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que les leaderships résultent d’une interdépendance avec les situations où ils s’exercent

Ces modèles font référence à la nécessaire prise en compte des facteurs contextuels et mettent l’accent sur la réceptivité des chefs à un groupe particulier. Les différents modèles se distinguent selon leurs ancrages res- pectifs sur les théories de la contingence, les théories transactionnelles, les théories cognitives, les théories de l’identité sociale ou encore les théories des émotions qui constituent un cadre en essor. Dans le cadre de ce bref éclairage, nous nous limiterons à indiquer que le modèle du leadership qui s’adosse aux théories transactionnelles confère une place centrale à l’individu leader, en transaction avec d’autres personnes, tandis le modèle du leadership distribué situe les interactions dans un registre plus global, prenant en compte l’ensemble des modalités de distribution de leadership à travers divers personnes, objets ou dispositifs. Nous insistons davantage sur deux autres modèles, déjà cités, qu’inspirent respectivement les théo- ries de la contingence (modèle interactionniste de Fiedler ) et les théories cognitives (modèle connexionniste).

2.2.1 Le modèle interactionniste de Fiedler est le prototype

des modèles développés au regard des théories

de la contingence

Dans cette perspective, le leadership est envisagé de façon émergente, en interdépendance avec les situations réelles rencontrées, le modèle de Fiedler rendant particulièrement compte de l’interaction entre le style de leadership et les caractéristiques de la situation, comme l’illustre la figure 2. Fiedler considère cependant que même un bon équilibre entre différents styles de

leadership, tels qu’ils sont possibles en référence à l’approche comporte-

mentale du leadership, c’est- à- dire respectivement orientés vers la tâche ou les relations humaines, n’assure pas systématiquement l’efficacité d’un groupe. Par ailleurs, il remarque qu’un style de leadership peut être effi- cace dans un contexte et pas dans un autre, le lien direct entre style de lea-

dership (ou comportement) et efficacité n’existant pas. Selon lui, les vrais

chefs émergent comme une fonction de l’interaction entre la personne et la situation, d’où le concept de « contingence », qui rend compte du proces- sus d’adaptation aux contraintes de l’environnement.

Pour autant, relativement à la composante personnelle de l’interac- tion, Fiedler ne s’oppose pas à ce que l’on distingue l’orientation par la « tâche » de l’orientation par la « relation humaine ». Relativement à la com- posante situationnelle de l’interaction entre le leader et le groupe, Fiedler considère que trois conditions sont facilitantes : le degré d’autorité, la clarté de la tâche et la qualité des relations (Cf. figure 2). En considérant que cha- cune des trois conditions de la situation peut être élevée ou faible, il y a donc six combinaisons possibles qui rendent compte du degré de facilita- tion (favourableness) du leadership .

Malgré certaines imperfections, le modèle de Fiedler semble relative- ment prédictif, comme l’ont notamment montré certaines études ultérieures, notamment celle de Strube et Garcia (1981). Néanmoins de nombreuses controverses tendent à encourager le développement de modèles encore plus prédictifs, de plus en plus précis. Parmi ceux- ci, les modèles se récla- mant de la théorie du leadership situé (situational leadership theory) de Hersey et Blanchard (1993) ou encore de la perspective de la prise de décision optimale (optimal decision making) de Vroom et Yetton (1973), l’un et l’autre toujours en lien avec les théories de la contingence, sont aujourd’hui relativement influents.

Au- delà des forces et des faiblesses propres de chaque modèle, l’essentiel est de comprendre que l’on tente d’élaborer les modèles pré- dictifs les plus précis possible. Pour ce faire, on évolue d’une logique cen- trée sur la personne vers une logique centrée sur la situation, en visant un niveau plus complexe encore, centré sur l’interaction « personne- situation ». Une telle évolution conduit dès lors assez naturellement, pour tenter de

dépasser les inextricables difficultés auxquelles on est confronté lorsqu’il s’agit, par exemple, de choisir « the best leader » lors d’un recrutement, à s’inscrire dans une logique de formation à des compétences « situées », exercées par un leader dans des situations ou familles de situations bien identifiées.

Figure 2. Le leadership selon les théories de la contingence : le modèle interactionniste de Fiedler (1964)

« Vrai chef » Styles personnel du chef :

• Axé sur la tâche • Axé sur les dimensions

humaines

Degré de contrôle situationnel du groupe

(conditions facilitantes – favourableness) :

• Degré d’autorité • Clarté de la tâche • Qualité des relations

Caractéristiques de la personne

Interaction

Caractéristiques de la situation

2.2.2 Parmi les modèles qu’inspirent les théories cognitives,

le modèle de leadership dit connexionniste s’appuie

sur une perspective qui cherchait à dépasser les limites

des premiers modèles très computationnels de traitement

de l’information

La perspective connexionniste intègre la perspective cognitiviste et y ajoute l’idée que le leadership est une perception sociale et non pas une per- sonne. Une personne devient leader lorsqu’elle est perçue comme tel. La causalité des conduites n’est ainsi à rechercher ni chez le leader ni chez les suiveurs mais plutôt au niveau du contexte écologique qui produit des réponses cognitives et affectives chez les membres du groupe.

Selon cette vision, qui se base sur les niveaux et stades de la conscience en privilégiant la réflexivité comme modalité d’action, « le lea-

dership est un produit d’un système social influencé par la tâche et son

membre du groupe de ce système » (Hogg , & Tindale , 2001). Le lea-

der ajuste et régule son comportement sur base d’une variété de variables

contextuelles, liées, par exemple, à la tâche, à la culture du milieu, aux performances en jeu, aux dispositifs organisationnels concernés, etc. Pour retraduire ses perceptions et adapter ses comportements futurs, il s’appuie notamment sur des compétences de nature socio- émotionnelle, les per- sonnes ayant une intelligence sociale élevée semblant capables de percep- tions et de schémas plus élaborés, une telle notion ouvrant elle aussi des voies fécondes pour envisager des dispositifs pédagogiques dédiés à l’ap- prentissage du leadership.

3 DEUX REMARQUES PEUVENT ÊTRE FORMULÉES

EN CONCLUSION

Sur un plan pédagogique, la conception selon laquelle la capacité à exercer un leadership peut notamment relever de compétences, construites grâce à des apprentissages situés dans le cadre d’une pratique réflexive , soulève la question de sa transférabilité . L’exercice de telles compétences à l’intérieur d’une famille de situations homologues à celle des situations d’apprentissage en est le premier niveau. Au regard des sciences de l’apprentissage, un tra- vail spécifique de décontextualisation et de recontextualisations itératives, exploitant des savoirs spécifiques pour construire des connaissances adap- tées, résultant notamment de la mise en œuvre de stratégies de discrimina- tion et de généralisation, est nécessaire pour que ces capacités acquièrent le statut de compétences réellement transférables, notamment à d’autres familles de situations (Cf. chapitre 1, section  IV  : « Promouvoir les péda- gogies actives comme soutien à la pratique réflexive et à l’apprentissage en profondeur »). Il convient en outre d’avoir à l’esprit que de telles com- pétences ont vocation à être mobilisées judicieusement, dans les situations qui exigent authentiquement l’exercice d’un leadership, nul n’ayant voca- tion à devenir un leader permanent !

Au plan spéculatif et conceptuel, il est permis de se questionner sur la pertinence qu’il y aurait à reconsidérer la distinction princeps, telle qu’elle était illustrée sur la figure 1, entre les modèles de leaderships indépendants des situations et les modèles de leaderships résultant d’une interdépen- dance avec les situations où ils s’exercent. Ainsi, la vraie rupture paradigma- tique pourrait ne plus se situer, comme on l’envisageait, entre les modèles issus des théories de la personnalité et des comportements et ceux issus de la théorie de la contingence mais plutôt, in fine, entre les modèles inspi- rés par les théories de la contingence et ceux qu’orientent aujourd’hui les théories cognitives.