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Le Living Lab pour répondre à la complexité

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 28-31)

CHAPITRE 1 : Contexte politique, économique et social

4. Mettre en place un Living Lab pour dépasser les blocages

4.1. Le Living Lab pour répondre à la complexité

Le Living Lab est un terme qui aurait été utilisé pour la première fois au Massachusetts Institute of Technology (MIT), qui proposait alors une méthodologie de recherche non plus centrée sur l’usager mais « portée par l’usager », permettant la formulation, le prototypage et la validation de solutions complexes dans des contextes multiples et mouvants de la vie réelle (Doyon et al.

2016). L’un des piliers du Living Lab est l’expérimentation dans un environnement réel. Tester un produit ou un service en conditions réalistes d’usage et dans la durée permet de dessiner une solution technique qui sera durable et empreinte de valeur. L’autre pilier du Living Lab est le principe de co-création. Dans un Living Lab les usagers ne se limitent pas aux usagers finaux mais à une communauté d’usagers qui fait référence aux personnes en interaction avec le produit ou le service final. Cette notion inclut non seulement les usagers finaux mais aussi les usagers en amont et les usagers secondaires.

Chacun se mobilise pour participer en tant qu’individu pour mobiliser sa connaissance et sa créativité.

La méthodologie Living Lab permet également l’intervention de la recherche scientifique en dehors du cadre universitaire habituel, dans un contexte réel, permettant ainsi une meilleure communication avec les futurs usagers.

Parmi les trois piliers principaux d’un Living Lab recensé par le Livre Blanc (Dubé 2014), on compte l’expérimentation dans un environnement réel, la co-création et l’usager en tant que porteur de l’étude.

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4.1.1. Un Living Lab dimensionné pour le projet ENERPAT

Le Living Lab mis en place à Cahors cherche à appréhender la rénovation thermique du bâti ancien dans un territoire urbain complexe dans toutes ses dimensions en essayant de relier entre eux les acteurs qui agissent sur la ville et sa fabrication.

a) Trouver un écosystème réaliste à étudier

Le Living Lab comprend deux bâtiments, propriétés de la Ville de Cahors. Ces appartements ont été choisis comme étant représentatifs du bâti ancien cadurcien. Situés dans le site patrimonial remarquable, dans un îlot dense du centre ancien, ces bâtiments correspondent à la morphologie urbaine étudiée. De par leur mode constructif (pan de bois avec un remplissage de brique et mur épais de briques maçonnées) les deux bâtiments représentent les deux typologies les plus fréquentes du centre ancien. Par choix, afin de mieux comprendre les caractéristiques physiques du bâti ancien, les appartements sont vides pour s’affranchir de l’influence de l’occupant sur les performances thermiques.

Ce lieu crée un espace pour tester des systèmes de rénovation thermique en milieu réel et permet à chaque « utilisateur » d’être force de propositions dans son domaine d’expertise.

Dans le cas du Living Lab ENERPAT nous parlerons d’environnement réaliste plutôt que réel (par environnement réel, on fait référence au vrai milieu de vie de l’usager). Ici, l’occupant n’est pas présent, notamment car les mesures ont un caractère intrusif dans le milieu de vie des usagers.

Le Living Lab est donc un espace physique dans un contexte réaliste où certaines conditions d’usage sont néanmoins recréées.

b) Une communauté d’usagers travaillant en co-création

Une communauté d’usagers est un regroupement naturel de personnes qui partagent des caractéristiques similaires face à l’usage d’un produit ou d’un service. Ces communautés peuvent regrouper des consommateurs, des citoyens, des fournisseurs, des employés, des partenaires privés ou publics selon des intérêts communs (Dubé 2014).

Parmi les acteurs du projet ENERPAT on compte :

- la Communauté d’agglomération du Grand Cahors et la Ville de Cahors qui font monter en compétence le Living Lab grâce à leur connaissance du Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur du centre ancien (ensemble des règles d’urbanisme) des conditions d’éligibilité aux différentes aides lors du montage de dossier de subventions ;

- les artisans de la CAPEB du Lot, formés au patrimoine et rassemblant différents corps de métiers (maçon, menuisiers, maître enduiseur). Leur savoir-faire permet de penser une solution cohérente au niveau de la mise en œuvre et des ressources localement disponibles ;

- l’association Viviers Bois, comme filière souhaitant raviver la filière bois local ;

- le Laboratoire Matériaux et Durabilité des Constructions (LMDC) et le Laboratoire de Recherche en Architecture de Toulouse (LRA) apportant leurs compétences scientifiques sur les problématiques matériaux, études hygrothermiques du bâti et étude de la morphologie urbaine ;

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- la PFT Midi Pyrénées (rassemblement de formations professionnelles techniques destinées à l’amélioration de l’habitat), qui amène son expertise sur l’instrumentation des deux bâtiments et invite les élèves, qui sont eux-mêmes de futurs acteurs de la rénovation thermique, à participer au projet.

Les différents acteurs grâce à leurs domaines d’expertise amènent des connaissances sur deux des freins souvent présents qui sont la règlementation et la faisabilité technique du projet. Cette transdisciplinarité permet un partage de l’expertise, un partage des équipements ainsi qu’un gain de temps par rapport aux étapes habituelles de recherche et de validation de solutions techniques (Claude et al. 2017).

Suite à des ateliers de co-création, une solution technique de rénovation en chaux-chanvre banché a été définie. Cette solution a été mise en œuvre par les élèves en apprentissage à la Chambre des Métiers du Lot (Figure 9). Une simulation d’occupation (période de chauffe, cycle d’humidification) et l’étude de l’évolution des propriétés physiques du bâti (conductivité des parois, régulation de la température et de l’humidité dans les pièces, évolution de la consommation énergétique) permettra d’apporter ensuite des réponses à la pertinence ou non de certaines solutions techniques.

Figure 9 : Mise en œuvre du chaux-chanvre banché avec les élèves de la Chambre des Métiers du Lot dans les appartements tests du projet ENERPAT, septembre 2017

A travers cette rénovation expérimentale, l’objectif est multiple : tester une solution technique, former des élèves lors d’un chantier utilisant des matériaux bio-sourcés en centre ancien, et également, faire interagir et se rencontrer différents acteurs de la rénovation thermique dans un cadre expérimental sans la dimension financière.

Concernant les menuiseries, une solution à base d’une essence locale, le bois de châtaigner, a été sélectionnée par l’association Viviers Bois pour la confection des châssis de fenêtre. Le bois de châtaigner ne fait pas partie du circuit habituel de bois fournis aux menuiseries industrielles ou semi-industrielles. Celles-ci travaillent usuellement avec du pin sylvestre en provenance de Russie ou des bois exotiques, les filières étant bien établies. Pour cette étude, une menuiserie semi-industrielle, avec la participation d’un menuisier artisan pour le débitage du bois au préalable, a accepté de se prêter à l’expérience et de modifier pour l’occasion sa filière d’approvisionnement. A nouveau le cadre expérimental et privilégié du Living Lab a permis de

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tester dans un cadre réaliste une solution innovante en respectant les règles du site patrimonial remarquable qui obligent à la mise en œuvre de menuiserie en bois (Figure 10).

Figure 10 : Mise en place d'une menuiserie avec un châssis en bois de châtaigner

4.1.2. La gouvernance partenariale

Au sein du Living Lab, chacun participe en tant qu’individu et mobilise sa connaissance et sa créativité (Doyon et al. 2016).

L’attachement informel des différents acteurs au Living Lab impose que chaque acteur présent trouve au-delà de l’intérêt collectif, un intérêt personnel à la démarche.

Pour les artisans de la CAPEB, ce projet représente l’opportunité de revaloriser le métier d’artisan. Par sa définition l’artisan fabrique, produit quelque chose qui n’existait pas (David 2011). Or la standardisation des produits de constructions pour répondre à des normes toujours plus contraignantes a supprimé une partie du savoir-faire de l’artisan. Le centre ancien de Cahors, comme tout le bâti classé ou sauvegardé est hors du champ d’application de la réglementation thermique, ce qui permet une expression du savoir-faire de l’artisan.

Au niveau de la recherche scientifique, l’expérimentation dans un cadre réaliste permet d’obtenir des résultats autres que ceux relevés en cellule de laboratoire ou sur une paroi expérimentale. La configuration des bâtiments entre eux ayant un impact décisif sur les consommations d’énergie (APUR 2011) et les modèles thermiques actuels ne correspondant pas au bâti ancien (DGUHC et al. 2007), il est enrichissant de travailler dans un cadre réaliste, avec un bâtiment intégré à la morphologie urbaine.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 28-31)