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CHAPITRE 2 : LES INDICATEURS DE SANTE PSYCHOLOGIQUE AU TRAVAIL

2.2. L A DÉTRESSE PSYCHOLOGIQUE

2.3.5 Les antécédents de l’épuisement professionnel

L’épuisement professionnel résulte d’une interaction entre le milieu professionnel et l’individu. Il peut ainsi se justifier à partir de caractéristiques individuelles et

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organisationnelles. Schaufeli et Enzmann (1998) et Maslach, Schaufeli et Leiter (2001) ont classifié les antécédents majeurs de l’épuisement professionnel.

Les facteurs de risques professionnels

Maslach, Schaufeli et Leiter (2001) ont identifié six domaines organisationnels liés à l’épuisement professionnel.

La charge de travail : Elle peut être de nature quantitative ou qualitative et elle est

positivement corrélée à l’épuisement professionnel.

Le contrôle sur le travail : Il réfère aux différentes ressources permettant à l’individu

d’effectuer son travail.

La justice dans le lieu de travail se rapporte à un sentiment d’inégalité dans les relations

sociales. La justice dans les relations sociales est l’équivalent de respect et de reconnaissance. Par conséquent, lorsqu’un individu déploie beaucoup plus d’efforts au regard des récompenses reçues et qu’il éprouve pour cela une injustice, le niveau d’épuisement professionnel est plus élevé.

La reconnaissance peut provenir de l’extérieur (financière, sociale) ou de soi-même (fierté,

sentiment d’efficacité ou d’utilité). Le manque de gratitude, de récompense ou de fierté est associé à un niveau d’épuisement professionnel plus élevé.

L’appartenance à un groupe travail correspond aux relations interpersonnelles et au

partage de valeurs collectives.

Les valeurs réfèrent à la concordance des valeurs de l’individu et des valeurs de

l’organisation.

Les déterminants individuels jouant un rôle dans le processus d’épuisement professionnel Certaines caractéristiques individuelles jouent un rôle dans le processus de l’épuisement professionnel. Les caractéristiques démographiques, la personnalité et les attentes de l’individu sont les plus fréquemment identifiés comme étant reliées à l’épuisement professionnel.

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Les caractéristiques démographiques

Les femmes ont tout d’abord été présentées comme les plus concernées par l’épuisement professionnel bien que, depuis, les études sont contradictoires. Une autre caractéristique qui semble influencer l’épuisement professionnel est l’âge. En effet, bien que de nombreuses études montrent que l’âge est un facteur de burnout, d’autres montrent que les jeunes sont plus exposés à l’épuisement professionnel car ils manquent d’expérience professionnelle. Néanmoins, une étude de Ahola et ses collaborateurs (2006) rapporte que les nouvelles organisations sont plus néfastes pour les plus âgés et que les plus jeunes quisont aujourd’hui plus équipés à l’entrée du marché du travail.

La personnalité

Des recherches ont été effectuées afin d’identifier les personnalités influençant l’épuisement professionnel. Schaufeli et Enzmann (1998) ont ainsi qualifié une personnalité entreprenante comme étant « un investissement dans les activités quotidiennes, un sentiment de contrôle sur les évènements et une ouverture au changement ». Ce type de personnalité est corrélé négativement à l’épuisement professionnel. Ainsi, les personnalités proactives, c’est-à-dire les individus qui utilisent des stratégies de coping actives et qui ont un locus de contrôle interne, sont moins touchés par l’épuisement professionnel que les individus ayant un locus de contrôle externe et des stratégies de coping passives.

Certains traits de personnalités tels que le neuroticisme (la tendance à cultiver des affects négatifs) et la personnalité de type A (besoin de compétition, agressivité, pression temporelle et contrôle des situations) se révèlent plus favorables ou apparaissent comme étant plus favorablesau développement de l’épuisement professionnel.

Rzeszutek et Schier (2014) ayant réalisé une étude auprès de 200 thérapeutes ont montré que leurs symptômes de burnout étaient en lien avec certains traits, la persévération, la vivacité et le soutien social perçu. La persévération est associée à une augmentation des symptômes de burnout alors que le soutien social perçu et la vivacité sont reliés à une diminution des symptômes.

Ces différents traits de personnalités sont liés à l’épuisement professionnel mais ne sont pas la cause majeure de l’épuisement professionnel.

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L’assertivité et le soutien social

Une recherche de Ntsame Sima, Desrumaux, Lemoine et Moundjiegout (2013) a évalué le bien-être et la détresse psychologiques au travers de facteurs organisationnels et psychosociaux auprès de 183 enseignants français et gabonais. Elle s’inspire du modèle

cognitivo-affectif en santé mentale (Diener, 1994) intégrant une dimension bipolaire de la

santé psychologique qui s’évalue à travers la détresse et le bien-être. D’après les analyses de régressions chez les enseignants français, l’assertivité explique le bien-être, tandis que les conflits de rôle et l’assertivité prédisent la détresse. Chez les enseignants gabonais, l’autonomie et le soutien expliquent le bien-être, alors que le soutien et l’assertivité prédisent la détresse. Par ailleurs, l’assertivité médiatise totalement les liens entre l’autonomie, le soutien, les conflits et les indices de santé psychologique chez les enseignants français. Chez les enseignants gabonais, la médiation de l’assertivité est partielle entre d’une part, le soutien, les conflits de rôle et la détresse puis d’autre puis d’autre part, entre l’autonomie, les conflits de rôle et le bien-être. L’importance du soutien est retrouvée dans une étude de Leroy-Frémont (2013) auprès de 122 cadres. L’épuisement professionnel des cadres est expliqué par la justice organisationnelle, le soutien des collègues, l’estime de soi et l’affectivité. L’effet médiateur du soutien sur le lien entre les différents types de justice et l’épuisement professionnel a été partiellement validé.

Les attentes de l’individu

Le décalage entre les attentes des individus et la réalité provoque une désillusion qui entraine petit à petit l’épuisement professionnel. Les attentes peuvent être liées au contenu du travail ou à l’atteinte d’objectif fixé vers autrui ou soi-même.

Cependant, les caractéristiques organisationnelles jouent un rôle plus important que les caractéristiques individuelles (Maslach et al., 2001).

2.3.6. Les conséquences de l’épuisement professionnel sur la santé physique et psychologique de l’individu

Les travailleurs souffrant d’épuisement professionnel manifestent divers symptômes ayant un impact sur leur santé physique et psychologique. Cordes et Dougherty (1993) différencient

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cinq catégories de conséquences de l’épuisement professionnel : physique, émotionnelle, interpersonnelle, attitudinale et comportementale.

Les conséquences physiques et émotionnelles

L’épuisement professionnel s’exprime par une fatigue chronique (Truchot, 2004), des troubles somatiques, des troubles musculo-squelettiques, des troubles gastro-intestinaux (Burke & Deszca, 1986 ; Honkonen et al., 2006), de l’angoisse, un rythme cardiaque élevé au repos (Melamed, Shirom, Toker, Berliner, & Shapira, 2003 ; De Vente, Olff, Van Amsterdam et al., 2003), des dorsalgies, du bruxisme (Corten, 2005). Selon une étude de Melamed, Shirom et Froom (2003), l’épuisement professionnel peut entrainer un diabète de type 2.

Les conséquences interpersonnelles

L’épuisement professionnel favorise la dégradation des relations entre collègues, clients et patients et dans la sphère privée, la personne souffrant d’épuisement professionnel s’écarte de ses amis et agit de manière professionnelle avec ses enfants (Jackson & Maslach, 1982). Le burnout peut provoquer des divorces.

Les conséquences comportementales

Les conséquences comportementales correspondent à une consommation excessive d’alcool, de café, de tabac et de médicaments. La personne atteinte du syndrome d’épuisement professionnel a une mauvaise hygiène de vie (absence d’activités physiques), une baisse de la performance et un absentéisme (Jackson & Maslach, 1986).

Une étude menée par Truchot (2003) souligne que les médecins généralistes ayant un niveau élevé d’épuisement émotionnel prennent des décisions peu couteuses en temps, en énergie et en investissements futurs.

Les conséquences attitudinales

Parmi les conséquences attitudinales, on note de l’irritabilité, de l’agressivité, une baisse de l’estime de soi, du désespoir et de l’anxiété (Kahill, 1988). Des troubles cognitifs tels que des problèmes de concentration et des obsessions peuvent survenir.

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