CHAPITRE I. Introduction Bibliographique I.2. Interaction plantes-pathogènes I.2.2. Le système immunitaire des plantes I.2.2.1. L’immunité induite par les pathogènes (PTI) L’immunité induite par les pathogènes ou PTI (PAMP Triggered Immunity) constitue, avec les barrières physico-chimiques, la première ligne de défense ou résistance basale (Jourdan et al., 2008 ; Yazawa et al., 2013). L’interaction des PAMPs avec les récepteurs membranaires PRR va entrainer une cascade d’évènements (Figure I.19) qui vont aboutir à la mise en place de mécanismes de défense. Parmi ces événements, on note l’entrée d’un important flux d’ions H+ , K+, Cl2 et Ca2+ au sein de la membrane plasmique deux minutes seulement après la perception de l’éliciteur (Muthamilarasan et Prasad, 2013). L’entrée massive de Ca2+ dans le compartiment cytoplasmique est médié entre autres par l’activation des pompes à Ca2+ à travers la phosphorylation des PRR et l’activation des protéines G. Cette étape est cruciale pour la mise en place de la PTI, car l’augmentation du Ca2+ intracellulaire va permettre la production de l’acide salicylique ainsi que la production des espèces réactives de l’oxygène (ROS) (Muthamilarasan et Prasad, 2013). Figure I.20 : Induction de la production des espèces réactives d’oxygènes (ROS) La reconnaissance des PAMPs /MAMPs par la plante induit la réponse immunitaire de type PTI (PAMPs triggered immunity). Cette réponse immunitaire complexe est constituée d’une phase immédiate qui conduit à une surproduction des formes actives de l’oxygène (FAO ou ROS) et d’évènements plus tardifs aboutissant à la synthèse de molécules antimicrobiennes. La PTI contribue au renforcement de la paroi cellulaire végétale pour limiter la progression du pathogène dans la plante (Torres, 2010). Figure I.21 : Induction de dépôt de callose au niveau de la racine et des cellules apparentées aux cellules de bordure du lin. Dépôts de callose colorés à l’aniline blue correspondant aux spots bleu localisés sur la racine de lin (A) et sur les cellules apparentées aux cellules de bordure (B) 48 heures après élicitation par la flagelline 22. Echelle: A: 50 mm et B: 25 mm. sBLC: small Border Like Cells; eBLC: elongated Border Like Cells; R: Root; WT: wild type (Adapté de Plancot et al., 2013). La production de ROS, appelée burst oxydatif, constitue l’une des étapes précoces de la défense des plantes (Figure I.20). Le burst oxydatif déclenche plusieurs mécanismes complexes faisant intervenir la voie des MAP kinases, et conduisant, parmi d’autres évènements, au renforcement de la paroi végétale. Ainsi, on peut également observer l’accumulation de callose dans la paroi, limitant la pénétration du pathogène dans les tissus de la plante (Muthamilarasan et Prasad, 2013 ; Sreekanta et al., 2015). Les dépôts de callose, polymères de β-(1-3)-glucanes, sont utilisés comme marqueurs de défense végétale dans de nombreuses études (Millet et al., 2010 ; McCann et al., 2012 ; Schoonbeek et al., 2015 ; Sreekanta et al., 2015). Récemment, des travaux ont mis en évidence la production de callose par des racines et des cellules apparentées aux cellules de bordure de lin, 48 heures après élicitation par la flagelline 22 ainsi qu’un renforcent pariétal suite à un stress biotique (Plancot et al., 2013) (Figure I.21). I.2.2.2. L’immunité induite par les effecteurs (ETI) Même si la PTI est efficace pour un large spectre de pathogènes, elle peut être contournée par des mécanismes de virulence résultant de l’évolution des pathogènes. En effet, la coévolution des mécanismes de résistance des plantes et de la virulence des pathogènes a résulté au développement, chez ces derniers, de systèmes de sécrétion efficaces. Par exemple, certains pathogènes tels que les bactéries Gram négatives (Gram-) se sont dotés d’un déterminant de pathogénicité majeur, en occurrence le système de sécrétion de type III (T3SS) (Lohou et al., 2013). Ainsi, certaines bactéries telles que R. solanacearum vont être capable d’injecter directement au travers de la paroi végétale entre 15 et 30 protéines effectrices ou effecteurs de type III (ET3). Dans le cas d’un oomycète tel que P. infestans, c’est la formation de l’haustorium (Figure I.17) qui permet la sécrétion des effecteurs, et leur pénétration par exocytose dans la matrice extrahaustoriale (Leborgne-Castel et al., 2010). L’action de ces effecteurs va annihiler la PTI mise en place par la plante, ce qui conduira à une susceptibilité de la plante induite par les effecteurs appelée ETS (Effector triggered Susceptibility). En réponse au contournement de la PTI par les pathogènes, la plante déclenche à son tour une réaction de défense acquise dans le même processus de coévolution avec les pathogènes (Trdà et al., 2015). Cette deuxième ligne de défense est appelée l’immunité induite par les effecteurs (ETI, Effector triggered immunity). Figure I.22 : Modèle en Zigzag (adapté de Jones et Dangl, 2006) Dans un premier temps, la plante détecte des motifs moléculaires associés aux pathogènes (PAMPs) via les récepteurs de reconnaissance des PAMPs (PRRs) ce qui déclenche chez la plante l’immunité induite par les PAMPs (PTI). Si le pathogène est capable d’injecter directement des effecteurs dans la cellule végétale, la résistance basale (PTI + barrière physico-chimique) est contournée, ce qui provoque la susceptibilité induite par les effecteurs (ETS) et le développement de la maladie. Cette deuxième attaque va être perçue par un récepteur cytosolique (R) qui va déclencher une deuxième ligne de défense appelée immunité induite par les effecteurs (ETI), résistance spécifique des effecteurs, et qui s’accompagne le plus souvent d’une réaction hypersensible (HR) qui provoque une nécrose du site d’infection. ETS: Effector triggered Susceptibility; ETI: Effector triggered Immunity; HR: Réponse Hypersensible PTI: Pathogen Triggered Immunity; PRR: Pathogens Recognition Receptor; R: Résistance gene. L’ensemble des interactions entre les plantes et les pathogènes, résultant de leur coévolution, est résumé dans le modèle en Zigzag proposé par Jones et Dangl en 2006 (Figure I.22). Dans ce modèle, on observe que contrairement à la PTI, qui présente une intensité modérée, l’ETI présente une plus forte amplitude et conduit le plus souvent à la mise en place d’une réaction d’hypersensible (HR). L’HR correspond à une mort cellulaire programmée qui permet de confiner et de limiter la progression du pathogène. L’ETI est une réponse de défense spécifique dirigée contre des effecteurs donnés, on parle alors du modèle de résistance « gène pour gène ». Ce modèle a été introduit par Flor en 1971 et correspond à la présence chez la plante d’une protéine de résistance R qui va reconnaitre spécifiquement les protéines effectrices du pathogène, telles que les ET3, à l’intérieur même de la cellule végétale. Dans ce modèle, les effecteurs sont appelés protéines d’avirulence (Avr), car leur reconnaissance par les protéines R rend la plante résistante et le pathogène avirulent (interaction incompatible). L’ETI résultant de cette interaction R-avr correspond à une forme accélérée et amplifiée de la PTI. Cependant, comme dans le cas de l’interaction pectobactéries / pomme de terre, certains micro-organismes outrepassent ces défenses et prolifèrent, grâce notamment à la sécrétion d’enzymes de dégradation des parois végétales, premières lignes de défense. Figure I.23 : La paroi primaire végétale de type 1 chez les plantes eudicotylédones. La paroi végétale primaire est constituée d'un réseau de microfibrilles de cellulose, de polysaccharides complexes formés par les hémicelluloses et les pectines (Endler et Persson, 2011). PM : plasma membrane Figure I.24 : Structure et synthèse de la cellulose A - Représentation schématique d’une fibre de cellulose, composée de macrofibrilles, elles-mêmes constituées de microfibrilles formées à partir de chaînes glucaniques. B- Structure d’une « rosette », constituée d’un hexamère de complexes globulaires CesA. Chaque complexe est lui-même formé par 6 sous-unités catalytiques (les protéines CesA) au sein de la membrane plasmique. (TMD, domaine transmembranaire ; UDP-Glc, uridine diphosphate glucose) (Lerouxel et al., 2006). Dans le document Caractérisation des cellules bordantes et du mucilage chez la pomme de terre (Solanum tuberosum) : rôle dans la défense racinaire ? (Page 44-50)