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CHAPITRE I. Introduction Bibliographique

I.5. La racine : ligne de défense cachée

I.5.1. Les cellules bordantes (BC)

I.5.1.1. Origine et production des cellules bordantes (BC)

Les BC de racine sont définies comme des cellules se détachant de la coiffe en présence

d’eau et se trouvant libérées individuellement dans la rhizosphère (Hawes et al., 2003). Les

BC ont longtemps été ignorées par le monde scientifique et considérées comme des cellules

racinaires en desquamation. Le Pr Martha Hawes de l’université de Tucson aux USA est la

première scientifique à s’être intéressée à ces cellules. La production et le détachement des

BC sont finement régulés à la fois par des signaux endogènes et environnementaux (Brigham

et al., 1995; Gunawardena et Hawes, 2002 ; Driouich et al., 2007). La production et la

libération de ces cellules sont variables selon l’espèce (de zéro à plusieurs milliers par racine),

mais restent constantes pour des espèces végétales apparentées au sein d’une même famille

(Groot et al., 2004; Hawes et al., 2003 ; Hamamoto et al., 2006) (Figure I.34). La production

et le mode de détachement des BC sont corrélés au type de méristème racinaire appelé RAM

(Root Apical Meristem) (Hamamoto et al., 2006).

Chez les angiospermes eudicotylédones trois types de RAM ont été observés : les RAM

fermés, les RAM ouverts et les RAM intermédiaires (Figure I.35) (Groot et al., 2004 ; Rost,

2010). Le nombre de cellules bordantes produites dépend du type de RAM. Il a ainsi été décrit

que les plantes possédant un RAM ouvert produisaient un nombre plus important de BC

(Groot et al., 2004).

Contrairement aux RAM ouverts et aux RAM intermédiaires qui produisent et libèrent

des BC, les RAM fermés rencontrés chez les brassicacées comme le colza, la moutarde ou

encore Arabidopsis libèrent des cellules apparentées aux cellules bordantes (BLC) (Vicré et

al., 2005 ; Driouich et al., 2007).

Figure I.36 : Organisation des cellules apparentées aux cellules bordantes (BLC)

A : Organisation des BLC d’A. thaliana (adapté de Plancot et al., 2013 ; Driouich et al., 2010)

B : BLC de lin colorées au Calcofluor-white. Trois différents morphotypes sont observés : les

BLC sphériques (sBLC), les BLC allongées (eBLC) et les BLC filamenteuses (fBLC).

RC : Root Cap; BLC : Border Like Cells ; WT : Wild Type. Echelle : A : 20 mm; B : 20µm

Figure I.37 : Attraction et immobilisation des nématodes par les BC du pois.

a) Les nématodes ne sont pas attirés par les apex de pois dont les BC ont été ôtées b)

contrairement aux apex sur lesquels les BC ont été gardées. c) Groupe de BC isolées après

contact des nématodes mobiles depuis quelques secondes. d) Groupe de BC au contact depuis

30 minutes avec les nématodes. Ces derniers deviennent rigides et immobiles (Hawes et al.,

2000).

Ces cellules ont la particularité de rester attachées en files de cellules superposées, et

d’adhérer à l’apex racinaire contrairement aux cellules bordantes qui sont libérées de façon

individuelle (Figure I.36). En dehors des Brassicassées, la présence des BLC a également été

mise en évidence chez des Angiospermes Eudicotylédones, ainsi que chez d’autres plantes

appartenant à la famille des Lamiaceae, Linaceae et des Solanaceae (Driouich et al., 2012).

La présence de ces cellules a été également été mise en évidence chez les légumineuses,

notamment chez l’Accacia mangium (Endo et al., 2011).

I.5.1.2. Fonction des BC dans la protection racinaire

Le détachement des BC dans la rhizosphère s’accompagne de modifications dans

l’activité métabolique et l’expression génique de ces cellules. En effet, les BC sont

spécialisées dans la production de molécules antimicrobiennes telles que des anthocyanines

aux propriétés anti-oxydantes, des phytoalexines aux propriétés antibiotiques, des enzymes

destinées à « détruire » les pathogènes (Wen et al., 2007; 2009 ; Cannesan et al., 2011 ;

2012). Ainsi les BC jouent un rôle considérable dans la protection racinaire et contre les stress

abiotiques et biotiques (Hawes et al., 2000 ; 2003). Des études récentes soulignent

l’importance de ces cellules dans les interactions avec les microorganismes bénéfiques et/ou

pathogènes (Gunawardena et al., 2005 ; Xie et al., 2012 ; Cannesan et al., 2012). Le type

d’interaction varie suivant le génotype de la plante et du micro-organisme. Les BC peuvent

attirer, refouler ou bien n’exercer aucun effet vis-à-vis du microorganisme considéré

(Gunawardena et al., 2005 ; Hawes et al., 2003).

Les BC de pois ont été choisies comme modèle d’étude des interactions cellules

bordantes / pathogènes (Hawes et al., 2000). Comme exemple de mécanisme de défense lié

aux BC, on peut citer l’effet d’attraction des pathogènes. En effet Martha Hawes (2000)

démontre qu’une racine de pois, à laquelle les BC ont été ôtées de l’apex racinaire, perd sa

capacité à attirer les nématodes. A l’inverse, les racines possédant leurs BC attirent très

rapidement des nématodes autour de l’apex racinaire. Après trente minutes au contact des BC,

les nématodes cessent tout mouvement et se figent (Figure I.37).

Zhao et al., (2000) ont également mis en évidence un chimiotactisme positif entre le

nématode Meloidogyne incognita et les BC de pois, générant un changement morphologique

Figure I.38 : Infection de l’apex racinaire de pois par le champignon pathogène Nectria

haematococca.

a) Après 3 jours d’inoculation, l’apex et les BC sont recouverts d’un manteau d’hyphes. b) Le

détachement des BC laisse apparaître l’apex racinaire dépourvu d’infection. c) Observation

des BC détachées et des mycelium (Hawes et al., 1998).

.

Figure I.39 : Localisation de l’oomycète pathogène A. euteiches sur la racine de pois.

a) Racine de pois observée en lumière transmise. b) Coloration du mycélium en utilisant la

lectine WGA (Wheat Germ agglutinin) couplée au FITC. L’apex racinaire est dépourvu

d’infection. (c) Cinétique de l’infection racinaire pour les différents tissus : la zone de

maturation, la zone d’élongation et la coiffe racinaire. L’infection de la racine se fait au

niveau de la zone d’élongation (Cannesan et al., 2011, 2012). EZ: zone d’élongation, MZ:

zone de maturation, RC: coiffe racinaire. Echelle 100 μm.

De même, lors de l’inoculation de l’apex racinaire de pois par le champignon pathogène

Nectaria haematocca, les BC sont rapidement recouvertes d’un manteau d’hyphes tandis que

l’apex racinaire se trouve épargné par l’infection (Figure I.38) (Gunawardena et al., 2005 ;

Gunawardena et Hawes, 2002 ; Hawes et al., 2011 ; 2012). Les BC ainsi que les hyphes du

champignon se retrouveront détachées du reste de la racine, laissant l’apex racinaire libre de

toute infection. Ces observations suggèrent que les BC serviraient spécifiquement d’hôte pour

inhiber N. haematocca et ainsi protéger la coiffe racinaire et le méristème racinaire contre

l’infection.

Plus récemment des études ont révélé que les BC du pois sont impliquées, localement,

dans la défense de l’apex racinaire contre l’oomycète pathogène Aphanomyces euteiches

(Figure I.39). Tandis que la zone d’élongation se trouve infectée par le mycélium d’A.

euteiches, l’apex racinaire et les BC restent indemnes d’infection dans les étapes précoces de

l’infection. En réponse à l’infection il a été montré une augmentation du nombre de BC

produites ainsi qu’une production accrue de pisatine, un isoflavonoïde connu pour inhiber in

vitro la croissance du pathogène (Cannesan et al., 2011). Par ailleurs, les AGP des BC de pois

interfèrent avec le cycle de développement d’A. euteiches (Cannesan et al., 2012)

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