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4. Présentation des résultats

4.2 Le triangle pédagogique

4.2.3 Le triangle pédagogique à l’école publique

E3, par contre, n’a à nouveau pas explicitement indiqué qu’elle mettait le savoir à la place du mort dans son école, pas plus qu’E2 et E4 ne l’ont précisé au sujet de l’enseignant. Cela découle, comme dans leur idéal, du fait qu’ils accordent davantage d’importance à une relation en particulier qu’aux autres axes du triangle, mettant donc de manière plus ou moins consciente, un acteur du triangle en retrait. E4 indique cependant vouloir parfois se mettre plus en retrait que ce qu’il fait en réalité dans son école.

4.2.2.3 Synthèse

Les trois profils mis en lumière dans la partie sur le triangle pédagogique idéal (4.2.1) se retrouvent ici. De plus, les enseignants interrogés semblent globalement contents de la façon dont le triangle pédagogique est mis en place dans l’école où ils enseignent. E4 est celui qui paraît le moins satisfait de tous les enseignants à ce niveau, mais même lui trouve que cela fonctionne bien, malgré tout. Comme les autres, il explique qu’il n’est pas toujours évident de mettre en place le triangle idéal et pointe les difficultés à surmonter pour y arriver : l’axe apprendre semble par exemple être difficile à privilégier, tout comme se mettre à la place du mort en tant qu’enseignant paraît être un véritable apprentissage. Finalement, E3 souligne les difficultés liées aux objectifs imposés par l’école publique : ils la restreignent parfois dans son enseignement.

4.2.3 Le triangle pédagogique à l’école publique

Pour déterminer quel est, selon les enseignants interrogés, l’axe privilégié du triangle pédagogique à l’école publique, nous leur avons demandé de comparer leur idéal concernant les acteurs du triangle et leurs relations, à l’école publique.

Il est nécessaire de répéter ici que si E3, E6.1 et E6.2 ont enseigné à l’école publique en Suisse et E4 en France, les autres n’ont que peu, dans le cas d’E1, voire pas, en ce qui concerne E2 et E5, d’expérience avec le système public autre que celle de leur propre scolarité. Cela est forcément à prendre en compte lorsque l’on se penche sur leurs explications.

Il a été difficile, sur la base des entretiens, de déterminer clairement quelles relations du triangle sont privilégiées à l’école publique selon chaque enseignant. En effet, il semblerait qu’il n’existe pas, de leur point de vue, un triangle pédagogique unique et toujours identique à l’école publique. Ils ont malgré tout évoqué un « triangle dominant ». Ce sont donc les caractéristiques de ce triangle que nous avons classées dans le tableau ci-dessous 7.

Sur la base des entretiens avec E2 et E5, il n’a pas été possible de déterminer quel axe est privilégié selon eux à l’école publique. Cela s’explique par le fait qu’il s’agit des deux seuls enseignants à n’avoir aucune expérience de l’école publique en tant qu’enseignants et qu’ils en ont donc moins parlé que les autres. Les raisons pour lesquelles ces deux enseignants n’ont pas travaillé à l’école publique sont d’ailleurs différentes : effectivement, si l’on regarde le tableau 3, on s’aperçoit qu’E2 n’en a pas eu la possibilité, étant donné qu’il ne possède pas le diplôme nécessaire, tandis que chez E5, c’est un choix :

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« I didn’t think that the public system worked » explique-t-il, mais sans entrer beaucoup plus dans les détails au niveau des axes du triangle pédagogique.

Les enseignants restants sont unanimes sur l’axe privilégié à l’école publique mais, comme précisé plus haut, ils précisent que s’ils considèrent que le triangle décrit dans le tableau 7 est effectivement très présent à l’école publique, ils estiment qu’il est aussi possible de favoriser les autres axes. Nous développons cela dans les paragraphes qui suivent.

Tableau 7 : le triangle pédagogique à l’école publique selon les enseignants interrogés Enseignant Axe privilégié Place du mort

Apprendre former enseigner Enseignant Elève Savoir

E1 X X E2 E3 X X E4 X X E5 E6.1 X X E6.2 X X

4.2.3.1 Les relations du triangle pédagogique à l’école publique

L’axe apprendre

Il est intéressant de constater qu’E5, E6.1 et E6.2 n’ont pas parlé de l’axe apprendre à l’école publique alors même qu’ils l’ont beaucoup évoqué en décrivant leur idéal et l’école alternative où ils travaillent. En ce qui concerne les autres, E1 et E2 parlent de la façon dont le savoir est amené à l’école publique : selon eux, il est présenté de façon décontextualisée aux élèves. E2 explique : « parce qu'on leur

apprend : "C'est comme ça". On leur apprend pas à découvrir : "Heiiin, ça devient comme ça" ». Le

savoir est souvent vide de sens pour les enfants qui ne comprennent pas pourquoi ils apprennent tel ou tel contenu.

Pour E4 et E3 il y a un problème d’uniformisation : tous les élèves apprennent la même chose en même temps sans prise en compte de leur rythme ou de leur individualité. E4 ajoute que « le seul concept, c'est

de faire réussir les élèves à partir d'une matière à laquelle on met une note et c'est un peu désespérant ».

Pour lui, la relation de l’élève aux apprentissages est réglée par les notes données à son travail. L’axe former

E1, E3, E4, E6.1 et E6.2 se sont tous les cinq exprimés sur cet axe. E1, E4 et E6.2 sont d’accord pour dire que construire une relation correspondant à leur idéal est difficile à l’école publique.

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E3 admet avoir l’impression que l’axe former n’est en général pas mis en place de manière satisfaisante à ses yeux dans le système public. Cependant elle considère à titre personnel que la relation qu’elle-même entretenait avec ses élèves à l’école publique lorsqu’elle y enseignait ne posait pas de problème : « avec les élèves non, avec les élèves c'était parfait, j'ai adoré ». Pour E6.1 aussi, la relation former était satisfaisante et les autres enseignants précisent également qu’il est possible de mettre en place cet axe d’une façon satisfaisante selon leurs critères, bien que ce soit difficile comme l’explique E1 qui dit que cela nécessite un effort personnel : « il faut que les gens, soit aient une qualité personnelle, un désir

personnel d’investir ».

L’axe enseigner

Il est principalement évoqué par E3, E4 et E5 qui critiquent la rigidité du savoir à enseigner, ce qui empêche l’appropriation de ce dernier par l’enseignant : E4 relève l’obligation pour les enseignants à se cantonner à une planification précise : « bah on a un manuel, on a un programme hyper détaillé » qui réduit la marge de manœuvre. Il dit avoir trouvé difficile d’enseigner à sa manière au public. E3 approuve, mais explique pouvoir s’imaginer retourner travailler dans l’école publique parce que sa matière à elle, les arts visuels, lui laissait davantage de liberté. Elle pouvait enseigner plus ou moins comme elle le voulait. La matière à enseigner semble donc jouer un rôle : les disciplines considérées comme secondaires à l’école publique, dont font partie les arts visuels, semblent laisser davantage de liberté à l’enseignant que celles vues comme étant plus importantes, telles que par exemple les sciences (la matière qu’E4 enseigne).

4.2.3.2 La place du mort

Tous les enseignants n’évoquent pas clairement cet élément mais ce qui ressort chez E1, E2 et E4, et dans une moindre mesure chez E6.1 et E6.2, est l’idée que l’enfant n’est pas pris en compte. E1 explique qu’il n’est pas écouté alors qu’E4 considère que l’école publique n’accorde pas de place à l’élève : « ça

part pas d'une conception de l'être humain ». Ce qui émerge de leurs explications est le fait que l’élève

n’est pas encouragé à être curieux et actif, à l’école publique.

4.2.3.3 Synthèse

Les enseignants n’ayant jamais travaillé à l’école publique se sont abstenus de s’exprimer trop en détail sur cette partie. Quant aux cinq enseignants ayant l’expérience du public, ils sont allés dans le même sens dans leur analyse, indépendamment de leur triangle idéal et du pays où ils ont enseigné.

Leur position est assez ambivalente : d’un côté, ils dénoncent à l’unanimité un triangle favorisant l’axe

enseigner et une non prise en compte de l’élève, mais de l’autre ils précisent qu’il existe, comme le dit

E6.1 « plein de gens qui font des choses exceptionnelles dans leur classe ». Il y a donc bien selon eux un axe plus facile à privilégier à l’école publique, l’axe enseigner (voir tableau 7), mais les enseignants

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sont finalement libres de favoriser l’axe qu’ils préfèrent. Ce n’est selon eux pas impossible de privilégier les axes former ou apprendre, mais plus difficile.