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Les analyses proprement dites se trouvent dans les Annexes

4. ANALYSE DU PREMIER ÉPISODE

4.4. Le schéma narratif

Les trois épreuves constituant le schéma narratif sont respectivement : 1/ L'épreuve qualifiante pendant laquelle le sujet acquiert les compétences nécessaires ainsi que les objets modaux : vouloir, pouvoir et savoir-faire.

Le sujet virtuel sera actualisé pour affronter l'épreuve principale

(performance) pendant laquelle il réussit sa conjonction avec l'objet de valeur et devenant un sujet réalisé, il aura à subir l'épreuve glorifiante (sanction positive ou négative) dans laquelle il aura la reconnaissance ou la non reconnaissance du destinateur.

Un faire persuasif du sujet précèdera le faire interprétatif du destinateur qui doit détenir le savoir (sur le faire et sur le sujet).

La sanction peut être d'ordre pragmatique ou cognitif.

Ces trois épreuves présupposent un contrat préalable sur lequel s'appuie le

destinateur pour mandater un destinataire. Ce contrat est réglé dans la phase de manipulation.

Le héros Alexis, amoureux de la mer, s'est lancé aussi à la découverte du monde en dehors du domaine familial, mandaté par son destinateur, la mer. La

phase de manipulation s'est faite sur toute la période de son enfance, depuis

qu'il a ouvert les yeux sur ce monde merveilleux :

« Quand tout cela a-t-il commencé ? » (p. 27) La tentation et la séduction constituent le faire persuasif :

« C'est ce bruit qui a bercé mon enfance » (p. 11)

Le faire interprétatif du sujet se manifeste en un vouloir faire (vouloir entendre et voir la mer, vouloir aller dans les forêts, champs et montagnes, vouloir explorer le Mananava, …).

Le narrateur parle d'un "désir incompréhensible" qu'éprouve le jeune Alexis face à la mer : les mouvements et les bruits séducteurs de celle-ci captivent totalement le héros qui lui voue tous ses sens et réussit avec elle un échange qu'il ne peut réussir avec ses semblables humains.

Le vouloir faire, la permission (pouvoir faire) ainsi que le savoir sur l'objet que lui apporte son ami Denis, virtualisent le sujet (Alexis) pour des épreuves liées à ses tentatives de conjonction avec l'objet (nature) pour ce qu'il a dû aussi acquérir, les compétences nécessaires.

L'épreuve qualifiante (acquisition de compétences) s'est faite en plusieurs

étapes : après ses échappées nocturnes pour entendre et voir la mer, il a peu à peu appris à s'éloigner de la maison familiale et du domaine du Boucan,

obéissant à un désir d'évasion et de liberté, et osant transgresser l'autorité de son père. On le voit, voulant être : libre, autonome.

Cela lui a permis aussi, avec l'aide de Denis, d'acquérir un savoir-faire, savoir : se déplacer dans la forêt, nommer les arbres, les plantes et les poissons,

connaître la direction du vent, le temps météorologique, les mouvements de la marée,… d'où aussi un pouvoir faire : il a pu par la suite s'éloigner plusieurs fois du Boucan sans Denis, servant de guide à sa sœur Laure.

Avec le vouloir, pouvoir et savoir faire, il acquiert aussi des objets modaux qui sont : l'autonomie, la liberté ainsi que le savoir, ce qui fait de lui un sujet actualisé pour une performance.

En effet, on peut percevoir une épreuve principale dans la huitième séquence : le premier voyage en mer pour Alexis, où on le voit osant désobéir à son père :

« Que va-t-il se pa sser quand je reviendra i ? […] je n'ai pas envie d'y

penser, c'est un peu comme si je n'allais jama is revenir » (p. 54)

Le héros va découvrir de près ce qu'il percevait de loin :

« C'est la première fois que je suis en bateau et je n'ai jamais rien connu

d'aussi beau » (p. 54)

« La pirogue file sur la haute mer, j'entends le bruit profond des vagues, le

vent emplit mes oreilles » (p. 55).

Le sujet réalisé tend, par un faire persuasif, à la reconnaissance de son destinateur

Alexis voue à la mer tous ses sens, comme pour la recevoir dans cette expérience si attendue :

« Je ne vois rien d'autre, je ne pense à rien d'autre, la mer profonde,

« comme je reste immobile […] à rega rder l'eau qui miroite » (p. 57) Dans un faire interprétatif, la mer enchante le sujet :

« C'est un vertige qui vient de la mer comme un charme… » (p. 57) et le met dans une sorte de rêve

« Je suis ici comme dans un rêve tiède qui ne finisse pas » (p. 57) Après cette expérience, le lien unissant Alexis à la mer est encore plus fort :

« Cette nuit-là […] j'écoute chaque mouvement de l'air, chaque souffle,

chaque vide, qui me rapproche de la mer » (p. 59).

Pour le père voulant sauver sa famille et ses affaires de la ruine, la phase

de manipulation s'est faite avant sa ruine complète :

« C'est au cours de cet été-là que mon père se lance dans la réalisation de son vieux projet,… » (p. 43),

mandaté par son destinateur : son génie :

« Mon père avait, à ce moment-là, des douzaines de projets différents sur lesquels il rêvait en silence… » (p. 43).

Mais ce sont des projets qui restent irréalisables sur le terrain : « Mais tout cela restait chimérique… » (p. 43).

Donc le père détenant le vouloir faire et manquant du savoir et pouvoir faire, va tenter la conjonction avec son objet dans l'épreuve principale :

« Le projet de la centrale électrique était certainement le plus ancien,

et il n'a commencé à se réaliser que cet été-là a lors que l'endettement de mon père éta it irrémédiable… » (p. 43).

A cause de l'ouragan qui a ravagé l'île, le père échoue :

« Il ne pouvait pas s'en sortir, son dernier espoir, il l'ava it placé dans

cette folie, cette génératrice électrique […] qui n'était plus alors qu'un tas de ferrailles englouti dans la boue… » (p. 95).

Le père, qui est aussi son propre destinateur, reconnaît son échec, la sanction est négative :

« C'est fini » (p. 90).