• Aucun résultat trouvé

2.2 Les approches de mod´elisation

2.2.2 Les approches mol´ecules centr´ees

Contrairement aux approches r´eactions centr´ees, la vision mol´ecule centr´ee ne s’int´eresse

pas `a la nature des r´eactions mais uniquement aux concentrations des mol´ecules, et `a la

fa¸con dont elles s’influencent. Cette repr´esentation se concentre sur le fait de savoir qui

agit sur qui, mais pas comment. Le syst`eme est consid´er´e comme un ensemble de mol´ecules

ayant des influences positives et n´egatives entre elles. Chaque mol´ecule peut prendre un

nombre fini de valeurs, souvent bool´eennes (0 ou 1). Les approches mol´ecules centr´ees

peuvent ˆetre per¸cues comme ayant un niveau d’abstraction plus ´elev´e car elles n´ecessitent

d’abstraire l’effet des diff´erents acteurs sans consid´erer les m´ecanismes sous-jacents.

Les mod`eles Bool´eens et logiques

Bas´e sur les travaux de Kaufman et Thomas, ces mod`eles consid`erent les effets entre les

mol´ecules, sans prendre en compte ”comment se produit cet effet” [46, 141]. Ce point de

vue ´emerge de l’abstraction des mod`eles diff´erentiels type ODE, o`u l’on observe pour bon

nombre d’interactions en biologie qu’un r´egulateur n’a d’effet qu’au dessus d’un certain

seuil. Pour l’expression d’un g`ene par exemple, la concentration de la prot´eine exprim´ee

peut ˆetre visualis´ee en fonction de son r´egulateur. La mˆeme relation peut ˆetre observ´ee

en signalisation entre la concentration du signal et l’intensit´e de la r´eponse. La sigmo¨ıde

obtenue se caract´erise notamment par une valeur seuilθau dessus de laquelle le r´egulateur

a un effet sur la cible. Cette sigmo¨ıde peut ˆetre approxim´ee, id´ealis´ee, par une fonction

logique (Figure 2.4).

Fig. 2.4: Augmentation du signal (A

p) en fonction de la quantit´e d’activateur (

K). La

sigmoide (en noir) caract´erise la dynamique de A

p

suivant un syst`eme diff´erentiel. Son

comportement est approxim´e en fonction de K (courbe rouge).

Ainsi discr´etis´ee, la mol´ecule cible prend la valeur 1 (pr´esente) au dessus du seuil θ

(r´egulateur = 1), 0 sinon (absente) et r´egulateur = 0. Cette description s’adapte bien

avec les observations biologiques de type : ”en pr´esence/en l’absence de”, ”`a forte/faible

concentration”. Un mod`ele bool´een se repr´esente donc sous la forme d’un graphe orient´e

G= (V, E) o`u V ={v

1

, v

2

, . . . , v

n

} est l’ensemble des noeuds et E est l’ensemble des arc

entre ces noeuds. Ces arcs d´enotent les influences entre les noeuds et permettent d’´etablir

les fonction de transfertsF ={f

1

, f

2

, . . . , f

n

}. Les arcs portent des poids, typiquement +1

ou -1 dans le cadre des mod`eles bool´eens pour d´enoter une influence positive ou n´egative.

Chaque noeud est associ´e `a une fonction de transfert qui d´epend de ses r´egulateurs positifs

et n´egatifs.

Pour repr´esenter la phosphorylation deApar une kinaseK, il est possible d’abstraire la

phosphorylation `a une activation [129]. Ainsi l’´etat actif deA(A= 1) d´epend uniquement

de la pr´esence deK (K = 1). Cette d´ependance est repr´esent´ee graphiquement par un arc,

portant un poids de 1, du noeudK vers le noeud A. De la mˆeme fa¸con la mod´elisation de

la formation du complexe entre A etB est repr´esent´ee par des arcs de poids 1 deA vers

AB et de B vers AB. La repr´esentation de ces r´eactions sous forme de mod`ele bool´een

est illustr´ee en Figure 2.5, les fonctions de transfert permettent d’actualiser les valeurs de

chaque noeud en fonction des noeuds qui l’influencent (Tableau 2.2).

Fig.2.5: Repr´esentation des r´eactions de phosphorylation et complexation avec un point de

vue mol´ecule centr´e. (A) Les noeuds symbolisent les mol´ecules, les arcs les influences entre

ces mol´ecules de telle mani`ere que l’arc entreK etAsignifie queK influence positivement

A. (B) La n´ecessit´e de la pr´esence simultan´e deAetB pour former le complexe ABpeut

ˆetre repr´esent´ee en utilisant un graph bi-partite o`u deux noeuds servent de connecteurs

logique. Le carr´e noir symbolise ici un ”et” logique.

Noeud Fonction de transfert

A A

=K

AB AB

=A et B

Tab. 2.2: Fonction de transfert des noeuds du mod`ele bool´een pr´esent´e en Figure 2.5

La dynamique du mod`ele se fait donc on observant l’´etat du syst`eme sur des pas de

temps discret. L’´etat de syst`eme ´etant un vecteur compos´e de la valeur de chaque noeud.

L’´evolution du syst`eme d´epend du sch´ema dynamique, c’est `a dire l’ordre dans lequel les

valeurs des noeuds sont actualis´ees. Les plus utilis´es sont (i) la dynamique synchrone, o`u

toutes les valeurs sont actualis´ees `a chaque pas de temps, (ii) la dynamique asynchrone

o`u une seule valeur est actualis´ee `a chaque pas. Ces dynamiques sont pr´esent´ees plus en

d´etail dans la partie d´edi´e aux temps dans les mod`eles.

Pour repr´esenter des niveaux plus fins de relation entre diff´erentes mol´ecules, les

mod`eles bool´eens peuvent ˆetre ´etendus aux mod`ele logiques o`u les entit´es peuvent prendre

des valeurs enti`eres. Ceci permet de pr´eciser des influences `a diff´erents niveaux, prot´eine

absente (= 0), faiblement pr´esente (= 1), fortement pr´esente (= 2). Ce niveau de d´etail

est notamment utilis´e pour repr´esenter des mol´ecules qui ont diff´erents effets en fonction

de leur concentration.

Les mod`eles Bool´eens permettent un certain nombre d’analyses, bas´ees pour certaines

sur le graphe de transition d’´etats. Dans ce graphe chaque noeud repr´esente un ´etat du

mod`ele, le graphe est donc de taille 2

n

o`u n est le nombre de noeuds du mod`ele. Cette

d´efinition en fait un graphe explosif en terme de taille, il devient tr`es rapidement compliqu´e

`

a visualiser, voire mˆeme `a g´en´erer d`es une vingtaine de noeuds donc une vingtaine de

mol´ecules. Sur ce graphique il est possible de rechercher diff´erentes propri´et´es issues de la

dynamique du mod`ele : ´etats stables, cycles, bassins d’attraction, etc.

A la diff´erence des mod`eles r´eactionnels, diff´erent type de r´eaction sont ici repr´esent´ees

de la mˆeme fa¸con. L’activation deApar une kinaseK et la formation de complexe deAen

AB, sont toutes deux repr´esent´ees par des arcs. Dans le premier cas, il s’agit d’une r´eaction

enzymatique o`u K n’est pas consomm´ee. A l’inverse la consommation du monom`ere A

semble naturelle lors de la formation d’un complexe mais ici non repr´esent´ee. Dans un

mod`ele bool´een, il n’y a pas r´eellement de notion de consommation ni mˆeme de r´eaction.

Un arc d’un noeud x vers un noeud y n’implique pas la consommation de x suite `a

l’activation dey. Ce point de vue est bien diff´erent de la vision r´eactionnelle des r´eseaux

de Petri. La notion de consommation peut ´eventuellement ˆetre repr´esent´ee par le biais

d’arc inhibiteur (poids = -1), mais le formalisme n’´etant pas con¸cu pour cette notion,

cela alourdi la repr´esentation et reste difficile `a mettre en place en conservant la r´ealit´e

biologique. En pratique cette possibilit´e n’est pas employ´ee.

Les mod`eles bool´eens/logiques ont ´et´e appliqu´es en signalisation. Par simulation, ces

mod`eles permettent de pr´edire l’impact de telle ou telle mol´ecule sur un crit`ere d´efini. A

l’aide d’un mod`ele bool´een comportant 58 noeuds, Zhang et al ont ´etudi´e la survie des

lymphocytes T [157]. Pour cela, ils ont repr´esent´e l’apoptose sous la forme d’un noeud, qui

est activ´e en pr´esence de caspase. En observant la valeur du noeud apoptose en fonction

de diff´erentes initialisations et diff´erentes valeurs de noeuds fix´ees, ils ont mis en ´evidence

des mol´ecules essentielles `a la survie. En effet, en for¸cant l’inactivation d’un noeud il est

possible de mimer l’inhibition d’une prot´eine. Les noeuds induisant l’apoptose lorsqu’ils

sont inactifs, sont donc potentiellement responsables de la survie. Leurs pr´edictions ont de

plus ´et´e valid´ees exp´erimentalement. Dans une approche similaire, Mendoza s’est int´eress´e

`

a la diff´erentiation des lymphocytes T auxiliaires `a l’aide d’un mod`ele logique de 17 noeuds

[97].

Les mod`eles logiques sont aussi utilis´es pour ´etudier la sensibilit´e des voies de

signa-lisation `a diff´erents signaux. Une ´etude r´ecente a montr´e que l’environnement ext´erieur,

c’est `a dire la combinaison de diff´erentes entr´ees (ligands), avait un impact sur la r´eponse

et pouvait changer les voies emprunt´ees lors de la propagation du signal [35]. Pour cela

les auteurs ont analys´e la sensibilit´e des noeuds au nombre de ligands diff´erents dans

l’environnement tel que l’EGF, le calcium ou encore le stress. De fa¸con int´eressante ces

r´esultats ont mis en avant le fait que les mod`eles de signalisation ´etaient sensibles `a cette

combinaison d’input, `a l’inverse de mod`eles dont les influences sont r´eparties de fa¸con

al´eatoire.

D’autres approches comme celle propos´ees par Samaga et al [129] sont d’avantage

li´ees aux donn´ees exp´erimentales. En confrontant leur mod`ele de signalisation de EGF,

ils ont ´et´e en mesure de v´erifier la majorit´e des comportements observ´es sur diff´erents

jeux de donn´ees haut d´ebits. Plus r´ecemment cette approche de comparaison a permis

d’affiner les connaissances sur les voies de signalisation en condition physiologique et

pa-thologiques [125]. En comparant des donn´ees issues de cellules saines et tumorales, ils ont

con¸cu diff´erents mod`eles de signalisation qui permettent d’expliquer les r´esultats obtenus.

Ces mod`eles se distinguent par certaines influences, et voies de signalisation qui peuvent

ˆetre activ´ees uniquement dans l’´etat physiologique ou pathologique.

Si ces mod`eles permettent d’expliquer un comportement observ´e, ils ne sont en revanche

g´en´eralement pas utilis´es pour en pr´edire. De plus, en pratique les mod`eles logiques sont

plus abstraits que les mod`eles de r´eactions. Par exemple la formation de complexe est

rarement explicit´ee, de mˆeme que les m´ecanismes d’activation ou d’inhibition. Il peut ˆetre

difficile de retrouver les liens de causalit´e entre les diff´erents noeuds. Les mod`eles logiques

sont plus adapt´es pour l’´etude des r´eseaux de r´egulation de g`ene, o`u le type de r´eaction est

unique : la r´egulation transcriptionelle. De ce fait il est intuitif de repr´esenter les influences

de la mˆeme fa¸con. A l’inverse la signalisation regroupe diff´erents types de r´eactions qui

sont interpr´et´ees de la mˆeme fa¸con. Ce niveau d’abstraction offert par les mod`eles logiques

semble moins intuitif lorsqu’il est appliqu´e `a la signalisation.

Les mod`eles bool´eens et logiques sont support´es par diff´erents logiciels permettant la

conception ainsi que l’analyse statique et/ou dynamique de ces mod`eles : GinSim [103],

CellNetAnalyzer [77].

A noter ´egalement que les formalismes pr´esent´es dans cette introduction peuvent ˆetre

employ´es avec diff´erents point de vues, `a l’instar des r´eseaux de Petri qui peuvent ˆetre

utilis´es avec une vision centr´ee sur les mol´ecules. En ce sens, diff´erents travaux proposent

une interpr´etation des mod`eles logiques en r´eseaux de Petri dans le cadre de la signalisation

cellulaire [117, 122].