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2 Le handicap : un tour d’horizon

Dans le document RAPPORT MONDIAL SUR LE HANDICAP (Page 47-51)

participation, problèmes de santé associés, fac-teurs environnementaux), des définitions, de l’élaboration des questionnaires et des sources d’information, des méthodes utilisées pour recueillir les données et des niveaux de fonc-tionnement attendus.

Les données sur les déficiences ne consti-tuent pas des variables adéquates pour constituer des informations sur le handicap. Aujourd’hui, on procède couramment à de grands « regrou-pements » des différents « types de handicap » lorsqu’il est question du handicap, certaines études cherchant même à déterminer la préva-lence de tel ou tel «  type de handicap  » en se fondant, directement ou indirectement, sur des évaluations et des classifications. Les « types de handicap », sont souvent définis en ne prenant en compte qu’un seul aspect du handicap, comme les déficiences (sensorielles, physiques, mentales ou intellectuelles), et d’autres fois on associe au

« handicap » les problèmes de santé associés. Or, les personnes qui ont un problème de santé chro-nique, des difficultés à communiquer ou d’autres déficiences peuvent se retrouver exclues de ces estimations, alors même qu’elles rencontrent des obstacles dans leur vie quotidienne.

On a tendance à partir de l’hypothèse implicite qu’à chaque « type de handicap » cor-respondent des besoins spécifiques de santé, d’éducation, de réadaptation, d’aide sociale et d’accompagnement. Mais en réalité, diverses réponses peuvent être requises  : deux indivi-dus avec la même déficience peuvent vivre des situations très différentes et avoir des besoins tout à fait distincts. Bien que les informations sur les déficiences soient nécessaires aux pou-voirs publics, notamment pour contribuer à l’élaboration de services spécifiques ou pour identifier et combattre les discriminations, l’utilité de telles données demeure toutefois limitée, dans la mesure où les taux de préva-lence obtenus ne sont pas révélateurs de toute l’étendue du handicap.

Il est essentiel de disposer de données portant sur l’ensemble des aspects du handi-cap et sur les facteurs contextuels si l’on veut

dresser un tableau complet du handicap et du niveau fonctionnel de la personne. Il est diffi-cile de déterminer la portée du handicap si l’on ignore de quelle manière les interactions entre les obstacles ou les facilitateurs environnemen-taux et les problèmes de santé influent sur la vie quotidienne des personnes handicapées.

En fonction du contexte, des individus pré-sentant la même déficience peuvent subir des restrictions de nature différente et à des degrés divers. Les obstacles environnementaux à la participation peuvent varier considérablement selon les pays et les communautés. Au Brésil, par exemple, beaucoup d’enfants abandonnent l’école car ils ne peuvent pas se procurer une paire de lunettes, alors qu’elles sont largement disponibles dans la plupart des pays à revenu élevé (2). La stigmatisation associée à des défi-ciences aussi différentes qu’une amputation ou des crises d’angoisse peut avoir les mêmes effets restrictifs sur la participation d’une personne au monde du travail. C’est ce qu’a montré récem-ment une comparaison entre deux enquêtes effectuées aux États-Unis, qui s’intéressaient aux limitations des individus dans leur cadre professionnel et sur leurs performances réelles au travail (3).

On peut concevoir le handicap comme un continuum allant de difficultés fonctionnelles mineures à des impacts majeurs sur la vie d’une personne. Pour mesurer le handicap, de plus en plus de pays optent pour cette notion de continuum, selon laquelle pour estimer la prévalence du handicap, ainsi que les difficultés fonctionnelles, on évalue les différents degrés de handicap dans de multiples domaines (4-8).

Les estimations varient en fonction des seuils fixés pour le handicap et de la prise en compte des effets de l’environnement. Il est important de ventiler ces données par sexe, tranche d’âge, catégorie de revenu ou type de profession, afin de faire apparaître les schémas, les tendances, ou toute autre information concernant les « sous-groupes» de personnes en situation de handicap.

La méthode employée pour recueillir les données influence également les résultats. Les

recensements et les enquêtes utilisent diffé-rentes approches pour évaluer le handicap, et le recours à ces approches pour recueillir des don-nées aboutira souvent, dans un même pays, à des taux de handicap divergents (Encadré 2.1). Par définition, le recensement, qui porte sur toute la population et auquel on procède de manière peu fréquente, ne peut intégrer qu’un faible nombre de questions relatives au handicap. Si les recensements sont une source considérable de données socio-économiques, telles que le taux d’emploi ou le statut matrimonial, ils ren-seignent peu sur la participation des individus.

D’un autre côté, étant réguliers dans le temps, les recensements peuvent également témoi-gner d’évolutions sur une période donnée. Les enquêtes de population peuvent fournir de plus amples informations, y compris sur les popula-tions institutionnalisées, grâce à des question-naires plus complets. Dans les pays développés, par exemple, les questions des enquêtes iden-tifient les personnes handicapées présentant des déficiences des fonctions organiques ou des structures anatomiques, mais aussi, de plus en plus, celles concernant d’autres aspects comme les activités, la participation et les facteurs envi-ronnementaux. Certaines enquêtes fournissent également des renseignements sur les causes des déficiences, le degré d’assistance assurée aux personnes handicapées, l’accessibilité des services et les besoins non satisfaits.

Généralement, les pays indiquant un faible taux de prévalence du handicap, principalement des pays en développement, recueillent les don-nées sur le handicap lors des recensements, ou emploient des mesures qui se concentrent sur un choix limité de déficiences (10-12). Les pays affichant un taux élevé de prévalence du han-dicap ont davantage tendance à procéder à des enquêtes et à adopter une approche qui tienne compte, en plus des déficiences, des limitations d’activités et des restrictions de participation.

Par ailleurs, si l’enquête inclut les populations placées en institution, le taux de prévalence sera plus élevé (13). Ces facteurs jouent sur la comparabilité des données, à l’échelle nationale

et mondiale, et sur la pertinence des données pour un ensemble plus large d’utilisateurs.

C’est surtout dans les pays en développement que des données précises sur le handicap font défaut, mais des progrès sont en cours, comme le montrent les études sur les limitations d’activités menées au Lesotho, au Malawi, au Mozambique, en Zambie et au Zimbabwe.

La façon dont sont rédigées les questions, de même que la source de collecte peuvent également avoir un impact sur les estima-tions. L’objectif sous-jacent d’une enquête (par exemple : est-ce une enquête de santé ou d’ordre général ?) influencera la manière de répondre des participants (14). Plusieurs études ont montré des différences de « prévalence » entre l’autodé-claration et les aspects du handicap qui étaient véritablement mesurés. (15-18). le handicap est interprété en fonction de ce qui est considéré comme le niveau fonctionnel normal, niveau qui peut varier selon le contexte, la tranche d’âge ou même le niveau de revenu (2). Ainsi, les personnes âgées peuvent ne pas se considérer comme ayant un handicap, malgré des difficul-tés fonctionnelles importantes, car elles estiment leur état comme étant normal pour leur âge.

En ce qui concerne l’enfant, c’est encore plus compliqué. Les parents, ou la personne qui s’occupe de lui, qui répondent aux enquêtes à la place de l’enfant, peuvent ne pas rendre compte avec précision de son vécu (19). Demander aux enfants de répondre à des questionnaires conçus pour les adultes peut également biai-ser les résultats. Les imprécisions ou l’emploi de termes déplaisants dans les questions (par exemple, demander à celui qui éprouve une dif-ficulté pour accomplir telle activité s’il se consi-dère comme «  handicapé  ») (20, 21) peuvent aussi aboutir à des résultats qui sont en deçà de la réalité (2).

Il faut prendre ces éléments en compte dans les comparaisons entre les populations. Dans l’idéal, il faudrait que les comparaisons ajustent les données en fonction des méthodes utilisées, comme pour les entretiens ou les enquêtes, dans les cas où de tels ajustements se justifient.

Encadré 2.1. Le recensement et l’enquête sur le handicap de 2006 en Irlande

En Irlande, en avril 2006, le Bureau central des statistiques (CSO) a entrepris un recensement de la population, qui comportait deux questions sur le handicap, la première concernant l’existence d’un lien avec un problème de santé durable, la seconde l’impact de ce problème de santé sur le fonctionnement. Au final, le recensement dénombrait 393 785 personnes handicapées en Irlande, soit 9,3 % de la population. Quelques mois plus tard, dans le cadre d’une enquête nationale sur le handicap, le CSO a étudié un panel composé de personnes qui s’étaient déclarées handicapées lors du recensement et d’un certain nombre de ménages dans lesquels personne n’avait mentionné un handicap. L’enquête retenait une définition du handicap plus large que ne le faisait le recensement : celle-ci portait sur un plus grand nombre d’aspects, y compris la douleur et la respiration, et permettait de mesurer la sévérité du handicap. Au total, 14 518 personnes ayant fait part d’un handicap lors du recensement ont rempli et renvoyé ce questionnaire, de même que 1 551 individus qui n’étaient pas considérés comme handicapés dans le cadre du recensement.

Une cohérence importante s’est révélée entre les réponses au recensement et les réponses à l’enquête nationale :

Parmi les ménages où un membre s’était déclaré handicapé lors du recensement, 88 % ont fait de même dans l’enquête.

Parmi les foyers collectifs (ou institutions) où un membre s’était déclaré handicapé lors du recensement, 97 % ont fait de même dans l’enquête.

Parmi les ménages privés où personne ne s’était déclaré handicapé lors du recensement, 11,5 % ont répondu l’inverse dans l’enquête.

En extrapolant les résultats de l’enquête sur l’ensemble de la population irlandaise, on obtient un taux global de handicap de 18,5 % à l’échelle nationale. Les différences entre les taux observés lors du recensement et de l’enquête peuvent s’expliquer ainsi :

L’enquête consistait en entretiens personnels, tandis que le recensement reposait sur des formulaires à remplir soi-même.

Le recensement était une vaste enquête aux objectifs multiples, alors que l’enquête se concentrait uniquement sur le handicap, défini comme des difficultés fonctionnelles dans un ou plusieurs de ces domaines : la vue, l’ouïe, la parole, la mobilité et la dextérité, la mémoire et la concentration, les fonctions intellectuelles et l’apprentissage, la santé affective, psychologique et mentale, la douleur et la respiration.

Le taux de handicap obtenu par l’enquête était plus élevé car celle-ci prenait en compte la douleur : ainsi, 46 % des individus qui n’avaient pas déclaré de handicap lors du recensement ont fait part d’une douleur dans le cadre de l’enquête.

Ceux qui ont déclaré un handicap uniquement lors de l’enquête avaient un degré de difficultés moindre, et, le plus souvent, ils ne présentaient qu’un seul domaine de handicap et non plusieurs.

L’enquête a fait apparaître un plus grand nombre d’enfants handicapés que le recensement, sans doute parce que les questions y étaient plus détaillées.

Cet exemple montre que les estimations de la prévalence dépendent du nombre et de la nature des questions, de l’existence d’une échelle permettant de préciser le niveau de difficulté, la gamme des handicaps mentionnés et de la méthode d’enquête adoptée. Les différences entre l’enquête et le recensement s’expliquent principalement par les domaines abordés et le seuil à partir duquel on définit le handicap. Si le domaine couvert est étroit, (par exemple, si la douleur n’est pas prise en compte), de nombreuses personnes éprouvant des difficultés fonction-nelles risquent d’être exclues. Lorsque les ressources le permettent, il faut procéder, en plus du recensement, à des enquêtes spécifiques sur le handicap qui couvrent l’ensemble des domaines ; elles donnent des résultats plus complets, étudient les différentes tranches d’âge et sont utiles à l’élaboration de politiques et de programmes.

Note : Les questions posées dans l’enquête et le recensement sont disponibles dans les rapports publiés.

Sources (5, 9).

Recueillir des données démographiques sur les personnes handicapées sert, en premier lieu, à définir des stratégies visant à améliorer leur bien-être. Une documentation complète et systématique de tous les aspects du fonc-tionnement de la population peut être utile à la conception et au suivi des interventions.

Ces données permettraient, par exemple, aux responsables politiques d’évaluer les bénéfices potentiels des programmes destinés à aider les personnes à mobilité réduite à aller travailler, ou de juger de l’efficacité des actions entre-prises pour lutter contre la dépression (2). Les données sur la prévalence et les besoins doivent se baser sur la population, et être pertinentes pour les politiques, mais en même temps, être indépendantes vis-à-vis des politiques publiques. Si les données sont dépendantes des politiques publiques, les estimations de la prévalence peuvent varier subitement, notam-ment si le système d’indemnisation est modifié et que l’on passe d’une allocation de chômage à une allocation pour personne handicapée.

Il est possible de créer, à l’échelle nationale, une solide base de données intégrée, à condi-tion que les données relatives à la populacondi-tion, à l’administration et aux services se réfèrent à des concepts ainsi qu’à un cadre de base communs.

L’instauration de normes internationales pour la collecte de données et de questionnaires standardisés peut favoriser l’harmonisation des diverses approches. Ces dernières années, on a essayé d’uniformiser les enquêtes sur le handicap (voir Annexe technique B) (22, 23).

Cependant, les définitions et les méthodes uti-lisées diffèrent tellement d’un pays à l’autre que les comparaisons internationales demeurent difficiles. Par conséquent, il est également dif-ficile pour les pays signataires de la CRDPH, d’évaluer les progrès accomplis dans l’appli-cation de cette convention au regard d’un ensemble d’indicateurs communs.

Les données recueillies doivent être à la fois pertinentes à l’échelle nationale et compa-rables à l’échelle mondiale, ce qui est possible

si les questionnaires se basent sur des textes internationaux, comme la Classification inter-nationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF).

Dans ce domaine, les cadres de travail internationaux et les ressources internationales sont importants :

■ Les cadres stratégiques et les principes approuvés sont exposés dans la CRDPH.

■ les normes relatives aux informations sont énoncées dans la CIF (24, 25).

■ Des tentatives sont en cours pour harmo-niser et standardiser les questionnaires d’évaluation de l’état de santé et du han-dicap auprès de la population (voir Annexe technique B pour plus d’informations sur le système statistique européen, le Groupe de Washington des Nations Unies sur le handicap, la Commission économique et sociale des Nations Unies pour l’Asie et le Pacifique (CESAP), le Bureau régional OMS des Amériques/l’Organisation panaméri-caine de la Santé, l’Initiative de Budapest).

■ Le manuel de formation aux statistiques du handicap, élaboré par l’OMS et la CESAP (commission économique et sociale des Nations Unies pour la région Asie-Pacifique), peut conseiller utilement les pays pour qu’ils améliorent leurs statis-tiques nationales (26).

Prévalence des difficultés

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