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Chapitre 2 : La mécanique ondulatoire : de la dualité onde-corpuscule à

2.2.4. Analyse épistémologique

2.2.4.1. Le pouvoir unificateur de la mécanique ondulatoire

La synthèse broglienne, c’est-à-dire l’unification de la théorie corpusculaire et ondulatoire est significative du point de vue épistémologique. En effet, lorsque deux théories paraissent antagonistes, on peut réaliser une unité de ces deux théories en les faisant intégrer dans une synthèse unique. Pour réaliser cette unité, il faut que les faits soient compatibles avec la théorie. La compatibilité de la théorie avec les faits stipule que lorsque deux théories entrent en compétition ou sont incompatibles, on peut faire évoluer ces théories en leur faisant entrer dans un cadre unique en faisant disparaître la contradiction et en conservant toutefois les conceptions antérieures : c'est le cas de la mécanique ondulatoire de de Broglie, une synthèse de la théorie lumière comme relevant à la fois d’une manifestation d’ondes et de particules.135 La mécanique ondulatoire a unifié dans une même représentation mouvement ondulatoire et corpusculaire. Elle pose ainsi la question de l’unification en science. La synthèse de la mécanique ondulatoire repose sur le principe d’unité. Elle consiste à ramener une multitude de phénomènes observés à l’unité d’une loi. Autrement dit, la mécanique ondulatoire a ramené une pluralité de phénomènes perceptibles, à l’unité d’une loi (la particule quanton ou le dualisme des quanta), car les faits observés sont disparates, c’est-à-dire hétérogènes. À cause de cette disparité entre les faits, la théorie doit réaliser l’unité en ramenant plusieurs faits observés à un seul fait théorique pour résoudre des problèmes. Dans ce sillage, on peut dire que le problème posé par l’échange entre la matière et le rayonnement est ainsi résolu grâce à l’unité de ces deux branches de la physique : la physique du rayonnement et la physique de la matière. Etienne Klein dans L’unité de la physique136, en faisant une étude rétrospective de la physique de l’antiquité jusqu’à la l’époque contemporaine conçoit que le but de la physique a été depuis plusieurs siècles la recherche de l’unité137. Il estime que cette

135 R. Nadeau., « La nature des théories scientifiques », p. 557, Encyclopédies philosophique universelle, Tome 1 :

L’univers philosophique, (dir.) André Jacob, Paris, PUF, 1989.

136 E. Klein., L’unité de la physique., Paris, PUF, 2000. 137 Ibid., p. 169.

recherche d’unité s’inscrit dans une démarche réductionniste dont il distingue deux formes. Le « réductionnisme vertical » qui consiste à décomposer les niveaux de structure en sous- structure complexe plus fondamentale. Et le « réductionnisme horizontal » qui consiste à unifier deux théories A et B à partir des principes rigoureusement établis ou soit en déduisant une théorie d’une autre. Dans ce dernier cas, par exemple, il dit qu’on peut déduire les lois de la mécanique classique, de la mécanique quantique en faisant « tendre vers zéro » la constante de Planck, essentielle au formalisme quantique138. La science physique a unifié

dans une même organisation plusieurs branches de la physique. C’est en ce sens qu’il affirme dans le cadre de la mécanique ondulatoire que : « La mécanique ondulatoire a unifié dans une même représentation matière et rayonnement »139. L’unification de ces différentes branches de la physique passe elle-même par l’unification des objets de la physique. Et c’est la théorisation mathématique qui réalise cette unité. C’est le cas typiquement de la formalisation mathématique de l’équation énoncée par de Broglie exprimant la relation entre la quantité de mouvement p d’un corpuscule et la longueur d’onde λ associée à celui-ci.

La mécanique ondulatoire maxwellienne et newtonienne a présenté au monde scientifique des phénomènes sous des formes variées et diverses. Ces faits doivent être harmonisés par une théorie sans laquelle une unité de la science n’est possible. Koyré dans Études de la

pensée scientifique140 souligne le caractère unificateur d’une théorie scientifique en ces

termes: « L’accumulation d’un certain nombre de faits, c’est-à-dire une pure collection de données d’observations ou d’expériences ne constitue pas la science. Les faits doivent être ordonnés, interprétés, expliqués. En d’autres termes c’est seulement lorsqu’elle est soumise à un traitement théorique qu’une connaissance des faits devient une science »141. Les

mathématiques rendent ainsi le réel homogène. C’est en ce sens que , M. Paty, écrit : Les théories physiques relient rationnellement des éléments de représentation symbolique de phénomènes physiques donnés dans l’expérience. Ces éléments sont des énoncés généraux ou principes qui se tiennent au soubassement des autres, correspondant à des propriétés physiques constatées dans l’expérience et universelles pour le domaine considéré, des concepts exprimés sous forme de grandeurs d’expression mathématique, des énoncés factuels ou faits

138 Ibid., pp. 92-93. 139 Ibid., p. 173.

140 A. Koyré., Études d’histoire de la pensée scientifique, Paris, Gallimard, 1973. 141 Ibid., p. 290.

empiriques donnés ou déduits, des lois des phénomènes physiques pouvant être exprimés sous forme d’équations entre ces grandeurs142.

La mécanique ondulatoire est une physique théorique. Et le but de la physique théorique est de représenter dans un ordre systématique, un ensemble de faits et établir des lois générales à partir de ces faits. En effet, l’expérience nous enseigne des vérités de faits, livrées à elles- mêmes, elles suffiraient à amasser un ensemble de jugements sur l’univers ; cet ensemble constituerait la connaissance empirique. La théorie s’empare des vérités découvertes par l’expérience, elle les transforme et les organise en une doctrine nouvelle : la physique rationnelle ou physique théorique143. En outre, les faits expérimentaux sont divers et variés, l’esprit humain ne peut les enregistrer cas par cas. C’est pourquoi il faut une théorie synthétique afin de regrouper dans un ensemble théorique ces faits. C’est cette unité synthétique que la mécanique ondulatoire a réalisée en intégrant à la fois les grandeurs corpusculaires et ondulatoires dans une même représentation. Pour finir notre analyse dans cette sous-section, nous estimons que la synthèse de la mécanique ondulatoire est une sorte de « régionalisme intégral ». Elle est à notre avis un « régionalisme intégral », parce qu’elle a rapproché des régions de savoir qu’on croyait distinctes. Par exemple le rapprochement de la mécanique analytique et l’optique géométrique (leur synthèse constitue la mécanique ondulatoire) s’est constitué comme branche autonome de la physique, par la mise en évidence de la relation des propriétés entre l’onde et le corpuscule. Bachelard affirme de ce point de vue que : « Le rationalisme scientifique se marque par le fait que la dynamique du progrès scientifique, en particulier dans la période contemporaine tend à rapprocher des domaines du savoir distincts »144. En un mot, avec la physique contemporaine, il faut reconnaître qu’une

théorie physique tient toujours compte d’un domaine particulier pour lequel elle est construite.