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Les aménagements pour la production hydroélectrique

Basses eaux

B- Les enjeux liés aux aménagements fluviaux

2- Les aménagements pour la production hydroélectrique

On l’a vu, le bassin de l’Oubangui est doté d’immenses potentialités hydrauliques et navigables grâce à son réseau hydrographique dense et bien arrosé. En outre, le bassin regorge de nombreux rapides et cascades qui offrent des sites remarques aux aménagements hydroélectriques. Tout laisse croire que ce bassin représente un « scandale hydrologique » à l’égard de ces voisins, notamment les bassins sahéliens. Près de cinquante ans aujourd’hui, les pays membres de la CBLT continuent toujours à militer pour un transfert d’eau de l’Oubangui vers le sahel (lac Tchad). Seulement, le bassin de l’Oubangui demeure parmi les bassins fluviaux les moins aménagés du globe malgré ses énormes potentialités. La rivière Oubangui et ses affluents n’ont connu que très peu d’aménagements hydrauliques. Hormis la petite centrale hydraulique de Nzoro, notre bassin n’a connu que deux constructions hydroélectriques, à savoir : le barrage de Mobaye sur l’Oubangui (Pk 1 250), et le complexe

hydroélectrique de Boali sur la rivière Mbali (sous-affluent de l’Oubangui). Ajoutons à ces

deux établissements hydroélectriques existants, deux autres barrages projetés, à savoir : le barrage de Palambo sur la rivière Oubangui et celui de Bria sur la rivière Kotto (affluent de l’Oubangui). Les deuxième et troisième parties de cette thèse étudieront l’impact négatif de toutes les infrastructures hydrauliques sur l’Oubangui. Mais avant cela, nous allons présenter succinctement chacune de ces structures dans les paragraphes suivants.

2.1- Le barrage sur l’Oubangui à Mobaye

La rivière Oubangui a été court-circuitée en 1989 à l’échelle des rapides de Mobaye par un barrage hydroélectrique. Nous rappelons encore que l’Oubangui est une rivière transfrontalière et contigüe entre le Centrafrique (ancienne colonie Française) et le Congo-Démocratique (ancienne colonie belge). Cette frontière naturelle s’étend sur plus de 600 kilomètres. C’est à hauteur de Mobaye (photo 7) que le barrage a été érigé dans le but d’approvisionner les villes de Mobaye-Mbanga en rive droite (République Centrafricaine) et

Mobaye-Mbongo en rive gauche (République du Congo-Démocratique), ainsi que leurs

environs. La propriété du barrage revient à l’Etat Congolais. Le porteur du projet de barrage fut le Maréchal Mobutu, ancien dirigeant Congolais. Son idée de départ consistait à construire un « pont-barrage » à hauteur de Mobaye. Le pont devrait servir de trait d’union entre les deux pays, surtout de rapprocher les peuples Ngbandi situés en rive gauche et rive droite. Quant au barrage, il devrait servir à alimenter en électricité la commune de Gbadolité situé en rive gauche, dans lequel se trouve l’un des palais de Mobutu. La maitrise d’œuvre du

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pont-barrage était attribuée au Cabinet Tractionel Électrobel Engeneering de Bruxelles, assisté de l'Institut de Génie-civil de l'Université de Liège et du célèbre Bureau d'Études Coyne & Bellier de Paris [Callède & al, 2010]. Pour des raisons géopolitiques, le pont-barrage n’a pas été finalisé, celui-ci a été érigé finalement en « demi-lit » (photo 7). Très contesté avant sa construction, l’avènement du barrage a contribué ainsi à améliorer certaines conditions sociales de vies des autochtones des villes de Mobaye-Mbongo et Mobaye-Mbanga et leurs environs. Mais qu’en est-il des effets hydrologiques de cet aménagement sur l’hydrosystème

de l’Oubangui à Mobaye? Sachant que l’ouvrage hydraulique de Mobaye est inachevé, il n’obstrue que partiellement la largeur du lit de l’Oubangui sur ce secteur, n’exerce-t-il pas une demi-influence de cet ouvrage sur la dynamique fluviale de l’Oubangui ?

Photo 7 – Le demi-barrage de Mobaye sur l’Oubangui

Photo 7 – The half dam of Mobaye on Oubangui

2.2- Le barrage sur la rivière Mbali à Boali

Dans la localité de Boali (18° 00' 05" E, 4° 55' 10" N), la rivière Mbali a subi un bon nombre d’aménagements depuis le début des années 1950 contrairement à la rivière Oubangui où son aménagement hydroélectrique ne remonte qu’en 1989. Les ouvrages hydroélectriques de

Boali sont destinés principalement à produire de l’énergie pour alimenter la ville de Bangui

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en effet la capitale de Centrafrique (ancien Oubangui-Chari). Jusqu’en 1951, l’unique source d’approvisionnement en électricité de la ville de Bangui demeurait la centrale thermique qui dispose d’une capacité de production de 22 MW. Or, la période de l’après-guerre mondiale est marquée par une croissance urbaine rapide dans les Territoires d’Outre-Mer (TOM), et cela a pour corollaire, d’accroître les besoins en énergie dans les grandes agglomérations. Dans cette course à la mondialisation post-conflit, les quatre pays membres de l’AEF (Afrique Equatoriale Française), dont le Centrafrique faisait partie, se sont lancés dans un défi d’aménagement hydraulique. Le premier des quatre à construire un barrage est la République du Congo-Brazzaville, avec l’édification en 1953 du barrage hydroélectrique de Brazzaville sur la rivière Djoue, affluent du fleuve Congo [Mehyong & Ndong, 2011]. En réponse, le Centrafrique a érigé en 1954 la centrale hydraulique de Boali 1 sur la rivière Mbali afin de satisfaire les besoins énergétiques de la ville de Bangui en pleine extension (fig. 42). Puis, une deuxième centrale hydraulique (centrale de Boali 2) a été installée en 1976 sur la même rivière. Les deux centrales sont aménagées « au fil de l’eau » et produisent une capacité totale de 18,65 MW d’énergie. Enfin, un barrage réservoir a été aménagé en 1991 pour réguler le débit instable de la rivière Mbali (fig. 32) en vue d’optimiser la production hydroélectrique des deux centrales préexistantes. Le barrage devrait produire 10 MW d’énergies supplémentaires à travers une nouvelle centrale hydraulique (centrale de Boali 3) qui alimentera la capitale Centrafricaine.

Fig. 42 – Croissance urbaine de la ville de Bangui

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D’un volume de réservoir de 250. 106

m3; le barrage de Boali 3 a coûté environ 14 millions d’Euro, et a été financé respectivement par la Banque Mondiale (27%), la Banque Africaine de Développement (50%) et le Fonds Koweitien (23%). La Maîtrise d’ouvrage est assurée par la Société ENERCA (Energie Centrafricaine), et les prestations d'études de conception et d'ingénierie ont été assurées par le célèbre bureau d'Ingénieur-Conseil COYNE & BELLIER entre 1989 et 1991. Ensemble, les trois ouvrages implantés sur la rivière Mbali forment un complexe hydraulique d’une longueur de 10 Km (30 Km avec lac de barrage inclus) (fig. 43).

Fig. 43 – L’aménagement hydroélectrique de Boali sur la rivière Mbali

Fig. 43 - Boali hydroelectric development on the Mbali River

2.3- Le projet d’aménagement du barrage de Palambo sur l’Oubangui

Dans le bassin de l’Oubangui, de nombreux sites ont déjà fait l’objet d’études de faisabilités hydrauliques en vue de mettre en valeur leurs potentialités hydrauliques. Parmi eux, nous avons le site de Palambo (Pk 1540) qui a été expertisé par ARTELLIA en 1990 et CIMA+

International en 2010. Les deux cabinets d’études ont tous souligné les potentialités

hydrologiques, géologiques et topographiques que présente ce site en termes d’exploitations hydrauliques. Pour clarifier, à Palambo, l’Oubangui est long de plus de 1 540 Km pour un module annuel de 3 600 m3/s. Sur ce secteur, la rivière coule sur un substrat gréso-quartzitique (résistant) et présente une vallée très étroite mais profonde (~30 m) (photo 8).

Le principal projet d’aménagement à Palambo concerne la construction d’un barrage

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comportant une centrale hydroélectrique et un évacuateur de crues. La cote maximale du barrage sera à l’altitude 370 m et le réservoir s’étendra sur près de 200 km en amont et pourrait atteindre lors des crues majeures le pied du barrage de Mobaye au Pk 1 250 (CIMA+, 2011). Le coût de l’aménagement est estimé à environ 6,7 milliards de dollars (inclut les frais d’études, de génie civil, des équipements, de la main d’œuvre et de dédommagement des expropriés). Ce méga-barrage aura trois fonctions principales selon ses promoteurs :

1) La dérivation de l’Oubangui vers le lac Tchad via des canaux atteignant la rivière Chari. 2) La production d’énergie hydroélectrique (~360 MW estimés) dont une partie sera vendu aux villes environnantes telles que la vielle de Bangui.

3) L’amélioration des conditions navigables complexes sur le bief Bangui-Brazzaville à travers la régulation du débit de l’Oubangui.

On n’oubliera pas que ce barrage aura aussi pour fonctions de promouvoir la sécurité et la navigabilité intérieure en Afrique centrale. La faisabilité technique de ce mégaprojet a été approuvée dans le rapport proposé en décembre 2010 par le cabinet Canadien CIMA+

International. Toutefois, ce rapport ne comporte pratiquement pas de volet environnemental,

si bien qu’on ignore encore les impacts prévisibles de cette mégastructure sur l’écosystème aquatique de l’Oubangui et de celui du lac Tchad.

Photo 8 – Site de l’Oubangui à Palambo lors des basses eaux. Cliché : Boulvert (1987).

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2.4- Le projet d’aménagement du barrage de Bria sur la rivière Kotto

La commune de Bria située dans le département de la Haute-Kotto en Centrafrique est l’un des sites proposés pour aménager un deuxième barrage relatif au projet de transfert d’eau interbassin que nous avons de décris précédemment. L’étude de faisabilité technique du projet a aussi été réalisée en 2010 par CIMA+ et les conclusions sont tout de même satisfaisantes. Le barrage sera établi sur la rivière Kotto à hauteur de Bria. Long de près de 882 km, la Kotto est un affluent majeur du moyen Oubangui (fig. 20), elle coule principalement sur un substrat gréso-quartzitique. À l’image de nombreux tributaires de rive droite de l’Oubangui, le cours de la Kotto s’oriente du nord vers le sud et présente de nombreuses zones de ruptures de pentes, dont les chutes de Kémbé (~20 m de dénivellation) qui sont propices aux aménagements hydroélectriques qu’à la navigation [Boulvert, 1987]. Le module interannuel de la Kotto à Bria serait de 252 m3/s d’après les archives, car la rivière n’a pas été jaugée depuis quelques décennies. Les premiers enregistrements effectués à la station hydrométrique de Bria (code HYDROM = 1060701804) datent de 1953. Mais la station n’est plus jaugée depuis 1993, ce qui réduit notre possibilité à faire des analyses hydrologiques approfondies. Néanmoins, les données limnimétriques recueillies à cette station pour l’année 1993 nous renseignent un peu sur le régime d’écoulement de la Kotto (fig. 44).

Fig. 44 – Le régime d’écoulement de la rivière Kotto à la station de Bria

Fig. 44 - The flow regime of the Kotto River at the Bria station

0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 bit m oyen en m 3/s

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Par ailleurs, l’arrêt des observations hydrométriques sur cette station résulte en partie des instabilités politico-sociales récurrentes dans la sous-région. Bria est l’une commune de la République Centrafricaine dont l’instabilité spatiale est très caractéristique. La commune est victime de l’exploitation illégale de ses nombreuses ressources minières. Celle-ci est réputée mondialement pour ses plus beaux diamants alluviaux. L’exploitation diamantifère se fait toujours de manière artisanale dans cette région, car ce minerai est éparpillé sur toute l’étendue du territoire. Par conséquent, nous redoutons les effets du réservoir planifié sur l’exploitation diamantifère à Bria.

Conclusion du troisième chapitre

Le dernier chapitre de la première partie présente les enjeux environnementaux sur le bassin de l’Oubangui, dont les principaux sont les enjeux liés aux changements climatiques et les enjeux liés aux aménagements fluviaux.

Les enjeux liés aux changements climatiques concernent la sécheresse hydrologique observée sur l’Oubangui dès la seconde moitié du 20ème siècle. L’année 1970 marque alors une cassure notoire dans la distribution interannuelle du module de l’Oubangui entrainant un déficit d’écoulement de 30% à la station limnimétrique de Bangui. Ce déficit d’écoulement a considérablement impacté sur la navigabilité sur le bief Bangui-Brazzaville. De nos jours, l’Oubangui n’est que navigable en période de hautes sur environ 600 km, et ce malgré de nombreux entretiens effectués par les voies navigables. Or en 1931, la rivière était navigable en toute saison sur une distance de plus de 1100 Km. Cette sécheresse hydrologique a aussi impacté sur la morphologie fluviale de l’Oubangui à travers l’ensablement du chenal. Les bancs de sables qui affleurent en surface sont végétalisés par endroit, cela contribue à réduire la largeur et la profondeur des passes navigables.

Les enjeux liés aux aménagements fluviaux concernent la construction des barrages pour l’exploitation hydroélectrique. Le bassin de l’Oubangui est doté d’une potentialité hydroélectrique remarquable qui, malheureusement n’est pas exploitée. Plus de 2 000 MW de potentiel hydroélectrique non exhaustif estimé. Les rares exploitations hydroélectriques répertoriées sont le barrage de Mobaye et le complexe hydraulique de Boali. Ajoutons aux deux structures actives, les barrages planifiés de Palambo et de Bria relatifs au projet PTEIB. La partie suivante sera consacrée aux études de cas sur les impacts hydrauliques des barrages de Mobaye et de Boali.

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