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LE GENRE DANS LES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE REPRODUCTION

PARTIE I. LE GENRE COMME OUTIL D’ANALYSE ANTHROPOLOGIQUE :

CHAPITRE 3. LE GENRE DANS LES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE REPRODUCTION

LE

GENRE

DANS

LES

NOUVELLES

TECHNOLOGIES

DE

REPRODUCTION

Après l’étude du genre dans l’organisation de la reproduction, il s’agit à présent de percevoir la place qu’il tient dans les nouvelles technologies de reproduction. Se place-t-il dans la même logique de contrainte à la reproduction à travers l’institution médicale, ou bien les nouvelles technologies de reproduction suivent-elles une autre logique que celle du système de genre ?

Les nouvelles technologies de reproduction (N.T.R.) sont des techniques médicales qui aident les couples infertiles à la reproduction. C’est au XIIIème siècle, en Écosse qu’a lieu la première insémination artificielle intraconjugale. Cette technique apparaît en France au XIXème siècle. C’est à la fin de ce siècle, aux États-Unis, qu’a eu lieu la première insémination artificielle avec don de spermatozoïdes de donneur. Les banques de sperme congelé apparaissent en 1968 aux États-Unis et en 1973 en France. En 1978 en Grande-Bretagne, Louise Brown est le premier bébé né par fécondation in vitro. En France le premier bébé né par FIV s’appelle Amandine et voit le jour en 1982. En 1984, naît Zoé en Australie, le premier bébé né à la suite d’un transfert d’embryon congelé. La technique de l’ICSI a été mise au point à Bruxelles en 1992 et a révolutionné la prise en charge de l’infertilité masculine. Cette même année, naît Audrey, le premier bébé français né par ICSI. L’assistance médicale à la procréation (AMP) est le nom donné aux interventions médicales visant à aider les couples infertiles dans leur projet parental et leur désir d’enfant. L’assistance médicale à la procréation était appelée avant Procréation médicalement assistée (PMA). Les principales techniques sont l’insémination artificielle avec sperme de conjoint (IAC) ou avec sperme de donneur (IAD), la fécondation in vitro (FIV), l’Intra Cytoplasmic Sperm Injection (ICSI). Un glossaire est mis à la disposition du lecteur page 355 pour des définitions approfondies. Au Sénégal les nouvelles technologies de reproduction se sont développées à partir de 1989, mais nous retracerons cet historique dans la troisième partie de cette thèse.

Dans ce chapitre il s’agit de comprendre quel est le but des nouvelles technologies de reproduction. Dans quelle logique se placent les médecins qui pratiquent l’assistance médicale à la procréation ? Sont-ils dans la logique du système de genre ou sont-ils dans des logiques plus personnelles n’allant pas dans les intérêts de ce système ? Des médecins ont étudié le corps des femmes en tant qu’il est un « corps reproducteur » (Tain, 2023a). Ils ont questionné de même la « nature féminine ». À partir du XVIIIème siècle, des médecins s’intéressent à l’accouchement, et développent par la suite des procédés permettant de modifier cette « nature » des femmes : pilule, avortement médicalisé et nouvelles technologies de reproduction. Les féministes, puis les chercheurs qui questionnent le genre, se sont penchés sur les intérêts de certains médecins pour le corps des femmes ainsi que sur leurs intérêts dans les nouvelles technologies de reproduction.

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I - LA MEDECINE ET LE CORPS DES FEMMES

A - L’histoire des représentations des corps masculins et féminins en

Occident

N. Oudshoorn (2000), en s’appuyant sur l’ouvrage de l’historien Thomas Laqueur, décrit le développement historique de la perception du corps féminin par rapport au corps masculin. Tout d’abord, des Grecs jusqu’au XVIIIème siècle, le corps masculin et féminin étaient vus comme similaires à la différence que les organes génitaux féminins étaient à l’intérieur du corps. Les femmes étaient cependant considérées comme la version diminuée du corps masculin. À partir du XVIIIème siècle, le discours biomédical a conceptualisé le corps féminin comme l’Autre, essentiellement différent du corps masculin. S’élabore alors un discours sur la différence où les corps féminins et masculins deviennent des corps opposés. Pour T. Laqueur c’est la découverte des organes reproducteurs au XVIIIème siècle qui a modifié la vision sur les sexes : « c’est au XVIIIe siècle que fut inventé le sexe tel que nous le connaissons. […] les organes de la reproduction devinrent le fondement d’une incommensurable différence […] » (Laqueur, 1992, P. 170). À la suite de ce déplacement, le corps féminin est devenu l’objet médical par excellence, soulignant le caractère sexuel unique de la femme. Au milieu du XIXème siècle, l’utérus devient le siège de la féminité, puis ce sont les ovaires. Enfin, au début du XXème siècle, l’« essence » de la féminité a été située non pas dans un organe, mais dans des substances chimiques, les hormones sexuelles et celles-ci deviennent les messagers chimiques de la féminité et de la masculinité.

La « nature » des femmes

À la fin des années 1970 et au début des années 1980, le corps a fait sa première apparition dans les écrits féministes (Oudshoorn, 2000). Celles-ci remettent en cause l’idée d’un corps naturel, comme dans la vision proposée par certains médecins qui voient la femme comme étant de « nature »67 plus faible que l’homme en raison des menaces que fait peser sur elle son rôle spécifique dans la reproduction (Knibiehler, 1987). La sociologue Laurence Gavarini (1986b) démontre la responsabilité des médecins dans ce discours sur la nature des femmes. Elle explique que les féministes ont relevé comment l’ordre médical avait pu contribuer à l’édification d’idéologies et de savoirs en établissant un continuum entre féminité et maternité ou encore entre sexualité féminine et reproduction. Ainsi les féministes ont pris le pouvoir médical comme cible au début du féminisme (Gavarini, 1986b). Cependant le lien entre le féminisme et la médecine est ambigu, comme en témoigne cet extrait :

Les technologies médicales et les dispositifs de soins sont généralement considérés comme des citadelles qu’il faut combattre ou comme des instruments dont il est impératif de s’emparer. La vision féministe des techniques est d’abord instrumentale et

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Nous avons déjà évoqué cette idée de la nature féminine dans les deux premiers chapitres. Les femmes sont perçues socialement comme liées à la nature et les hommes liés à la culture. Ce qui justifierait la domination des deuxièmes sur les premières.

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positive avant de proposer des approches plus critiques des sciences et des techniques qui s’insèrent dans les renouvellements plus généraux des études des sciences (Gardey, 2005, p. 135).

Pour l’historienne féministe Yvonne Knibiehler (1986), c’est pour sa fonction reproductrice que la femme intéresse les scientifiques médicaux. Avec M.-T. Coenen (2002), elles indiquent que le corps des femmes est le lieu où s’élabore la reproduction de l’espèce humaine et que c’est pour cette raison qu’il a éveillé très tôt l’intérêt de la médecine pour le soigner mais surtout pour le connaître et le comprendre. L’historien T. Laqueur précise que les chercheurs médicaux étudient seulement le corps des femmes, laissant de côté le corps masculin :

Je viens à de multiples occasions, dans ce livre, à un corps féminin problématique et instable, qui est soit une version du corps masculin généralement peu problématique et stable, soit un corps entièrement différent. Comme les chercheurs féministes l’ont démontré d’abondance, c’est toujours la sexualité de la femme qui est constituée ; la femme est la catégorie creuse. La femme seule semble posséder un « genre » puisque la catégorie elle-même se définit comme l’aspect des rapports sociaux fondé sur une différence entre les sexes, où l’homme a toujours été la norme. […] Probablement est-il impossible d’écrire une histoire du corps de l’homme et de ses plaisirs parce que les archives historiques ont été créées dans une tradition culturelle où cette histoire n’était pas nécessaire (Laqueur, 1992, p. 38-39).

Ainsi seul le corps des femmes est étudié à la différence du corps des hommes. Même au XXème siècle, les représentations scientifiques concernant la reproduction humaine restent centrées sur la femme, en dépit de la connaissance de l’impact du rôle masculin. La sociologue Laurence Tain (2003) indique que les parcours d’assistance médicale à la procréation poursuivent cette même logique en s’occupant du « corps reproducteur au féminin » (p. 181). Par le processus de la maternité, le corps des femmes est différent de celui des hommes et il intéresse plus spécialement les chercheurs médicaux.

B - Les avancées médicales en matière de reproduction

Les démographes E. La Rochebrochard et H. Léridon (2008) dressent un historique de la pratique de l’accouchement en Europe. Dans la société traditionnelle européenne, la femme en couches était assistée par la matrone du village. Au cours du XVIIIème siècle, les connaissances obstétricales se développent en Europe et les matrones sont remplacées par des jeunes femmes placées sous l’autorité du corps médical, les sages-femmes. Dans la seconde moitié du XVIIIème siècle, la présence de médecins, les « accoucheurs » apparaît en Europe et cette médicalisation de l’accouchement s’est poursuivie au XIXème et au XXème siècles. Ce processus de médicalisation de l’accouchement a eu pour objectif affiché la réduction de la mortalité maternelle et périnatale qui pesait lourdement sur la mortalité. Ainsi, selon eux : « Au-delà de l’accouchement, c’est l’ensemble de la grossesse qui est désormais médicalisée : les femmes effectuent en moyenne 8,9 visites médicales prénatales et 4,5 échographies durant leur grossesse […] » (p. 34). Y.

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Knibiehler (1987) considère que la mainmise des médecins sur la naissance et le petit enfant est une victoire du patriarcat et ce « patriarcat médical » dépouille le père d’une part plus en plus large de sa responsabilité.

En 1970, le Mouvement de Libération des Femmes fait de la libre disposition de son corps un de ses arguments premiers et s’engage dans la lutte pour une sexualité libérée de la procréation en militant pour le libre accès aux anticonceptionnels et la légalisation de l’avortement (Gardey, 2005). La « révolution procréative » a permis aux femmes de contrôler leur sexualité et de la distinguer de l’activité procréative (Bereni et al., 2008). La pilule fut la possibilité pour les femmes de choisir quand avoir des enfants. La sociologue Françoise Laborie (1986a) déclare que « la maternité pouvait désormais apparaître non comme un destin subi passivement mais comme un acte volontaire » (p. 22). La diffusion de ces techniques de maîtrise de la fécondité a considérablement réduit la crainte de grossesses imprévues, contribuant à modifier le rapport des femmes à la sexualité. Cette maîtrise de la fécondité a constitué un élément essentiel de la transformation du statut social des femmes (Bereni et al., 2008).

Pour Y. Knibiehler (1987), malgré l’avancée due à la contraception, le corps féminin est toujours sous l’emprise masculine : « […] la contraception et l’avortement, en se médicalisant, sont restés sous contrôle masculin, puisque les médecins sont encore en majorité des hommes, surtout les chefs de service » (p. 261). Selon l’historienne et sociologue Delphine Gardey (2005), la médicalisation de la contraception est un processus d’intervention sur le corps féminin et plus particulièrement sur le corps reproducteur. Le contraceptif est destiné aux femmes, et par ce fait, il y a là une assimilation de la reproduction humaine et du corps féminin. De même des difficultés persistent pour envisager le corps masculin comme corps sexué et reproducteur. La fertilité masculine est souvent exclue. On peut penser que certaines féministes reprochent « aux médecins », conçu comme classe essentiellement masculine, de maintenir un pouvoir sur les corps féminins en excluant constamment les expérimentations sur les corps masculins, non conçu comme des « corps reproducteurs ». Il est intéressant de constater le décalage entre le fait que la pilule, inventée par les médecins, et qui permet une grande autonomie pour les femmes, soit valorisée par les féministes, alors qu’elles perçoivent les médecins comme les représentants du système patriarcal.

Le maniement des hormones de synthèse a été amélioré, ce qui a permis la mise en place des traitements de stimulation de l’ovaire. Ainsi l’assistance médicale à la procréation a acquis ses principaux outils au contact de deux champs de recherche : le secteur de la zootechnie et le secteur de la contraception hormonale (Gavarini, 2001).

Le corps des femmes en tant que reproducteur intéresse les chercheurs médicaux. Cependant ces corps féminins sont perçus comme fragiles et instables parfois et la médecine tente d’en comprendre les mécanismes pour les rendre plus maîtrisables. Le rapport des féministes à la médecine et aux médecins est paradoxal. D’un côté la médecine et les scientifiques médicaux ont apporté aux femmes les moyens, notamment avec la pilule contraceptive, de décider de leur procréation, et de l’autre côté, celles-ci les accusent d’être dans une logique patriarcale d’appropriation du corps des femmes.

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II - QUE RECOUVRE LA NOTION DE STERILITE DANS L’AMP ?

A - La large définition de la stérilité

Pour la gynécologue Nicole Athéa (1990) la stérilité est un concept dont le sens varie en fonction des utilisateurs qui l’emploient. Elle définit la stérilité comme l’incapacité totale d’avoir un enfant et l’hypofertilité comme les chances plus ou moins diminuées de concevoir ou aussi comme une situation normale qui est pathologisée et médicalisée. Elle explique que le temps est fondamental dans la conception d’un enfant, de la même manière que l’est le délai d’attente dans la définition de la stérilité et dans l’évolution des chances de concevoir spontanément. Cependant dans les centres d’assistance médicale à la procréation, la majorité des couples pris en charge présentent une hypofertilité, voire une fertilité normale. Ainsi d’après elle, la demande d’enfant devient plus fréquemment une pathologie en soi et elle est devenue l’objet d’un activisme médical précoce et lourd. Elle explique aussi que, dans la même logique, le don d’ovocytes permet la réalisation de grossesses chez des femmes ménopausées. Cela contribue encore à l’élargissement de la notion de stérilité car « la prise en charge immédiate des femmes plus âgées montre que les techniques de reproduction artificielle constituent désormais un traitement de l’âge, et non de la stérilité » (p. 51). Pour la féministe H. Rouch (1991), l’élargissement de la notion de stérilité avantage les médecins car elle leur fournit une clientèle plus étendue.

La stérilité masculine

Dans le passé, seule la femme portait la responsabilité de la stérilité d’une union (Knibielher et Marand-Fouquet, 1981). L’impuissance du mari était la seule cause masculine admise de la stérilité d’un couple. L’historienne Y. Knibiehler (1987) affirme qu’avant les femmes recouraient à l’adultère pour remédier à la stérilité du mari et qu’à présent, les techniques médicales moralisent l’adultère par la technique de l’IAD68

qui dissimule la stérilité du « père ». L’IAD a été médicalisée pour des raisons sociales, mais pose encore un souci pour l’identité de l’homme : « l’insémination artificielle peut en effet perturber l’équilibre du couple hétérosexuel, en portant atteinte au pouvoir symbolique de l’homme » (Löwy, 2006, p. 157). Ces chercheuses dénoncent le fait que l’homme soit plus protégé que sa femme dans le traitement de l’infertilité par les nouvelles technologies de reproduction.

Ces techniques de traitement de l’infertilité masculine induisent un problème. La gynécologue N. Athéa (1990) explique que les médecins effacent la stérilité masculine pour se retourner vers la femme. Selon H. Rouch (1991), ce sont les femmes que l’on soigne pour les infertilités masculines : « […] les femmes, de par leurs particularités biologiques, paient de leur personne le « désir d’enfant du couple », au travers des interventions qu’elles subissent […] » (p. 253). Selon Y. Knibiehler (1987), la lutte contre la stérilité prend les femmes comme cible et « ménage l’intégrité physique et narcissique du candidat à la paternité » (p. 306). La stérilité

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masculine se transforme en un problème de couple. La philosophe des sciences Irma Van Der Ploeg (1999) démontre que la stérilité masculine est déniée : « Quel que soit le degré de sa stérilité […] un homme n’est jamais réellement stérile si toutes les conditions externes c’est-à-dire d’autres corps permettent à son corps de fonctionner » (p. 114). Ces chercheuses reprochent donc aux médecins des NRT de protéger les hommes et leur virilité et d’accabler les femmes et leurs corps. Cette analyse faite par les chercheuses concernant le déni de la stérilité masculine nous intéresse car nous verrons qu’au Sénégal, nous retrouvons ce même phénomène de déni et de non acceptation de l’infertilité masculine. Il s’agira de comprendre pourquoi l’infertilité masculine est plus difficile à reconnaître que l’infertilité féminine et comment les femmes, de ce fait, portent à elles seules le fardeau de l’infertilité qui pèse sur le couple.

La « stérilité de couple »

Les praticiens ont instauré le concept de « stérilité de couple ». F. Laborie (1986b) explique qu’après avoir perçu l’infertilité comme étant d’origine féminine, les médecins sont passés à une stérilité de couple en oubliant systématiquement la stérilité masculine. Dans l’entre-deux-guerres, des tests, visant à vérifier la qualité des spermatozoïdes, furent progressivement intégrés dans les consultations pour stérilité, cependant les médecins éprouvaient toujours d’énormes difficultés pour annoncer la stérilité à un homme (Löwy et Marry, 2007). Actuellement, il existe des différences de parcours dans l’assistance médicale à la procréation pour les hommes et pour les femmes : « […] combien d’examens gynécologiques les femmes doivent-elles subir dès que l’on parle de « stérilité » ; en revanche, l’examen clinique des hommes est une pratique bien peu répandue » (Athéa, 1990, p. 54).

Avec la technique de l’ICSI69

, les hommes infertiles peuvent avoir des enfants biologiques. Ainsi cette technique a mis fin à la grande majorité des infertilités masculines (Löwy et Marry, 2007). Cependant cette technique implique la médicalisation intensive sur une personne saine pour traiter la défaillance physiologique d’une autre personne. Selon I. Löwy et C. Marry : « La solution fût de créer un patient bicéphale – le couple infertile – puis de traiter la partie femelle de ce patient composite pour la défaillance du facteur masculin » (Löwy et Marry, 2007, p. 305). N. Athéa (1990) questionne l’éthique médicale qui privilégie la fécondité d’un couple sur la santé d’une femme. Les féministes reprochent aux médecins de tout mettre en place pour le confort des hommes, malgré les risques encourus pour la santé des femmes. Ainsi on se questionne sur le malaise des médecins face à la stérilité masculine et à la difficulté d’intégrer plus les hommes dans les parcours d’assistance médicale à la procréation. Les chercheuses reprochent aux médecins d’avoir inventé ce concept de stérilité de couple pour cacher la stérilité de l’homme.

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B - La stérilité est-elle une maladie ?

En Europe, l’infertilité n’est plus un pêché ou un ensorcellement comme dans les représentations du passé, mais elle est devenue un problème ayant une solution technique (Tain, 1999). Souvent la stérilité est renvoyée au champ de la maladie. Ainsi pour H. Rouch (1991) : « […] si la présence d’un enfant est signe de santé pour un couple, l’absence d’enfant devient, si l’on n’y prend pas garde, « anormale » » (p. 245). Pour la sociologue L. Gavarini (1989), la stérilité est un rapport social à la procréation. Elle explique que c’est une construction sociale et psychique, « avant d’être une fatalité biologique, une maladie ou un état » (p. 133). Elle précise qu’en France peu de médecins ont étudié les causes de la stérilité ou se sont penchés sur la signification symbolique du non-enfantement. Ainsi pour elle : « c’est donc le mode de réponse et de gestion de la « maladie » par la médecine, l’objectivation de ces fameuses « difficultés » qui créent la maladie elle-même » (1989, p. 137). Cette question est vraiment fondamentale car en effet on comprend que la stérilité est traitée comme n’importe quelle autre maladie, alors qu’elle est justement différente des autres maladies (bien que pouvant être la conséquence d’une maladie). D’habitude les patients viennent pour se faire soigner, alors que dans le cas de l’AMP, les patients viennent pour demander un enfant. Dans ce cas, le mal à soigner peut être identifié comme l’absence d’enfant ou le manque d’un enfant. Si la stérilité n’est pas une maladie, alors qu’est-elle au juste ? C’est ce à quoi nous tenterons de répondre dans la deuxième partie concernant l’infertilité au Sénégal.

Déni de la stérilité et conception acharnée

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