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PARTIE 2 : CE QUE LA THÉORIE DIT

2.4 Les acteurs en question : formés et formateurs

Autre paramètre de taille à considérer dans la formation professionnelle : la personnalité des acteurs. En effet, il s’agit d’adultes, or on sait que leur rapport à l’apprentissage n’est pas le même que ceux des enfants et des adolescents. Voici quatre spécificités de l’adulte-apprenant, que Jourdan (2010, p.125) reprend de Binz et Salzmann, que nous allons développer et commenter :

1. « Il désire être autonome dans son apprentissage ; 2. il porte en lui une richesse d’expériences ;

3. l’opérationnalité et le caractère réinvestissement des apprentissages sont un facteur important de motivation pour lui ;

4. son apprentissage est marqué par son rapport au temps. »

1. Il désire être autonome dans son apprentissage

Selon l’ampleur qu’il prend, le désir d’autonomie, caractéristique majeure de l’adulte professionnel, peut être source de tension entre l’adulte-apprenant lui-même et le formateur. Comme on le mentionnait plus haut avec le nombre et la précision des objectifs, un défi pour les formés comme pour les formateurs est de trouver l’ajustement adéquat entre le degré d’autonomie suggéré et le cadre proposé par le plan, les tâches et les consignes d’activités. De plus, le rapport à l’autonomie étant absolument variable selon les personnes, une inégalité devant l’autonomie est inévitable. Il peut exister également un dilemme chez l’adulte-apprenant entre, d’un côté, une attitude revendicative d’indépendance et de liberté, et de l’autre, un comportement de dépendance construit à partir des anciennes représentations scolaires, d’un enseignement

2. il porte en lui une richesse d’expériences

Ici encore, la manière d’être de l’adulte peut être un dilemme. Les expériences de l’adulte sont nombreuses et variées, ce qui lui offre logiquement davantage de savoirs d’expérience, (Perrenoud, 1993) davantage de ressources sur lesquelles s’appuyer au moment d’exprimer une opinion, se justifier. Phénomène qui peut parfois se transformer en obstacle : « Certaines opinions forgées ont fait leurs preuves et l’adulte n’est pas disposé à les remettre en question si facilement » (Jourdan, 2010, p.126). Toucher au noyau dur d’une identité, de croyances, de compétences entrainera inévitablement un minimum de résistance au changement. Quoiqu’il en soit, cette expérience doit être mise à profit aussi bien pour le formé lui-même que pour ses collègues, pour le formateur et pour l’institution.

Favoriser le récit d’expérience (pour analyse par la suite, certes) permet à l’enseignant de se situer personnellement et professionnellement, de se rassurer, se valoriser et de s’affirmer davantage dans son métier, mais également au sein d’une équipe, d’une institution. Le rôle social de l’expérience est ici indéniable. Enfin, soulignons que l’expérience constitue une matière première de la formation professionnelle comme nous le verrons plus loin.

3. (ré)investissement des apprentissages et motivation

Chez l’adulte, l’envie de se former repose sur des motivations extérieures (salaire, image, mobilité) mais également sur des motivations intérieures telles que le désir de continuer à se construire, à s’améliorer, à se sentir utile, à apprendre sur soi, à s’affirmer… Afin d’éveiller et d’entretenir cette motivation, parfois appelée populairement soif d’apprendre, il est primordiale d’« expliciter en quoi le sujet proposé dans sa séance de formation peut contribuer au développement professionnel de la personne » (Jourdan, 2010, p.127). L’adulte veut des résultats utiles, il va veiller à ce que chaque séance constitue un réel investissement.

4. un apprentissage marqué par le rapport au temps

Se former représente notamment un investissement en temps. Or, on sait combien le temps est précieux dans la vie de l’adulte. En s’engageant dans la formation continue, l’adulte fait des

deuils et doit se réorganiser. Ceci n’est pas gratuit, il espère en retour voir l’intérêt et l’utilité de

cet investissement, et ce le plus rapidement possible.

A ces spécificités de l’adulte-apprenant, j’ajouterai une liste de compétences de l’enseignant- apprenant. Rappelons que le métier d’enseignant est un métier de l’humain, un métier complexe. Avec les savoirs et savoir-faire, le principal outil de travail de l’enseignant étant sa personne et son rapport aux autres, il est évident que sa formation impliquera largement son savoir-être.

compétences du formateur.

Tout d’abord, je mentionnerai cinq grandes compétences telles qu’elles sont proposées par le ministère de l’éducation nationale québécois (2002) pour les formateurs assurant le suivi d’un stagiaire ; « Compétences relatives :

1. au développement de l’identité professionnelle : soutenir le développement de l’identité professionnelle en fonction du cheminement qui lui est propre et des objectifs formels de la formation à l’enseignement.

2. au développement des compétences professionnelles : guider le stagiaire dans le développement des compétences professionnelles par l’observation rigoureuse, la rétroaction constructive et l’évaluation continue et fondée. Guider le stagiaire dans l’apprentissage des pratiques d’enseignement susceptibles d’actualiser les orientations ministérielles de la formation des élèves.

3. à la pratique réflexive : Aider le stagiaire à poser un regard critique sur sa pratique. 4. aux relations interpersonnelle et interprofessionnelle : interagir avec son stagiaire avec

respect et de manière à établir un climat d’apprentissage et une relation de confiance de nature professionnelle.

5. à la collaboration en vue d’une formation cohérente : travailler de concert avec les

différents intervenants universitaires et, particulièrement, avec le superviseur. »

Cette dernière catégorie de compétences n’est pas réellement transposable dans notre contexte si l’on considère la collaboration entre les universitaires et les collèges ou autres institutions de terrain mais la collaboration reste bien évidemment essentielle entre les différents acteurs (formateurs, enseignants, directions) au sein de l’AFM.

J’ajouterai les dix « défis » proposés par Perrenoud (2001) : 1. Travailler sur le sens et les finalités de la profession.

2. Travailler sur l’identité sans incarner un modèle d’excellence.

3. Travailler sur les dimensions non réfléchies de l’action et sur les routines, sans les disqualifier.

4. Travailler sur la personne et sa relation à autrui sans devenir thérapeute. 5. Travailler sur les non dits et les contradictions du métier

6. Partir des pratiques et de l’expérience, sans s’y enfermer, comparer, expliquer, théoriser. 7. Aider à construire des compétences, exercer la mobilisation des savoirs.

8. Combattre les résistances au changement et à la formation sans les mépriser.

9. Travailler sur les dynamiques collectives et les institutions, sans oublier les personnes. 10. Articuler approches transversales et didactiques, garder un regard systémique.

De plus, il liste toute une série de compétences essentielles du praticien réflexif.

d’élargir, de nuancer, de reconsidérer ses représentations du réel, y compris de sa propre pensée et de sa propre action ;

d’exercer des gestes ou opérations spécifiques, de sorte à les rendre plus rapides, efficaces et sûres ;

de prendre conscience de ses schèmes, de son inconscient pratique, de ce qui guide l’action à son insu ou dans une zone où le " pré réfléchi " l’emporte sur l’action délibérée ;

de préciser, d’affermir, de nuancer une réponse personnelle à des questions telles que : qui suis-je ? qu’ai-je à faire ici ? de quel droit, à quel titre, au nom de quel projet ? avec quelles solidarités, dans quels rapports avec d’autres ? selon quelle vision du travail et du métier ?

d’expliciter et de travailler les valeurs censées guider les décisions et l’action ;

Il s’agit de composantes interdépendantes qui forment un système et il serait vain de chercher à les dissocier.

Pour synthétiser cette première analyse, pour le cas qui nous occupe, nous retiendrons que la formation est un processus complexe qui implique diverses dimensions fortement liées entre elles. Nous nous situons dans un contexte de formation professionnelle visant au développement d’un métier complexe et avons choisi pour cela de suivre une démarche centrée sur l’analyse.

3. NOTRE CHOIX POUR FORMER À LA PROFESSION : L’ANALYSE DE