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3. U NE RECENSION DES ÉTUDES SUR LES EFFETS ET SUR LES RETOMBÉES DES GROUPES

3.3 Les études évaluatives à devis descriptif

3.3.1 Les études extérieures au Québec

Bronstein et McPhee (2009) ont réalisé une étude qualitative auprès de femmes afro-américaines chômeuses de longue durée participant, au sein d’un organisme communautaire, à un groupe d’un an visant leur insertion sociale et professionnelle. Elles notent, à l’analyse des propos tenus lors de groupes focalisés28, que ce groupe permet la formation de relations sociales, d’entraide et de soutien entre les membres. Les femmes peuvent partager leur expérience et être soutenues de façon hebdomadaire dans leurs démarches pour intégrer le marché du travail. Elles apprennent différentes stratégies d’adaptation et les mobilisent dans leur situation. Les auteures soulignent que les personnes participantes vivent ce que Shulman (2011), dans sa description des facteurs d’aide mutuelle dans les groupes, nomme « la force du nombre » (p. 27) et « le sentiment d’être dans le même bateau » (p. 34). De plus, les personnes participantes ont pu bénéficier d’informations variées sur des ressources communautaires et différentes possibilités professionnelles, et partager entre elles de telles informations. Les personnes participantes mentionnent également l’importance de s’être senties aimées et considérées par la personne intervenante et par les membres du groupe. Pour certaines personnes, le programme n’a pourtant pas permis de s’insérer professionnellement : elles soulignent que, malgré l’amour ressenti, malgré le plaisir qu’elles avaient à retrouver les autres femmes, elles ressortent du programme avec une amertume. Elles ont l’impression que les promesses annoncées n’ont pas été remplies29.

28 Cette traduction de focus-group est empruntée à Leclerc, Bourassa, Picard et Courcy (2011). 29 Le taux d’insertion professionnelle n’est pas mentionné.

Chronister, Linville et Palmer Kaag (2008) ont également mené une étude qualitative en recourant à des groupes focalisés de personnes ayant participé au programme ACCESS. Elles montrent que les participantes augmentent leurs connaissances au sujet de la carrière, se sentent soutenues par le fait de partager avec des femmes ayant comme elles subi de la violence conjugale. De plus, la participation à ce programme augmente l’estime de soi, le SEP et la motivation à s’insérer sur le marché du travail selon les participantes. Ces dernières font également une expérience positive de la diversité et voient que leurs difficultés en matière de violence et d’ISP sont partagées par plusieurs personnes d’origines culturelles, ethniques et sociales diverses. Par ailleurs, certaines participantes se sentent jugées dans le groupe en raison de disparités quant au niveau de scolarité complété.

Roques (2011b) a procédé à une recherche évaluative qualitative sur une démarche française en groupe visant l’ISP auprès de huit hommes majoritairement immigrants et ayant un handicap. Lors de ses observations30, l’auteure a constaté chez les participants une difficulté à s’approprier les objectifs du groupe, soit « de rechercher des solutions au niveau de l’emploi par le groupe et d’amener les sujets à être actifs » (p. 183). Lors des premières rencontres, la communication passait davantage par l’assistante sociale31 qui jouait, selon Roques, un rôle de leader plutôt que de facilitatrice. Par la suite, les interactions directes ont émergé entre les participants, et les hommes échangeaient des informations à propos de leurs besoins. L’auteure constate que le groupe a permis à l’entraide de se créer entre les membres. Cependant, l’émergence de situations personnelles et financières difficiles nuit à la présence de certains hommes du groupe ; à leur retour, les autres membres leur expliquent le contenu des dernières rencontres. Plusieurs hommes soulignent que le groupe leur permet de s’exprimer et d’être entendus et apporte une forme de réconfort et de soutien dans leur situation. Cependant, l’analyse des tours de parole effectuée par la chercheure

30 L’auteure ne précise pas si cette observation est participante.

31 Selon l'Entente entre la France et le Québec en matière de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles, le titre d’assistante de service social constitue un équivalent du titre de

travailleuse sociale au Québec. Pour plus de détails voir : http://www.immigration-quebec.gouv.qc.ca/ publications/fr/arm/ARM-travailleurs-sociaux.pdf

montre que cet espace de parole n’est pas utilisé par tous de la même façon, certains parlant peu et attendant d’être invités à le faire par l’assistante alors que d’autres sont très volubiles. La parole semble être un instrument servant à partager son expérience avec d’autres, à être entendu et à réaliser collectivement des tâches en lien avec son projet d’insertion. Les interactions langagières réalisées autour des concepts et des expériences de racisme et de chômage semblent permettre aux personnes de confronter différentes conceptions et de partager des expériences affectives douloureuses. L’analyse montre des résultats très différenciés quant à l’objectif du groupe : il permet à certaines personnes de s’exprimer et leur permet d’obtenir du soutien, mais ne les amène pas à prendre du pouvoir et à être actifs par rapport à leur situation de chômage. Pour un des hommes, le groupe lui a permis de découvrir et de mobiliser ses ressources, tandis qu’un autre a entrepris des actions concrètes de retour en formation (alphabétisation) et de démarrage d’entreprise.

Dans une démarche entreprise en Ontario auprès de femmes réfugiées hispanophones, le Hispanic Women’s Support Group, Breton (2000)32 montre comment le fait d’être entendues et de pouvoir s’exprimer dans un groupe a permis à des femmes d’oser parler et s’exprimer librement après avoir été contraintes au silence par différentes pressions sociales et institutionnelles. Selon l’auteure, dans cette intervention de groupe qui visait principalement l’insertion sociale, l’une des plus grandes retombées de l’intervention réside dans le fait que les femmes reconnaissent qu’elles ont une voix. Le groupe, mené dans une approche structurale33 (structural approach), permet aux femmes de développer une conscience critique quant à leur situation. Dans cette approche, la notion de voix semble faire écho au concept de silence, utilisé pour traiter des groupes marginalisés : ce silence est opposé à la parole détenue et mobilisée par les personnes qui ont du pouvoir ou un statut majoritaire (Solar et Bélisle, 2009). Ainsi, le fait de favoriser la prise de parole et de la légitimer dans le groupe offrirait un espace plus grand de liberté et de pouvoir aux femmes hispanophones ayant participé à l’étude de Breton. Le partage avec d’autres

32 La méthodologie de l’analyse des entretiens réalisés avec les femmes n’est pas explicitée par l’auteure. 33 Cohen et Mullender (1999) réfèrent aussi à un « modèle à buts communs » pour traiter de cette approche.

membres vivant des situations similaires leur permet de s’exprimer sur des difficultés vécues comme la discordance culturelle, les difficultés d’adaptation, les difficultés à parler la langue anglaise ou la violence conjugale. Le développement d’un nouveau réseau social à l’extérieur du groupe permet aussi, selon les participantes, de diminuer l’isolement social vécu et, ainsi, d’obtenir un soutien facilitant l’insertion sociale. Lorsque questionnées sur les aspects les plus significatifs dans le groupe, ces femmes répondent l’harmonie, l’amour qui était démontré de même que la compréhension mutuelle. En plus, des apprentissages réalisés portant notamment sur les lois, le système canadien et les ressources offertes dans leur communauté, le groupe a permis aux femmes de vivre des contradictions entraînant une transformation de l’évaluation négative qu’elles faisaient de leur valeur et de la valeur de leur voix dans la société.