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PARTIE 2 : INTERACTION PHAGE-BACTERIE

2.4 LE PHAGE ET SES ADHESINES

2.4.2 LES ADHESINES PHAGIQUES

2.4.2.2 LES ADHESINES DE TYPE T2/T

Les phages possédant une adhésine de type T2/T6 présentent une même organisation génomique au niveau du locus LTF que le phage T4 codant aussi pour les protéines gp34, gp35 gp36, gp37 et gp38. Contrairement au phage T4, la LTF de ces phages matures est composée des protéines gp34 à gp38. En effet, la gp38 n’est pas une chaperonne mais constitue la protéine, d’environ 260 acides aminés, qui se lie à l’extrémité la plus distale de la fibre. Elle est associée à un homotrimère de gp37 dont chaque monomère est tronqué au niveau des 120 derniers acides aminés (Drexler et al., 1986).

Chez les phages possédant une adhésine de type T2/T6 c’est la gp38 qui porte cette fonction. Ainsi l’adhésine, codée par le gène 38 est impliquée dans la reconnaissance hautement spécifique du récepteur bactérien qui se trouve à la surface de l’hôte préférentiel du phage. Dans chaque isolat naturel de phage T-pair, on observe des différences dans la séquence du gène 38 codant la protéine gp38. Néanmoins, certains motifs sont bien conservés. La Figure 18 présente l’alignement de séquences protéiques du gène 38 de plusieurs phages possédant une adhésine de type T2/T6. Une analyse de cet alignement suggère que cette gp38 possède une architecture modulaire. Tout d’abord, le domaine N-terminal contenant environ 110 acides aminés est impliqué dans l’interaction spécifique protéine-protéine avec le domaine C- terminal de la protéine gp37, codant pour la partie qui relie la LTF à l’adhésine (Drexler et al., 1986). De plus, les régions N-terminale de gp38 et C-terminale de gp37 peuvent varier d’un phage à l’autre mais de façon concerté ce qui suggère qu’elles co-évolueraient. En effet au sein de huit phages analysés par Tétart et al., (1998) seulement trois combinaisons des séquences C-terminale de Gp37 et N-terminale de gp38 ont été identifiées. Il est possible d’expliquer cette co-évolution par le fait que ces deux domaines doivent interagir dans la fibre mature. Ainsi, la région N-terminal de l’adhésine constituerait le module d’attachement au reste de la LTF. Dans le domaine C-terminal, contenant les résidus environ 110 à 240, se trouve une série de cinq motifs différents entre eux mais tous riches en glycines. Bien que la séquence de cinq GRM (GRM pour Glycine Rich Motif) soit différente, la synthénie et la séquence de ceux-ci entre les phages possédant une adhésine de type T6/T2 est très conservée. Ensuite entre les GRM se trouvent quatre segments dont la séquence est phylogénétiquement hypervariable. Ces segments sont nommés HVS pour HyperVariable Segment (Figure 18).

La séquence du gène 38 chez un certain nombre de mutants du spectre d’hôte dérivé des phages T2, K3 et Ox2 ont confirmé que ces HVS sont impliqués dans la détermination du spectre d’hôte chez les phages possédant une adhésine de type T2/T6 (Tétart et al., 1998 ;

Drexler et al., 1989 ; Montag et al., 1987 ; Riede et al., 1986 a et b ; Hashemolhosseini 1994 a). D’autres travaux (Tétart et al., 1998) ont permis de générer des adhésines chimériques dans sa partie C-terminale par recombinaison entre différent isolat. Certains de ces évènements de recombinaison ont généré des phages recombinants dont la spécificité d’hôte a été modifiée. L’analyse des mutants possédant une altération dans leur spécificité d’hôte présente les HVS comme étant impliqué dans la détermination de la spécificité pour les récepteurs bactériens. Ces résultats suggèrent donc que la région C-terminal constitue le module de spécificité du phage. D’autre part des observations complémentaires sur l’obtention des chimères d’adhésines ont permis de localiser les évènements de recombinaison au niveau des GRM. L’existence de ces motifs recombinogènes rappelle fortement celle des motifs « His-Box » retrouvé chez les phages possédant des adhésines de type T4 (Tétartet al., 1996). Ces deux types de motif pourraient donc jouer des rôles similaires, de point chaud de recombinaison, chez les deux types d’adhésines. L’ensemble de ces résultats soutient l’idée que les phages disposeraient d’un mécanisme spécifique lui permettant d’accéder à un répertoire caudale afin de générer de la diversité dans les adhésines soit par mutation ou par recombinaison. Ainsi par le biais d’une altération mineure dans leur génome les phages seraient capables de modifier leur spectre d’hôte.

A ce jour, la structure de l’adhésine de type T2/T6 reste à déterminer. Cependant un modèle structural hypothétique à deux dimensions a été proposé par Drexler et al., (1989) et il nous a semblé plus adapté de présenter ce modèle en perspective (Figure 19 a et b respectivement). Ce modèle est basé sur le concept de boucle oméga établie par Leszczynski et Rose (1986) comme étant une nouvelle catégorie de structure secondaire non régulière retrouvée à la surface de plusieurs protéines assurant une importante fonction de reconnaissance biologique. Dans ce modèle hypothétique, la structure globale de l’adhésine formerait quatre boucles oméga. Les cinq GRM formeraient une sorte de noyau ce qui permettrait de rapprocher les quatre boucles formées par les quatre HVS. Ainsi les GRM conservés formeraient une structure centrale qui présenterait correctement les motifs de spécificité des HVS pour une reconnaissance efficace de leurs récepteurs appropriés.

Bien que la structure de l’adhésine reste à déterminer, les motifs particuliers (HVS et GRM) portés par des adhésines de type T2/T6 soulèvent plusieurs questions intéressantes. Des données montrent que la fonction de reconnaissance de l’adhésine réside la région C- terminale. Toutefois, très peu de travaux ont été effectués sur l’identification des séquences exacts du gène 38 codant les motifs impliqués dans la structure et la fonction de l’adhésine de type T2/T6. Des premiers éléments exposés ci-dessus suggèrent que les HVS contiennent les motifs de spécificité du spectre du phage alors que les GRM seraient plutôt impliqués dans le maintien de la structure et dans les évènements de recombinaison créant de la diversité dans la spécificité des adhésines (Tétart et al., 1998). On peut donc penser que les GRM seraient responsable de la formation de la structure en forme de boucle oméga et la présentation des HVS permettraient une reconnaissance efficace des récepteurs bactériens. L’absence d’un ou plusieurs HVS pourrait aussi perturber la structure centrale en la déstabilisant et donc être indispensable à celle-ci. Mais le rôle des HVS soulèvent des questions plus complexes. En effet, on ne sait pas si chaque HVS porte des motifs de spécificité ou si certains ont un rôle plutôt structural. Est-ce que les HVS agissent de concert ou sont indépendants ? Pourrait-il y avoir une coopérativité entre les HVS dans leur affinité pour un même récepteur ? Ou bien, dans le cas d’un phage qui reconnait plusieurs récepteurs, comment les domaines de reconnaissances sont organisés pour adapter la liaison aux différents récepteurs. Et si un seul récepteur suffit pour une infection efficace, pourquoi le phage peut posséder des récepteurs supplémentaire ou alternatif ?