forestières comme le chêne (Guehl et al. 1994). En condition de déficit hydrique, la conductance stomatique chute et l’efficience d’utilisation de l’eau augmente (Picon et al. 1996). Cependant la conductance stomatique va également dépendre de la conductance du système conducteur des branches et des tiges qui sera fonction de la longueur de ces organes (Warren and Adams 2000). La conductance stomatique diminue avec l’accroissement de la taille ou de l’âge de l’arbre (Delzon et al.

2004). La mesure de la discrimination isotopique du 13C (δ13C) dans les tissus reflète les conditions hydriques et les propriétés hydrauliques du continuum sol-plante-atmosphère lors de l’assimilation du carbone. Nguyen-Queyrens et al. (1998) ont mesuré le δ13C de la cellulose du bois des cernes compris entre 1972 et 1991 sur des pins de 26 ans de provenance landaise et marocaine. Les valeurs de δ13C enregistrées pour les cernes successives ont des variations suivant globalement les évolutions climatiques. Les périodes de sécheresses correspondaient à une augmentation du δ13C. La provenance marocaine avait des valeurs plus négatives de δ13C quelque soit l’âge des cernes. Comme nous l’avons déjà signalé, ce ne sont donc pas forcément les provenances des régions les plus arides qui utilisent au mieux l’eau disponible. Les auteurs ont avancé les hypothèses que la provenance marocaine dont le système racinaire est plus développé serait plus évitante. Brendel et al. (2002) ont identifié des QTL (Quantitative trait Loci) pour le δ13C et ont montré qu’il s’agissait d’un paramètre ayant une héritabilité significative. Il existe donc un déterminisme génétique de la discrimination isotopique du 13C.

Le potentiel osmotique est régulé lors du stress hydrique et est variable entre

génotypes issus du croisement des provenances corse et landaise (Nguyen-Queyrens et al.

2002). Un potentiel osmotique bas va permettre le maintien de la turgescence à des potentiels hydriques bas. L’application d’un stress osmotique par ajout de PEG a induit une diminution du potentiel osmotique des racines de plants marocains et landais. Le stress appliqué était de 69

courte durée (6 jours maximum) pour une intensité comprise entre -0.03MPa et -0.8MPa. Les provenances marocaines ont maintenu une croissance racinaire plus élevée et ont présenté un ajustement osmotique plus efficace que les provenances landaises (Nguyen and Lamant 1989b). Cette dernière caractéristique a été confirmée par Loustau et al. (1995) en exposant des plants d’origines landaises, espagnoles et marocaines à des conditions salines. L’impact du stress osmotique sur la croissance racinaire et le grandissement cellulaire a été étudié en détail par Triboulot (1996) dans le cadre de sa thèse.

Sur les arbres adultes des Landes de Gascogne, il semble que le potentiel hydrique foliaire ne dépasse jamais une valeur seuil de -2.0MPa indépendamment de la gravité et de l’intensité du stress hydrique (Delzon et al. 2004).

Nguyen et Lamant ont analysé des osmolytes pouvant être responsables de cet ajustement

osmotique. Les auteurs ont mesuré la concentration en K+ de plants soumis à un stress

osmotique PEG. Les variations en concentration observées (+30mM) dans les racines de la provenance marocaine par rapport à la provenance landaise peuvent s’expliquer par la simple déshydratation des cellules. Le K+ n’est pas responsable des variations de potentiel hydrique observées (Nguyen and Lamant 1989a). Les auteurs ont également conduit une expérience pour mesurer l’accumulation du D-pinitol et du myo-inositol entre ces deux provenances. Les auteurs ont montré tout d’abord que le niveau de pinitol était 2 à 3 fois plus élevé dans des conditions de bonne alimentation en eau pour la variété marocaine que pour la landaise, tant au niveau des racines qu’au niveau des parties aériennes. Le pinitol était accumulé de façon similaire entre les deux provenances lors du stress. Les concentrations de Myo-inositol semblaient augmenter uniquement dans les racines des plants marocains (Nguyen and Lamant 1988).

Une étude de Lamhamedi et al. (1992) sur la colonisation du système racinaire du pin

maritime par des champignons ectomycorhiziens et l’effet sur le potentiel hydrique à l’interface sol-racine souligne l’impact de telles symbioses sur l’amélioration de la résistance de l’arbre à des conditions sèches.

Les travaux les plus récents de l’équipe d’écophysiologie INRA-EPHYSE, concernent la modélisation des effets des changements climatiques globaux sur la production des forêts françaises (Loustau et al. 2005). Si les modèles prévoient une augmentation de la production sur la période 2030-2050 suivie d’un plateau ou d’un déclin en 2070-2100, les auteurs soulignent aussi l’importance des variations régionales et des espèces cultivées. L’élévation de température et l’allongement de la saison de végétation qui en découlent, profiteront essentiellement aux espèces à feuilles caduques et non au pin maritime. Les espèces ont des

Synthèse Bibliographique

réponses différentes aux augmentations de la teneur en CO2 et au déficit hydrique, le chêne ferme ses stomates si les concentrations augmentent ce qui n’est pas le cas du pin maritime. Finalement, les modèles étudiés prévoient que l’effet positif de l’accroissement en [CO2] sur la production sera inhibé par la sécheresse dans le sud de la France.