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L’éclairage cognitiviste et la notion de stratégie d’apprentissage

Promouvoir les pédagogies actives comme soutien à la pratique réflexive

2.2.1 L’éclairage cognitiviste et la notion de stratégie d’apprentissage

La notion de profondeur – et corollairement celle de superficialité de l’ap- prentissage  – est apparue avec la perspective cognitiviste de l’apprentis- sage. Les premières approches, inspirées par des modèles computationnels, issus de la théorie du traitement de l’information, ont mis l’accent sur les notions de « stratégie d’apprentissage » (Weinstein , Goetz & Alexander , 1988). Une stratégie d’apprentissage est une pensée ou une action centrée

sur le traitement d’une information, dans le but de stocker celle- ci en  vue d’une réutilisation ultérieure. Plusieurs taxonomies des stratégies d’appren- tissage ont été développées. La typologie formelle des connaissances éta- blie dans le champ de la psychologie cognitive conduit à les distinguer selon la nature des connaissances en cause (Tardif , 1992).

Trois stratégies peuvent être mobilisées pour construire des connais- sances dites déclaratives , qui sont représentées en mémoire à long terme sous forme propositionnelle  et qui concernent les faits, les concepts, les règles, les principes, les lois  (niveau du « savoir- redire »). Pour chacune d’entre elles, plusieurs modalités de mises en œuvre –  ou techniques  – peuvent être employées. Le tableau I présente les définitions de chacune d’entre elles et recensent quelques- unes des modalités possibles de mise en œuvre. Plusieurs travaux ont montré que dans le cadre de l’enseigne- ment supérieur (Pressley , Yokoi , van Meter , van Etten & Freebern , 1997), les formations en santé n’échappant pas à cette règle (Lahtinen , Lonka & Lindblom- Ylänne , 1997), il est fréquent qu’une majorité d’étudiants ne recoure quasi- exclusivement qu’à la stratégie de répétition, seule une minorité recourant régulièrement à l’éventail des trois stratégies d’appren- tissage (répétition, élaboration, organisation). Pourtant, de nombreux tra- vaux ont montré que l’une des conditions de l’expertise professionnelle est non seulement la quantité de connaissances disponibles mais surtout la variété et la qualité de leur organisation en mémoire à long terme, ce qui implique la construction de nombreux liens (Custers , Regehr & Norman , 1996).

D’autres stratégies sont sollicitées pour construire des connaissances d’action, qui sont nécessaires pour résoudre un problème et qui sont repré- sentées en mémoire à long terme sous forme productionnelle (Tardif , 1992). Parmi celles- ci on distingue  : a) les connaissances conditionnelles , qui subordonnent une action à plusieurs conditions [si (1re  condition)…et

si (2e condition)…et si (3e condition…, alors (résultat) – niveau du « savoir

quand » et du « savoir pourquoi »] ; b) les connaissances procédurales , qui subordonnent plusieurs actions à une condition [si (condition d’activa- tion)…, alors (1re action)…, puis (2e  action), puis (nième action)  – niveau

du « savoir comment »].

Les connaissances conditionnelles sont à la base du processus de transfert, qui désigne la capacité à appliquer dans un contexte donné (le contexte professionnel ) les connaissances acquises dans un autre contexte (le contexte d’enseignement et d’apprentissage mis en place dans le cadre de la formation). Leur construction requiert la mise en œuvre de deux stratégies spécifiques, la généralisation et la discrimination. La stratégie de généralisation consiste à reconstruire des connaissances de façon à ce qu’elles s’appliquent à plusieurs cas. Pour un futur professionnel de santé, il s’agit par exemple de reconnaître que chez deux patients apparemment

différents (parce qu’ils expriment, par exemple, des plaintes différentes), le problème de santé en cause est en réalité le même. À l’inverse, la stra- tégie de discrimination consiste à reconstruire des connaissances pour res- treindre le répertoire des situations auxquelles elles s’appliquent. Pour  un futur professionnel de santé, il s’agit par exemple de reconnaître que chez deux patients apparemment semblables (parce qu’ils expriment, par exemple, des plaintes similaires), le problème de santé en cause est en réalité différent.

Les connaissances procédurales sont les connaissances sollicitées pour produire une action au sens propre. Leur construction requiert la mise en œuvre de deux stratégies spécifiques : la procéduralisation et la composi- tion. La procéduralisation consiste à décomposer une activité complexe en séquences productionnelles élémentaires, tandis que la composition consiste à recombiner les différentes séquences productionnelles élémentaires pour être en mesure de les enchaîner.

Il faut bien comprendre que la notion de connaissances d’action, qu’elles soient conditionnelles ou procédurales, ne concerne pas que le champ psycho- moteur, celui des habiletés gestuelles, par exemple. Ainsi, accorder un participe passé conjugué avec l’auxiliaire avoir parce que le complément d’objet direct est placé avant, lorsque l’on rédige une lettre, sollicite bien des connaissances d’action alors que l’apprentissage de la seule règle de grammaire sous- jacente est du niveau déclaratif et qu’il est fréquent de vérifier que la connaissance de celle- ci n’est pas la garantie d’éviter la faute d’accord grammatical en situation. Dans le domaine de la santé, planifier un traitement et la surveillance d’un patient est une activité qui requiert à la fois des connaissances déclaratives et des connaissances d’action. Les connaissances d’action peuvent par ailleurs être automatisées, c’est- à- dire qu’elles peuvent être mises en œuvre en dehors de toute délibé- ration consciente, ce qui permet d’épargner les ressources de la mémoire de travail. Une telle possibilité est cruciale pour libérer toutes les ressources dont les professionnels de santé ont besoin pour résoudre les problèmes complexes auxquels ils sont confrontés. Ainsi, par exemple, l’automatisa- tion de connaissances reliées aux compétences communicationnelles ou cliniques permet- elle à un professionnel de santé d’être attentif aux dimen- sions affectives, culturelles ou éthiques d’un problème de santé dans le cadre d’une consultation.

Au total, au regard de la perspective cognitiviste développée dans cette section, on peut énoncer que, dans le cadre d’un dispositif de for- mation d’un professionnel de santé, des apprentissages en profondeur devraient :

– solliciter le répertoire complet des stratégies d’apprentissage et pas seulement surtout l’une d’entre elles, notamment s’il s’agit de la seule répétition ;

– solliciter la construction de connaissances d’action autant que de connaissances déclaratives et, en particulier, viser la construction de connaissances conditionnelles qui sont à la base du processus de transfert.

Tableau 1. Stratégies d’apprentissage du domaine cognitif utilisables pour construire des connaissances déclaratives

Stratégie cognitive Modalité ou technique de mise en oeuvre

Répétition

Reformulation des informations dans les mêmes termes

– Répétition silencieuse, sub- vocalisée ou à voix haute, des informations

– Soulignement ou surlignement des mots- clés et des idées importantes

– Encadrement de parties d’un texte – Transcription et prise de notes

Élaboration

Reformulation des informations dans des termes différents

– Élaboration de résumés – Élaboration de questions

– Formulation d’exemples, d’analogies

– Comparer un vocabulaire français à un vocabulaire étranger pour en identifier les similitudes

et les différences

Organisation

Hiérarchisation, catégorisation et transformation

des informations

– Construction de documents de synthèse (tableaux, diagrammes, graphiques, schémas) – Élaboration de cartes conceptuelles

2.2.2 L’éclairage socio- constructiviste et l’importance