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1. INTRODUCTION

1.4. LE DEFICIT HYDRIQUE CHEZ LES PLANTES SUPERIEURES

1.4.3. Le stress thermique, conséquence du stress hydrique

● Altération de la dissipation de l’énergie au niveau des feuilles

Le déficit hydrique limitant la transpiration, la température de la feuille augmente d’autant plus que le mécanisme de refroidissement ralenti. Ceci est à l’origine du lien étroit existant entre déficit hydrique et stress thermique. Maintenir la température foliaire en dessous de celle de l’air ambiant nécessite l’évaporation d’une quantité d’eau considérable. C’est pour cela que tout autre type d’adaptation aidant au refroidissement de la feuille sans affecter les réserves en eau sera privilégié. Ainsi, de petites feuilles diminuant la résistance à l’interface de contact avec l’air leurs permettent de garder une température proche de l’air ambiant, même avec un ralentissement conséquent de la transpiration. Des mouvements foliaires observés lors de déficits hydriques, spécifiques à certaines espèces, autorisent une meilleure évacuation de la chaleur. Ces changements d’angles induits par les mouvements foliaires préviennent de l’exposition aux radiations solaires (Cote, 1995 ; Isoda et al., 1996 ; Raeini-Sarjaz et Chalavi, 2008). L’enroulement foliaire observé chez de nombreuses espèces, dont celles appartenant au genre Citrus, fait parti de ces mouvements d’évitement. Le développement de soies et la production d’une cire réfléchissante à la surface des feuilles sont encore d’autres exemples de stratégies adaptatives limitant les effets des radiations solaires.

● Vulnérabilité de la photosynthèse aux fortes températures

La photosynthèse est la réaction prenant place dans les chloroplastes, conduisant à la formation de glucose et d’oxygène à partir d’eau et de dioxyde de carbone. Cette réaction nécessite un apport énergétique pour s’accomplir. Cet apport est fourni par la lumière.

Ayant pour rôle de convertir l’énergie lumineuse en énergie chimique, le système photosynthétique est soumis à un bombardement photonique pouvant être extrêmement dommageable à l’échelle moléculaire, en particulier lors de conditions défavorables. Un excédent d’énergie lumineuse peut amener à la formation de ROS (Reactive Oxygen Species), des dérivés de l’oxygène extrêmement réactifs et labiles tels que l’anion superoxyde (O2-), l’oxygène singulet (O1/2) ou encore le péroxyde d’hydrogène (H2O2). Réagissant avec tout composé entrant en leur contact, les ROS sont particulièrement nocifs et menacent l’intégrité cellulaire. Le surplus d’énergie lumineuse doit alors être dissipé efficacement pour prévenir toute formation de ROS (Horton et al., 1996 ; Asada, 1999 ; Müller et al., 2001 ; Cao et al., 2004). A cet effet, il existe de nombreux mécanismes impliqués dans la régulation du flux d’énergie des deux photosystèmes afin d’éviter une surexcitation de l’un par rapport à l’autre,

mais sans que cela empêche la formation de ROS résiduels. D’autres mécanismes interviennent alors pour neutraliser ces résidus. Les caroténoïdes, en plus de leur rôle de pigment, modèrent l’état de surexcitation de la chlorophylle et empêchent ainsi la formation d’oxygène singulet résiduel. Les xanthophylles, en particulier la violaxanthine, l’antheraxanthine et la zéaxanthine, permettent elles aussi par un procédé alternatif de convertir rapidement en chaleur l’excès d’énergie et de limiter la surexcitation des antennes chlorophylliennes (Havaux et al., 1996). Une surexcitation du centre réactionnel du PSII (PhotoSystème II), produit par un excès d’énergie lumineuse, entraîne son inactivation et sa dégradation : c’est la photoinhibition (Long et al., 1994 ; Murata et al., 2007 ; Strizh et Neverov, 2007). La photoinhibition est réversible dans un premier temps, mais si elle se prolonge, le centre réactionnel du PSII doit être désassemblé et réparé (Melis, 1999 ; Takahashi et Murata, 2008). En fait, seule la protéine D1 du centre réactionnel est fortement sensible à la surexposition lumineuse et devra être synthétisée de nouveau, alors que les autres constituants du complexe seront recyclés. Le PSI (PhotoSystème I) est lui particulièrement exposé aux ROS. En effet, l’accepteur ferredoxine du PSI est un puissant réducteur interagissant facilement avec l’oxygène et formant un anion superoxide. Cette réaction entre en compétition avec la réduction du NADP+ (Nicotinamide Adenine Dinucleotide Phosphate) ainsi qu’avec d’autres processus de la photosynthèse. L’anion superoxyde, faisant parti de la famille des ROS, peut dénaturer la membrane plasmique en réagissant avec les lipides. Mais compte tenu de la quantité résiduelle produite en condition normale, il peut facilement être éliminé par des enzymes tels que la superoxyde dismutase ou l’ascorbate peroxydase (Asada, 1999 ; Tjus et al., 1999 ; Edreva, 2005).

Au cours de la photosynthèse, la lumière a aussi pour effet de réduire le NADP qui pourra agir comme réducteur dans le cycle de Calvin. Le transfert d’électrons entre la molécule d’eau, réactif de la photosynthèse, et le NADP, va permettre la génération d’un ATP (Adenosine TriPhosphate) qui sera lui-même investi dans le cycle de Calvin. Cette production d’ATP dépendant de la lumière est appelée photophosphorylation (McCabe et al., 1979 ; Shen et al., 1992 ; Schrader et al., 2004).

Lors d’un déficit hydrique modéré, la photosynthèse, moins sensible à l’affaiblissement de la turgescence, est beaucoup moins affectée que l’expansion foliaire. Lorsque le stress devient sévère, la déshydratation atteint les cellules du mésophylle et la quantité d’eau devient alors limitante à l’accomplissement de la photosynthèse. Malgré la diminution de la production en sucres et le ralentissement de l’approvisionnement en assimilats, principalement dû à la perte de turgescence des cellules constituant le phloème,

leur transport ne reste que très peu affectée jusqu’à tard dans l’évolution du stress. Ceci permet à la plante, lors d’un stress sévère, de mobiliser ses réserves et d’en disposer là où elle en nécessite le plus (Wei et al., 2005). Cependant, la photosynthèse est particulièrement sensible à la chaleur. Par exemple, le transport d’électrons au photosystème II, la RUBISCO (RibUlose-1,5-BIS-phosphate CarbOxylase), la NADP-glyceraldehyde-3-phosphate dehydrogenase et la PEPC (PhosphoEnolPyruvate Carboxylase) sont beaucoup moins stables à de fortes températures pour des espèces non adaptées que des espèces adaptées (Björkman et al., 1980). La température de dénaturation de ces enzymes est bien supérieure aux fortes températures appliquées : les températures appliquées correspondent à une élévation de la température soudaine de 25°C à 40°C maximum (soit +15°C ,ce qui est assez rare en condition naturelle) alors que la dénaturation d’une protéine correspond à la désorganisation de sa structure spatiale (sans qu’il y ait rupture des liaisons peptidiques) qui s’effectue par rupture des liaisons hydrogènes à une température avoisinant les 100°C. Ceci suggère que la baisse de photosynthèse enregistrée est plus singulièrement associée aux changements de propriétés des membranes ou au découplage des mécanismes de transfert d’énergie dans le chloroplaste qu’à une dénaturation protéique.

Pour s’accomplir, la photosynthèse nécessite du dioxyde de carbone en plus d’eau et de lumière. Cependant, cette réaction est thermo dépendante, et de ce fait, elle exige un système de régulation performant de la température foliaire. Cette régulation thermique est fournie par le processus de transpiration qui, moyennant une perte en eau, abaisse la température de la feuille exposée à la lumière solaire. Or, perte d’eau et absorption de dioxyde de carbone empruntent la même voie de passage à l’interface air/feuille : le stomate. Le contrôle du degré d’ouverture des stomates par les cellules de garde rend donc inter-dépendant deux phénomènes distincts, l’absorption de CO2 et la perte de H2O par transpiration (Shen et Yu, 1997 ; Veste et al., 2000).

L’absorption d’énergie solaire par la feuille est conséquente, ce qui a pour effet d’élever la température foliaire. Cette hausse de température sera dissipée par 3 phénomènes. En premier lieu, l’émission de radiation thermique dans l’atmosphère relative à tout objet soumis à une élévation de sa température. Deuxièmement, les mouvements d’air autour de la feuille permettant d’évacuer l’eau évaporée issue de la transpiration. Enfin, l’évaporation de l’eau elle même résultant de la transpiration. Les deux derniers phénomènes cités sont les plus importants à prendre en compte.

Les réponses à la température sont complexes, car la température affecte toutes les réactions biochimiques de la photosynthèse, pouvant même affecter l’intégrité des membranes

plasmiques chloroplastiques. Par exemple, l’élévation de la température peut altérer la chaîne d’électron impliquée dans la photosynthèse ou encore entraîner une perte d’affinité de la RUBISCO pour le CO2 (Crafts-Brandner et Law, 2000 ; Salvucci et Crafts-Brandner, 2004 ; Kim et Portis, 2005).

● Modification de la stabilité membranaire sous haute température

La stabilité membranaire des cellules est primordiale dans la résistance à de fortes chaleurs. Une trop grande fluidité des lipides membranaires à de fortes températures est associée à une perte de fonctions physiologiques. Des mutants d’Arabidopsis thaliana fortement dépourvus d’acide gras oméga 3 désaturase, un enzyme qui participe à la synthèse d’acide gras insaturés formant la bicouche lipidique des membranes plasmiques, ont montré une activité photosynthétique d’une meilleure thermo tolérance, ceci étant certainement dû à un plus fort degré de saturation des lipides des membranes chloroplastiques (Iba et al., 1993).

Un accroissement de température réduit la force des liaisons hydrogènes et l’intéraction hydrostatiques entre les groupes polaires de la membrane plasmique et les protéines associées de la phase acqueuse (cytoplasme). La structure et la composition membranaire sont donc modifiées par de fortes températures, ce qui peut avoir pour conséquence une fuite dramatique des ions hors de la cellule. La déstabilisation des membranes peut provoquer l’arrêt de la photosynthèse ou de la respiration car ces processus sont dépendants d’activités protéiques ou de transferts d’électrons associées à la membrane (Havaux et al., 1996 ; Zaharieva et al., 1998 ; Vani et al., 2001 ; Ristic et al., 2007).

● Synthèse de protéines protectrices

Une élévation de température de 5 à 10°C au dessus des moyennes peut interférer sur la structure conformationnelle des protéines. Les protéines ainsi modifiées peuvent alors s’aggréger et précipiter, perturbant sérieusement le fonctionnement cellulaire. Afin de se prémunir de ces effets, la plante produit une famille spécifique de molécules appelées HSPs (Heat Shock Proteins). Ces molécules agissent en tant que protéines chaperonnes et permettent de neutraliser les protéines défaillantes: le rôle de ces protéines chaperonnes est de prévenir les dommages potentiellement causés par une perte de fonction protéique, due à un mauvais repliement tridimentionnel ou à une dénaturation, en assurant un repliement tridimentionnel adéquat de la protéine. La synthèse des protéines HSPs n’est pas seulement induite par un choc thermique, mais aussi par un large spectre d’évènements incluant le

déficit hydrique, le stress salin, les blessures, les basses températures et des traitements à l’ABA (Gulli et al., 2005 ; Timperio et al., 2008 ; Huang, 2008 ; Sato et Yokoya, 2008).