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CONDITIONS D’APPRENTISSAGE ORGANISATIONNEL AU SEIN DES ORGANISATIONS DE LA SANTÉ

Développer des dynamiques d’apprentissage organisationnel

3 CONDITIONS D’APPRENTISSAGE ORGANISATIONNEL AU SEIN DES ORGANISATIONS DE LA SANTÉ

Les organisations dont l’objet est la santé sont très variées en taille, en configurations, en missions. Elles dépendent de secteurs différents (public/ privé). Elles dépendent de commanditaires de natures variées et s’adressent à une variété de bénéficiaires. Un réseau de dispensaires, une organisation non gouvernementale internationale, un hôpital citadin, un ministère de la santé, etc. sont autant d’organisations distinctes. Le travail ne s’y organise pas de la même manière.

Pourtant, ces organisations partagent un ensemble de missions essentielles  liées aux soins aux personnes. Ces organisations ont égale- ment en commun des logiques de travail qui reposent à la fois sur une organisation professionnelle et une organisation mécaniste- bureaucratique. La première se reconnaît à l’esprit de collégialité qui anime les profession- nels, à l’autonomie qu’ils se ménagent dans l’organisation de leur travail et à la faible hiérarchie instaurée entre eux. Les normes et les procédures sont internalisées par les professionnels, notamment au cours de leur for- mation qui contribue à une standardisation des qualifications et des connais- sances. Le contrôle est non formel et se concrétise essentiellement par le regard critique des pairs. C’est la logique qui prévaut dans les équipes et les conseils de médecins et de soignants. La seconde logique sur laquelle repose l’organisation du travail en organisation de santé se caractérise par une importante division du travail (à chacun son service, sa spécialisation, son patient) et une ligne hiérarchique importante entre le sommet straté- gique et les différents opérateurs (les uniformes en sont l’expression). Elle s’exprime par une formalisation des procédures pour coordonner le tra- vail et par une standardisation des procédures. Cette dimension mécaniste des organisations de la santé s’est accentuée ces dernières décennies avec l’avènement d’une nouvelle forme de management venant du secteur privé (Merrien , 1999). Les organisations de la santé partagent à des degrés divers ces deux configurations, du moins dans leurs logiques. En effet, si les orga- nisations intègrent d’autres manières de s’organiser (par exemple, autour d’un projet), ces logiques restent prégnantes dans les esprits et sont invo- quées lorsque les personnes argumentent leurs actes, leurs choix ou leurs souhaits.

Weick (1976) synthétise cette double logique à travers le concept de « système faiblement articulé » (loosely coupled system). Un tel système se caractérise par :

– l’absence de lien fort entre les unités de l’organisation : chaque ser- vice fonctionne relativement indépendamment ;

– une faible coordination entre ces unités juxtaposées  : il y a peu de lieux et de moments de coordination ;

– un certain degré d’isolement des parties : les professionnels connais- sent peu l’activité de leurs collègues (chaque médecin a ses patients, chaque formateur a sa classe) ;

– des feed- backs peu présents : l’évaluation des actes est rare ; – une grande autonomie des acteurs  : chacun a autorité dans son

domaine, son service, sa classe.

Cette faible articulation est en général perçue par le patient en hôpi- tal s’il souffre de pathologies relevant de services différents, qui peuvent le conduire à des parcours mal coordonnés d’une structure à l’autre. Les orga- nisations de formation qui se rapprochent de la forme scolaire partagent ces caractéristiques. C’est ainsi l’étudiant qui doit faire les liens entre les disci- plines et les cours si l’intégration de ces contenus n’est pas prévue dans le curriculum . Dans ce cas, c’est le groupe « classe » qui constitue l’unité du système : chaque enseignant y agit avec une grande autonomie et avec peu de liens avec ses collègues. Pour illustrer ces organisations, nous faisons appel à l’image de boîtes à œufs (Lortie , 1975) où chaque service hospi- talier, chaque classe, est représentée par une case. Un centre de santé ou un système éducatif peuvent être imaginés à partir de boîtes à l’intérieur desquelles les œufs ne s’entrechoquent pas et restent relativement isolés. Il ne s’agit pas d’un défaut d’organisation mais d’un type d’organisation. Les dimensions formelle et mécanique garantissent l’efficacité  : ainsi, notam- ment, lorsqu’une décision est prise par le « top management », elle est

rapidement transmise à la base de l’organisation. Dans des situations d’in- certitude, d’urgence ou devant des situations inédites, les dimensions pro- fessionnelles deviennent particulièrement pertinentes : les compétences des professionnels et leur autonomie garantissent des solutions ad hoc.

Cette modélisation permet de rendre compte du constat selon lequel un grand nombre de micro innovations sont générées par des personnes isolées ou des groupes restreints dans ces organisations. Par contre, les changements à grande échelle sont difficiles à y implanter. Mettre en place des dynamiques d’apprentissage organisationnel dans de telles organisa- tions constitue un défi lorsque l’on sait que celles- ci impliquent des modes flexibles de travail (tel que du travail par projets), des ajustements interper- sonnels constants, ainsi que des moments de débats ouverts et argumentés. Dans la section suivante, nous exposons les principes d’apprentis- sage organisationnel , de manière à mieux comprendre les freins et les leviers d’innovations dans ces organisations. La lecture habituelle attribue les freins au changement à des facteurs individuels (résistance, faiblesse de la motivation des personnels, personnalités peu collaboratrices). Dans ce chapitre, nous attirons l’attention sur les dimensions organisationnelles qui médiatisent les comportements des professionnels, de manière à identifier et à mettre en place des pistes organisationnelles et qui favorisent le déve- loppement et la généralisation d’innovations au sein de l’organisation.

4 DES PRINCIPES POUR DÉVELOPPER DES DYNAMIQUES