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3. U NE RECENSION DES ÉTUDES SUR LES EFFETS ET SUR LES RETOMBÉES DES GROUPES

3.1 Les études évaluatives à devis expérimental

Des études à devis expérimental conduites dans différents contextes mesurent l’efficacité des programmes ou des démarches de groupe auprès de personnes en chômage de longue durée en comparaison avec celle de groupes témoins équivalents. Certaines études ont démontré un effet significativement positif sur l’insertion en emploi12 par rapport à des groupes témoins (Brenninkmeijer et Blonk, 2012; Greenberg et Robins, 2011; Stidham et Remley, 1992). Ces études soutiennent que la participation à un groupe favorise significativement l’insertion professionnelle. Dans le programme évalué par Brenninkmeijer et Blonk (2012), les ateliers sont conduits autour de thèmes comme le réseautage, les méthodes de recherche d’emploi ou l’analyse des demandes des employeurs. Ils vise spécifiquement à développer le sentiment (SEP) d’efficacité personnelle13 associé à la recherche d’emploi, l’estime de soi de même que la capacité à résoudre des problèmes afin de dépasser les barrières et les revers vécus par chacune des personnes participantes dans leurs recherches d’emploi. Ce programme vise également à créer un réseau de soutien social pour ces personnes. Stidham et Remley (1992) situent le programme du club de recherche d’emploi dans une approche qualifiée de béhaviorale, qui vise le renforcement des comportements et des techniques appropriés en recherche d’emploi par les pairs et les personnes intervenantes. Les personnes participantes réalisent des exercices écrits visant la préparation de documents utiles à leur recherche d’emploi. Ils pratiquent les techniques d’entrevue et reçoivent les rétroactions des autres membres. Elles sont amenées à mobiliser une approche personnelle de vente (personnal sales approach). Le soutien entre les personnes participantes dans leur démarche constitue un aspect processuel valorisé.

12 Ces études s’intéressent plus spécifiquement à l’insertion dans un emploi et non à l’insertion sociale et

professionnelle telle que définie précédemment.

13Selon Bandura (1986), le SEP renvoie « aux jugements que les personnes font à propos de leur capacité à

organiser et à réaliser un ensemble d’actions pour atteindre les types de performance attendue » (François et Botteman, 2001, p. 521). Alors que le SEP concerne l’évaluation que fait une personne de ses capacités dans une situation donnée, l’estime de soi concerne les jugements, et les évaluations globales positives et négatives que la personne fait de soi et de sa valeur personnelle. L’estime de soi représente la partie évaluative du concept de soi (Nugent et Thomas, 1993). Elle concerne l’évaluation de plusieurs aspects, comme la compétence sociale, l’habileté à résoudre des problèmes et la valeur personnelle par rapport à autrui (Lecomte, Corbière et Laisné, 2006). L’estime de soi varie au cours de l’histoire de la personne et selon les évènements auxquels elle est confrontée (Allaire et Morin, 2014).

D’autres études mesurent l’effet sur des variables intermédiaires associées positivement à l’insertion sociale et professionnelle. Par exemple, en comparant deux programmes d’ISP spécialement conçus pour des groupes de femmes ayant été victimes de violence conjugale avec un groupe témoin, Chronister et McWhirter (2006) constatent des effets significatifs de ces programmes sur le sentiment d’efficacité personnelle (SEP) en recherche d’emploi et sur la conscience critique à l’égard des situations de violence conjugale. Elles comparent le programme ACCESS14 (en français : Counseling de carrière

et d’employabilité avancé pour les survivantes de violence conjugale) et le même

programme, mais bonifié d’ateliers visant le développement de la conscience critique et de l’empowerment des femmes. Le programme ACCESS est conçu en intégrant des composantes de l’intervention qui, dans les processus de counseling de carrière, contribuaient significativement à la taille de l’effet de la méta-analyse de (Brown et Ryan Krane, 2000), à savoir les exercices écrits, les rétroactions et interprétations individualisées, l’information sur le marché du travail, la possibilité de modeling et le réseau de soutien pour aider à déterminer les choix de carrière. Dans ce programme, les participantes réalisent des exercices – écrits et oraux – d’évaluation des habiletés, de rédaction journalière en lien avec les expériences de carrière, de relaxation, d’identification de compétences et de connaissance des milieux. Un modelage de rôles est souhaité à travers la narration des femmes de leur expérience, et des ateliers sont offerts sur la clarification des buts individuels. Les participantes qui suivent le programme bonifié d’ateliers visant à amener le développement d’une conscience critique en lien avec sa situation de violence (voir l’annexe A) vivent des ateliers traitant de l’identification des attentes et des contradictions et permettant la transmission d’information et d’analyse collective du pouvoir dans les relations de violence conjugale. Comme dans les autres programmes cités précédemment, la programmation d’ACCESS vise la création de réseaux de soutien pour les femmes dans leurs démarches visant l’ISP.

Malmberg-Heimonen et Vuori (2005) comparent quant à eux trois sous-groupes finlandais de personnes chômeuses de longue durée : des personnes contraintes à participer à un programme visant l’ISP, des personnes participant volontairement et un groupe témoin. Les chercheurs démontrent que les personnes contraintes à participer aux démarches de groupe n’en retirent aucun effet significatif en comparaison au groupe témoin. La participation contrainte occasionnerait même une détérioration du SEP et du sentiment d’espoir quant à la possibilité d’intégrer le marché du travail tandis que, chez les personnes en chômage de longue durée participant volontairement, on constate une augmentation du sentiment d’efficacité personnelle en recherche d’emploi de même qu’une amélioration de la santé psychologique. Dans les programmes évalués, les personnes participaient à un entraînement à la recherche d’emploi (job search training), dont le contenu n’est pas spécifié par les auteurs.

Creed, Bloxsome et Johnson (2001) comparent pour leur part les effets attribuables à la participation à un programme australien en groupe aux effets obtenus dans un groupe témoin. Le programme vise selon les auteurs à accroître les compétences générales associées à l’emploi, les compétences informatiques, par exemple. Il vise l’acquisition de compétences spécifiques à certains emplois comme ceux de commis à la vente au détail ou à l’entreposage. De même, du soutien est offert aux personnes participantes pour la recherche d’emploi et pour la préparation aux entrevues. À la lumière des résultats de l’équipe scientifique, le programme semble entraîner, chez les personnes participantes en chômage de longue durée, une augmentation significative de l’estime de soi et du développement de compétences en recherche d’emploi. Cette recherche met aussi en évidence le fait que les relations interpersonnelles encourageantes entre les membres et avec la personne animatrice sont associées à une plus grande confiance et à un meilleur bien-être des personnes participantes. Le programme a permis à 52 % des répondants (groupe témoin et groupe expérimental) de s’insérer professionnellement, mais les personnes participantes ne diffèrent pas significativement du groupe témoin à cet égard. Dans une autre recherche comparative avec groupe témoin réalisée en Australie, Harris, Lum, Rose, Morrow, Comino et Harris (2002) ont mis en évidence que les programmes de

courte durée en groupe (11 heures), dans une approche cognitivo-comportementale, démontrent peu d’efficacité pour soutenir l’insertion professionnelle des personnes en chômage de longue durée. Le programme évalué incluait deux éléments principaux : a) des restructurations cognitives (transformation de pensées négatives en pensées plus rationnelles et b) une méthode de résolution de problème de même que des stratégies béhaviorales transmises pour acquérir des techniques de relaxation. Les résultats montrent que, bien que les personnes participantes ne se démarquent pas significativement de celles du groupe témoin quant à leur insertion professionnelle, leur estime de soi était significativement plus élevée à la suite de la participation au programme.

Au Québec, la Direction générale adjointe de la recherche, de l’évaluation et de la statistique (DGARES) du MESS (2012b) a produit une recherche évaluative longitudinale sur les entreprises d’insertion15. Les personnes participantes y étaient amenées à réaliser en groupe des tâches propres à un métier dans un contexte de travail. Les personnes participantes16 ont été comparées, aux temps 1, 4 et 5, à un groupe témoin de personnes choisies aléatoirement sur une liste de personnes bénéficiaires de l’aide sociale ne participant à aucune mesure d’insertion. Les résultats montrent que, en comparaison avec un groupe témoin, la participation à une entreprise d’insertion favorise significativement l’insertion en emploi dans l’année suivant la participation, en plus de contribuer à une augmentation significative des revenus. Ces deux effets se maintiennent 17 mois après la fin de la participation (T5). De même, on constate une diminution significative des mois

passés à l’aide sociale (diminution moyenne nette de 4,7 mois dans l’année suivant la participation). Aussi, des hausses significatives sont constatées sur la confiance en soi, l’estime de soi, la perception de ses compétences socioprofessionnelles, la condition de vie personnelle et la motivation à occuper un emploi entre le temps 1 et le temps 4. Une

15 Selon le MESS (2012b), « la mission des entreprises d’insertion est l’insertion sociale et professionnelle des

personnes en situation d’exclusion » (p. 26).

16 Parmi les personnes participantes ayant amorcé le programme au temps 1, 46 % n’avaient jamais eu recours

à l’aide sociale, 22 % étaient bénéficiaires de l’aide sociale depuis moins de 2 ans, 10 % depuis 2 à 4 ans, 10 % depuis 4 à 8 ans et 13 % depuis plus de 8 ans.

diminution significative est également notée sur l’amotivation17, la perception du contrôle exercé par leur supérieur et les expériences négatives au travail. Ces effets intermédiaires se maintiennent au temps 5.

Dans leur étude évaluative expérimentale du programme Solidarité Jeunesse mise en place dans les Carrefours jeunesse-emploi du Québec auprès d’une population de jeunes adultes adressant une demande à l’aide sociale, Valois, Fournier et Parent (2004) constatent que les personnes participantes se démarquent significativement du groupe témoin quant à leur insertion dans un emploi. Elles font également plus de démarches personnelles visant à recouvrer la santé ou, selon l’expression des auteurs, à « se prendre en mains ». Selon leurs besoins, elles ont appris à mieux gérer leur budget, ont entrepris des démarches pour régler des dettes importantes, ont stabilisé leur lieu d’hébergement, ont diminué leur consommation de drogues ou d’alcool ou ont entrepris un suivi psychologique. De plus, les personnes participantes se démarquent significativement du groupe témoin quant à leur intention de retour aux études : 28 % d’entre elles actualisent cette intention au cours du programme de Solidarité Jeunesse, mais ce nombre de retours aux études ne diffère pas significativement du groupe témoin. Les personnes participantes vivent une diminution significative de la perception des barrières à l’emploi, affichent moins d’attitudes et de croyances associées à une perception de contrôle défaitiste et dépendante18. Elles affichent plus d’attitudes et de croyances associées à une perception de contrôle et d’auto- responsabilisation et à une perception de contrôle proactive. Ces personnes ressentent également significativement plus de pression pour se trouver un emploi.

Au terme de ce qui précède, il est possible de dégager que la participation à des groupes visant l’ISP peut occasionner des effets positifs sur l’insertion en emploi et sur des

17 Dans cette recherche, l’amotivation se définit ainsi : une personne qui ne se sent pas compétente pour

accomplir des tâches ou ne croit pas que l’activité produira un résultat escompté.

18 Dans le locus de contrôle défaitiste : « la réalité s’impose à soi et aliène toute liberté individuelle. L’action

paraît impossible et les buts fixés irréalisables » (Fournier et Jeanrie, 1999 dans Valois et al., 2004, p. 37). Dans le locus de dépendance, le lien entre le soi et le milieu suit une relation de dépendance qui nuit à la mise en œuvre d’initiatives individuelles.

variables intermédiaires qui y sont reliées. Cependant, on constate des résultats qui divergent : parfois significatifs, ils sont dans d’autres cas non significatifs. L’un des aspects reconnus comme une source potentielle de ces différences relève de la contrainte à participer aux groupes d’ISP : une participation contrainte pourrait susciter des effets dommageables chez les personnes en chômage de longue durée. La durée semble également un facteur déterminant pour que la participation à un groupe ait des effets positifs sur l’ISP des personnes participantes. Certaines études montrent l’importance du rôle des pairs et des personnes intervenantes pour offrir un soutien de même que pour susciter ou dynamiser l’apprentissage de méthodes et outils de recherche d’emploi. Plusieurs études montrent des transformations suscitées par la participation aux groupes visant l’ISP quant à l’évaluation que les personnes font de leur capacité associée à la recherche d’emploi (SEP), de leur estime d’elles-mêmes et, dans certains cas, dans la conscientisation d’obstacles associés à leur situation et aux actions qu’elles peuvent entreprendre pour surmonter ces obstacles. Sont rapidement évoqués les exercices écrits, les discussions et les mises en situation mis en place au cours des programmations évaluées. Cependant, on sait peu, à la lumière de ces recherches, ce qui contribue dans le groupe, à susciter des effets sur l’ISP ou sur les variables intermédiaires.