On consid`ere donc :
I(z) :=
n∈IN,k1∈IN∗,...,kn∈IN∗
|bn||ak1|. . .|akn||z|k1+···+kn.
D’apr`es le calcul formel pr´ec´edent, comme tous les termes sont positifs, on a :
I(z) =
n∈IN
|bn|F(|z|)n,
o`u F(z) = +∞n=1|an|zn converge aussi pour |z| < r et F(0) = 0. Le rayon de convergence de G(z) = +∞n=0|bn|zn est r. Par continuit´e, il existe >0 tel que si |z|< ,F(|z|)< r donc I(z)<+∞. Si |z|< , la famille est sommmable.
En choisissant g(z) = 1/z dans l’´enonc´e pr´ec´edent, on obtient : Corollaire 2.4.7. — Si f ∈A(Ω) ne s’annule pas sur Ω, 1/f ∈A(Ω).
2.5. Le principe du prolongement analytique
Rappelons qu’un espace topologique Xest connexesi les seules parties deXqui sont `a la fois ferm´ees dansXet ouvertes dansXsontXet∅. Des rappels plus complets seront faits plus tard sur la notion de connexit´e.
Th´eor`eme 2.5.1 (Principe du prolongement analytique)
Soit Ω un ouvert connexe non vide de C et f ∈ A(Ω). Les propri´et´es suivantes sont ´equivalentes :
1. f est nulle sur Ω.
2. f est nulle sur un ouvert non vide ω ⊂Ω.
3. Il existe un point a ∈Ω, tel que f(p)(a) = 0 pour tout p∈IN.
Les implications (1) ⇒ (2) et (2) ⇒ (3) sont triviales et ne font pas intervenir la connexit´e. L’analyticit´e de f est cruciale pour (3) ⇒ (2) et (2)⇒ (1) ; la connexit´e de Ω est cruciale pour (2) ⇒ (1).
D´emonstration. — (3) ⇒ (2) parce que si f(p)(a) = 0 pour tout p∈ IN, la fonction f, qui est au voisinage de a la somme de sa s´erie de Taylor au point a, est nulle sur ce voisinage.
Pour montrer (2) ⇒ (1), on introduit :
U :={a∈Ω, f est nulle au voisinage de a dans Ω}.
32 CHAPITRE 2. FONCTIONS ANALYTIQUES
Par d´efinition, U est un voisinage (dans Ω ou dans C , c’est pareil) de chacun de ses points ; c’est donc un ouvert de Ω. Si la propri´et´e (2) est v´erifi´ee, l’ouvert U est non vide. Pour d´emontrer que U = Ω, il suffit de montrer que U est ferm´e dans Ω (pas dans C , c’est pas pareil !).
Soit an ∈ U une suite qui converge vers a ∈ Ω. Par d´efinition de U, f est nulle au voisinage de chacun des points an, donc toutes ses d´eriv´ees, d’ordre ≥0, sont nulles enan. Commef est continue, f(p)(a) = limn→+∞f(p)(an) = 0 pour tout p∈IN. Comme f est analytique en a, f est nulle au voisinage de a, donc a ∈ U par d´efinition de U. L’ensemble U est ferm´e dans Ω.
En appliquant le th´eor`eme pr´ec´edent `a la diff´erence f −g de deux fonctions, on obtient :
Corollaire 2.5.2. — Soit Ω un ouvert connexe de C et f, g ∈ A(Ω).
Si les fonctionsf et g sont ´egales sur un ouvert non vide de Ω, elles sont
´ egales.
Le principe de prolongement analytique, tel qu’on vient de le formuler, reste vrai en plusieurs variables (il faut modifier l’´enonc´e de la propri´et´e (3), voir Chapitre 3). En revanche l’avatar suivant de ce principe n’est plus vrai pour les fonctions d’au moins 2 variables. Ceci justifie qu’on lui donne un nom diff´erent :
Th´eor`eme 2.5.3 (Principe des z´eros isol´es). — Soit Ω un ouvert connexe de C et f ∈ A(Ω). Si f n’est pas la fonction nulle, l’ensemble f−1({0}) des z´eros de f est discret : si a∈ Ω est un z´ero de f, il existe D(a, )⊂Ω tel que a soit le seul z´ero de f contenu dans D(a, ).
D´emonstration. — Sif n’est pas la fonction nulle et sia∈Ω,f n’est pas identiquement nulle au voisinage dead’apr`es le principe du prolongement analytique. Si f(a) = 0 et f(z) = +∞n=1an(z −a)n au voisinage de a, la s´erie de droite n’est donc pas la s´erie nulle : il existe p ∈ IN∗ tel que a1 =· · ·=ap−1 = 0 et ap = 0. On peut ´ecrire :
f(z) = (z−a)pg(z)
o`u g est analytique au voisinage de a et g(a) = 0. Par continuit´e, g ne s’annule pas sur un disque D(a, ) et f−1({0})∩D(a, ) = {a}.
L’ensemble des z´eros de f ∈ A(Ω) est ferm´e dans Ω, mais il n’est pas ferm´e dans C en g´en´eral ! Un ferm´e de Ω peut ne pas avoir de point d’accumulation dans Ω et en avoir dans C : ces derniers appartiennent
2.6. FONCTIONS ANALYTIQUES DE VARIABLES R´EELLES 33
alors `a la fronti`ere de Ω dans C . On fera donc attention `a bien comprendre le sens de la paraphrase suivante du principe des z´eros isol´es :
Corollaire 2.5.4. — Soit Ω un ouvert connexe de C et f, g ∈ A(Ω).
Si l’ensemble {z ∈ Ω, f(z) = g(z)} a un point d’accumulation dans Ω, f =g.
De la d´emonstration du th´eor`eme p´ec´edent, il d´ecoule en particulier que si f est une fonction analytique au voisinage d’un point a ∈ C , ou bien f est identiquement nulle au voisinage de a, ou bien il existe un entier p ∈ IN, uniquement d´efini, qui v´erifie les conditions ´equivalentes suivantes :
1. f(q)(a) = 0 si 0≤q < p etf(p)(a)= 0 ;
2. le d´eveloppement de f au voisinage de a est de la forme f(z) = ap(z−a)p+ n≥p+1an(z−a)n avec ap = 0 ;
3. il existe une fonctionhanalytique au voisinage deatelle quef(z) = (z−a)ph(z) au voisinage de a eth(a)= 0.
Si p ≥ 1, on dit que a est un z´ero de f, d’orde ou de multiplicit´e p. Si p= 0, a n’est pas un z´ero de f mais, par abus de langage, on dit que a est un z´ero d’ordre 0 def.
2.6. Fonctions analytiques d’une ou deux variables r´eelles D´efinition 2.6.1. — Soit ω un ouvert de IR. Une fonction f : ω →C est analytique si, pour tout x0 ∈ ω, il existe r > 0 tel que, sur ]x0 − r, x0+r[,f soit la somme d’une s´erie enti`ere en x−x0.
Un ouvert de IR est une r´eunion au plus d´enombrable d’intervalles ouverts disjoints. Il suffit donc d’´etudier les fonctions analytiques sur un intervalle ouvert. Ce qu’on a dit des s´eries enti`eres enz ∈C se transporte directement aux s´eries en x∈IR, les disques de centre 0 ´etant remplac´es par des intervalles ouverts de centre 0. On a donc le th´eor`eme suivant : Th´eor`eme 2.6.2. — Soitω un ouvert deIR etf :ω →C une fonction analytique. Alors f ∈C∞(ω) et pour toutx0 ∈ω, il existe r >0tel que :
x∈]x0−r, x0+r[, f(x) = +∞
n=0
f(n)(x0)
n! (x−x0)n.
34 CHAPITRE 2. FONCTIONS ANALYTIQUES
Le principe du prolongement analytique et le principe des z´eros isol´es ont des analogues ´evidents dans ce cadre.
L’analyticit´e d’une fonction d´efinie et de classe C∞ au voisinage d’un point x0 ∈ IR peut parfois ˆetre obtenue en appliquant une formule de Taylor `a l’ordre n, avec estimation du reste (la formule de Taylor-Young n’est donc ici d’aucune utilit´e) et en faisant tendrenvers +∞. La formule de Taylor la plus utile et la plus facile `a d´emontrer, est la formule de Taylor avec reste int´egral:
Th´eor`eme 2.6.3. — Soit I ⊂ IR un intervalle ouvert, n ∈ IN et f ∈ Cn+1(I). Pour tout a, x∈I, on a :
f(x) = n
k=0
f(k)(a)
k! (x−a)k+ 1 n!
x a
(x−t)nf(n+1)(t)dt.
Cette formule permet de d´emontrer facilement l’analyticit´e des fonc-tions ´el´ementaires.
Il est clair que si f : Ω → C est une fonction analytique et si ω = Ω∩IR = ∅, f|ω : ω → C est analytique. Il suffit pour le voir, d’´ecrire, pourx0 ∈ω, le d´eveloppement de f(x0+h) en s´erie enti`ere de het de le restreindre au valeurs r´eelles de h. On a la r´eciproque suivante :
Th´eor`eme 2.6.4. — SoitI ⊂IRun intervalle ouvert etf :I →C une fonction analytique. On note r(a)>0le rayon de convergence de la s´erie de Taylor de f en a ∈I. Il existe une fonction analytiqueF sur l’ouvert
Ω =∪a∈ID(a, r(a)).
telle que F|I ≡f.
D´emonstration. — Si a ∈ I, notons Da = D(a, r(a)). `A tout a ∈ I, on associe la fonction :
z ∈Da, Fa(z) = +∞
n=0
f(n)(a)
n! (z−a)n. C’est une fonction analytique sur le disque ouvert Da.
L’intersectionDa∩I =]a−r(a), a+r(a)[∩Iest un intervalle ouvert qui contienta. La restriction deFa`a ]a−r(a), a+r(a)[ est analytique sur cet intervalle et co¨ıncide avec f au voisinage de a. Comme f est analytique sur ]a−r(a), a+r(a)[∩I, qui est connexe, on a :
(17) ∀x∈]a−r(a), a+r(a)[∩I, Fa(x) =f(x),
2.6. FONCTIONS ANALYTIQUES DE VARIABLES R´EELLES 35
d’apr`es le principe de prolongement analytique (dans sa version r´eelle).
Soit maintenant a = b deux points de I tels que Da et Db aient une intersection non vide, i.e.r(a) +r(b)>|b−a|. On peut supposera < b : [a, b]⊂I. L’intervalle ouvert :
Da∩Db∩I =]a−r(a), a+r(a)[∩]b−r(b), b+r(b)[∩I
est non vide (v´erifiez !). Par restriction, on obtient une fonction Fa−Fb : Da∩Db → C analytique sur l’ouvert convexe (donc connexe) Da∩Db, nulle sur Da∩Db∩I, qui a un point d’accumulation dans Da∩Db. Par th´eor`eme, on a obtenu :
Fa(z) =Fb(z) pour tout z∈Da∩Db.
On d´efinit donc une fonction F : Ω → C en posant F(z) = Fa(z) quand z ∈Da. Elle v´erifie les propri´et´es de l’´enonc´e.
On peut aussi d´efinir la notion de fonction analytique de deux variables r´eelles :
D´efinition 2.6.5. — Soit Ω un ouvert de IR2. Une fonctionf : Ω→C est analytique si pour tout (x0, y0) ∈ Ω, il existe r > 0, s > 0, et des nombres complexes aj k, (j, k)∈IN×IN tels qu’on ait :
si |x−x0|< r, |y−y0|< s, f(x, y) =
(j,k)∈IN×IN
aj k(x−x0)j(y−y0)k. Comme dans ce cours on r´eserve le terme «analytique» aux fonctions analytiques au sens du Chapitre 2, on dira qu’une fonction analytique au sens de la d´efinition pr´ec´edente est IR-analytique.
La th´eorie ´el´ementaire des fonctions IR-analytiques de deux variables est `a peine plus difficile que celle des fonctions d’une variable. On laisse la d´emonstration des r´esultats suivants comme exercices ; ils sont d’ailleurs int´eressants :
Lemme 2.6.6 (Lemme d’Abel). — Soit (aj k)(j,k)∈IN×IN une famille de nombres complexes, et r >0, s >0. Si la famille :
|aj k|rjsk, (j, k)∈IN×IN
est born´ee, la famille (aj kxjyk) est sommable pour tout (x, y) ∈ ]−r,+r[×]−s,+s[.
36 CHAPITRE 2. FONCTIONS ANALYTIQUES
Comme dans le cas du Lemme d’Abel en une variable, ce qui est plus utile que le lemme lui-mˆeme c’est la remarque que, si :
|aj k|rjsk ≤M,
Remarque 2.6.7. — La forme du domaine de convergence d’une s´erie enti`ere de deux variables est plus vari´ee qu’en une variable. On pourra, pour s’en convaincre, chercher le domaine de convergence absolue de
n∈INxpnyqn o`up, q∈IN∗ sont donn´es.
Le th´eor`eme suivant se d´emontre comme en une variable :
Th´eor`eme 2.6.8. — SoitΩune fonctionIR-analytique surΩ. La fonc-tion f est de classe C∞ sur Ω. Au voisinage de tout point (x0, y0) de Ω,
D´emonstration. — Par translation, on se ram`ene `a d´emontrer que la somme
f(z) =
n∈IN
anzn
d’une s´erie enti`ere convergente sur le disque D(0, r) est, sur un voisinage
´
eventuellement plus petit de 0, la somme d’une s´erie enti`ere en x= Rez, y= Imz. Formellement, on a :
2.6. FONCTIONS ANALYTIQUES DE VARIABLES R´EELLES 37
Consid´erons la famille (aj+k(j+k)!ikxjyk/(j!k!))i∈IN, j∈IN. On a :
j,k∈IN
aj+k(j +k)!
j!k! ikxjyk =
n∈IN
|an|(|x|+|y|)n.
La famille est donc sommable si |x|+|y| < r. Sous cette condition, le calcul des familles sommables donne :
f(x+iy) =
j,k∈IN
aj+k(j+k)!
j!k! ikxjyk, et le r´esultat.
Le fait qu’on ait obtenu un domaine plus petit pour le d´eveloppement en s´erie enti`ere de x et y n’est pas dˆu `a une impr´ecision du calcul. Par exemple, pour la fonction (1−z)−1, on obtient la s´erie
j,k∈IN
(j+k)!
j!k! ikxjyk.
Son domaine de sommabilit´e est pr´ecis´ement le carr´e d’´equation|x|+|y|<
1, strictement contenu dans le disque unit´e.
Exercice 2.6.10. — Montrer qu’une fonction IR-analytique sur un ou-vert Ω de C est analytique (au sens complexe) si et seulement si elle v´erifie les ´equations de Cauchy-Riemann.
Remarque 2.6.11. — Attention : il n’y a pas de principe des z´eros isol´es en plusieurs variables ! La fonction analytique f(x, y) := ys’annule sur IR× {0}.