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L’équilibre dynamique et les Ajustements fluviaux

Un troisième chapitre abordant les enjeux environnementaux contemporains qui influencent la dynamique hydrologique récente de l’Oubangui

A- Bases Conceptuelles en Hydrologie (Fluviale)

3- L’équilibre dynamique et les Ajustements fluviaux

3- L’équilibre dynamique et les Ajustements fluviaux

Deux paramètres commandent le fonctionnement physique des hydrosystèmes fluviaux : les flux hydriques et les flux de matières [Gautier & Touchart, 1999]. Ces deux flux ne sont pas constants dans le temps, ils varient selon différents pas de temps, en fonction des fluctuations hydroclimatiques et des aménagements humains. La rivière doit donc ajuster continuellement son lit pour maintenir une capacité de transport en adéquation avec sa charge sédimentaire [Recking & al., 2013]. En fonction des altérations des flux liquides et solides, la rivière peut présenter une certaine résistance ou être résilient. La résilience se définit par la capacité d’un système à pouvoir intégrer dans son fonctionnement une perturbation, sans pour autant changer de structure qualitative [Holling, 1973]. Le concept « d’équilibre dynamique » est fondé sur le bilan hydrosédimentaire équilibré en rivière (fig. 13), et postule que les systèmes fluviaux sont capables de retrouver un état d’équilibre (state equilibrium) proche de leur état initial à la suite d’une perturbation [Navratil, 2005]. L'équilibre sédimentaire d'un cours d'eau dépend d'une adéquation entre les trois facteurs suivants: l'hydrologie du cours d'eau, la granulométrie des sédiments présents dans le lit et la pente du chenal [Belleudy & Lefort].

Fig. 13 – Principe de l’équilibre dynamique (d’après Lane, 1955) basé sur le Bilan entrées-sorties d’un système fluvial.

Fig. 13 - Principle of dynamic equilibrium (according to Lane, 1955) based on the input-output balance of a fluvial system.

Les systèmes fluviaux sont souvent considérés comme des organismes vivants dotés d’un système immunitaire capable de réagir à toutes perturbations externes d’origines naturelles

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(climatiques, géologique etc.) ou anthropiques (changement d’occupation du sol, extractions de granulats et aménagements fluviaux). Ces perturbations sont susceptibles d’entrainer une mutation de tout ou partie du système fluvial. La réaction/réponse du système fluvial aux perturbations est qualifiée d’ajustement fluvial. Ceci permet au système de révenir à « l’équilibre initial » ou d’évoluer vers un « nouvel équilibre » morphologique afin d’évacuer toute ou partie de sa charge solide. Cependant, le retour à l’équilibre ne se fait pas immédiatement après la perturbation, il s’agit d’un processus lent, il existe toujours une échelle temporelle nécessaire pour la relaxation d’un système fluvial après perturbation (fig.

14). Cette échelle varie du pas de temps décennal au pas de temps plurimillénaire [Knighton,

1998]. Dans certains cas, l’équilibre n’est même pas atteint et l’écosystème reste dans un état de perpétuelle « convalescence » [Wolman & Gerson, 1978 ; Martins, 2008]. Les deux principaux types d’altérations ou de perturbations en rivières sont : La perturbation « rythmique » et la perturbation « progressive » [Brierley & al., 2008]. La perturbation rythmique est reliée aux évènements épisodiques localisés, de durée limitée, de faible fréquence et d'amplitude élevée. Dans ce cas, les réponses pour ces évènements sont spatialement non uniformes. La perturbation progressive est un stress continu et en croissance dans le temps et l'espace, celle-ci change plusieurs caractéristiques du cours d'eau et provoque des réponses dans un large secteur : c’est le cas des effets des barrages en rivière.

En théorie on a deux types de réponses du système fluvial à la suite d’une altération, qui vont dépendre de l’intensité de l’altération et du type de rivière : Le premier type de réponse correspond à une réponse peu marquée qui est une adaptation sans changement de

style (accommodation) ; le deuxième type est un changement extrême des caractéristiques morphologiques du système fluvial appelé métamorphose fluviale (river metamorphosis)

[Piegay & Schumm, 2003 ; Alacayaga, 2013]. Un cas de métamorphose fluviale causé par les effets des aménagements hydrauliques a été signalé sur l’Isar en Bavière [Malavoi & Bravard, 2010], où la rivière passe d’un lit tressé et large de près de 600 mètres, en une rivière à chenal unique de moins de 100 m de large, suite à la construction d’un barrage hydroélectrique à la fin des années 1950.

39 Fig. 14 – Temps de Réponses d’un système fluvial aux modifications brutales d’une variable de contrôle [Knighton, 1984 ; in : Rollet, 2007]

Fig. 14 – Response time of a river system to sudden changes in a control variable [Knighton (1984) in : Rollet (2007)]

Pour des auteurs comme Church (1995), Gaeuman & Schmidt (2005), Phillips & Slattery (2005), les changements dans la largeur d’un chenal pouvaient être la première réponse d’un chenal à la construction d’un barrage. Sear (1996), distingue quatre cas d’ajustement de la largeur d’un chenal (fig. 15) :

1) Le premier cas concerne les cours d’eau touchés par des modifications de faible ampleur (simples oscillations autour de valeurs moyennes), le style fluvial ne change pratiquement pas, le pas de temps varie de 50 à 100 ans.

2) Dans le deuxième cas, si le cours d’eau fait l’objet de changements durables, le style fluvial peut changer de manière durable et n'évoluer ensuite que faiblement autour d'une nouvelle géométrie moyenne d'équilibre. Le pas de temps ici varie également de 50 à 100 ans. 3) Les modifications apportées aux cours d’eau sont fortes mais relativement brèves, l’effet de ces altérations n’est pas permanent. En réponse à ce changement temporaire, le cours d'eau s'oriente quelque temps vers un nouveau style, puis revient progressivement à son patron antérieur.

4) Le quatrième cas concerne les ajustements sur le long terme, les modifications et les changements de styles peuvent être assez fréquents, en fonction des fluctuations de débits

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liquides (Q) et solides (Qs) ou de perturbations externes majeures (variation du niveau des mers, mouvements tectoniques, etc.) ; le pas de temps est de 1000 ans.

Fig. 15 – Différents cas d’évolution du style fluvial : (1) sans changement de forme, (2) changement de forme, (3) changement de forme et un retour à la forme initiale, (4) changement du style fluvial. (Source: Sear, 1996 ; in Nabet, 2013).

Fig. 15 – Different cases of evolution of the fluvial style: (1) without change of form, (2) change of form, (3) change of form and a return to the initial form, (4) change of fluvial style. [Source: Sear, 1996; in Nabet, 2013].

La largeur du lit n’est pas la seule variable qui s’ajuste de manière spectaculaire en aval d’un barrage. Les résultats d’études de terrain et du laboratoire ont montré que la profondeur et la

granulométrie d’une rivière s’ajustent également après régulation du débit. La profondeur

s’ajuste généralement de manière verticale par incision ou par aggradation. Doyle & Harbor (2003) ont montré que les chenaux à fond caillouteux sont les plus susceptibles de processus d’aggradation, tandis que les chenaux à fond sableux sont les plus susceptibles de processus d’incision. Sur base des profils en travers, Brandt (2000a) propose un modèle théorique permettant de comprendre l’ajustement vertical d’un chenal en aval d’un barrage. Le modèle de Brandt (2000a) synthétise à l’aide d’une typologie en 9 classes basées sur l’équation de

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Lane (1955), qui prend en compte la variabilité du débit liquide (Ql) et la balance entre la charge solide disponible et la capacité du transport sédimentaire (fig. 16).

Qu’il s’agisse de la granulométrie, l’ajustement en aval d’un barrage peut se faire par pavage ou par affinement des grains (downstream fining). Ces trois paramètres sensibles (largeur, profondeur et granulométrie) sont relativement interdépendants et la modification de l’un peut entrainer l’ajustement significatif des deux autres et pouvant conduire à un changement d’état durable du tronçon.

Fig. 16 – Schéma des ajustements morphologiques des sections en travers en réponse aux modifications des débits liquides par rapport à la capacité de transport. Le trait gris correspond à la section en travers originelle avant l’implantation du barrage, et le trait noir correspond à la section après les effets du barrage. Source: Brandt (2000a)

Fig. 16 – Diagram of morphological adjustments of cross sections in response to changes in liquid flows in relation to transport capacity. The gray line corresponds to the original cross-section before the dam was installed, and the black line corresponds to the section after the effects of the dam. Source: Brandt (2000a)

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