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Le GPS au Chili : 20 ans d’instrumentation

2.2 Le GPS au Chili : 20 ans d’instrumentation

2.2.1 De la d´eformation andine `a la d´eformation intersismique

D`es les ann´ees 90, la marge chilienne a ´et´e instrument´ee par GPS par plusieurs ´equipes internationales afin de mesurer pr´ecis´ement la d´eformation autour de la chaˆıne des Andes. Parmi elles, les ´equipes am´ericaines (r´eseau CAP) et allemandes (r´eseau SAGA) ont opt´e pour le d´eveloppement de r´eseaux de marqueurs fixes mesur´es lors de campagnes r´eguli`eres `a l’´echelle de l’ensemble de la marge [Bevis et al.,1999;Brooks,2003;Khazaradze,2003]. Ces r´eseaux sont assez lˆaches (un point tous les degr´es de latitude et de longitude environ, figure 2.4) et ont ´et´e con¸cus pour mieux connaˆıtre le soul`evement andin et la cin´ematique de la zone. Ils sont donc tourn´es vers le coeur de la chaˆıne andine et se d´eveloppent ´egalement sur son cˆot´e argentin. Les vitesses mesur´ees sur ces r´eseaux `a l’aide d’instruments maintenant obsol`etes, ont une incertitude trop forte pour r´eellement quantifier le lent processus de soul`evement et de construction de la chaˆıne de montagne, mais elles ont permis de mettre en ´evidence l’existence d’un mouvement de l’ensemble de la chaˆıne et du bloc marginal vers l’Est [Norabuena,1998;Brooks,2003]. Dans ces articles, les donn´ees acquises du cˆot´e chilien sont reproduites en utilisant un mod`ele simple et assez homog`ene de couplage sur l’interface de subduction qui g´en`ere de forts r´esidus sur les points du littoral.

Les r´eseaux de campagnes d´evelopp´es d`es 1991 par les ´equipes franco-chiliennes dans le Grand Nord du Chili et la r´egion de Maule (figure 2.4) ont au contraire pour objectif d’´etudier plus pr´ecis´ement la d´eformation produite par le cycle sismique sur la subduction. Ils sont donc plus denses `a la cˆote (un point tous les 50 km dans la r´egion de Maule notamment), et sont compos´es de quelques profils perpendiculaires `a la fosse constitu´es d’un marqueur tous les 25 km environ. Cette g´eom´etrie des r´eseaux permet d’inverser la valeur du couplage et ses variations sur l’interface de subduction bien plus pr´ecis´ement qu’avec les r´eseaux d´evelopp´es `a l’´echelle de la chaˆıne de montagne. Ils permettent ´egalement de mesurer la d´eformation cosismique en champ proche lors des s´eismes majeurs.

Pour mesurer pr´ecis´ement ces deux d´eformations li´ees au cycle sismique, on peut mettre en place des techniques assez diff´erentes. En effet, l’amplitude du d´eplacement horizontal produit en surface par un fort s´eisme de subduction est de l’ordre du m`etre. Malgr´e toutes les erreurs qui peuvent alt´erer la pr´ecision du positionnement par GPS, il suffira de mesurer mˆeme bri`evement la position d’un marqueur avant et apr`es le s´eisme pour obtenir des vitesses de d´eplacement cosismique bien contraintes (avec une pr´ecision de l’ordre du centim`etre). Il est bien plus difficile de mesurer la d´eformation pendant la phase intersismique puisqu’elle est de l’ordre de la dizaine de millim`etres par an et qu’elle est susceptible soit de varier l´eg`erement dans le temps, soit d’ˆetre affect´ee `a tout moment par une d´eformation co- ou postsismique. Id´ealement, il faut donc soit mesurer une `a deux fois par an la position des marqueurs pour obtenir une vitesse statistiquement juste `a l’´echelle de quelques ann´ees, soit mesurer ce mˆeme r´eseau tous les 5 ou 10 ans. Cette seconde strat´egie de mesure est moins coˆuteuse et a ´et´e longtemps privil´egi´ee (le r´eseau de la r´egion de Maule a ainsi ´et´e mesur´e seulement trois fois : en 1996, partiellement en 1999 et 2006 [Ruegg et al.,2009]), mais elle est risqu´ee : la probabilit´e qu’un fort s´eisme se produise entre les deux mesures est ´elev´ee au Chili puisqu’un s´eisme de magnitude sup´erieure `a 8 rompt l’interface tous les 10 ans environ. Par exemple, le s´eisme d’Antofagasta en 1995 (Mw 8.1, figure 2.4) a ainsi perturb´e pendant plusieurs ann´ees la d´eformation de surface dans cette r´egion du Chili o`u le r´eseau de campagne avait ´et´e d´evelopp´e. Si le mouvement cosismique a bien ´et´e enregistr´e [Ruegg et al.,1996], la vitesse intersismique sur le profil situ´e dans la zone

Figure2.4: R´eseaux GPS permanents et de campagne install´es sur la plaque Am´erique du Sud en 2008 et sur lesquels une vitesse intersismique a ´et´e calcul´ee et publi´ee. Points noirs : r´eseau de campagnes d´evelopp´e par les ´equipes franco-chiliennes du LiA Montessus de Ballore [Chlieh et al.,2004;Ruegg et al.,

2009;Vigny et al.,2009] ; points bleus et verts : r´eseau de campagnes d´evelopp´e par le GFZ [Khazaradze,

2003; Moreno et al., 2008] ; points oranges : r´eseau de campagnes d´evelopp´e par l’´equipe am´ericaine

en collaboration avec le r´eseau national argentin RAMSAC [Bevis et al., 1999; Brooks, 2003] ; points violets : r´eseau de campagnes d´evelopp´e par l’IGP P´erou [Norabuena, 1998] ; points jaunes : r´eseau de station permanentes (c-GPS) install´e par l’universit´e de Caltech (dans le Grand Nord) et par l’´equipe du LiA Montessus de Ballore (dans le Grand Nord et dans la r´egion d’Ovalle-La Serena. Le nom des r´eseaux locaux denses en champ proche de la subduction est indiqu´e, ainsi que les zones o`u l’instrumentation GPS ´etait insuffisante `a l’´epoque. Le s´eisme d’Antofagasta en 1995 a perturb´e la mesure de la vitesse intersismique, et celui de Valdivia en 1960 a produit un mouvement de rebond postsismique qui domine la d´eformation mesur´ee dans cette zone.

2.2. LE GPS AU CHILI : 20 ANS D’INSTRUMENTATION 43 mˆeme du s´eisme et qui a ´egalement ´et´e affect´e par la rupture de Tocopilla en 2007, n’a pas pu ˆetre d´etermin´ee. La mesure du chargement intersismique est donc une v´eritable course contre la montre, et la strat´egie de mesure r´eguli`ere semble plus adapt´ee `a l’´etude de cette zone.

En 1997, la s´equence de s´eismes de Punitaqui qui se d´eveloppe au large de Coquimbo et de La Serena (∼ 30S, figure 2.4) est suivie d’un s´eisme en “slab-push” `a 40 km de profondeur [Gardi et al., 2006]. Cette sismicit´e atypique intrigue les scientifiques et un dense r´eseau de marqueurs GPS est install´e `a partir de 2004 par les ´equipes du LiA “Montessus de Ballore” (collaboration franco-chilienne) dans la r´egion (figure2.4). Les premi`eres vitesses intersismiques obtenues montrent que le couplage y est localement tr`es faible (50% selon Vigny et al. [2009]), et la baie de La Serena est alors identifi´ee comme une des zones de la marge chilienne o`u des ´episodes de glissements lents pourraient ˆetre d´etect´es. Il devient alors crucial d’y d´eterminer tr`es pr´ecis´ement les variations du couplage sur l’interface de subduction. Le r´eseau de campagnes auquel s’ajoute un r´eseau d’une dizaine de stations permanentes se densifie encore un peu plus (un marqueur tous les 25 km environ, figure 2.4). Dans le mˆeme temps, l’IPGP et l’universit´e de Caltech d´eveloppent un r´eseau assez dense de stations GPS permanentes dans le Grand Nord, particuli`erement d´evelopp´e `a la cˆote.

Alors que dans les ann´ees 90 le GPS ´etait surtout utilis´e pour comprendre la d´eformation andine, il est actuellement consid´er´e comme un des instruments cl´es pour comprendre le cy-cle sismique sur la subduction et les r´eseaux se sont principalement densifi´es dans la partie chilienne de l’orog`ene. Pourtant, en 2008 de nombreuses r´egions du Chili n’´etaient pas encore instrument´ees et les r´eseaux pr´eexistants ´etaient trop lˆaches pour d´eterminer pr´ecis´ement le couplage intersismique. Un des objectifs majeur de cette th`ese a ´et´e de d´evelopper les r´eseaux de campagnes chiliens dans les r´egions de La Serena et du Grand Nord, mais surtout dans la r´egion d’Atacama o`u tr`es peu de vitesses intersismiques ´etaient disponibles (figure2.4).

2.2.2 Le d´eveloppement des r´eseaux permanents

L’utilisation du GPS pour mesurer la d´eformation au Chili a longtemps pˆati de la mauvaise connaissance du mouvement relatif des plaques Nazca et Am´erique du Sud. En effet, peu de stations GPS permanentes ´etaient install´ees dans les ann´ees 90 sur la cˆote Ouest du continent et sur les cratons argentins et br´esiliens, et celles qui existaient ´etaient op´erationnelles depuis trop peu de temps pour ˆetre int´egr´ees dans les r´ef´erentiels publi´es par l’ITRF (International Terrestrial Reference Frame). Le d´eveloppement des r´eseaux nationaux RAMSAC (Argentine) et RBMC (Br´esil), ainsi que la mise en place de stations permanentes au Chili incluses dans l’IGS (p.ex. `a Santiago ou Copiap´o) ont permis de converger vers une estimation de la vitesse Nazca-Am´erique du Sud proche de 7 cm/an [p.ex. Angermann and Klotz,1999;Kendrick et al., 2003;Vigny et al.,2009].

Les stations GPS permanentes pr´esentes au Chili au d´ebut des ann´ees 2000 ´etaient con-centr´ees principalement dans les r´egions de Santiago et du Grand Nord (figure2.4) mais restaient peu nombreuses. Elles sont pourtant n´ecessaires pour d´etecter d’´eventuels glissements lents sur l’interface de subduction au cours de la phase intersismique (voir section 1.2). C’est pourquoi les ´equipes franco-chiliennes ont commenc´e l’installation d’un nouveau r´eseau de stations per-manentes dans les r´egions d’Ovalle-La Serena (`a partir de 2006) et du Grand Nord (`a partir de 2007). Les stations permanentes sont des installations coˆuteuses qui demandent un effort de maintenance r´egulier. En 2009, j’ai eu l’occasion de participer `a une mission de maintenance des stations continues du r´eseau du Grand Nord maintenu par l’Institut de Physique du Globe de Paris (figure2.9). Outre les contrˆoles de routine, l’objectif de cette mission ´etait de remplacer les

Figure2.5:Photographies de la station permanente PICC situ´ee dans l’´ecole ´el´ementaire de la ville de Pica dans le Grand Nord.

r´ecepteurs pr´eexistants (notamment des TOPCON-GB1000) par des r´ecepteurs Trimble Net-RS, de solidifier les installations et de connecter un maximum de stations au r´eseau Internet afin de pouvoir ´etablir une proc´edure simple d’archivage des donn´ees (figure2.5).

Les quelques stations permanentes maintenues par l’´equipe franco-chilienne dans la r´egion de Maule ont enregistr´e le s´eisme du 27 f´evrier 2010 `a haute fr´equence (1 Hz) et ont ainsi permis de pallier `a l’arrˆet ou la saturation des stations sismologiques locales [Vigny et al.,2011]. Depuis, un programme d’envergure a ´et´e initi´e par le gouvernement chilien pour installer des stations multiparam`etres pourvues d’un r´ecepteur GPS tous les 50 km, le long de la cˆote chilienne.