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Leadership destructif et constructif : quelles sont les combinaisons observées? Les études de cette thèse contribuent à répondre à l’appel à la recherche d’Einarsen,

Aasland et Skogstad (2010) et Tepper, Simon et Park (2017) en positionnant les comportements destructifs par rapport aux comportements constructifs. Elles soutiennent aussi la proposition d’Einarsen et collègues (2010) selon laquelle une vision dichotomique du leadership où les comportements destructifs et constructifs sont étudiés de manière isolée n’offrirait pas une image globale du leadership tel que présenté par les gestionnaires. L’étude des profils prototypiques de cette thèse, soit les amalgames ou styles comportementaux les plus probables dans un échantillon, suggère l’existence de trois types de gestionnaires, soit des gestionnaires : 1) constructifs, mais dont certains peuvent parfois être destructifs, 2) incertains et 3) hautement destructifs.

Tout d’abord, l’observation des profils prototypiques permet de conclure que la majorité des gestionnaires présenteraient un profil principalement caractérisé par des niveaux plus élevés de comportements constructifs. Toutefois, si l’utilisation de leadership destructif reste toujours plus faible chez ces gestionnaires, la comparaison des profils montre que certains en feraient un usage plus fréquent. Par exemple, dans l’article 2, 33 % des employés perçoivent que le

destructifs (tyrannique et laissez-faire), alors que 44 % des employés perçoivent que leur gestionnaire montre un niveau de leadership destructif se rapprochant plus de la moyenne, pour un niveau similaire de comportements constructifs. Un profil similaire est observé dans l’article 1 où 66 % des employés perçoivent que leur gestionnaire montre un niveau légèrement plus élevé que la moyenne de leadership transformationnel et légèrement sous la moyenne de leadership tyrannique.

On observe par la suite, mais uniquement dans l’article 1 un second type de profil

prototypique. Ainsi, certains gestionnaires présenteraient un profil de supervision caractérisé par des niveaux légèrement plus faibles que la moyenne de leadership transformationnel et

tyrannique. Dans cet échantillon, près de 28 % des employés sondés seraient confrontés à ce type de gestionnaires que l’on qualifie d’incertains, car comparativement à leurs collègues, il est plus difficile de déterminer s’ils sont plus caractéristiquement constructifs ou destructifs. Notons qu’un nombre limité de comportements de leadership a été mesuré dans cette étude.

Finalement, on observe dans les deux articles de cette thèse que des gestionnaires

présentent un profil de leadership clairement caractérisé par des comportements destructifs. Dans le second article, 23 % des gestionnaires présentent un niveau nettement élevé de comportements destructifs, couplés à de faibles niveaux de comportements constructifs. Dans le premier article, cette prévalence diminue à 6 % des gestionnaires qui présentent un niveau très élevé de

leadership tyrannique et très faible de leadership transformationnel. Relevons que le niveau observé de leadership tyrannique est moins élevé dans l’article 2 que dans l’article 1, ce qui explique possiblement la plus grande prévalence. Or, cette différence qualitative et quantitative soit le niveau et la fréquence de leadership destructif pourrait être expliquée par la nature des organisations sondées. Avant tout, il faut mentionner que ces deux organisations, œuvrant

naturelles (échantillon 2), présentaient un niveau très élevé de hiérarchisation et de

standardisation des métiers et procédures. En ce qui concerne la première organisation, il a été proposé que les milieux policiers, présentant une organisation du travail dite militaire, seraient propices à l’émergence du leadership destructif à travers leur hiérarchie (Girodo, 1998; Vito, Suresh et Richards, 2011). Néanmoins, Reed (2015) soutien que les employés d’organisations présentant ce type de structure seraient socialisés dans le contexte d’une hiérarchie très stricte et d’un environnement très régimenté ce qui les désensibiliseraient aux comportements de

leadership destructif. En d’autres termes, ces comportements faisant partie intégrante du milieu policier et étant attendus, ils seraient moins perçus par les employés. Cela pourrait expliquer pourquoi l’on observe une proportion de gestionnaires destructifs plus faible dans le premier échantillon. Considérant cette proposition, il est possible que dans ce contexte un gestionnaire doive présenter une forte déviation aux normes en place (p.ex. : être qualitativement plus tyrannique que ces collègues) afin d’être perçu comme destructif, ce qui pourrait expliquer pourquoi certains gestionnaires de cette organisation sont perçus comme étant très fortement destructifs.

En ce qui concerne la seconde organisation, il a été montré que le secteur industriel présenterait la plus forte prévalence d’agressions interpersonnelles, tel le leadership destructif (Einarsen et Skogstad, 1996). De plus, il s’agissait d’une organisation avec un syndicat très puissant et où une dynamique d’agressivité existait entre employé et employeur. Cette organisation et cet échantillon étaient aussi majoritairement composés d’hommes, un autre prédicteur d’agressivité (Einarsen et Skogstad, 1996). Or, comme mentionné précédemment un milieu et une culture d’agressivité favoriserait l’émergence du leadership destructif (Hu et Liu,

gestionnaires étant perçus comme plus clairement destructifs. De plus, cette fréquence plus élevée pourrait faire en sorte qu’il y ait moins de distinction ou d’écart à la norme entre les gestionnaires en ce qui a trait au leadership destructif, expliquant sa moins grande intensité perçue.

En somme, l’étude des profils prototypiques de leadership effectuée dans cette thèse mène naturellement à la conclusion suivante : certains gestionnaires amalgament des comportements de leadership destructifs et constructifs. Toutefois, ces amalgames sont généralement nuancés et prennent la forme de légères variations autour de la moyenne. Cette thèse soutient donc à l’instar d’autres études que les formes de leadership destructives et constructives sont empiriquement distinctes (p. ex. : Schriesheim, House et Kerr, 1976), mais tout de même relativement

antagonistes (Skogstad et al., 2014; Zhang et Bednall, 2016). Cela fait en sorte que leurs

combinaisons à des niveaux élevés seraient possiblement rares et s’éloigneraient des amalgames ou profils étant observés de façon plus récurrente chez les gestionnaires. En d’autres termes, il est plus improbable, mais pas impossible, qu’un gestionnaire étant fortement destructif, présente aussi un niveau appréciable de leadership constructif. Subséquemment, en cohérence avec ce qui est observé dans les études sur la prévalence des formes destructives de leadership

(p. ex. : Brunet et al., 2015), il est possible de suggérer que la majorité des gestionnaires étant constructifs feraient un usage peu fréquent de comportements destructifs. Au contraire, un nombre plus restreint, mais tout de même préoccupant de gestionnaires feraient un usage plus fréquent de leadership destructif.

Quelles sont les combinaisons comportementales élicitant l’exacerbation intra-