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Partie 2 : Données actuelles sur la contraception orale

II. La pharmaco épidémiologie

2. Le rapport de l’ANSM

Le rapport de l’ANSM rendu public en mars 2013 relate le nombre d’accidents thromboemboliques veineux attribuables aux COC ainsi que la létalité intra hospitalière et la mortalité prématurée, liée à ces évènements, chez des femmes de 15 à 49 ans exposées aux COC en France entre 2000 et 2011.

Dans ce rapport, les données qui ont été utilisées sont les données d’exposition aux COC, par génération et par classe d’âge, estimées à partir des données de déclaration de ventes de médicaments de l’ANSM, et des données transversales des enquêtes Inserm/Ined. Les données du risque absolu de base d’accident thromboembolique veineux (ATEV) et de l’augmentation du risque d’ATEV liée aux COC ont également été utilisées. Elles ont été estimées à partir des données disponibles dans la littérature. Enfin, ont été utilisées, les données de mortalité intra-hospitalière immédiate, consécutives à une embolie pulmonaire, et les données de

mortalité prématurée, liée à une EP « dans les cinq années » estimées à partir des données nationales d’hospitalisation (PMSI) et des données de la littérature.

L’objectif de ce rapport est de définir le risque d’accident thromboembolique veineux connu depuis le début et étudié par de nombreux scientifiques tels que Jick

en 199538, Bloemenkamp en 199540, Spitzer en 199641 et Lidegaard en 201143. Ce

risque est connu mondialement, et étroitement surveillé par les autorités de santé. Ce rapport relate les différentes publications, et fait un bilan de ces ATEV en France.

Ce rapport prend en compte des femmes âgées de 15 à 49 ans habitant en France, sans pathologie tumorale ni grossesse en cours. Quatre étapes ont été nécessaires pour obtenir les données utiles pour l’estimation du nombre de cas.

La première étape consiste à l’estimation de la population exposée à un COC de 2000 à 2011 (cf Figure 21). Pour cela, ils ont utilisé les données de l’INSEE, les données de déclarations de vente de médicaments auprès de l’ANSM et les données d’enquête Inserm/Ined (enquête Cocoon en 2000 et Fecond en 2010)

Figure 21 : Utilisation des COC toutes générations confondues en 2000 et 2010 en

fonction de l’âge63

La deuxième étape consiste à estimer le risque absolu de base d’ATEV au sein de la population étudiée. Différentes études internationales ont été faites à ce sujet, dont deux études qui évaluent le taux d’incidence d’ATEV dans la population générale utilisatrice ou non de COC. Il s’agit de l’étude américaine de Silverstein en

1998 64 et l’étude norvégienne de Naess en 2007 65, ils ont utilisé les données

médico-administratives. Une seule étude française a été menée à ce sujet ; il s’agit

d’une étude faite dans 3 hôpitaux brestois 66, dans laquelle ils ont recensé les TVP

des membres inférieurs et les EP. Trois études de cohorte ont estimé le risque d’ATEV chez les non-utilisatrices de COC ; une étude américaine en population en

1996 de Grodstein 67, et deux études utilisant les données médico-administratives

une de Seamen en 2003 au Royaume-Uni et une de Lidegaard en 2011 au

Danemark 43. Les taux d’incidence des ATEV chez les femmes de 15-49 ans non

utilisatrices de COC servant de référence, sont ceux de l’étude danoise de Lidegaard. Ces taux sont décrits dans le tableau ci-dessous (cf Tableau 14).

Actuellement, c’est l’étude de Lidegaard qui sert de référence puisque c’est la plus récente, la plus fiable et la plus complète, les résultats de cette étude sont similaires aux résultats des autres études européennes et françaises.

Tableau 14 : Taux d’incidence des ATEV chez les femmes âgées de 15 à 49 ans non utilisatrice de COC (données issues de l’étude de Lidegaard)

La troisième étape permet une estimation de l’augmentation du risque d’ATEV lié à l’utilisation de COC. Tout d’abord, en comparant les non-utilisatrices de COC avec les utilisatrices tous types de générations confondues, puis ensuite en comparant les

utilisatrices de 3ème et 4ème génération contre celle de 1ère et 2ème génération.

Le risque thromboembolique est connu depuis les années 60, mais ce n’est que dans les années 1995 et 1996 que les publications de l’OMS ou de scientifiques tels que Jick, Bloemenkamp, Spitzer ont permis d’établir que l’augmentation du risque d’ATEV était plus importante avec les nouveaux COC contenant du désogestrel et du gestodène par rapport au lévonorgestrel. Ils ont constaté que ce risque était supérieur la première année de traitement, n’était pas modifié par la durée du traitement et disparaissait 3 mois après l’arrêt du traitement. De plus, les études de

Parkin 68, Jick 38, 69 et Lidegaard 35, 43 ont mis en évidence une augmentation du

risque d’ATEV, avec l’utilisation de la drospirénone (progestatif de 4ème génération)

par rapport aux COC de deuxième génération, sur-risque similaire à celui retrouvé avec les COC de troisième génération.

Après toutes ces études, les hypothèses retenues sont que les femmes utilisant

ont un risque d’ATEV multiplié par 2 par rapport aux femmes non utilisatrices de COC. La deuxième hypothèse est que les femmes utilisant un COC contenant du

désogestrel, du gestodène et de la drospirénone (3ème et 4ème génération) ont un

risque d’ATEV multiplié par 4 par rapport aux femmes non utilisatrices de COC. Enfin, la dernière hypothèse est que le risque d’ATEV est multiplié par 2 chez les

femmes utilisant un COC de 3ème et 4ème génération par rapport aux femmes utilisant

un COC de 1ère et 2ème génération. Ces hypothèses sont étendues aux COC

contenant du norgestimate ou ceux contenant les nouvelles associations oestroprogestatives (estradiol ou valérate d’estradiol), même si aucune étude n’a été faite avec ces derniers.

Enfin, la quatrième et dernière étape consiste à estimer le risque de mortalité (létalité intra-hospitalière et mortalité prématurée) suite aux ATEV chez les utilisatrices de COC. Tout d’abord, en comparant les non-utilisatrices de COC avec les utilisatrices tous types de générations confondues, puis en comparant les

utilisatrices de 3ème et 4ème génération contre celles de 1ère et 2ème génération.

Concernant la létalité intra-hospitalière, le taux de cette dernière pour une embolie pulmonaire entre 2007 et 2011 est de 1% chez les femmes de 15 à 49 ans, sans pathologie tumorale ni grossesse. Concernant la mortalité prématurée, c’est-à-dire la mortalité liée à l’embolie pulmonaire à 5 ans, d’après une étude californienne sur 3 456 sujets âgés de 18 à 56 ans, elle est de 2,3%.

Après avoir réuni toutes les informations nécessaires, grâce à une approche pharmaco épidémiologique, ils ont pu estimer le nombre de femmes ayant eu un ATEV lié à l’utilisation d’un COC entre 2000 et 2011, en sachant qu’on dénombre en 2011 en moyenne, 4 274 000 femmes utilisatrices de COC, toutes générations confondues. La répartition des femmes exposées par génération de COC a évolué.

Ainsi, entre 2000 et 2008, 40% des femmes utilisaient une contraception de 3ème ou

4ème génération et 60% un COC de 1ère ou 2ème génération. Depuis 2009, la

répartition a changé, puisqu’on retrouve 50,8% d’utilisatrices de COC de 1ère ou 2ème

génération et 49,1% d’utilisatrices de COC de 3ème ou 4ème génération. Les résultats

sont les suivants :

moyenne 2 529 : 778 attribuables aux COC de 1ère et 2ème génération et

1 751 attribuables aux COC de 3ème et 4ème génération,

• Le nombre annuel de décès intra-hospitaliers par embolie pulmonaire

attribuable à l’utilisation des COC, est en moyenne de 8 à 9 selon les années. En 2011, il est estimé que 2 décès intra-hospitaliers étaient

attribuables aux COC de 1ère et 2ème génération et 6 aux COC de 3ème et

4ème génération,

• Le nombre annuel de décès prématurés (incluant les décès

intra-hospitaliers) dans les 5 ans liés à l’embolie pulmonaire attribuables à l’utilisation des COC est estimé à 20 décès : 6 décès attribuables aux

COC de 1ère et 2ème génération et 14 attribuables aux COC de 3ème et 4ème

génération.

En conclusion, on sait que le risque d’accident thromboembolique veineux existe dans la population générale et augmente avec l’âge, chez toutes les femmes, qu’elles soient ou non, utilisatrices d’un contraceptif oral combiné. Ce risque est plus important chez les femmes utilisatrices d’un contraceptif oral combiné et, en particulier, quand celui-ci est de troisième ou de quatrième génération. Ce risque peut exceptionnellement se compliquer d’évolution fatale en cas d’embolie pulmonaire.63