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CHAPITRE 2 : LES INDICATEURS DE SANTE PSYCHOLOGIQUE AU TRAVAIL

2.2. L A DÉTRESSE PSYCHOLOGIQUE

2.3.4. Les conceptions de l’épuisement professionnel ou du burnout

2.3.4.2. La conception tridimensionnelle du burnout : Maslach (1976), Maslach et

L’épuisement au travail a aussi été repéré dans une étude qualitative menée par Maslach et Jackson (1976, 1981, 1984 & 1986) auprès de population travaillant dans la relation d’aide. Christina Maslach réalisait des recherches sur les stratégies employées par les professionnels du milieu et de la santé mentale afin de faire face à des relations interpersonnelles chargées émotionnellement. Les stratégies étudiées étaient premièrement l’inquiétude distance (detached concern) correspondant au fait d’être impliqué dans son travail tout en étant détaché émotionnellement et deuxièmement l’objectivation (dehumanisation in self defense) permet aux travailleurs de se protéger en déshumanisant les personnes, précisément en les envisageant comme des cas. Ces recherches rapportent, que les expériences émotionnelles vécues sont stressantes et, qu’au fur et à mesure, les travailleurs vont déployer des attitudes négatives envers leurs patients, des tensions entre les collègues. Ils vont apparaitre et seront dans l’incapacité de se détacher émotionnellement et vont dévaloriser leurs compétences. Pour Christina Maslach (1976), le concept d’épuisement professionnel correspond à « un épuisement mental et physique des personnes dont le travail nécessite un contact permanent avec autrui ». Elle place les relations à autrui et plus précisément les relations d’aides au centre du burnout et met en avant les causes du burnout dans l’environnement de travail. A la suite de leurs recherches exploratoires et analyses statistiques, Maslach et Jackson (1981) définissent le burnout ou l’épuisement professionnel comme « un syndrome d’épuisement émotionnel, de dépersonnalisation et de manque d’accomplissement personnel qui se produit chez les individus qui travaillent en relation avec autrui ». Nous allons préciser les trois dimensions caractérisant l’épuisement professionnel.

Les dimensions de l’épuisement professionnel déterminées par Maslach et Jackson (1981) s’appliquent aux dimensions relatives à l’échelle de mesure MBI (Maslach Burnout Inventory). Les dimensions sont l’épuisement émotionnel, la dépersonnalisation et enfin le manque d’accomplissement personnel.

L’épuisement émotionnel réfère à une surcharge émotionnelle liée au travail et qui est

associée à une baisse des ressources émotionnelles empêchant l’individu de se dédier totalement à son travail (Halbesleben & Buckley, 2004). Cette baisse des ressources émotionnelles de l’individu entraine une baisse de l’énergie physique et un accroissement de la fatigue (Maslach & Jackson, 1981 ; Shirom & Melamed, 2006). En d’autres termes,

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l’individu ne porte plus attention à lui et il est inefficace sur son environnement de travail. Cet épuisement émotionnel occasionne de l’irritabilté et des difficultés à se concentrer. L’individu peut développer des attitudes d’évitement comme le désinvestissement, la rigidité, le retrait ou l’hyperactivité (Maslach & Leiter, 1997, 2008 ; Zawieja & Guarneri, 2013). Selon Truchot 2004), l’épuisement émotionnel est souvent lié au stress et à la dépression.

La dépersonnalisation ou désengagement relationnel est la réaction provenant de

l’épuisement professionnel (Halbesleben & Buckley, 2004). L’individu s’écarte de son travail pour se protéger de l’épuisement en développant des attitudes insensibles et impersonnelles envers ses clients, patients, collègues etc. tels que des comportements de rejets, d’agressivité et de maltraitance (Maslach & Jackson, 1981). Ces attitudes sont liées à la perte de l’intérêt et du sens donné au travail (Maslach, Jackson, & Leiter, 1996).

L’accomplissement personnel correspond aux capacités de l’individu afin d’effectuer son

travail. Un manque d’accomplissement personnel correspond au fait de se sentir incompétent, ce sentiment d’incompétence est lié à une baisse de la motivation intrinsèque et à une baisse de l’estime de soi (Maslach & Jackson, 1981 ; Maslach et al., Leiter, 1996). La personne se sent incapable de faire son travail.

Ces trois dimensions sont en interaction les unes avec les autres (Maslach & Jackson, 1981, Maslach et al., 1996, Maslach, Schaufeli & Leiter, 2001). Ces conditions sont liées et se suivent un ordre d’apparition.

La dépersonnalisation est envisagée comme la dimension interpersonnelle du burnout et l’accomplissement personnel constitue la dimension auto-évaluative du burnout (Truchot, 2004).

Leiter et Maslach (1988) montrent que l’épuisement émotionnel est la première attitude observée chez l’individu ; il s’écarterait émotionnellement de son travail et ce détachement causerait une insatisfaction et ainsi un manque l’accomplissement personnel. Selon Leiter, l’épuisement émotionnel amènerait au manque d’accomplissement personnel et au désengagement qui se développerait de manière parallèle.

Golembiewski, Boudreau, Muzenrieder et Luo (1996) avancent l’idée que le désengagement serait la première réaction se développant et celle-ci entrainerait une diminution de l’efficacité et donc à un épuisement émotionnel.

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Van Dierendonck, Schaufeli et Buunk (2001) indiquent que l’épuisement émotionnel serait la dernière phase du processus de l’épuisement professionnel favorisé par le désengagement et le manque d’accomplissement personnel.

L’ordre d’apparition des trois dimensions de l’épuisement professionnel n’est pas le même pour tous les chercheurs. Certains chercheurs, comme Shirom (2005) précisent que les trois dimensions de l’épuisement professionnel sont des variables indépendantes évaluant des phénomènes différents et que chaque dimension est rattachée à des antécédents et des conséquences différents.

D’après Shirom et Melamed (2006), le désengagement est une stratégie de défense que les individus utilisent pour faire face à des situations qui les éprouvent. Cette stratégie de coping se rapporterait donc à une conséquence de l’épuisement professionnel et non à une composante de l’épuisement professionnel.

En tant qu’exposition chronique à un stress professionnel, l’épuisement professionnel résulte d’une exposition permanente à un stress professionnel. Il est aussi l’aboutissement d’une inadaptation constante entre les individus et leur travail (Maslach et al., 2001). Les individus ne réagissent pas à des stresseurs professionnels mais à une interaction entre les individus et leur environnement de travail. En outre, Esnard, Bordel et Somat (2013) ont pu montrer, que les infirmiers lorsqu’ils sont interrogés sur des situations de travail relevant de l’épuisement, ont tendance à recourir davantage aux explications internes. Ce mode d’attribution causale interne peut culpabiliser ou impacter encore davantage le sentiment qu’ils sont responables du burnout et les empêche de remettre en cause l’organisation ou la hiérarchie ou encore le manque de moyens.

Cependant, un consensus se dégage pour affirmer que le burnout démarre avec l’épuisement émotionnel, qui entraine la dépersonnalisation. L’épuisement émotionnel réduit l’accomplissement personnel soit directement, soit à travers la dépersonnalisation.

L’épuisement émotionnel décrit la perspective affective du burnout alors que la dépersonnalisation et l’accomplissement personnel sont les perspectives comportementales ou cognitives (Schaufeli & Van Dierendonck, 1993).

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Figure 3. Le processus de burnout d’après le modèle séquentiel tridimensionnel de Maslach et Jackson (1981, a).