• Aucun résultat trouvé

Le monarque gallois

Dans le document Prends les rênes de ta vie, Antoine DESCHAMPS (Page 123-128)

Papillons et petits oiseaux

Chapitre 17 Le monarque gallois

Le choc en arrivant à Plymouth, que des bâtiments gris reconstruits après-guerre, le même genre que Brest en France. Je trouve une chambre chez une famille très aimable. Kathy, John et leur fils Mike. Kathy est très attentionnée et me fait découvrir la ville avant que je ne commence le taf. La municipalité s’est dotée d’un énorme complexe sportif avec piscine, salle de gym, de volley-ball et d’escalade. C’est parfait. Je me mets à fond au sport, surtout le plongeon et la grimpe.

J’y fais la rencontre de Tom, Sarah et Elisabeth. On passe de super moments et on s’accorde à la perfection. Comme dit Tom : « With money you can’t buy happiness, but you can buy tones of ropes for hours of climbing ».23 En plus de l’escalade, mes compagnons de grimpe sont des fous de blocs. Ça se pratique sans baudrier ni corde, sur des rocs qui ne dépassent pas quelques mètres de hauteur. L’intérêt de cette discipline est de travailler sa dextérité. Régulièrement, nous partons en excursion pour la journée au parc naturel de Dartmoor. Notre roche de prédilection c’est Hound Tor. Là-bas, on se vide la tête et on se remplit les poumons.

Au boulot, c’est tip top. Je vis et travaille avec la personne que j’assiste deux ou trois semaines d’affilée, puis un collègue me relègue et ainsi de suite. Ça se passe toujours bien. Je peux faire des soins et de la cuisine en fonction des besoins et désirs de chacun. Il y a toujours

23

Avec de l’argent, tu ne peux pas acheter le Bonheur, mais tu peux acheter des tonnes de cordes pour des heures d’escalade.

124

un plan de soin à suivre, mais à part les médicaments, il n’y a pas d’horaires fixes. La communication passe bien. Bon, des fois, je dois répéter à cause du french accent, et il arrive que je me trompe sur le sens de certains mots. L’un de mes premiers clients avait nonante-huit ans et était très exigeant quant à la propreté de son derrière.

Un jour, après la toilette, il me demande, comme d’habitude : « Is my bottom clean ?

- Yes sir, you have a lovely bottom. »

Je voulais dire par là qu’il avait les fesses propres. Il répéta la scène à l’infirmière à domicile en lui disant que je tentais de le séduire. « Pardon me ? » En effet, lovely bottom se traduirait par « beau derrière » ! j’étais mort de rire et l’infirmière aussi. Tout rentra dans l’ordre et la vie continua.

Février 2014. Lily m’appelle. Le cancer de Maman refait surface, apparemment, il est en forme. Mam a dû reprendre les chimios. Ces dernières anéantissent le système immunitaire, laissant ainsi champ libre aux bactéries et autres germes.

C’est ouf quand tu te dis que chaque être humain est l’hôte d’un à deux kilos de bactéries, inoffensives et même indispensables à notre organisme en temps normal. Toutefois, ces microbes peuvent devenir opportunistes au moindre signe de faiblesse. L’un d’eux s’était logé dans l’un des poumons de Maman, déclenchant de fortes fièvres qui lui faisaient perdre connaissance. Elle dut être transférée d’urgence à Strasbourg, au service de réanimation.

Suite à l’appel de Lily, j’organise un retour d’urgence en France. Le surlendemain, je suis au chevet de Maman, à l’hôpital civil, avec ma famille. La coquine nous a fait une sacrée peur bleue. Je m’entretiens avec le professeur qui la suit. Il me parle en toute franchise : « On pourra essayer de reporter l’échéance, mais votre mère ne guérira pas de son cancer. » Poh !

Il est clair que l’on doit tous partir un jour. Personnellement, je ne suis pas préoccupé par ma propre mort. Ça arrivera quand ça arrivera. Je garde en tête que la parenthèse de cette

125

aventure humaine peut se refermer à tout moment, mais bon voilà. Par contre, quand cela concerne mes proches, c’est différent. D’ailleurs, je dis souvent à Leyla, Saudara et Justine : « Tu me promets que tu mourras après moi. Hein, promis ? » Un jour, mes parents devront suivre le courant de l’existence vers d’autres contrée, mais pas si tôt. On a encore plein de choses à vivre ensemble, ma mère vient juste de devenir mamie.

Après deux semaines intensives, Mamounette rentre à la maison et moi, je reprends l’avion pour l’île du Nord.

Je n’ai pas de boulot pendant un mois. L’hiver fut rude, beaucoup de feuilles s’étaient détachées de l’arbre de la vie. L’argent sort, mais rien ne rentre.

Soudain, j’ai une idée : et si je prenais la pose. Saudara fait partie d’un club de photographes amateurs. Il y a quatre mois de cela, elle avait besoin d’un cobaye pour s’exercer et apprendre les techniques d’éclairage. On avait joué le jeu avec Jasmine, une amie iranienne à croquer. On s’était bien marré. Elle partagea ensuite son travail sur les réseaux sociaux et avait reçu des commentaires positifs. Alors je me suis dit, après tout, pourquoi pas, si ça peut me permettre de me remplir un peu les poches.

Sur internet, on trouve de nombreuses « agences » de mannequinat. Ces compagnies vous invitent pour une séance photo gratuite à Londres à la suite de quoi les évènements s’enchaînent s’il y a du potentiel. Je vais donc passer quelques jours sur la capitale, avec passage obligé à Chinatown.

Ah les dim sum, les mochis, les masala dosas, les saveurs de l’Orient, ici j’me sens comme chez moi. Premier rendez-vous avec l’une des agences.

Séance de flashs sur fond blanc, puis vas-y que je te lèche le derrière :

« Antoine, why didn’t you come before ? The shoot is amazing, one of the best of the month. We have plenty of work and contact with many others companies. You will have to be often

126

available, the pay for a shoot is around five hundred pounds, then it goes up an up. Are you willing to integrate the business?

- Yes

- So then you need a portfolio, the photo we’ve done are really nice. A professional portfolio cost between four hundreds to two thousand pounds. It’ like your curriculum vitae, you need to invest in it. »

Ouais… À la base, j’suis venu là pour gagner de l’argent, pas pour en dépenser davantage. Je choisis l’option la moins chère, au pire ça fera de jolies photos à montrer à mes petits-enfants plus tard.

Le lendemain, une autre agence, le même cirque :

« On a besoin de vous, on attendait que vous… Mais vous avez besoin d’un portfolio, du nôtre.

- Désolé, je ne dépenserai aucun centime aujourd’hui. - Vous pouvez payer en plusieurs fois si vous le souhaitez. » Que nenni ! Je ne débourserai pas un penny.

Hors de question de se faire rouler dans la farine une seconde fois. Je quitte cette escroquerie poliment, mais avais bien envie de crier « à l’arnaque ! » à ceux qui attendaient dans l’entrée pour se faire plumer à leur tour. Je ne voulais pas faire de scandale, après tout, ces truands ne font rien d’illégal.

Après m’être bien informé, j’appris que pour se présenter dans une véritable agence, il n’y a rien à payer et que quelques photos d’amateurs font très bien l’affaire. J’avais été un peu trop naïf. Au moins, j’ai découvert London !

Après quoi, me voilà back in Devon, avec une trésorerie encore plus affaiblie et toujours pas de travail. Ma famille me semble loin, la situation de Maman me préoccupe, je décide donc de quitter Plymouth pour de bon.

127

La veille du départ, Sarah passe sans prévenir avec les casse-dalles à la main. Elle me propose une dernière partie de bloc à Dewerstone : « We must go there before you leave. » Arrivés au pied de la roche, on se met en position, la magnésie en poche. Sans attendre, j’ouvre le bal, puis enchaîne avec une valse magistrale. Mon pied dérape, entraînant tout mon corps dans sa chute, ainsi que celui de Sarah qui se trouvait juste en dessous. Le matelas de sécurité nous réceptionne. Je me retrouve sur elle, la main sur le sein. Son souffle sur mes lèvres. Mon iris se reflète dans ses pupilles, nous ne bougeons pas d’un cil. Ses dents saisissent ma lippe avec volupté, je la dénude puis la couvre de baisés. Elle est douce et tendre et elle sait comment s’y prendre. Moi, j’suis plutôt ferme, mais ne montre aucune résistance, je sentais l’aisance et l’expérience. Je ne sais pas comment on a pu faire ça ici, dans ce froid glacial. Apparemment, on était hot, mais rien de bestial. Ma partenaire m’a guidé avec beaucoup de plaisir, mais y a pas à dire, aucune femme ne connaît mieux le corps d’un homme qu’un mec.

Pourquoi est-ce arrivé maintenant ? Si cela s’était produit avant, je n’aurai peut-être pas fait le choix de partir. Les méandres de la destinée sont curieux parfois. J’crois qu’il ne faut pas trop se poser de question sur le pourquoi du comment. Allez, allons de l’avant.

128

Chapitre 18

Dans le document Prends les rênes de ta vie, Antoine DESCHAMPS (Page 123-128)

Documents relatifs