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PARTIE I : ETALEMENT URBAIN ET ECOLOGIE URBAINE : ENJEUX ET METHODES

1.2. Etalement urbain, changements d’usage des sols et changements paysagers

1.2.2. Le suivi de l’étalement urbain par télédétection

1.2.2.1. Un grand panel de méthodes

Les techniques classiques de suivi de la croissance urbaine, basées sur des observations effectuées sur le terrain et l’usage de photographies aériennes, permettent de produire des cartographies précises de l’étalement urbain, et d’en reconstituer l’historique. Cependant, elles présentent un certain nombre d’inconvénients (Jat et al., 2007) : elles ont un coût élevé, sont très consommatrices en temps, et ne sont généralement pas remises à jour régulièrement. En outre, elles ne sont pas disponibles partout. Ceci explique l’intérêt croissant suscité par la cartographie et le suivi de la croissance urbaine et plus précisément de l’étalement urbain à partir de l’utilisation d’images satellitaires et de Systèmes d’Information Géographiques

(Epstein et al., 2002).

Les données enregistrées par les satellites apparaissent aujourd’hui comme un outil incontournable pour détecter des changements d’occupation et d’utilisation des sols sur les surfaces terrestres (Ridd et Liu, 1998). Le suivi de la croissance des espaces urbanisés impose une connaissance périodique de l’occupation du sol et avec un niveau de précision spatiale adapté. La télédétection est de plus en plus utilisée pour l’analyse de l’étalement urbain (Sudhira et al., 2004 ; Moeller et al., 2004 ; Yang et Liu, 2005 ; Haack et Rafter,

2006) en raison de l’emprise géographique des scènes enregistrées, de la périodicité des prises

de vue et de la résolution spatiale de plus en plus élevée des capteurs. Plusieurs études se sont intéressées de surcroît aux conditions environnementales de la ville (Lo et al., 1997 ; Owen et

al., 1998 ; Roth et al., 1989 ; Gallo et al., 1993 ; Gillies et al., 1997 ; Nowak et al., 2000 ;

Wagrowski et Hites, 1997) et à leurs impacts sur la santé (Miller et Small, 2003).

Depuis trente ans environ, de nombreux travaux de recherche ont été réalisés pour effectuer un suivi des changements des espaces urbains par télédétection (Gomarasca et al., 1993 ;

Yeh et Li, 2001 ; Yang et Lo, 2002 ; Yang et al., 2003 ; Haack et Rafter, 2006).

Les techniques de traitement d’images permettent de déterminer l’évolution du périmètre de la ville (contenant) et le « taux de remplissage » de la ville (contenu) (Skupinski et al., 2009). La détermination de l’évolution du périmètre de la ville (contenant) repose sur le changement de la couverture végétale et sur les rapports de densité entre l’affectation urbaine et rurale. Plusieurs critères permettent de définir le périmètre d’agglomération à partir d’images satellitaires : les changements d’occupation des sols, les variations de densité de l’habitat, … La détermination du « taux de remplissage » de la ville (contenu) à partir des données satellitaires dépend de la résolution spatiale du capteur (assimilée souvent à la taille du pixel) et l’hétérogénéité de l’espace. La croissance urbaine s’effectue à la fois par une densification de l’occupation du bâti existant et par l’extension des limites du bâti plus ou moins continu

(Skupinski et al., 2009).

Les surfaces artificialisées sont généralement considérées comme un paramètre clé pour quantifier l’étalement urbain (Torrens et Alberti, 2000 ; Barnes et al., 2001 ; Epstein et al.,

2002). Les surfaces artificialisées dans les espaces urbains comprennent les zones

peuvent être identifiées soit par observation directe sur le terrain ou indirectement à partir de données de télédétection.

Il existe une grande variété de techniques utilisées pour évaluer ou mesurer les espaces occupés par les surfaces artificialisées à partir d’images satellitaires. La numérisation manuelle des surfaces artificialisées sur l’image par photo-interprétation est la technique la plus précise, mais la plus coûteuse en termes financier et de temps. L’échantillonnage de points peut être une alternative à la numérisation complète des contours, mais cette méthode est moins précise que la précédente et reste coûteuse en temps. Le traitement automatique ou semi-automatique des images de télédétection par des approches supervisées (Greenberg et

Bradley, 1997 ; Vogelmann et al., 1998 ; Stuckens et al., 2000 ; Stefanov et al., 2001 ; Lu et Weng, 2005) ont été utilisées depuis plusieurs années pour quantifier les surfaces

artificialisées et par conséquent évaluer l’étalement urbain. Cela nécessite d’une part des images de télédétection à moyenne ou haute résolution et d’autre part des données de référence pour classer les images et valider les résultats.

La détection des changements d’occupation du sol est un processus fondé sur l’identification des différences d’état d’objets ou de phénomènes à travers des observations à des moments différents (Singh, 1989). Il existe de nombreuses méthodes pour détecter des changements. Elles procèdent soit par une comparaison image par image, soit par une comparaison post- classification (Yang et Lo, 2002), comme l’analyse de la différence entre deux images

(Ballut et Nguyen, 1984 ; Ridd et Liu, 1998), la soustraction d’images (Fung, 1990 ; Zhang

et al., 2002), la régression entre deux images, (Ridd et Liu, 1998), l’étude des modifications

de la morphologie urbaine (Baudot, 1994 ; Dureau, 1990 ; Terrettaz, 1998), la comparaison d’indices de végétation (Masek et al., 2000), l’analyse en composantes principales (Fung et

Ledrew, 1988), l’analyse des vecteurs de changement (Malila, 1980 ; Colwell et al., 1981 ; Singh, 1989 ; Lambin et Strahler, 1994), la classification par réseaux neuronaux (Chen et

al., 2004), la classification spectrale/temporelle (Xiao et al., 2005 ; Yin et al., 2005 ; Zhang et al., 2002), ou encore plus récemment les classifications orientées-objet (He et al., 2005).

Malgré la diversité des approches et techniques utilisées, quasiment toutes ces études insistent sur l’importance de réaliser correctement le prétraitement des images (corrections radiométriques et géométriques).

1.2.2.2. Les critères de choix des données et d’une méthode

Face à la diversité des approches et méthodes existantes se pose le problème du choix, l’objectif étant de minimiser les erreurs de classification pour quantifier l’étalement urbain avec une précision élevée. Selon Campbell (1993), les erreurs de classification sont dues à l’interaction d’un nombre de facteurs incluant les caractéristiques du paysage, la résolution du capteur, le chevauchement spectral, les algorithmes et les procédures de classification (Smith

et al., 2002).

1.2.2.2.1. La taille des taches et l’hétérogénéité du paysage

Les caractéristiques du paysage qui contribuent aux erreurs de classification incluent la haute hétérogénéité du paysage, la petite taille des taches et la complexité de leurs formes. Une étude récente (Smith et al., 2002) faisant appel à des classifications obtenues avec des images Landsat Thematic Mapper a été menée dans le but d’évaluer les effets de l’hétérogénéité et de la taille des taches du paysage sur la qualité de la classification de telles images. Cette étude révèle que la précision de la classification diminue quand l’hétérogénéité du paysage

augmente et inversement qu’elle augmente avec la taille des taches. La prise en compte simultanée des deux variables montre que la taille des taches a un impact légèrement plus fort sur la précision de la classification que l’hétérogénéité. Ces résultats confirment l’impact de la contribution des caractéristiques du paysage dans l’explication de la qualité de la classification. Il est donc nécessaire de caractériser le paysage et de tenir compte de l’hétérogénéité et de la taille des taches dans l’analyse des résultats des classifications de l’étalement urbain. Toutefois, dans le cas précis de l’étalement urbain, la taille des taches est probablement la variable qui nécessite le plus d’attention, puisque l’hétérogénéité peut être réduite, le nombre de classes d’occupation des sols pris en compte étant généralement faible.

1.2.2.2.2. Les résolutions des capteurs

Plusieurs auteurs, tels que Welch (1982), Forester (1985), Jensen et Cowen (1999) ou

Miller et Small (2003), ont étudié le potentiel cartographique des différents capteurs par

rapport aux différents besoins et applications de l’imagerie satellitaire en milieu urbain. Les capteurs de satellites dits à moyenne ou à haute résolution spatiale tels que Landsat TM, Landsat ETM+, IRS-LISS, SPOT1-4 ont une résolution décamétrique adaptée aux espaces périurbains où les parcelles sont plus vastes et les constructions sont moins enchevêtrées qu’en ville. Cependant, cette résolution est peu adaptée aux exigences d'une analyse détaillée des villes. Ainsi, Welch (1982) a montré qu’une résolution spatiale de 0,5 m à 10 m est nécessaire pour caractériser de façon adéquate l’infrastructure urbaine dans la plupart des villes. Les capteurs des satellites dits à très haute résolution spatiale, tels que IKONOS, QUICKBIRD, SPOT5 ou KOMPSAT ont une résolution d’un ordre métrique à décimétrique, adaptée à l’étude des espaces urbains. Elle concurrence celle des photographies aériennes qui peut atteindre quelques dizaines de centimètres. Il faut préciser toutefois qu’une résolution spatiale de un mètre ne signifie en aucun cas qu’on peut résoudre une cible dont la taille est de 1 m. En effet, si des bâtiments de taille réduite (<10 m) peuvent être détectés sur une image Spot (panchromatique) à condition qu’ils soient bien contrastés, seuls ceux de grande taille, de plusieurs dizaines de mètres, peuvent être analysés. Même une résolution de 5 m ne sera pas suffisante pour analyser des objets géographiques isolés et de petite taille (petites maisons isolées, arbres, pylônes, sentiers, voitures…). Il est alors plus juste de se référer à la résolution effective, qui désigne la mesure minimum de la taille d’un objet dont les caractéristiques spectrales seront enregistrées par un capteur avec une précision donnée. Cette approche de la résolution spatiale est intéressante puisqu’elle intègre les capacités spectrales du capteur, les propriétés spectrales des objets ainsi que leur forme (Robin, 2002). Par exemple, la résolution effective de Landsat TM est de 52 m, contre 30 m de résolution généralement déclarée. En effet, une mesure d’un carré de 30 m entraîne une erreur de classification de 15 %. Ainsi, la résolution effective des images nécessaires à l’analyse technique des bâtiments ou autres objets d’une taille moyenne allant de 5 à 10 m de côté, devrait être de 1 à 3 m (Baudot, 1997). En conséquence, seules des images à très haute résolution spatiale (d’un ordre métrique) permettent d’étudier le tissu urbain (Puissant, 2003). Or, l’analyse comparative des capteurs montre qu’en général, une haute ou une très haute résolution spatiale est souvent obtenue au prix d’une faible résolution temporelle et d’une zone de couverture réduite. En conséquence, selon les applications, des images à très haute résolution spatiale peuvent se révéler inutiles. C’est le cas par exemple des études portant sur le suivi de la croissance urbaine sur de larges territoires.

Lorsque le pouvoir de résolution spectrale du capteur ne permet pas une bonne discrimination du paysage ou lorsque le pouvoir de résolution spatiale du capteur n’est pas assez discriminant pour un paysage à trop haute fréquence spatiale (cas des villes), les risques de

confusions sont fortement probables. Mais c’est aussi le cas lorsque le pouvoir de résolution spatiale du capteur permet une discrimination trop fine du paysage (cas des images à très haute résolution spatiale), ce qui provoque une augmentation de la variance et une inadaptation de la méthode de classification. En outre, cette variance rend encore plus inadéquats les algorithmes classiques de classification notamment ceux basés sur une approche pixel ; il faut donc, dans ce cas, introduire d’autres informations liées au contexte, au contraste, à la forme, et à la texture. L’approche orientée-objet, qui sera détaillée plus loin, offre à cet égard une alternative intéressante.

La répétitivité des capteurs (ou résolution temporelle) contraint aussi très fortement l’étude du milieu urbain par télédétection. Les images satellite à moyenne/haute résolution spatiale, qui ont une assez bonne résolution temporelle, permettent de suivre l’étalement urbain depuis vingt-cinq ans environ, avec un pas de temps de quelques années. Les photographies aériennes ont une répétitivité plus faible, mais permettent de retracer l’historique de l’évolution du milieu urbain depuis les années cinquante.

1.2.2.2.3. Les approches de traitement des images

Comparaison image-à-image versus comparaison post-classifications

Le choix d’une méthode plutôt qu’une autre pour quantifier l’étalement urbain n’est pas évident. Parmi les méthodes existantes, la comparaison post-classification s’avère souvent la plus appropriée pour effectuer le suivi des espaces urbains. En effet, les images permettant de mettre en évidence l’étalement urbain sont acquises à des dates assez espacées dans le temps, dans des conditions différentes (saison, heure, géométrie,…). Pour minimiser les erreurs provoquées par les variations saisonnières et l’angle solaire, la situation idéale serait de pouvoir utiliser des images obtenues par le même capteur avec la même géométrie d’observation et à des dates similaires d’acquisition (Lillesand et al., 2004). Comme ce n’est généralement pas le cas, cela rend les techniques basées sur la comparaison de valeurs spectrales d’image à image inopérantes. Toutefois, l’efficacité des comparaisons post- classifications est basée sur la qualité de la classification des images.

Approche par pixel versus approche Orientée-objet

Si la délimitation de l’objet urbain (le contenant) reste une tache difficile (cf chapitre 1), la détermination des types d’usage du sol en milieu urbain (le contenant) l’est encore beaucoup plus. L’environnement urbain est caractérisé par une diversité d’objets, de matériaux et de classes d’occupation et d’usage du sol (bâtiments, structures commerciales, réseaux de transport, surfaces en eau, parcs…), ces objets étant à la fois petits et contigus. Cette haute fréquence spatiale entraîne le fait qu’un pixel intègre fréquemment les signatures spectrales de plusieurs objets voisins. Les surfaces minérales, dont les signatures spectrales sont relativement proches les unes des autres et ressemblent à celle d’un sol nu, sont les plus étendues en ville. De plus, les effets d’ombres projetées démultiplient les effets radiométriques. Cette combinaison d’objets spectralement distincts, fait que les pixels « mixtes » sont fréquemment mal classés. Une telle hétérogénéité spectrale limite les applications des méthodes et techniques dites standard ou classiques de classification en milieu urbain. En effet, ces algorithmes de traitement d’image sont appliqués sur des pixels ou zones rectangulaires et ne prennent pas en compte l’information contextuelle (Benz et al.,

l’imagerie et ce que l’on extrait, d’autres approches telle la méthode orientée-objet sont développées.

La plupart des études portant sur le changement d’occupation et d’utilisation des sols à partir de données de télédétection sont menées selon des approches basées sur les pixels, en ne considérant que l’information spectrale. Généralement, chaque pixel est affecté à une classe donnée selon sa seule signature spectrale, ce qui entraîne dans la plupart des cas des erreurs de classification (Hubert-Moy et al., 2001). Des classifications basées sur une approche orientée objet constituent une alternative aux classifications basées sur le pixel, puisqu’elles utilisent, en plus des informations relatives aux valeurs spectrales, des informations relevant de la texture, de la forme, de la taille des objets, ainsi que des relations topologiques entre objets, ce qui améliore la précision des résultats. Elles comportent une phase de segmentation qui précède la phase de classification : comme les contours des objets ne sont pas toujours connus ou mis à jour, il est nécessaire de segmenter les images (Blaschke et al., 2000), puisqu’une image segmentée en zones homogènes peut être utilisée pour identifier des objets d’intérêt

(Haralick et Shapiro, 1985). Toutefois, dans des milieux hétérogènes comme le milieu

urbain, la segmentation doit être effectuée à différents niveaux scalaires, afin que les objets d’intérêt puissent être correctement extraits puis classés (Herold et al., 2002 ; Lhomme et al.,

2004). Les approches orientées objet, qui se sont beaucoup développées ces dernières années

à la faveur de l’utilisation d’images satellitaires à très haute résolution spatiale, permettent de segmenter des images à différents niveaux en générant des objets de tailles différentes et, pour certaines, à des niveaux hiérarchiques emboîtés (Blaschke et Strobl, 2001). Ainsi, ces approches permettent d’effectuer des classifications à différents niveaux scalaires, ce qui généralement améliore sensiblement la précision des résultats.

Par ailleurs, les classifications en milieu urbain peuvent être améliorées en intégrant des données auxiliaires (photographies aériennes, données issues des SIG, MNT, MNA, données socio-économiques telles que la densité de population et du bâti) ainsi que d’autres images satellitaires (Stefanov et al., 2001).

Des techniques d’analyses statistiques, comme les régressions multivariées, sont couramment utilisées pour déterminer les relations entre les taux des surfaces artificialisées observées par télédétection et divers facteurs de la croissance urbaine, tels que la densité de population, la densité des voies de communications, le type d'utilisation des terres (Lo et Yang, 2002 ;

Weng, 2001 ; Cheng et Masser, 2003 ; Chabaeva et al., 2004 ; Sudhira et al., 2004).

L’utilisation de la télédétection et des SIG a contribué à la quantification, au suivi, à la modélisation et à la prédiction de l'étalement urbain. La caractérisation des formes de l'étalement urbain passe, quant à elle, par le calcul d’indicateurs synthétiques relevant de l’écologie du paysage.

1.2.3. Indicateurs de l’écologie du paysage en milieu urbain : définitions et usages en