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LE SALAFISME, UN MOUVEMENT RELIGIEUX LITTÉRALISTE

Ce chapitre, qui vise à définir la manière dont les adeptes du mouvement salafiste se distinguent des autres tendances musulmanes, se divise en trois principales parties. La première aborde l’essor de l’intérêt académique, somme toute récente, envers ce mouvement sunnite orthodoxe en lien avec les aléas de la politique internationale. Les chercheurs ont principalement concentré leurs efforts sur les groupes salafistes opérant sur la péninsule arabique. La deuxième présente, à travers la littérature, les éléments définitionnels du salafisme. Bien que les débats entourant l’origine de l’emploi du terme salafiste ne fassent pas l’unanimité, ce courant se définit par la volonté d’instaurer un État et une société islamiques par une méthode d’interprétation littéraliste des sources. De plus, trois concepts se retrouvent au cœur de la pratique salafiste : al-walâ wal-barâ, al-amr bil-ma’rûf wa al- nahî ‘an al-munkar et le takfîr. Ces concepts seront brièvement expliqués afin de bien saisir l’impact qu’ils ont sur la façon dont les adeptes du salafisme se comportent en société. La troisième partie explique la catégorisation traditionnelle utilisée par les chercheurs pour étudier différents acteurs salafistes, soit les salafistes scientifiques, politiques et jihadistes.

Un intérêt académique récent sur le salafisme au regard de l’actualité

L’intérêt académique porté sur le salafisme en tant qu’objet d’étude demeure relativement récent, car il faut attendre l’attentat du 11 septembre 2001 du World Trade Center aux États- Unis pour que ce courant idéologique retienne l’attention, à la fois de la part des universitaires et des différents gouvernements occidentaux. Quelques études94 intéressantes ont été publiées, mais elles n’ont abordé qu’un aspect de ce courant, soit le salafisme comme matrice du jihâd dans sa conception de la lutte armée dans le cadre restrictif de la lutte antiterroriste. C’est le cas du livre de Vincenzo Oliveti qui identifiait le salafisme et le wahhabisme comme

94 Voir notamment Gilles KEPEL, Jihad : expansion et déclin de l'islamisme, Paris, Gallimard, 2000, 452 p. et

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les sources du terrorisme contemporain95. La littérature à ce sujet se concentre plus

particulièrement sur la zone géographique du MENA et sur les organisations à vocation armée classifiées comme terroristes, plus spécifiquement Al-Qâ’ida et ses ramifications régionales. Ces études sont cependant menées dans le contexte précis de la lutte contre le terrorisme et cherchent plus précisément à non seulement à analyser le fonctionnement de ces réseaux jihadistes, mais aussi à fournir des explications à la radicalisation menant à la violence.

À compter de la moitié des années 2000, la littérature sur le salafisme a opéré un changement relativement significatif. Les chercheurs ont tenté de définir les contours de ce courant nébuleux, tout en essayant de comprendre la manière dont il s’enracinait dans des cadres nationaux. Éclaircir les fondements de ce courant a été l’objectif de la monographie d’Olivier Roy, Globalised Islam96, et du volume collectif Global Salafism97. L’écrit de Roy semble avoir été l’un des premiers ouvrages à se pencher sur les principes fondamentaux du traditionnalisme, terme généraliste qu’il préfère employer pour désigner le courant sans distinguer les groupes salafistes et tablighis. Dans le second ouvrage, cinq chapitres ont été consacrés à la description de l’idéologie salafiste à travers les intellectuels qui ont inspiré les membres du mouvement, le champ d’action des salafistes, les concepts qui sous-tendent cette idéologie et la légitimité qu’elle semble acquérir au regard des autres courants par le recours aux sources d’un groupe important, les ahl al-hadîth.

Les salafistes des États de la péninsule arabique ont constitué le principal centre d’intérêt des spécialistes du salafisme. Chaque universitaire a développé une expertise portant sur le salafisme dans un pays particulier. Les travaux de Stéphane Lacroix ont porté sur les salafistes d’Arabie saoudite et plus particulièrement sur l’apport du penseur Nasir Al-Din Al- Albani comme référence-clé du mouvement salafiste98. Les salafistes du Yémen ont fait

95 Vincenzo OLIVETI, Terror’s Source : The Ideology of Wahhabi-Salafism and Its Consequences, Amadeus

Books, Chicago, 2002, 112p.

96 Olivier ROY, Globalised Islam : the Search for a New Ummah, London, Hurst & Company, 2004, 349p.

97 Roel MEIJIER, dans Roel MEIJER (éditeur), Global Salafism. Islam’s New Religious Movement, New York,

Oxford University Press, 2013, 400p.

98 Stéphane LACROIX, « Between Revolution and Apoliticism : Nasir al-Din al-Albani and his Impact on the

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l’objet d’étude de Laurent Bonnefoy qui a examiné leur processus d’appropriation nationale de l’idéologie salafiste99. Joas Wagemakers s’est intéressé à l’expansion du phénomène en

Jordanie tout en approfondissant l’interprétation salafiste de l’un de ses concepts-clés, celui d’al-walâ’ w-al-barâ100. Les théories des mouvements sociaux ont été utilisées par

Hegghammer pour fournir des explications de la violence motivée par le jihadisme salafiste en Arabie saoudite101. Quelques cas d’études portant sur des pays occidentaux ont commencé à paraître. Mohamed-Ali Adraoui s’est concentré sur le phénomène salafiste dans les banlieues françaises102, alors que Samir Amghar l’a analysé en tant que mouvement sectaire dans l’environnement de la France103. Mårtensson s’est intéressée au développement et à

l’interaction des salafistes en Norvège104 et De Koning a étudié leurs interactions avec des

musulmans d’autres tendances et le gouvernement au sein des Pays-Bas105. Quelques articles

ont traité du Soudan106, du Pakistan107 et de l’Indonésie108, mais ils constituent une

Movement, New York, Oxford University Press, 2013, pp. 58‑80 et Stéphane LACROIX, « L’apport de

Muhammad Nasir al-Din al-Albani au salafisme contemporain » dans Qu’est-ce que le salafisme ?, Bernard ROUGIER (sous la direction de), Paris, Presses universitaires de France, 2008, pp. 45‑64.

99 Laurent BONNEFOY, « L’illusion apolitique : adaptations, évolutions et instrumentalisations du salafisme

yéménite » dans Qu’est-ce que le salafisme?, Bernard ROUGIER (sous la direction de), Paris, Presses universitaires de France 2008, pp. 137‑160 et Laurent BONNEFOY, « How Transnational is Salafism in Yemen ? » dans Roel MEIJER (éditeur), Global Salafism. Islam’s New Religious Movement, New York, Oxford University Press, 2013, pp. 321‑341.

100 Joas WAGEMAKERS, « The Transformation of a Radical Concept : al-wala wa-l-bara’ in the Ideology of

Abu Muhammad al-Maqdisi » dans Roel MEIJER (éditeur), Global Salafism. Islam’s New Religious Movement, New York, Oxford University Press, 2013, pp. 81‑106.

101 Thomas HEGGHAMMER, « Violence politique en Arabie Saoudite : grandeur et décadence d’« Al-Qaida

dans la péninsule arabique » » dans Qu’est-ce que le salafisme ?, Bernard ROUGIER (sous la direction de), Paris, Presses universitaires de France, 2008, pp. 105‑122.

102 Mohamed-Ali ADRAOUI, Du Golfe aux banlieues : le salafisme mondialisé, Paris, Presses universitaires

de France, 2013, 233p.

103 Samir AMGHAR, Le salafisme d’aujourd’hui. Mouvements sectaires en Occident, Michalon Éditions, Paris,

2011, 280p.

104 Ulrika MÅRTENSSON, « Norwegian Ḥarakī Salafism: “The Saved Sect” Hugs the Infidels », Comparative

Islamic Studies, 8 (1), 2014, pp. 113-138.

105 Martijn DE KONING, « The “Other” Political Islam : Understanding Salafi Politics » dans Whatever

Happened to the Islamists? : Salafis, Heavy Metal Muslims and the Lure of Consumerist Islam, New York,

Columbia University Press, 2012, pp. 153‑178.

106 Noah SALOMON, « The Salafi Critique of Islamism : Doctrine, Difference and the Problem of Islamic

Political Action in Contemporary Sudan » dans Roel MEIJER (éditeur), Global Salafism. Islam’s New Religious

Movement, New York, Oxford University Press, New York, 2013, pp. 143‑168.

107 Noah ABOU ZAHAB, « Salafism in Pakistan : The Ahl-e Hadith Movement » dans Roel MEIJER (éditeur),

Global Salafism. Islam’s New Religious Movement, New York, Oxford University Press, 2013, pp. 126‑142.

108 Noorhaidi HASAN, « Ambivalent Doctrines and Conflicts in the Salafi Movement in Indonesia » dans Roel

MEIJER (éditeur), Global Salafism. Islam’s New Religious Movement, New York, Oxford University Press, 2013, pp. 169‑188.

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infinitésimale part de la littérature sur le sujet. L’une des raisons avancées expliquant ce constat serait que la langue arabe, si chère au courant salafiste ne prédomine pas dans les communautés musulmanes de ces régions109. Après le printemps arabe, l’intérêt académique s’est orienté vers l’Afrique du Nord, les salafistes égyptiens faisant l’objet d’analyse de Khalil Al-Anani110, alors que Merone s’est intéressé au groupe d’AST111.

Au regard de la récente littérature et du faible nombre d’articles sur le sujet, le mouvement salafiste apparaît clairement comme un objet d’étude qui mériterait d’être approfondi. Il s’agit sans aucun doute d’un phénomène qui tend à croître en importance au sein de la société vu l’augmentation du nombre d’adhérents au salafisme et la multiplication de leurs manifestations publiques qui méritent d’être étudiées et comprises. Néanmoins, la littérature existante a permis de cerner des éléments définitionnels du mouvement salafiste.

Des éléments définitionnels

Débats sur les origines polémiques du salafisme

Le terme salafisme est une adaptation francophone du mot arabe salafiyya. Étymologiquement, la salafiyya fait référence aux ancêtres. Ce terme renvoie logiquement à deux conditions sine qua non, celui de salaf, c’est-à-dire d’ancêtre, le père, et celui de khalaf, c’est-à-dire de successeur, le fils. Il est alors employé pour désigner les individus suivant l’exemple donné par leurs ancêtres. A priori, tous les musulmans sont des salafistes parce qu’ils sont les successeurs de la religion de leurs pères. Ils exercent la prière et divers rites tels qu’enseignés par leurs parents qui ont eux-mêmes imité ces pratiques et intégré ces

109 Bernard HAYKEL, « On the Nature of Salafi Thought and Action » dans Roel MEIJER (éditeur), Global

Salafism. Islam’s New Religious Movement, New York, Oxford University Press, 2013, pp. 33‑50.

110 Khalil AL-ANANI, « Unpacking the Sacred Canopy : Egypt’s Salafis between Religion and Politics » dans

Francesco CAVATORTA et Fabio MERONE (éditeurs), Salafism after the Arab Awakening. Contending with

People’s Power, London, Hurst & Company, 2016, pp. 25‑42.

111 Fabio MERONE, « Enduring Class Struggle in Tunisia : The Fight for Identity beyond Political Islam », op.

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connaissances et traditions de leurs parents précédemment et ainsi de suite. Il y a donc un passage de successeurs à ancêtres au fil des générations.

Les études académiques qui portent sur le salafisme font abstraction de ce point et font plutôt référence à un courant religieux précis qui repose sur l’expression arabe salaf al-sâlih qui signifie les « pieux ancêtres » ou les « pieux prédécesseurs »112. Pris dans ce sens, ce terme inclut les trois premières générations de musulmans, soit le Prophète Mohammed et ses Compagnons et les deux générations qui leurs succédèrent (al-tâbi’oûn et tâbi’ al-tâbi’în). Ces individus sont qualifiés de pieux ancêtres en raison de la proximité temporelle et spatiale qu’ils détenaient auprès du Prophète. Ces salaf al-sâlih sont ainsi reconnus par les salafistes comme ayant pratiqué le « véritable islam » tel qu’enseigné par le Prophète, ses leçons n’ayant pas été dénaturées ni par le temps ni par des velléités individuelles.

Le salafisme est une tendance religieuse qui prend racine dans le sunnisme, terme provenant du mot arabe Sunna signifiant tradition, qui représente le courant majoritaire en islam. Le salafisme s’ancre dans l’école de pensée juridique hanbalite qui se concentre essentiellement sur deux sources : le Coran et la sunna. La Sunna est composée des paroles du Prophète, de ses actes et de ses pratiques (s. hâdith, p. ahâdîth) tels que rapportés par la chaîne de rapporteurs113 , interprète des passages du Coran et le complète lorsqu’il demeure muet sur

des thématiques assez importantes telles que la manière de procéder à la prière, la direction à laquelle les fidèles doivent l’accomplir ou la façon d’exécuter les ablutions. La création de cette école est survenue en réaction à l’éclatement de la pratique des musulmans et au foisonnement de raisonnements juridiques et de fatâwâ (avis juridiques) émises par différents acteurs. Ibn Hanbal percevait la nécessité de revenir aux sources primaires étant donné que l’écart entre la pratique des nouvelles générations de musulmans et celle des générations ayant vécu auprès du Prophète ne cessait de s’allonger. Il espérait ainsi purifier l’islam de toute bid’a (p. bidâ’), innovation, de la pratique des musulmans en se tenant strictement à celle des ancêtres des trois premières générations. La volonté d’uniformiser le droit et la

112 Bernard ROUGIER, « Introduction » dans Qu’est-ce que le salafisme ?, Bernard ROUGIER (sous la

direction de), Paris, Presses universitaires de France, 2008, p. 3.

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pratique des affaires cultuelles (‘ibâdat) et sociales (mu’âmalât) a motivé la création de l’école hanbalite.

Bien que le courant salafiste soit ancrée historiquement dans cette école, beaucoup de confusion perdure quant à l’origine de l’emploi du terme salafisme. Utilisé aujourd’hui comme instrument de légitimation et de délégitimation, le terme semble avoir connu une évolution historique. Le salafisme tel que conceptualisé dans la littérature depuis les années 70114, tire ses fondements des siècles antérieurement. Si certains auteurs remontent le premier emploi du terme à quelques décennies après la mort du Prophète, d'autres renvoient la première utilisation plutôt au cours du XIXème siècle. À ce titre, il est pertinent de faire référence à l’ouvrage d’Henri Lauzière115 qui traite en détail de cette polémique. Quoiqu’il

en soit, trois-moments-clés semblent ponctuer l’évolution du terme salafisme116.

Le premier moment survient lors de la fondation du hanbalisme par Ibn Hanbal. Si les salafistes se targuent de la pureté de leur pratique qui repose uniquement sur celle de leurs ancêtres, c’est l’école hanbalite, par sa méthodologie particulière, qui a initié l’idée d’un retour aux sources. Le deuxième moment est la poursuite du travail d’Ibn Hanbal par Ibn Taymiyya117. Ce dernier a élargi la notion de jihâd fî sabilillâh, le recours à la lutte armée,

dans un contexte où les Mongols envahisseurs s’étaient convertis à l’islam avec l’objectif précis de mieux régner sur les sujets musulmans118. Bien que certaines différences notables

distinguent les deux penseurs119, leurs discours convergeaient vers une idée centrale : un retour aux sources. Ce retour aux sources est caractérisé par des éléments centraux de la pensée salafiste : l’adhésion aux sources que représentent le Coran et la sunna, la primauté des textes révélés sur la raison et le rejet du kalam, la discussion théologique120. Le troisième

114 Henri LAUZIÈRE, The Making of Salafism : Islamic Reform in the Twentieth Century, New York, Columbia

University Press, 2016, p. 199. 115 Ibid.

116 Samir AMGHAR, op. cit.

117 Laurent BONNEFOY, Salafism in Yemen : Transnationalism and Religious Identity, New York, Columbia

University Press, 2011, p. 42.

118 Bernard ROUGIER, « Introduction », op. cit., pp. 12-13.

119 Contrairement à Ibn Hanbal, Ibn Taymiyya rejetait le taqlid (l’imitation aveugle) et l’ijma’ (le consensus),

mais approuvait le recours au qiyas (raisonnement analogique).

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moment-clé est lié à Abdelwahhab et à son alliance politico-religieuse avec la famille des Sa’ud au XVIIIème siècle pour « construire un État sunnite […] et restaurer l’islam dans sa pureté première, en luttant contre toutes les innovations suspectées ou les superstitions populaires121 » et ce, à un moment où l’Empire ottoman montrait des signes de faiblesse. Abdelwahhab, demeurant dans la logique d’Ibn Hanbal et d’Ibn Taymiyya, poursuivait une interprétation littéraliste de l’islam. Il appelait également à une purification de la religion par des réformes sociale et morale et à l’unité entre les musulmans122. C’est Abdelwahhab qui développe ce qu’on appelle le wahhabisme, la doctrine officielle de l’Arabie saoudite aujourd’hui. À ce titre, il n’existe pas non plus de consensus parmi les chercheurs à savoir si le salafisme et le wahhabisme sont deux courants distincts ou seulement deux frères jumeaux.

Bien que cela demeure controversé, quelques chercheurs, comme Adraoui123, Roy124 et Hourani125 ont inséré le parcours du salafisme dans la trajectoire du mouvement de la réforme revivaliste, al-salafiyya al-islahiyya, initié par Jamal Al-Din Al-Afghani. Cet homme représentait à l’époque le « renouveau politique, social et culturel de l’esprit musulman » et appelait à un « réveil de la conscience islamique »126. Ce mouvement de la réforme salafiste comptait plusieurs membres notables, entre autres Mohammed Abduh, Rachid Rida et ‘Ali Abderrazziq. Si Al-Afghani préconisait une approche plus radicale quant à l’opposition exercée à l’encontre du pouvoir, son disciple Abduh privilégiait une attitude de coopération avec les élites détenant le pouvoir dans l’optique de modifier à l’interne les institutions étatiques127. Abduh est considéré par certains comme le père du salafisme, car il aurait été le premier à se qualifier de salafiste128. Il définissait d’ailleurs ce courant comme une idéologie « to liberate thought from de shackles of taqlid, and understand religion as it was understood by the elders of the community before dissension appeared; to return, in acquisition of

121 Henri LAOUST, Les schismes dans l’Islam : introduction à une étude de la religion musulmane, Paris,

Payot, 1965, p. 323.

122 Chems-Eddine HAFIZ, op. cit. p. 4.

123 Mohamed-Ali ADRAOUI, op. cit., p. 201.

124 Olivier ROY, Globalised Islam : the Search for a New Ummah, London, Hurst & Company, 2004, p. 233.

125 Albert HOURANI, L’âge d’un monde arabe libéral, 2ème édition, Références, Clamecy, Atlande, 2016, 471p.

126 Ibid., p. 4. 127 Loc. cit. 128 Ibid., p. 3.

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religious knowledge, to its first sources, and to weigh them in the scales of human reason129». Les prises de position de ces hommes de religion ont incarné leur volonté d’adopter un rôle de loi. À l’instar de leurs prédécesseurs, ceux qui se revendiquent aujourd’hui du salafisme désirent commenter et recommander des éléments concernant les lois régissant l’État, car leurs connaissances du Coran et de la Sunna en feraient des experts du droit musulman, et agissent dans la volonté de modeler leur société en fonction de leur vision du monde.

Un objectif pieux en réaction aux sociétés grugées par le capitalisme

S’immerger dans le monde salafiste est synonyme d’intégrer un mode de vie particulier. La psyché sociale tend à dépeindre les salafistes comme des hommes barbus portant le qamîs, vêtement long traditionnel masculin, des femmes portant le niqâb, voile intégral couvrant le visage, refusant d’écouter la radio ou de regarder la télévision, voire même de jouer au football. Il s’agit d’une représentation très caricaturale d’un courant religieux complexe et multiforme qui ne se résume pas à quelques caractéristiques physiques. Agissant conformément aux actions du Prophète, même dans les gestes les plus profanes du quotidien tels que manger, s’habiller et dormir130, certains salafistes préfèrent se définir de manière

évasive :

For Salaffiyyah is neither a group and [sic] nor an exclusive party. Rather it is the following of what the Prophet and his companions were upon in aqidah (creed), manhaj (methodology) and ibaadah (worship)… distinguished from the various Islamic factions due to their ascription to what guarantees for them the correct and true Islam, which is adherence to what the Messenger and his Companions were upon, as occurs in the authentic Hadiths.131

Cette désignation plutôt large rejoint la pensée de Roy qui estime que le recours au terme salafisme renvoie, pour certains dans la littérature, à un groupe précis d’individus, alors que les salafistes ne représentent pas un groupe particulier en tant que tel, mais fait plutôt

129 Ibid., p. 12.

130 Samir AMGHAR, Le salafisme d’aujourd’hui. Mouvements sectaires en Occident, op. cit., p. 16.

131 Adis DUDERIJA, « Constructing the religious Self and the Other : neo-traditional Salafi Manhaj », Islam

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référence à un mouvement132. Roy se distancie de ce précipice sémantique et préfère

employer le terme de néo-fondamentalisme. Il s’agit d’un courant, d’un état d’esprit et de l’importance de la relation dogmatique avec les principes fondamentaux de l’islam133.

Le salafisme, c’est également embrasser une vision totalitaire et manichéenne du monde. Totalitaire ou choumouliya al-islâm qui signifie l’intégralité de l’islam134, car les objectifs d’un tel courant concernent la mise en pratique des enseignements islamiques dans l’ensemble des facettes de la vie des musulmans, que cela relève du domaine privé ou public.

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