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Chapitre 1 : La mécanique classique : de la théorie corpusculaire

1.1.5. Conclusion

La généalogie du concept d’onde et de corpuscule nous a permis d’appréhender la conception classique de ces concepts. Le corpuscule est une notion employée par l’école atomistique et ensuite par Newton et les newtoniens pour expliquer la structure matérielle des éléments physiques. La notion de corpuscule est dérivée de l’étude de l’atome. On peut donc dire que selon la doctrine atomistique, la matière est composée de très petits corps durs et rigides, répandues à profusion dans le vide séparé l’un de l’autre tel que deux corpuscules. Ces corpuscules, lorsqu’ils viennent à se heurter ou viennent au contact l’un de l’autre, leur mouvement se modifie suivant les lois de la dynamique. Le corpuscule est considéré de ce point de vue comme un point matériel bien localisable dont on peut suivre l’évolution au cours du temps. Quant à l’onde, elle trouve son origine dans les phénomènes acoustiques. Le mouvement de l’onde est une propagation sinusoïdale, rythmique et à des fréquences variées. L’onde et le corpuscule, ces deux concepts ont formé la base de la mécanique classique.

Newton a mis au cœur de sa théorie la notion de corpuscule et Maxwell évoque le concept d’onde ou de champ. Si la notion de corpuscule est à l’œuvre dans la dynamique newtonienne, il faut dire qu’elle constitue la base de toute explication dans le monde matériel chez Newton. Newton conçoit l’interaction entre les particules de matière comme une réaction entre les corpuscules. Même dans le cas de la lumière, il fait l’apologie de la théorie de l’émission corpusculaire. Mais l’évolution de la physique a permis de découvrir plus tard la notion d’onde ou de champ. Maxwell parvint à unifier l’électricité et le magnétisme. L’étude de la lumière fait appel aux équations de Maxwell. Son apport consiste à montrer qu’un ensemble de charges accélérées, en particulier un courant alternatif, produit un champ électrique E et un champ magnétique H qui se propagent dans l’environnement sous la forme d’une onde. C’est ce type d’onde qu’on désigne par l’onde électromagnétique. Toutefois, les deux théories à savoir la théorie de l’émission corpusculaire et la théorie des ondes électromagnétiques donnent une explication exclusive des phénomènes physiques. L’exclusivité des explications donnée par ces deux théories a instauré une dichotomie dans la mécanique classique. Mais l’intrusion des quanta dans la structure continue des ondes électromagnétiques a favorisé un retour vers la conception granulaire de la lumière. D’où la dualité onde-corpuscule. L’analyse épistémologique de la notion de dualité onde-corpuscule dans ce premier chapitre nous a permis de saisir le caractère temporel des théories physiques. Ce caractère temporel des théories physiques que certains considèrent comme la faillite de la science rend plutôt compte de sa véritable nature.

Une théorie physique n’est pas une entité de nature absolue et intemporelle : elle se présente à un moment donné de l’état du savoir succédant à l’autre et remplacé ultérieurement à son tour ; elle forme un système dans la synchronie et résulte, à chaque époque et pour chaque nouveau domaine de problèmes abordés, d’une construction, qui met en jeu le « système » de la mathématique et de la physique de cette époque, ainsi que la nature et la signification des concepts et grandeurs physiques concernés.75

Ulysse Filippi confirme aussi cette nature temporelle et historique des théories physiques en analysant le passage de la mécanique classique à la mécanique quantique dans son ouvrage,

Connaissance du monde physique. Il écrit :

75 M. Paty., « La physique et la philosophie » p. 2106, in Jean-François Mattei (éd.), Le discours philosophique, Vol. 4 de

La situation à la fin du XXe siècle était celle-ci : le succès presque total avait conféré à la mécanique newtonienne le caractère d’un cadre immuable dans lequel ne pouvaient manquer de s’inscrire tous les faits expérimentaux et on se croyait près de posséder quelques principes fondamentaux à partir desquels le raisonnement mathématique pur saurait reconstruire l’univers. L’apparition de la relativité et de la mécanique ondulatoire nous a prouvé combien était grande notre illusion et la science d’aujourd’hui prend une position modeste : elle se borne à construire la théorie la plus simple susceptible de recueillir l’ensemble des données expérimentales qu’elle possède à une certaine époque76.

Cet état de la science s’explique par le fait que des phénomènes nouveaux apparaissent chaque jour et sont uniformément variés et échappent au paradigme de la science normale. C’est pourquoi, lorsque les faits observables mettent en jeu le système mathématique de la théorie, les scientifiques adoptent un nouveau paradigme. Kuhn dans La structure des

révolutions scientifiques le définit en ces termes : « Nous entendons par paradigme, une sorte

de métathéorie, un cadre de pensée, à l’intérieur duquel un consensus est réuni pour définir les questions pertinentes qui orientent les expériences à faire, et qui définissent la science ‘’normale’’, jusqu’à ce qu’un changement intervienne, qui plus qu’une théorie, est un changement total de perspective »77. La dualité onde-corpuscule nous permet d’apercevoir aussi que nos concepts classiques d’onde et de corpuscule forgé par notre esprit pour décrire l’expérience physique sont impuissants à décrire le monde de la microphysique. Au demeurant, le phénomène de diffraction et d’interférence exige l’emploi de la théorie ondulatoire et l’intrusion des quanta dans la structure continue des ondes favorise un retour à la conception corpusculaire alors comment concilier les deux aspects ? Une réponse à cette question nous permettra d’explorer les bases de la mécanique ondulatoire, une synthèse corpusculaire et ondulatoire de la lumière et de la matière.

76 U. Filippi., Connaissance du monde physique, op. cit., p. 302.

Chapitre 2 : La mécanique ondulatoire : de la dualité