• Aucun résultat trouvé

Du comportement ondulatoire des corpuscules au comportement corpusculaire des ondes : analyse philosophique de la mécanique classique à partir de l’œuvre de Louis de Broglie (1892-1987)

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Du comportement ondulatoire des corpuscules au comportement corpusculaire des ondes : analyse philosophique de la mécanique classique à partir de l’œuvre de Louis de Broglie (1892-1987)"

Copied!
107
0
0

Texte intégral

(1)

Du comportement ondulatoire des corpuscules au

comportement corpusculaire des ondes : analyse

philosophique de la mécanique classique à partir de

l’œuvre de Louis de Broglie (1892-1987)

Mémoire

Kossi Wolanyo Adjoto

Maîtrise en philosophie - avec mémoire

Maître ès arts (M.A.)

(2)

Du comportement ondulatoire des corpuscules au comportement

corpusculaire des ondes :analyse philosophique de la mécanique classique

à partir de l’œuvre de Louis de Broglie (1892-1987)

Mémoire

Kossi Wolanyo ADJOTO

Sous la direction de :

(3)

Résumé

Ce mémoire examine de façon critique les réflexions apportées par Louis de Broglie (1892-1987) à la compréhension du passage de la mécanique classique à la mécanique quantique. Après avoir cerné la dichotomie onde-corpuscule instaurée en mécanique classique par la théorie corpusculaire newtonienne et ondulatoire maxwellienne, nous examinons comment, selon de Broglie, la coexistence ou la corrélation des ondes et des corpuscules dans la matière a permis de dépasser cette contradiction et de fonder la mécanique ondulatoire et quantique sur de nouvelles bases. Suite à la présentation de la synthèse broglienne de la mécanique ondulatoire, il ressort de cette analyse que le passage de la mécanique classique à la mécanique quantique résulte de l’évolution du concept de matière. L’onde et le corpuscule de la mécanique classique cèdent désormais la place à la « particule-quanton ». À partir de ce monisme quantique, nous avons analysé, dans la dernière partie de ce travail, les implications épistémologiques de la philosophie scientifique de de Broglie. L’intervention du quantum d’action ayant remis en cause les fondements de la mécanique classique, la modification de ces principes a pour corollaire la crise de l’objectivité mécanique et l’échec du mécanisme classique.

(4)

Abstract

This Master’s thesis critically examines the reflections brought by Louis de Broglie (1892-1987) to the understanding of the transition from classical to quantum mechanics. After having identified the wave-corpuscule dichotomy established in classical mechanics by Newtonian and Maxwellian corpuscular and wave theory, we examine how, according to de Broglie, the coexistence or correlation of waves and corpuscles in matter made it possible to overcome this contradiction and to base wave and quantum mechanics on new foundations. Following the presentation of the broglian synthesis of wave mechanics, it emerges from this analysis that the transition from classical to quantum mechanics results from the evolution of the concept of matter. The wave and corpuscle of classical mechanics are now giving way to the “quantum particle”. From this quantum monism, we have analyzed, in the last part of this work, the epistemological implications of de Broglie's scientific philosophy. The intervention of the quantum of action having called into question the foundations of classical mechanics, the modification of these principles has as a corollary the crisis of mechanical objectivity and the failure of the classical mechanism.

(5)

Table des matières.

Résumé ... iii

Abstract ... iv

Illustrations : repères chronologiques ... vii

Épigraphe ...viii

Remerciements ... ix

Introduction ... 1

Chapitre 1 : La mécanique classique : de la théorie corpusculaire

newtonienne à la théorie ondulatoire maxwellienne ou du mouvement de

la matière au mouvement dans la matière ... 11

1.1.1. Notion de corpuscule et d’onde dans la mécanique classique :

définition conceptuelle. ... 11

1.1.2. Le mouvement de la matière : la théorie corpusculaire newtonienne et la dynamique du mouvement ... 14

1.1.2.1. Nature de la théorie physique... 14

1.1.2.2. Le sens et la portée de la synthèse newtonienne. ... 16

1.1.3. Le mouvement dans la matière : la théorie ondulatoire maxwellienne ou la théorie du champ électromagnétique... 20

1.1.4. La dualité onde-corpuscule : l’irruption du rayonnement discontinu des grains d’énergies dans le mouvement continu des ondes ... 25

1.1.4.1. L’intervention du quantum d’action et le retour à la conception granulaire de la lumière ... 26

1.1.4.2. L’effet photoélectrique et la dualité onde-corpuscule ... 28

1.1.5. Conclusion ... 32

Chapitre 2 : La mécanique ondulatoire : de la dualité onde-corpuscule à

la synthèse broglienne ... 35

2.2.1. Parcours scientifique et philosophique de Louis de Broglie ... 35

2.2.1.1. Parcours scientifique de Louis de Broglie ... 35

2.2.1.2. Parcours philosophique de Louis de Broglie ... 38

2.2.2. L’hypothèse de la coexistence des ondes et des corpuscules dans la matière : la synthèse broglienne de la mécanique ondulatoire ... 44

2.2.2.1. La fonction de la longueur d’onde de de Broglie ... 44

2.2.2.2. La synthèse broglienne de la mécanique ondulatoire ... 47

2.2.3. La désindividualisation ou la perte d’individualité des particules classiques ... 50

(6)

2.2.4.1. Le pouvoir unificateur de la mécanique ondulatoire ... 55

2.2.4.2. La mécanique ondulatoire comme une révolution conceptuelle ... 57

2.2.4.3. La fonction explicative de la mécanique ondulatoire ... 60

2.2.5. Conclusion ... 62

Chapitre 3 : La synthèse broglienne: vers une enquête philosophique de la

mécanique classique ... 64

3.3.1. Les fondements théoriques de la mécanique quantique : les piliers de la mécanique quantique ... 64

3.3.2. Le caractère approximatif des principes de la mécanique classique. ... 67

3.3.3. La portée épistémologique de la synthèse broglienne : la crise de l’objectivité mécanique ou classique ... 75

3.3.4. Analyse critique de la philosophie scientifique de de Broglie ... 84

3.3.5. Conclusion ... 89

Conclusion générale ... 92

(7)

Illustrations : repères chronologiques

1892 : Naissance de Louis de Broglie à Dieppe. 1899 : Planck introduit les constantes dites de Planck

1905 : Einstein introduit l’hypothèse des quanta de lumière et formule sa théorie de la

relativité.

1911 : Premier Congrès Solvay.

1913 : Louis de Broglie passe sa licence de Physique.

1917 : Théorie de l’émission et de l’absorption de la lumière par Einstein. 1919 : Louis de Broglie rejoint le laboratoire de son frère Maurice de Broglie. 1922 : Louis de Broglie commence l’étude de la structure de la lumière. 1923 : Louis de Broglie introduit l’onde de phase associée aux corpuscules.

1924 : Louis de Broglie soutient sa thèse de doctorat sous la direction de Paul Langevin à

Paris.

1925 : Heisenberg, Born et Jordan posent les bases de la mécanique des matrices.

1926 : Schrödinger formule son équation d’onde et pose les bases de la mécanique

ondulatoire.

1927 : Louis de Broglie formule la théorie de la double solution et celle de l’onde pilote.

5ème Conseil Solvay sur « L’interprétation probabiliste de la mécanique quantique ».

1928 : Louis de Broglie est nommé maître de conférences à l’Institut Henri Poincaré. 1929 : Louis de Broglie obtient le prix Nobel de Physique « pour sa découverte de la nature

Ondulatoire des électrons ». Formulation canonique de la théorie quantique des champs par Heisenberg et Pauli.

1931 : Début du séminaire Louis de Broglie. Théorie des semi-conducteurs par Wilson. 1932 : Premiers travaux sur la mécanique ondulatoire du photon par Louis de Broglie.

Découvertes du neutron et du positron.

1933 : Louis de Broglie est nommé Professeur Titulaire de Théories Physiques à la Faculté

des Sciences de Paris. Il devient également membre de l’Académie des Sciences.

1939 : Création du Centre Nationale de la Recherche Scientifique.

1942 : Louis de Broglie devient Secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences. 1945 : Création du Commissariat à l’énergie atomique.

1962 : Louis de Broglie prend sa retraite à l’Institut Henri Poincaré. 1973 : Fondation Louis de Broglie.

1975 : Louis de Broglie démissionne de son poste de Secrétaire perpétuel de l’Académie des

Sciences.

(8)

Épigraphe

« Malgré l’importance et l’étendue des progrès accomplis par la physique dans les derniers siècles, tant que les physiciens ont ignoré l’existence des quanta, ils ne pouvaient rien comprendre à la nature intime et profonde des phénomènes, car, sans quanta, il n’y aurait ni lumière, ni matière [et] s’il m’est permis de paraphraser un texte évangélique, on peut dire que rien de ce qui a été fait, n’a été fait sans eux ».

(9)

Remerciements

Ce mémoire est le résultat d’un long parcours qui m’a amené à poser un regard philosophique sur le développement de la physique moderne. Je suis toujours intéressé par l’épistémologie, car, j’ai compris qu’une réflexion de ce genre est nécessaire à tout scientifique désireux de comprendre la portée de ses actions et de sa discipline. Ainsi, les longues heures de travail, les privations de tous ordres afin de remplir les pages blanches qui m’attendent sont le fruit de ce travail. Mais le point de vue que je livre dans ce travail ne saurait être exprimé sans la bienveillance de certaines personnes.

Je souhaite tout d'abord exprimer ma gratitude à mon directeur de recherche, Monsieur Pierre-Olivier MÉTHOT, qui a dirigé avec attention, amour et simplicité inestimable ce travail. Je vous dis un sincère merci pour votre rigueur méthodologique, votre disponibilité et vos éclaircissements.

J’exprime ici également ma reconnaissance à mon ex-directeur Monsieur Herman AKUE-ADOTEVI, enseignant chercheur à l’université de Lomé Togo. Après m’avoir donné le goût de la recherche en épistémologie quelques années auparavant, vous m’aviez conseillé ensuite, pour mes études supérieures au Canada, de choisir l’Université Laval. Je m’en voudrais si je passais sous silence votre attention et proximité à mon égard. Merci pour votre collaboration. Ce travail a bénéficié d’entretien que m’a accordé madame Renée Bilodeau, Mamane Iro Tanimoune, Emmaüs Adétou. À tous, j’exprime ma reconnaissance.

Enfin, ma gratitude va au corps professoral et à l’administration de la faculté de philosophie de l’Université Laval, au bureau des bourses et de l’aide financière (BBAF) pour la bourse d’excellence accordée et à la faculté des études supérieures et postdoctorales pour les bourses de réussites.

(10)

Introduction

La mécanique classique est l’ensemble des théories physiques admises jusqu’à la fin du XIXe siècle. La mécanique est l’étude de l’équilibre et du mouvement des corps dans l’espace. Elle cherche à préciser suivant quelles lois une particule ou un ensemble de particules se déplace sous l’action d’une force donnée. Elle est fondée sur deux piliers : la cinématique et la dynamique. Tandis que la cinématique étudie les mouvements s’effectuant au cours du temps dans le cadre de l’espace, la dynamique s’intéresse plutôt aux causes de ces mouvements. La dynamique cherche à déterminer dans un système la force ou l’ensemble des forces qui agissent sur le système1. Cette mécanique est gouvernée

essentiellement par la théorie corpusculaire newtonienne et par la théorie ondulatoire maxwellienne. Ces deux théories décrivent le mouvement des particules et expliquent les propriétés de la matière jusqu’à la fin du XIXe siècle. Mais les recherches dans le monde atomique et subatomique permettront de découvrir d’autres propriétés de la matière. Cela étant, les propriétés classiques de la matière ne pouvant plus expliquer le comportement des particules dans le monde microphysique, il s’en suivra un changement scientifique dont l’aboutissement serait la naissance de la mécanique quantique. Ainsi, avant de commencer par présenter les différentes approches de l’histoire de la physique, nous formulons notre question de recherche comme suit : comment appréhender le passage de la mécanique classique à la mécanique quantique?

En mécanique classique, les travaux sur la théorie ondulatoire ont débuté avec le physicien hollandais Christian Huygens qui émit pour la première fois l’hypothèse que la lumière est constituée non pas de corpuscules, mais d’ondes. Ces travaux ont été poursuivis par Thomas Young et Augustin Fresnel et achevés par Maxwell, qui unifia l’électricité et le magnétisme. La découverte maxwellienne a contribué à la description du mouvement des particules dans le double champ électrique et magnétique. Ces progrès résultent de l’évolution des idées en physique comme le notent Albert Einstein et Léopold Infeld2. Alors que la description du mouvement des particules par la théorie corpusculaire est assimilée au « mouvement de la matière », les défenseurs de la théorie ondulatoire conçoivent le mouvement de l’onde

1 St-Amand., La physique des ondes, 2nd éd., Québec, PUQ, 2008, p. 50.

2 A. Einstein., L. Infeld., L’évolution des idées en physiques: des premiers concepts aux théories de la relativité et des

(11)

plutôt comme un « mouvement dans la matière ». Einstein et Infeld estiment que le mouvement des particules est distinct du mouvement des ondes et que ce dernier n’est pas un mouvement de la matière, mais de l’énergie qui se propage à travers la matière3. À en

croire Sven Ortoli et Jean-Pierre Pharabod, le corpuscule et l’onde ont permis de rendre compte respectivement du mouvement de la matière et du mouvement dans la matière4. De ce point de vue, alors que la mécanique newtonienne explique exclusivement le mouvement de la matière en se fondant sur le concept de corpuscule, Maxwell explique le mouvement dans la matière en utilisant le concept d’onde5. Comment peut-on alors expliquer la

contradiction entre les deux théories corpusculaire et ondulatoire de la mécanique classique ? L’exclusivité des explications données par ces théories a abouti à une division au sein de la physique. Cette division est due aux difficultés éprouvées par les physiciens qui cherchent à rendre compte de l’échange d’énergie entre la matière et le rayonnement. Louis de Broglie écrit à ce sujet:

Il y a une trentaine d’années, la physique s’est (…) trouvée divisée en deux parties : d’une part la physique de la matière fondée sur la conception de corpuscule et d’atome que l’on supposait obéir aux lois classiques de la mécanique de Newton et d’autre part la physique du rayonnement partant de la notion de propagation d’ondes dans un milieu continu hypothétique : l’éther lumineux et électromagnétique6.

La division entre la physique de la matière et la physique du rayonnement a soulevé des questions d’ordre épistémologique qui ont conduit à la naissance de la mécanique ondulatoire et quantique. L’analyse des questions épistémologiques soulevées par le passage de la mécanique classique à la mécanique quantique comme l’indéterminisme quantique, la dualité onde-corpuscule, l’inséparabilité des particules, l’intrication quantique, la discontinuité a conduit à de multiples réflexions7. Scientifiques, philosophes

et historiens des sciences se sont penchés sur ces questions liées à l’évolution de la physique. Ainsi de Max Planck à Einstein, Niels Bohr et d’autres, des travaux ont été

3 A. Einstein., L. Infeld., L’évolution des idées en physique : des premiers concepts aux théories de la relativité et des

quanta. Paris, Flammarion, 1983, p. 53.

4 Les auteurs S. Ortoli., et J-P. Pharabod utilisent l’expression le « mouvement de la matière » et le « mouvement dans la

matière » pour mettre la distinction entre le mouvement que décrit un corpuscule et celui d’une onde. Ortoli et Pharabod, Le

Cantique des quantiques : le monde existe-t-il? Paris, La Découverte, 1985.

5 S. Ortoli., J.-P. Pharabod., Le Cantique des quantiques. op. cit., p. 10. 6 L. de Broglie., Matière et lumière, Albin Michel, 1947, p. 182.

(12)

consacrés au sujet des fondements de la mécanique quantique. Mais l’approche broglienne paraît lever le voile sur ce qui constituera la trame de l’édifice de la nouvelle physique. En 1920, de Broglie a repris ses travaux en physique théorique et en 1924, il a théorisé la notion de « longueur d’onde » associée à tout point matériel. Il a évoqué dans le même sillage la notion de la dualité onde-corpuscule dans sa thèse de doctorat soutenu sous la direction de Paul Langevin le 25 novembre 1924 à Paris8. De Broglie, pour dépasser la division ainsi

introduite dans la mécanique classique par la dichotomie onde-corpuscule, déclare de son propre aveu qu’il faut unifier les deux théories afin d’introduire simultanément l’idée de corpuscule et de périodicité9. Il s’agira pour lui de voir dans quelle mesure, on peut concilier

la physique de la matière et la physique du rayonnement. Son attrait pour la physique théorique à l’époque réside dans le fait qu’il semble qu’un mystère soit caché dans la structure de la matière qu’il cherche à découvrir. C’est en ce sens qu’il déclara : « Ce qui m’attirait vers la physique théorique c’était le mystère qui enveloppait de plus en plus la structure de la matière et la structure des radiations au fur et à mesure que l’étrange notion de quantum introduite par Planck en 1900 dans ses recherches sur le rayonnement noir envahissait chaque jour davantage la physique entière »10. L’observation de nouvelles propriétés de la matière due à la notion de quantum a constitué le fil directeur de ses recherches et il est ainsi parvenu à théoriser l’idée de coexistence des ondes et des corpuscules dans la matière. Il affirma : « Ainsi, je suis parvenu à l’idée d’ensemble suivante qui a dirigé mes recherches : il est nécessaire aussi bien pour la matière que pour le rayonnement, la lumière en particulier d’introduire à la fois la notion de corpuscule et la notion d’onde. En d’autres termes, on doit dans un cas comme dans l’autre admettre l’existence de corpuscule accompagné d’onde »11, d’où l’hypothèse de de Broglie : « Toute

particule de matière est associée à une longueur d’onde »12 . L’onde sert à décrire le

mouvement de la particule. C’est à ce titre qu’il écrit : « Pendant la propagation du photon, son mouvement est représenté par l’onde qui lui est associée sans qu’il soit possible de lui attribuer une position déterminée à l’intérieur de cette onde. Il y a en quelque sorte une

8 Vila-Valls A. « Louis de Broglie et la diffusion de la mécanique quantique en France (1925-1960) », Université Claude

Bernard-Lyon I, 2012. Hal : Archives ouverte pluridisciplinaire, 2014, p. 48.

9 L. de Broglie., Physique et microphysique, Paris, Albin Michel, 1947, p. 289. 10 Ibid., p. 181.

11 Ibid., p. 185.

(13)

présence potentielle du corpuscule en tous les points de la région de l’espace occupée par une action localisée en un point de cette région avec une probabilité proportionnelle à l’intensité de l’onde en ce point »13. Il résulte de ce changement, le passage de la

« dichotomie onde-corpuscule » à la « dualité onde-corpuscule », une synthèse de la théorie corpusculaire et ondulatoire de la matière : c’est la mécanique ondulatoire. Erwin Schrödinger fondera sa mécanique ondulatoire sur la base des travaux de de Broglie, tandis que Werner Heisenberg part des orbites discrètes de Bohr et fonde la mécanique matricielle. La synthèse de ces deux mécaniques donnera naissance à la mécanique quantique en 1927. Eu égard à cette description, comment rende compte du fait qu’une substance pourrait réunir deux ensembles de propriétés opposées, s’étendre dans l’espace comme une onde et se localiser en un point comme un corpuscule ou manifester les deux aspects selon l’équipage expérimental ? Autrement dit, comment expliquer le fait qu’une particule se comporte tantôt comme une onde, tantôt comme un corpuscule ou les deux à la fois ?

De Broglie, après avoir ainsi établi « la nature ondulatoire des électrons », obtint en 1929 le prix Nobel de Physique pour cette découverte. Il participa avec les membres de l’école de Copenhague au Conseil de Physique de Solvay en 1927 sur l’interprétation de la mécanique quantique. En 1942, il devient secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences. Les travaux de de Broglie sur la nature ondulatoire des électrons ont reçu une confirmation expérimentale de deux chercheurs américains dès 1927 lorsque Clinton Davisson et Lester Germer observent qu’un faisceau d’électrons réfléchi par la surface d’un cristal de nickel donne sur une plaque photographique des taches de diffraction, des interférences14. Cette

confirmation de l’aspect ondulatoire d’une particule autre que le photon représente un pas décisif sur la voie de l’unité de la physique. Sur le plan pratique, la mécanique ondulatoire de de Broglie a contribué à la création et à l’invention d’appareil : la diffraction des électrons est utilisée davantage que le rayon X pour les études sur la constitution des molécules15.

13 L. de Broglie., Continu et discontinu en physique moderne, Paris, Albin Michel, 1941, p. 36. 14 S. Ortoli., J.-P., Le cantique des quantiques, op. cit., p. 31.

(14)

Le dépassement ainsi opéré par la mécanique ondulatoire résulte de l’évolution du concept de matière. En effet, au début du XXe siècle, d’autres propriétés de la matière ont été

découvertes grâce aux recherches dans le monde atomique et subatomique. Ces propriétés avaient été longtemps ignorées. De Broglie dans Ondes corpuscules. Mécanique

ondulatoire16, remarque que « l’examen des corpuscules élémentaires se révélait comme

doué de propriétés étranges très différentes des propriétés simples des points matériels de la mécanique classique »17. Il ajoute que « l’aspect ondulatoire des corpuscules élémentaires

de matière avait été méconnu et cette méconnaissance se révèle aussi au niveau de la lumière ou son aspect granulaire avait été méconnu au détriment de l’aspect ondulatoire »18. On

peut donc dire que le corpuscule n’est plus une entité au sens du point matériel, mais une unité physique, composée de photons assimilable à un grain d’énergie dans le cas de la lumière, de protons, de neutrons, de neutrinos pour la matière. La nouvelle mécanique impose ainsi une nouvelle définition des entités physiques. de Broglie écrit ce qui suit : « Le corpuscule n’est plus un petit objet bien défini, et son existence ne se manifeste plus pour nous d’après la nouvelle théorie que par le caractère discontinu et localisé de ses manifestations successives. Quant à l’onde, elle n’est plus en mécanique ondulatoire la vibration de quelques milieux plus ou moins subtils : elle a revêtu un caractère symbolique et mathématique de plus en plus accentuée »19.

Il en résulte de ce qui précède qu’en mécanique classique, les physiciens modernes avaient longtemps opposé l’onde au corpuscule en raison de la différence essentielle de leur caractère. Par exemple, les propriétés de la matière en mécanique classique révèlent que l’onde est caractérisée par un phénomène périodique, alors que le grain ne comporte en son sein aucune idée de rythme ou de vibration ; l’onde en revanche, est essentiellement formée par une vibration rythmée qui se propage. Le corpuscule décrit une trajectoire, un mouvement uniforme alors que l’onde décrit une courbe sinusoïdale. Mais les résultats expérimentaux de la microphysique ont révélé la double nature de ces particules. Ces entités physiques peuvent se manifester tantôt comme des ondes, tantôt comme des corpuscules ou

16 L. de Broglie., Onde corpuscule. Mécanique ondulatoire, Paris Albin Michel, 1945. 17 Ibid., p. 82.

18 Idem.

(15)

les deux à la fois. C’est-à-dire que l’onde peut se comporter comme un corpuscule selon le dispositif expérimental et le corpuscule à son tour peut se comporter aussi comme une onde. D’où la double nature de ces objets physiques, résultat de la coexistence des ondes et des corpuscules dans la matière. En outre, cette coexistence onde-corpuscule n’est pas seulement liée à l’idée qu’à chaque corpuscule ou grain de matière aurait associé une onde qui décrit son mouvement; elle tire aussi sa signification particulière du fait que « les corpuscules sont en réalité des singularités à caractère permanent au sein d’une onde étendue, la vraie onde associée à un corpuscule serait alors une onde à singularité »20.

Autrement dit, dans chaque onde qui se propage, il y a une présence continuelle et permanente des grains d’énergie. Filippi Ulysse à la suite de de Broglie, affirme ainsi que « le corpuscule est une unité physique susceptible de produire des phénomènes qui ont soit l’aspect granulaire, soit l’aspect ondulatoire, soit en général les deux aspects à la fois »21.

C’est cette dualité de la matière physique que Gustav Juvet exprime aussi en ces termes : « Quand on dit qu’un phénomène périodique est lié à un grain d’énergie, on n’entend pas autre chose que ce que l’on dit lorsqu’on affirme qu’un photon est lié à une onde »22, et aux

auteurs du Cantique des quantiques de renchérir que « les particules ne seraient en fait que des ondes regroupées en “paquets” paraissant ponctuels à notre échelle »23.

Enfin, de l’idée de la coexistence des ondes et des corpuscules dans la matière on constate que les concepts d’onde et de corpuscule considérés séparément comme le cas de mécanique classique ne décrivent plus de façon adéquate le mouvement des objets quantiques. L’indiscernabilité des particules élémentaires, c’est-à-dire la perte d’identité de ces particules, révèle en effet que le corpuscule et l’onde forment désormais une unité physique. Il ressort de ce changement que le corpuscule et l’onde de la mécanique classique cèdent désormais place à la particule quanton de la mécanique ondulatoire. L’idée de particule quantique permettra aux physiciens de modifier les principes de la mécanique classique afin de rendre compte des phénomènes à l’échelle microscopique. C’est pourquoi Gaston Bachelard conçoit qu’une révolution scientifique est souvent accompagnée d’une

20 L. de Broglie., Physique et microphysique, Paris, Albin, Michel, 1947, p. 182. 21 U. Filippi., Connaissance du monde physique. Paris, Albin Michel, p. 283. 22 G. Juvet., La structure des nouvelles théories physiques, Paris, PUF, 1933, p. 120. 23 S. Ortoli., J.-P. Pharabod. Le cantique des quantique, op. cit., p. 36.

(16)

révolution sémantique24. Bachelard dans Le matérialisme rationnel explique que le langage de la physique est en état de perpétuel changement. Lorsque de nouvelles théories apparaissent, elles mobilisent un certain nombre de concepts nouveaux qui manifeste de perpétuelles ruptures avec les anciens concepts. L’entreprise scientifique est une reforme indéfinie des principes du savoirs. Cette réforme selon Bachelard s’accompagne d’une refonte du langage dans lequel s’exprime la science. Le langage de la science est sans cesse rectifié, complétée et nuancée25. Le changement ainsi introduit dans l’édifice de la physique

classique par la microphysique est un bouleversement conceptuel. Ce bouleversement conceptuel a permis aux physiciens d’établir les fondements théoriques de la mécanique quantique. Ces fondements sont : « Les matrices et le principe d’incertitude de Heisenberg ou principe d’indétermination, l’onde de de Broglie et celle de Schrödinger, le principe de correspondance et le principe de complémentarité de Bohr »26. Comment peut-on alors expliquer le fait que la coexistence des ondes et des corpuscules dans la matière a permis de réviser les principes de la mécanique classique? En d’autres termes comment expliquer le fait que la dualité onde-corpuscule ait imposé des limites à l’application des principes de la mécanique classique à la nouvelle mécanique?

Le cadre théorique de la vision kuhnienne du changement scientifique

Nous appréhendons le passage de la mécanique classique à la mécanique quantique comme un changement scientifique dans la perspective de Kuhn, car un paradigme s’est substitué à un autre et a entraîné l’effondrement du système classique. Dans La structure des

révolutions scientifiques, Kuhn pense la dynamique du progrès scientifique comme une

évolution dialectique dont les étapes sont : la « science normale », la « crise », et la « révolution scientifique » et l’établissement d’un « nouveau paradigme ». Ces trois moments de l’activité scientifique sont déterminés par leur rapport au paradigme : rapport d’acceptation, d’adhésion au paradigme en science normale, rapport de rejet du paradigme pendant la crise, et rapport de fondation d’un nouveau paradigme, signe d’une révolution scientifique. Selon Kuhn, le rationalisme scientifique a d’abord une allure conservatrice. C’est pourquoi il utilise l’expression « science normale » pour caractériser cette allure

24 G. Bachelard., Le matérialisme rationnel, Paris, PUF, 1953, p. 10. 25 Ibid., p. 216.

(17)

conservatrice de l’activité scientifique. Selon ce dernier, l’activité scientifique débute par une période durant laquelle les scientifiques réunis au sein d’un paradigme donné cherchent à conserver les éléments de ce paradigme rattaché à la science normale27. Dans le travail scientifique normal, le savant ne cherche guère à remettre en cause sa tradition scientifique. En science normale, les scientifiques travaillent et font des recherches et expériences dans le cadre référentiel bien défini par un paradigme. Ce paradigme justifie une série de problèmes bien définis, de même que les méthodes dont le scientifique utilise pour résoudre certains problèmes. On peut donc dire que dans la perspective kuhnien, la découverte scientifique consiste avant tout pour le savant à résoudre certains problèmes qui restent non résolus, problèmes que Kuhn appelle des « puzzles » (énigmes) et qui sont proposé par le paradigme du moment. Mais il arrive que certains problèmes, certaines contradictions mettent en difficulté le paradigme de la science normale. S’installe alors une période de crise où l’on voit surgir des anomalies qui affaiblissent de plus en plus le paradigme. Selon Kuhn, il s’agit d’une période « d’insécurité » pour les scientifiques28. Période au cours de

laquelle des tentatives pour résoudre le problème se font de plus en plus radicales et les règles et méthodes recommandées par le paradigme de la science normale perdent progressivement leur précisons29. Cette crise conduit alors à un changement de paradigme : c’est la révolution scientifique. La révolution scientifique est donc la mise en place d’un nouveau paradigme. C’est à ce titre que Kuhn rappelle que « l’invention de théories nouvelles implique un changement dans les règles qui gouvernaient jusque-là la pratique de la science normale. C’est pourquoi une nouvelle théorie, quelque particulier que soit son champ d’application n’est jamais un simple accroissement de ce que l’on connaissait déjà. Son assimilation exige la reconstruction de la théorie antérieure et la réévaluation de faits antérieures »30.

La conception kuhnienne de l’activité scientifique fournit ainsi un cadre théorique à notre analyse du passage de la mécanique classique à la mécanique quantique. En effet, nous avons rappelé en amont que les physiciens éprouvèrent des difficultés à rendre compte de

27 En science normale, le savant cherche à étendre par des moyens adéquats l’explication paradigmatique à des

phénomènes observé. Ou encore en contexte de crise, quand par exemple, ce qui s’observe ne correspond plus aux résultats que le paradigme a déjà établie, la question de l’acceptabilité des théories avancées est absolument inévitable.

28 T. Kuhn., La structure des révolutions scientifiques, Paris, Flammarion, 1983, p. 102. 29 Ibid., p. 122.

(18)

l’échange d’énergie entre la matière et le rayonnement. Le problème d’échange d’énergie entre la matière et le rayonnement a mis en difficulté le paradigme de la mécanique classique. Ce paradigme, qui gouverne la mécanique classique, est affaibli et devient un outil impuissant à expliquer l’interaction entre le corpuscule et l’onde ou le mouvement d’une particule quanton31. Cette situation a conduit à une crise. Pour apporter une solution

à cette crise, de Broglie, a tenté de réunir dans une même représentation la matière et le rayonnement. Cette unification a permis de modifier les règles, les méthodes et les principes de la mécanique classique. La modification des règles et méthodes de la mécanique classique montre ainsi qu’un nouveau paradigme fait son apparition qui s’est imposé peu à peu aux scientifiques : la mécanique ondulatoire. Elle a permis de définir un nouveau cadre référentiel et a inauguré une nouvelle ère de la pratique de la science.

Dans la suite de ce travail, nous montrerons comment l’approche broglienne de la nouvelle physique a marqué une opposition formelle entre la mécanique classique et la mécanique quantique, et en quoi elle nous permet de mieux comprendre les fondements conceptuels de la nouvelle physique. Pour ce faire, nous allons structurer notre travail en trois chapitres. Dans le premier chapitre, nous montrerons d’une part comment la théorie corpusculaire newtonienne et la théorie ondulatoire maxwellienne étaient les deux pôles contradictoires de la mécanique classique et comment elles expliquaient l’interaction dans le monde matériel indépendamment l’une de l’autre. D’autre part, nous expliquerons que le passage de la « dichotomie onde-corpuscule » à la « dualité onde-corpuscule » est due à la discontinuité quantique. Dans le second chapitre, il sera question de l’apport de de Broglie dans l’élaboration de la mécanique quantique. Nous présenterons d’abord la notion de « longueur d’onde » de de Broglie en montrant qu’elle a permis de rendre compte à la fois de la dualité de la particule quanton. Ensuite, à partir de l’hypothèse de de Broglie, nous présenterons sa synthèse de la mécanique ondulatoire, une solution pour dépasser la division introduite entre la physique de la matière et la physique du rayonnement. Enfin, nous ferons une analyse épistémologique de la synthèse broglienne. Dans le troisième chapitre, nous présenterons les implications épistémologiques de la thèse de de Broglie.

31 Une particule quanton est une expression employée en mécanique quantique pour signifier que les particules

élémentaires de la matière ne sont ni des ondes, ni des corpuscules, mais une seule réalité physique susceptible d’évoluer dans le cadre de l’espace et du temps.

(19)

Nous montrerons comment la coexistence des ondes et des corpuscules dans la matière a permis de modifier les principes de la mécanique classique. En d’autres termes, il s’agira de voir comment la dualité onde-corpuscule révèle les limites de l’application des principes de la dynamique classique à la nouvelle dynamique et en quoi elle a conduit à une révision des principes qui fondent la mécanique classique. En dehors des implications épistémologiques, nous ferons un examen critique de la philosophie scientifique de de Broglie.

(20)

Chapitre 1 : La mécanique classique : de la théorie

corpusculaire newtonienne à la théorie ondulatoire

maxwellienne ou du mouvement de la matière au

mouvement dans la matière

Dans ce premier chapitre, après avoir défini les notions de corpuscules et d’ondes, nous présenterons la théorie corpusculaire newtonienne et ondulatoire maxwellienne. Nous préciserons d’une part, comment ces deux théories s’excluent l’une, l’autre dans l’explication des propriétés de la matière et d’autre part, comment elles se sont partagées les différentes branches de la physique. Nous montrerons que ces deux théories constituent deux pôles contradictoires de la physique classique. Enfin, en s’appuyant sur l’histoire de la physique nous rappellerons comment l’intrusion des rayonnements discontinus des grains d’énergie dans les ondes électromagnétiques a conduit à la notion de dualité onde-corpuscule.

1.1.1. Notion de corpuscule et d’onde dans la mécanique classique :

définition conceptuelle.

Le corpuscule et l’onde sont les deux concepts sur lesquels repose la théorie corpusculaire newtonienne et ondulatoire maxwellienne. Selon Newton et les newtoniens, le corpuscule est « un point matériel », bien localisable avec des appareils de mesure. Pris au sens d’un point matériel, le corpuscule est un concept employé pour décrire la trajectoire d’un mobile ou d’un objet physique dans l’espace. De ce point de vue, les physiciens modernes assignent au corpuscule une forme géométrique. Cette forme géométrique résulte de l’ensemble de caractéristiques (masse, poids et force etc.) qui permettent à un corpuscule de décrire les propriétés d’une entité physique en mouvement. Le corpuscule désigne donc un corps de très petite taille et quantifiable. C’est cette notion de corpuscule qui était à l’œuvre dans les explications de la mécanique classique jusqu’à la découverte des phénomènes ondulatoire au XIXe siècle. Par exemple la théorie de la gravitation de Isaac Newton dont l’élément central,

le corpuscule permet d’expliquer l’attraction universelle. La théorie de la gravitation newtonienne est un ensemble d’explications traduites par des lois dans leurs expressions mathématiques, qui porte sur deux groupes de phénomènes physiques à savoir : le mouvement de chute des corps sur la terre définie par la loi suivante : e = 1/2 gt2 et le

(21)

mouvement des corps (planètes et satellites) autour du soleil dans l’espace selon la loi : F=m1.m2. G/r2.

La notion de corpuscule est également à l’œuvre dans la théorie de la lumière32. Les physiciens considèrent typiquement dans le cas de la lumière, le corpuscule comme un grain d’énergie. C’est ce grain d’énergie qui explique l’absorption de la lumière par un prisme lorsqu’elle est projetée. En effet au cours de la propagation de la lumière, elle envoie dans toutes les directions un nombre de petits projectiles se déplaçant en ligne droite. la notion de corpuscule a deux caractéristiques traditionnelle :

i. Le corpuscule est une entité physique indécomposable susceptible de produire des effets observables bien localisés où se manifeste la totalité de son énergie ;

ii. Le corpuscule est un petit point ayant à chaque instant dans l’espace une position et une vitesse bien déterminée et décrivant par suite une trajectoire.

Le corpuscule apparaît ainsi comme un élément central de la mécanique classique. Il explique l’interaction entre les particules, c’est-à-dire comment les particules agissent les uns sur les autres33.

La notion d’onde a quant à elle son origine dans les phénomènes acoustiques. Ce concept apparait dans le vocabulaire de la mécanique classique lorsque la théorie newtonienne se limite encore à expliquer les phénomènes physiques par le concept de corpuscule. Par exemple, l’interaction entre deux particules décrites mathématiquement par Newton révèle des difficultés à expliquer les phénomènes de diffraction des électrons et d’interférence lumineuse à partir de la notion de corpuscule. En effet, quand deux électrons entrent en collision dans un champ électromagnétique, leur trajectoire sera déviée par un champ électromagnétique34. Or comment expliquer ces faits dans le paradigme newtonien ? Newton pensait que la force qui agit à distance entre les corps permettrait de rendre compte de ces faits. Or tel n’est pas le cas. Le paradigme newtonien ne parvenait pas à expliquer ce phénomène de choc des électrons et la déviation de leur trajectoire parce que toute explication issue de la mécanique newtonienne est centrée sur la notion de corpuscule et celle de force gravitationnelle. Au cours du choc des électrons, il se produit un phénomène typiquement

32 G. Beiser., La gravitation de Copernic à Einstein, Paris, Nouveaux Horizon, 1975, p. 84.

33 J-C. Boudenot., Histoire de la physique et des physiciens. De Thalès au Boson de Higgs, Paris , Ellipses, 2013, p. 186. 34 F. Balibar, J-M Lévy-Leblond, R. Lehoucq., Qu’est-ce que la matière? Paris, Le Pommier, p. 69.

(22)

électrique. Ce phénomène électrique ne peut être expliqué que si l’on fait référence à la notion d’onde. Ainsi, la notion d’onde en mécanique classique revêt un caractère particulier à la découverte des phénomènes d’électromagnétisme et d’interférence lumineuse au XIXe siècle. L’onde est conçue comme une entité physique ayant une forme sphérique dont la source est le centre. Elle décrit un mouvement centrifuge et est considérée par son caractère rythmique comme décrivant le mouvement « dans la matière », c’est-à-dire la propagation de l’énergie à travers la matière. Par exemple le mouvement sous forme de cercle ou d’ellipse, le son dans l’air, etc., constitue des phénomènes de propagation de l’énergie dans un milieu appelé « éther ». En mécanique classique, on considère le mouvement que décrit l’onde comme un phénomène périodique, rythmé par des vibrations successives35. Ce sont ces vibrations rythmées qui se propagent. L’onde contrairement au corpuscule est animée d’un mouvement continu alors que le corpuscule est animé d’un mouvement discontinu. La continuité du mouvement de l’onde s’explique par le fait que l’onde du point de vue de la quantité est étendue. L’onde est par essence un être qui occupe tout l’espace, car l’onde est encore appelée « champ ». Et le « champ » est une notion très étendue en physique. Faut-il ajouter aussi que cette continuité résulte du fait que : l’intensité d’une onde peut prendre a priori n’importe quelle valeur en décibels36.

On peut donc dire que le corpuscule et l’onde sont des représentations symboliques du mouvement spatio-temporel. La physique est une science expérimentale fondée sur l’observation d’un ensemble de faits ou d’expérimentations. La représentation de l’expérience se fait par la formalisation logico-mathématique. Dans cette perspective le corpuscule et l’onde sont utilisés en mécanique comme des éléments de référence à partir desquels on peut symboliser le mouvement d’une expérience en physique.

Bref, en mécanique classique l’onde et le corpuscule sont deux éléments distincts du fait de leur nature et leur manifestation, qui servent à expliquer le comportement des particules matérielles. La nature distincte de ces deux objets physiques permet de décrire deux types de phénomènes essentiels en physique classique : les phénomènes de gravité et d’attraction et les phénomènes de vibration et de périodicité. Dans les deux sections suivantes, nous

35 St-Amand., La physique des ondes, op. cit., p. 189.

(23)

expliquerons de fond en comble comment ces deux concepts en se partageant les divers domaines de la physique, expliquent les propriétés de la matière en s’excluant.

1.1.2. Le mouvement de la matière : la théorie corpusculaire newtonienne

et la dynamique du mouvement

1.1.2.1. Nature de la théorie physique

Avant d’aborder les deux théories fondamentales de la mécanique classique, il est nécessaire de préciser ce que l’on entend par une théorie physique ou du moins préciser la nature ou le caractère particulier d’une théorie physique. Il faut noter qu’on distingue plusieurs définitions de la théorie physique selon les écoles physiques : école cosmologique, péripatéticienne, atomistique, newtonienne et cartésienne. Mais la définition que nous retenons dans le cadre de ce travail est celle proposée par Pierre Duhem, physicien et historien des sciences dans son ouvrage La théorie physique son objet, sa structure. Dans cet ouvrage, il explique que la physique théorique ou rationnelle doit être une science autonome et recevoir un accord unanime. Une science qui doit être exempte de toute dispute ou « querelle des causes occultes » introduite en physique par les différentes écoles sus-évoquées. Selon Duhem, « une théorie physique est un système de propositions mathématiques déduites d’un petit nombre de principes qui ont pour but de représenter aussi simplement, aussi complètement et aussi exactement que possible un ensemble de lois expérimentales »37. De cette définition,

on peut constater que la physique théorique est essentiellement une physique mathématique. Elle s’appuie sur la logique de la science des nombres, l’arithmétique et l’algèbre. La nature mathématique a pour but de représenter de façon symbolique et abstraite les lois expérimentales. C’est pourquoi « les théories physiques ont une exigence de s’exprimer en langage mathématique »38 afin d’aider à « l’interprétation théorique des résultats

symboliques de l’observation »39. La formalisation logico-mathématique utilisant des

symboles « sert à représenter les diverses quantités et les diverses qualités du monde physique »40. La représentation est une relation de chose signifiée au signifiant. Cette relation

37 P. Duhem., La théorie physique son objet, sa structure, Paris, Vrin, 2008, p. 258. 38 Ibid., p. 243.

39 Ibid., p. 158.

(24)

symbolique permet à la théorie de représenter d’une manière simple et exacte la réalité qui se cache à nos perceptions. C’est pourquoi la théorie physique doit être d’une construction syntaxique rigoureuse que lui offre la logique mathématique.

Par ailleurs, les mathématiques constituent un langage artificiel employé par le théoricien pour effectuer des expériences physiques, car les résultats de la physique expérimentale ne peuvent être exprimés en langage naturel. Alexandre Koyré affirme à juste titre à cause de l’évidence, la certitude et la rigueur du raisonnement mathématique que « (…) c’est seulement en mathématique qu’on trouve des démonstrations les plus convaincantes, fondées sur les causes nécessaires. D’où il est évident que si dans les autres sciences, nous désirons parvenir à une certaine certitude où il ne reste aucun doute et à une vérité sans erreur possible, nous devons fonder la connaissance sur les mathématiques »41. Les mathématiques sont pour les sciences expérimentales un langage universel, l’esperanto de la raison, c’est-à-dire un outil employé par le physicien, le biologiste, le chimiste et plus récemment par le sociologue et le psychologue. La connaissance du monde physique présuppose donc l’utilisation des êtres mathématiques pour la représentation du monde physique.

L’utilisation des mathématiques a connu ses lettres de noblesse à partir de la révolution copernicienne, une révolution intellectuelle portée par la rationalisation de l’univers42. L’univers n’est plus une structure sacrée, mais une réalité intelligible, mathématisable dont on peut découvrir les lois par une observation rigoureuse et méthodique. Au lieu de soutenir que chaque corps tend vers son lieu naturel comme le souligne Aristote dans La physique, l’application des êtres mathématiques au mouvement uniforme, circulaire, curviligne, permet plutôt de rendre compte des lois de la dynamique43. L’univers de la physique moderne devient

ainsi un univers abstrait et géométrique. C’est dans cet ordre d’idée que Galileo Galilée soutient que l’univers est écrit en langage mathématique :

La philosophie est écrite dans cet immense livre qui se tient toujours devant nos yeux, je veux dire l’univers, mais on ne peut la comprendre si l’on ne s’applique d’abord à en comprendre la langue et à connaître les caractères avec lesquels il est écrit. Il est écrit dans la langue mathématique et ses caractères sont des

41 A. Koyré., Études d’histoire de la pensée scientifique, Paris, Gallimard, 1973, p. 70. 42 E. Kant., Critique de la raison pure, Paris, Flammarion, 2017.

(25)

triangles, des cercles et autres figures géométriques, sans le moyen desquels, il est humainement impossible d’en comprendre un mot. Sans eux, c’est une errance vaine dans un labyrinthe obscur44.

1.1.2.2. Le sens et la portée de la synthèse newtonienne

.

Après cette brève précision de la nature d’une théorie physique, nous analyserons dans la suite de cette section le sens et la portée de la synthèse newtonienne. Il s’agira de voir comment la dynamique newtonienne a influencé la physique de la matière et le développement de la physique moderne. La physique au XVIIe siècle a connu un nouveau

tournant avec la révolution copernicienne dont la mécanique newtonienne constitue l’expression la plus achevée. La révolution scientifique du XVIIe siècle a abouti au

décentrement du monde considéré comme un tout unifié par les anciens. Elle a pour corollaire la naissance de la physique moderne. Cette révolution intellectuelle est porteuse d’un humanisme scientifique qui confère à celle-ci un nouveau statut : la reconstruction du réel. Ainsi, la révolution est selon Alexandre Koyré, le passage de « la scientia contemplativa à

la scientia activa »45. Cette rupture avec l’ancienne cosmologie est donc l’aboutissement de :

La destruction du cosmos et la géométrisation de l’espace, c’est-à-dire la destruction du monde conçu comme un tout fini et bien ordonné, dans lequel la structure spatiale incarnait une hiérarchie de valeur et de perfection, monde dans lequel « au-dessus » de la terre lourde et opaque, centre de la région sublunaire du changement et de la corruption, s’élevait les sphères célestes des astres impondérables, incorruptibles et lumineux, et la substitution à celui-ci d’un univers indéfini, et même infini, ne comportant plus aucune hiérarchie naturelle et unie seulement par l’identité des lois qui régissent dans toutes ses parties, ainsi que par celle de ses composants ultimes placés, tous, au même niveau ontologique. Et le remplacement de la conception aristotélicienne de l’espace, ensemble différencié de lieux intra-mondains, par celle de l’espace de la géométrie euclidienne, extension homogène et nécessairement infinie, désormais considéré comme identique, en sa structure, avec l’espace réel de l’univers.46

La géométrisation de l’espace et la destruction du cosmos ont ébranlé les fondements de la physique et de l’astronomie pré-galiléenne. La mécanique newtonienne va rétablir les idées galiléennes et coperniciennes en apportant des rectifications majeures. Newton contrairement à Kepler et Descartes, a enseigné que les planètes sont retenues sur leurs orbites par la

44 Galilée., L’essayeur, trad. C. Chauviré, Besançon, cité par A. Koyré in Études d’histoire de la pensée scientifique,

Paris, Gallimard, 1973, p. 141.

45 A. Koyré., Du monde clos à l’univers infini, Paris, Gallimard, 1973, p. 10. 46 A. Koyré., Études d’histoire de la pensée scientifique, op. cit., p. 11.

(26)

gravitation et que les excentriques deviennent nécessairement des figures elliptiques47. La gravité pré-copernicienne était une tendance naturelle des corps lourd à se mouvoir vers le centre du monde, lequel coïncidait avec le centre de la Terre. Ayant été élevé à cette position, Copernic garda ses conceptions :

Quant à moi, je considère que la gravité n’est rien d’autre qu’un certain désir naturel que la providence divine de l’artisan de toutes choses implantées dans les parties pour qu’elles s’apportent la totalité dans l’unité en s’unissant en forme de globe. Il est vraisemblable que cette position se trouve aussi dans le soleil, la lune et les autres brillantes planètes pour que, grâce à son action, elles persistent dans cette sphéricité qui les rend visibles, tout en accomplissant néanmoins de bien des manières leurs circuits48.

Les notions de gravitation et d’attraction sont étroitement liées et existaient bel et bien avant la mécanique newtonienne. Elles ont été employées par Copernic, Kepler, Gassendi, Galilée et bien par d’autres. Par exemple, pour Copernic l’attraction gravitique qui s’exerce entre les corps a lieu entre la terre et la lune et non entre la terre et les planètes, car elles ne sont pas de même nature, elles ne sont pas « apparentées »49 ; « la gravité est une qualité sensible

directement perçue dans le corps naturel, l’attraction est une action à distance qui s’exerce entre des corps qualitativement déterminés »50. Mais en quoi la synthèse newtonienne constitue-t-elle un dépassement et une reformulation des travaux de ces prédécesseurs ? Qu’est-ce qui justifie le fait que la mécanique newtonienne a pu transcender les difficultés théoriques de la mécanique cartésienne, képlérienne et copernicienne et parvint à (r)établir les principes de la mécanique classique ?

Newton a fondé sa mécanique sur les notions de masse, de force, d’inertie et de gravitation et explique les propriétés de la matière et du mouvement à partir de ces éléments. La mécanique newtonienne dans son effort pour décrire le mouvement d’un corps ou solide en mouvement utilise le concept de corpuscule. Newton tenant de la théorie corpusculaire, admettait que le mouvement était dû à l’attraction des particules entre elles, considérées comme des points matériels, c’est-à-dire : centre de force, lancée dans le vide et s’attirant en

47 A. Koyré., Études newtoniennes, op. cit., p. 158. 48 Ibid., p. 194.

49 Ibid., p. 13. 50 Ibid., p. 12.

(27)

raison de la distance. C’est pourquoi lorsque la matière a atteint un certain degré de complexité, il y a attraction des particules de la matière entre eux. Il réduit la physique à une mécanique universelle. Newton a introduit des « principes », c’est-à-dire des lois universelles auxquelles la nature se conforme et dont les règles empiriques antérieures sont des conséquences logiques et mathématiques51. Ces principes newtoniens sont aux nombres de trois : le principe d’inertie hérité de Galilée et reformulé (1), le principe de l’égalité de l’action et de la réaction (2) et le principe fondamental de la dynamique (3).

L’énoncé de ces principes est le suivant :

I) « Tout corps persévère dans son état de repos ou de mouvement rectiligne uniforme, sauf si des forces imprimées le contraignent d’en changer ». (1) II) « Les actions que deux corps exercent l’un sur l’autre sont toujours égales et

dirigées en sens contraire » (2)

III) « Le changement de mouvement est proportionnel à la force motrice imprimée, et s’effectue suivant la droite par laquelle cette force est imprimée. Dans un référentiel galiléen, la force est égale au produit de la masse par l’accélération »52(3)

L’hypothèse de la gravitation newtonienne constituera le fondement de la mécanique jusqu’au début du XIXe siècle, parce que Newton a pu résoudre les difficultés liées au

système présenté par ses prédécesseurs. Newton a réussi à deux faire choses que Huygens et Kepler n’ont pas pu réaliser. En effet à partir de la formulation de la gravitation universelle (inversement proportionnelle aux carrés des distances), Newton avait démontré la forme elliptique des orbites planétaires dont Huygens doutait parce qu’il était incapable de le reconstruire par des moyens purement mécaniques, c’est-à-dire au moyen des mouvements circulaires. Newton a étendu la loi de la gravitation universelle à tout le système solaire et à l’attraction képlérienne s’exerçant entre la Terre et Lune. Nous rappelons que la notion de corpuscule est au centre de toute explication dans le monde matériel chez Newton et les newtoniens. C’est à partir de cette notion de corpuscule considéré comme un point matériel, bien localisable dans l’espace à trois dimensions de la géométrie euclidienne qu’il va fonder

51 R. Omnès., Philosophie de la science contemporaine, Paris, Gallimard, 1994, p. 70.

(28)

la physique du déterminisme universel. Le déterminisme est un principe selon lequel, connaissant l’état actuel d’un système physique, on peut prédire l’état de ce système à une date ultérieure ; puisque les lois de Newton permettaient de décrire la position d’un mobile dans le futur. Les lois telles qu’énoncées par Newton permettent de prédire l’état d’un système à l’échelle macroscopique. « Il se peut que le sens profond et le but même du newtonianisme (…), soit précisément de supprimer le monde du “plus ou moins”, le monde des qualités et des perceptions sensibles, le monde quotidien de l’approximatif, et de le remplacer par l’univers (archimédien) de la précision, des mesures exactes, de la détermination rigoureuse »53. La physique newtonienne rend possible ainsi l’affirmation d’un

déterminisme universel.

La notion de corpuscule est également à l’œuvre dans l’explication des phénomènes optiques chez Newton. Pour Newton la physique du rayonnement en l’occurrence la radiation lumineuse était assimilée à l’émission corpusculaire. Dans le paradigme newtonien, la lumière était conçue comme un flux de corpuscule qui se propage. La théorie corpusculaire décrit ainsi la diffusion lumineuse comme un ensemble de petits projectiles décrivant des trajectoires et projetant en tous sens des corpuscules lumineux. Newton déclare de son propre aveu ce qui suit : « Que l’on retienne seulement que, quelle que soit la nature de la lumière, je suppose qu’elle consiste en rayons différents les uns des autres par des circonstances contingentes telles que la grandeur, la forme, ou la force ; comme les grains de sable sur le rivage, les vagues de la mer (…) et toutes les autres choses naturelles sur le même genre différent les uns des autres »54.

En un mot, le paradigme corpusculaire newtonienne parvint à s’imposer aux physiciens. Ce paradigme a influencé la plupart des physiciens du XVIIe et XVIIIe siècle qui ont adhéré aux

principes et hypothèses de la science normale rattachée à ce paradigme. Ce paradigme newtonien a permis de reformuler la théorie de la gravitation de ses prédécesseurs, à fonder le mouvement sur de principes solides et préciser la nature du mouvement. Nous pouvons dire à l’instar de Kuhn que la science normale newtonienne a fixé un certain nombre de

53 A. Koyré., Études newtoniennes, op. cit., p. 217. 54 A. Koyré., Études newtoniennes, op. cit., p. 77.

(29)

problèmes auxquels il a tenté d’apporter des solutions. Toutefois, ce paradigme a connu une anomalie. Dans le cadre de la mécanique newtonienne, l’anomalie résulte du fait que les principes et les hypothèses du paradigme corpusculaire ne parvenaient pas à expliquer le comportement ondulatoire des particules de lumière et de la matière. Dans le même sillage, les phénomènes d’interférence lumineuse et de diffraction des électrons échappent également à la théorie de l’émission corpusculaire. C’est dans ce contexte que naitra la théorie ondulatoire qui dépasse le cadre habituel fixé par le paradigme newtonien. Ceci fera l’objet de la sous-section suivante.

1.1.3. Le mouvement dans la matière : la théorie ondulatoire maxwellienne

ou la théorie du champ électromagnétique

La physique du XVIIe et le XVIIIe siècle étaient dominés par la théorie corpusculaire

newtonienne. Mais le XIXe siècle en revanche connaîtra un nouveau développement avec la

théorie électromagnétique. La théorie électromagnétique dont la forme la plus achevée est rattachée aux travaux de Maxwell introduira une nouvelle conception dans la compréhension des phénomènes physiques. La découverte des phénomènes a abouti à la formulation de la théorie électromagnétique. Bien avant Maxwell, Huygens émit l’hypothèse que la lumière est composée d’ondes et non de corpuscules. « La lumière est toujours supposée se propager dans un milieu transparent de la même manière que les ondes sonores dans l’air. Chaque point du milieu peut vibrer sur place, et toutes ces vibrations, en se transmettant de proche en proche, constituent une onde. »55 En effet, au milieu du XIXe siècle, le développement de l’optique posa un problème technique aux physiciens. Au cours de la propagation de la lumière, les physiciens modernes observent que le mouvement que décrit la propagation de la lumière est un mouvement typiquement ondulatoire qui ressemble à une courbe sinusoïdale que l’on observe à des fréquences régulières.

Pour mieux appréhender comment la nature ondulatoire du rayonnement lumineux a permis de dépasser la conception granulaire de la lumière, décrivons une expérience d’interférence lumineuse. Considérons un écran formé d’une matière opaque, mais percé d’un certain

(30)

nombre d’ouvertures circulaires. Une source de lumière supposée ponctuelle envoie une onde lumineuse sur l’une des faces de cet écran. L’onde vient heurter toute la surface de l’écran et elle est arrêtée par tous les rayons non perforés de l’écran. L’onde incidente passe en quelque sorte au travers des ouvertures qui lui sont offertes et pénètre ainsi la partie de l’espace postérieur à l’écran. De ce côté de l’écran, chaque ouverture devient le centre d’une petite onde sphérique et la superposition de toutes ces ondelettes donne lieu à un phénomène d’interférence56. L’interprétation de ce phénomène rend compte d’un fait : l’onde émise par

la source se répand uniformément autour de cette source et vient frapper toute la surface antérieure de l’écran. En raison de l’homogénéité de l’écran, toutes les ouvertures jouent un rôle parfaitement symétrique et contribuent toutes symétriquement au phénomène d’interférence qui se produit derrière l’écran. L’onde en se propageant ou en progressant peut heurter un obstacle (surface). Ainsi, au lieu d’avoir une simple propagation d’ondes, on observe une superposition d’ondes simples. De là, l’effet vibratoire de chaque onde résultant de chaque point dépendra alors de la façon dont les effets de diverses ondes se renforcent ou se contractent. Ces phénomènes peuvent conduire à une forte intensité du phénomène vibratoire ou au contraire à une faible luminosité ou obscurité. C’est le phénomène d’interférence57. Ces expériences ont confirmé la nature ondulatoire des rayonnements

lumineux qui a triomphé sur la conception granulaire de la lumière.

Un autre exemple de phénomène physique qui discrédite le paradigme corpusculaire est celui de la diffraction. La diffraction est un phénomène qui se produit lorsque la lumière traverse une ouverture très étroite et s’éparpille. L’hypothèse newtonienne a dû être abandonnée à la suite des expériences d’interférence lumineuse et de diffraction. Ces expériences ont infirmé le caractère corpusculaire de la lumière, car la théorie de l’émission était incapable d’expliquer comment les rayons lumineux interfèrent dans certaines conditions, produisant des taches sombres sur l’écran. Depuis l’Antiquité, beaucoup de savants ont soutenu que la lumière est formée de petits corpuscules en mouvement rapide. Cette théorie explique la propagation rectiligne de la lumière, sa réflexion et sa réfraction. Mais, cette théorie a été abandonnée à la suite des travaux de Young et de Fresnel. Ces derniers ont montré que les

56 L. de Broglie., Continue et discontinu en physique moderne, Paris, Albin Michel, 1941, pp. 23-24. 57 Ibid., p. 21.

(31)

phénomènes d’interférence et de diffraction échappent à l’interprétation de la théorie de l’émission corpusculaire. Leur théorie ondulatoire rend compte à la fois des phénomènes classiques de réflexion, de réfraction et en plus des phénomènes de diffraction et d’interférence. La propagation de l’onde est séparée dans l’espace par une distance appelée « longueur d’onde ». Au cours de la propagation d’une onde, elle peut heurter une surface ou rencontrer un obstacle. Par exemple, la surface de certains appareils peut arrêter l’onde ou la faire réfléchir. L’onde, en passant par une ouverture, peut rencontrer des obstacles qui la diffusent. Elle sera déformée et repliée sur elle-même. De là, au lieu d’avoir une onde simple on aura une superposition d’ondes. La présence d’obstacle troublant la propagation d’une onde provoque l’apparition d’une répartition compliquée d’intensité de vibration, répartition qui dépend seulement de la longueur d’onde et de l’onde incidente. Ce sont là des phénomènes d’interférence et de diffraction.

À la suite de travaux de Fresnel mort à 39 ans, Maxwell a continué ces travaux et a donné une interprétation électromagnétique à la théorie ondulatoire de la lumière. L’apport de Maxwell résulte de l’évolution du concept de matière. De nouvelles propriétés de la matière ont été découvertes à la suite de l’étude des phénomènes électriques. L’une des découvertes fondamentales de la physique moderne est le rôle que joue l’électricité dans la structure de la matière. L’étude de la matière révèle qu’elle est composée de particules électrisées à savoir : protons, neutrons, neutrinos. Ses particules constitutives de la matière sont douées d’un dynamisme propre qui confère à celles-ci la capacité de conduire le courant électrique. C’est pourquoi la découverte de l’effet de polarisation de la lumière et de l’électricité conduira à une troisième théorie de la lumière : la théorie de l’électromagnétisme de Maxwell. La théorie de l’électromagnétisme postule l’existence de deux types de vibrations : une vibration magnétique et une vibration électrique. De là, Maxwell déduit l’hypothèse selon laquelle l’onde électromagnétique est formée par un champ électrique E et un champ magnétique H qui sont des fonctions sinusoïdales du temps de même fréquence58. Ces faits échappent également à l’explication par la théorie corpusculaire. C’est dans ce contexte que la théorie ondulatoire maxwellienne fut acceptée et changea la situation. Mais en quoi les travaux de Maxwell furent-ils un pas décisif dans l’explication des phénomènes ondulatoire ?

Références

Documents relatifs