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PARTIE I. LE GENRE COMME OUTIL D’ANALYSE ANTHROPOLOGIQUE :

CHAPITRE 1. DE L’ANTHROPOLOGIE AU GENRE

DE

L’ANTHROPOLOGIE

AU

GENRE

Cette partie présente le genre comme concept structurant pour cette recherche. Dans ce travail de doctorat, nous sommes passée d’une littérature anthropologique à une littérature sur le genre. Le genre a complété des réflexions anthropologiques et est devenu un outil d’analyse pour l’anthropologie et pour notre sujet.

Il s’agit de montrer ici le rôle tenu par le genre dans l’organisation de la reproduction et par la suite dans les nouvelles technologies de reproduction. Nous comprenons que le genre est directement impliqué dans ces organisations, voire qu’il les régit. Ainsi nous dévoilons la politique du genre à l’œuvre dans la reproduction, mais aussi par là-même, dans la hiérarchie de sexe et dans les sexualités.

L’anthropologie a toujours questionné les dominations comme par exemple celle entre les dominants et les dominés (Balandier, 1967 ; Godelier, 1982/1996a), entre les aînés et les cadets en Afrique subsaharienne (Abélès et Collard, 1985 ; Meillassoux, 1964), entre peuples autochtones et peuples conquérants (Izard, 1985, 1992) entre les colons et les colonisés (Meillassoux, 1975/2005 ; Rey, 1973 ; Terray, 1969). Cependant, elle a mis du temps à percevoir la nécessité de questionner la hiérarchie entre les sexes, la jugeant d’abord comme une donnée naturelle. Les premiers anthropologues étaient surtout des hommes et ils n’étaient pas détachés d’une certaine perception des rôles sexués propre à leur époque et à leur sexe. Par la suite, les études de parenté commencèrent à percevoir les structures sous-jacentes à la parenté, ainsi que les logiques sociales qui l’organisaient. L’anthropologie économique comprit l’importance de la division des sexes et la domination des hommes sur les femmes. Ces études révélèrent que les femmes productrices étaient dépossédées de leur travail de production et de reproduction. Puis vinrent les anthropologues féministes qui interrogèrent aussi les femmes dans les enquêtes ethnographiques et questionnèrent la hiérarchie entre les sexes, autrement qu’en tant que donnée naturelle.

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I - L’ANTHROPOLOGIE ET LA REPRODUCTION

A - Les débuts de l’anthropologie : l’oubli de la question des sexes

Pendant longtemps l’anthropologie et la sociologie ont négligé les rapports de domination entre les sexes prétextant que la soumission des femmes aux hommes était due à leur « nature »52 plus fragile. Ainsi dans l’imaginaire collectif, et même dans celui des chercheurs les plus renommés, comme les sociologues A. Comte et E. Durkheim, les femmes sont des êtres faibles et les hommes, qui sont plus forts et plus rationnels, doivent les protéger (Chabaud-Rychter, Descoutures, Devreux et Varikas, 2010). Ainsi la supériorité des hommes par rapport aux femmes serait justifiée, et donc ne serait pas à expliquer.

Certains anthropologues ont cependant noté la nécessité de comprendre ce qui se cachait sous la prétendue complémentarité des rôles sexuels et sous la naturalité souvent restée indiscutée des rapports de domination entre les hommes et les femmes. L’anthropologue féministe Paola Tabet (1998) explique que la reproduction et la fécondité féminine ont souvent été invoquées en ethnologie pour expliquer ou justifier l’état de subordination des femmes et les inégalités entre les sexes. Ainsi la position subordonnée des femmes serait due à des contraintes biologiques et naturelles et donc à leur « rôle » dans la procréation. Elle accuse la pensée ethnographique de renvoyer la reproduction à la nature. Cet argument a justement permis le développement de la domination masculine et car il voile le caractère historique et social des rapports de reproduction. Pour une autre anthropologue féministe, Nicole-Claude Mathieu (1985a), l’anthropologie a souvent privilégié l’étude des hommes au détriment des femmes. Selon elle, « […] en anthropologie comme dans les autres disciplines, nombres de travaux, tant américains qu’européens, se sont appliqués à identifier le « biais mâle » dans la pensée scientifique commune » (p. 6). Ainsi les femmes n’étaient pas jugées par les ethnologues comme étant dignes d’intérêts car leurs activités étaient essentiellement des activités domestiques et de soins aux enfants et n’étaient donc pas perçues comme des activités dites « nobles ». D’après elle, les femmes ne sont pas souvent perçues en tant qu’actrices sociales :

Pendant longtemps, une grande part de la pensée ethnographique – bien qu’ayant parfois décrit « l’inégalité » entre hommes et femmes – avait laissé tomber les femmes à la périphérie des explications des systèmes sociaux, estimant que l’étude des relations entre hommes présentait suffisamment le cœur des sociétés. Il n’y avait pas, à la limite, constitution des femmes en acteurs sociaux, et ceci a été critiqué notamment par les ethnologues féministes (Mathieu, 1985b, p. 234).

Les anthropologues ont étudié le statut des femmes (Radcliffe-Brown et Forde, 1950/1953 ; Evans Pritchard, 1960/1973), mais ne l’ont pas fait en questionnant la relation de domination entre

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Nous verrons tout au long de la partie I, que cette idée de « nature féminine » est profondément ancrée dans les mentalités et notamment les mentalités masculines. Ainsi les chercheurs et les médecins, par exemple, se sont longtemps appuyés sur cette nature féminine pour justifier l’état de subordination des femmes aux hommes.

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les sexes. Cependant il semblerait que la cause de cet oubli ne soit pas exclusivement due au sexe du chercheur comme nous l’avons supposé précédemment, mais soit due aussi à une incorporation inconsciente d’une idéologie dominante. L’anthropologue Didier Fassin nous en donne cette explication :

[…] les thèses de l’égalitarisme primitif et toutes les théories qui idéalisent le lien social traditionnel ne peuvent être avancées qu’au prix d’un coup de force anthropologique par lequel est niée l’existence des disparités entre les sexes et des violences dont font l’objet les femmes dans les sociétés traditionnelles. On peut s’étonner que des réalités si massivement présentes passent inaperçues aux yeux des ethnologues. Il s’agit certes généralement d’hommes, mais comme le remarque Françoise Héritier (1989), la comparaison statistique des résultats de travaux ethnographiques ne fait pas apparaître de différence significative dans les descriptions du statut des femmes, en fonction du sexe du chercheur. C’est en réalité plus globalement l’incapacité à discerner ce que l’on n’est pas préparé à reconnaître qui est en cause […]. Ce biais peut conduire l’observateur à reproduire dans ses écrits non seulement l’idéologie dominante de la société qu’il étudie, lorsqu’il reprend sans les critiquer les discours d’autojustification des hommes, mais plus encore celles du monde d’où il vient (Fassin, 1996, p. 71-72).

Selon F. Héritier (1996), les femmes ethnologues se sont elles aussi penchées principalement sur l’étude des hommes dans les sociétés qu’elles étudiaient car leurs expériences étaient jugées plus intéressantes et leur univers plus facile d’accès. Les femmes ethnologues ont tout de même joué par la suite un rôle important dans l’identification de cette domination sur les femmes, ainsi que dans la réhabilitation de celles-ci comme actrices sociales en relevant leur importance sous-estimée notamment dans la production, dans les rituels, dans les décisions matrimoniales et dans les stratégies d’alliance (Paulme, 1960 ; Le Cour Grandmaison, 1972 ; Mathieu, 1985a ; Vincent, 2001). À ce sujet, D. Paulme (1960) explique :

Loin des préjugés habituels concernant le statut inférieur des femmes en milieu traditionnel africain, chaque essai présente la femme dans sa vie quotidienne, avec les problèmes qui sont les siens. Approche nouvelle, si l’on songe que l’enquête ethnographique étant presque toujours menée à l’aide et auprès des seuls éléments masculins de la population, l’image qui en résulte se trouve être, dans une très large mesure, celle que les hommes, et eux seuls, se font de leur société (p. 9).

Ainsi l’étude des femmes, en tant qu’actrices sociales, est largement absente au début des études anthropologiques. Elle s’est développée progressivement laissant, par là-même, apparaître leur état de subordination aux hommes.

B - L’anthropologie culturelle

Marcel Mauss fut l’un des premiers anthropologues à signaler le fait que la socio- anthropologie négligeait de mentionner les femmes dans ses études. Suite au constat d’une division par sexes dans les sociétés, il a réclamé de faire la sociologie des femmes :

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La division par sexes est une division fondamentale, qui a grevé de poids toutes les sociétés à un degré que nous ne soupçonnons pas. Notre sociologie, sur ce point, est très inférieure à ce qu’elle devrait être. On peut dire à nos étudiants, surtout à celles et ceux qui pourraient faire des observations sur le terrain, que nous n’avons fait que la sociologie des hommes et non pas la sociologie des femmes, ou des deux sexes (Mauss, 1968, cité par Handman, 2010, p. 56).

Les études de terrain faites par ses étudiants lui ont appris que dans les sociétés lignagères, la distinction entre le masculin et le féminin est très importante et couvre tous les aspects de la vie quotidienne. Ainsi M. Mauss comprit que la différence entre les deux sexes provenait plus d’une éducation différenciée que d’un fait de nature (Handman, 2010). Il introduisit la notion de « division par sexes », ainsi dans cette vision, le sexe devenait un critère pour diviser quelque chose qui ne l’était pas et permettre une différenciation entre les humains (Théry, 2003). Il affirma que la division par sexes était une division fondamentale et qu’il n’y avait pas d’exception sexuelle à l’institution sociale. Selon I. Théry (2003), M. Mauss a voulu accentuer par cette division par sexe le fait que le sexe n’est pas l’objet de la division, mais son moyen. Malgré cette avancée considérable pour les recherches en sciences humaines et sociales, M. Mauss n’a théorisé ni sur la domination masculine, ni sur les rapports sociaux de sexe (Handman, 2010).

Margaret Mead (1948/1966) s’appuya, quant à elle, sur la notion de « rôles sexuels » à partir de ses études de terrain réalisées en Océanie. Pour M. Mead, la plupart des sociétés partagent l’univers des traits de caractère en deux : une moitié aux hommes et l’autre aux femmes. Selon elle, les enfants font l’apprentissage de leur sexe et adaptent leurs attitudes en fonction de la conscience qu’ils ont de ce sexe masculin ou féminin : « les rapports entre les hommes et les femmes d’une part, parents et enfants de l’autre, constituent le nœud des relations humaines. Le sceau qui les marque est transmis dès le sein maternel à l’enfant […] » (Mead, 1948/1966, p. 22). M. Mead questionna l’origine de la différence entre les sexes. Elle posa la question de savoir si c’était un fait de nature ou une structure qui organisait les sexes. Ainsi elle s’interrogea :

Ces différences (masculin/féminin) sont-elles réelles, et devons-nous en tenir compte ? Parce que l’humanité a toujours, dans toutes sociétés, édifié une vaste superstructure de distinctions sociales entre les sexes, - distinctions auxquelles leurs modalités contradictoires interdisent manifestement une validité universelle - faut-il donc nécessairement qu’existent de telles structures ? Nous nous trouvons là devant deux questions distinctes : s’agit-il d’un impératif dont nous n’osons pas faire fi parce qu’il est si profondément enraciné dans notre nature de mammifères que sa transgression causerait une maladie individuelle et sociale ? Ou d’un impératif moins profondément enraciné, mais qui s’avère socialement si commode et si bien rodé qu’il serait inutilement coûteux d’y renoncer […]. Il reste enfin une troisième possibilité : les différences entre les sexes ne sont-elles pas extrêmement précieuses, ne constituent- elles pas l’une des ressources de la nature humaine dont toutes les sociétés ont su profiter mais qu’aucune d’entre elles n’a encore commencé à exploiter à fond ? (Mead, 1948/1966, p. 16-17).

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Cet extrait de M. Mead marque certainement un premier pas dans les études ethnographiques vers une rupture de la naturalité des rôles sexuels ; en tout cas M. Mead a questionné ces différences de comportements, ce qui est un fait nouveau. La sociologue féministe C. Delphy (2008b) analyse cependant les limites du questionnement de M. Mead car selon elle, celle-ci ne porte pas tant son analyse sur les « rôles de sexe » que sur les « tempéraments » féminin et masculin, laissant de côté la division sexuelle du travail, les différences de statut entre hommes et femmes et la hiérarchie entre les sexes. Ainsi, les études de M. Mead selon C. Delphy restent incomplètes dans le sens où elles ne questionnent pas la hiérarchie, mais seulement la distinction entre les sexes.

C - L’anthropologie structurale

En 1949, Claude Lévi-Strauss, dans une pensée structuraliste, étudia les systèmes de parenté dans lesquels il existe une règle d’alliance préférentielle. Pour lui, la prohibition de l’inceste et l’exogamie instituent une circulation des femmes qui obéit au « principe de réciprocité » entre les lignages (Géraud, Leservoisier et Pottier, 2000). Il présenta le phénomène de l’échange des femmes. Les sociétés échangent des objets de valeurs, des idées et même des femmes à des fins d’alliances stratégiques. Ces alliances permettent aux communautés de se regrouper notamment lors de guerres contre des sociétés inconnues et étrangères. Bien qu’il ait théorisé sur cet échange des femmes, C. Lévi-Strauss n’a pas interrogé la hiérarchie entre les sexes sous-jacente à cet échange. Ce que fit par la suite sa successeuse Françoise Héritier. Ainsi c’est dans la continuité de cette pensée structuraliste et pour pallier ce manque dans l’analyse de C. Lévi-Strauss que Françoise Héritier analyse les représentations du masculin et du féminin. Selon elle, toute pensée et toute socialité humaine partent du corps, et plus précisément du corps reproducteur mâle ou femelle où vient s’ancrer l’opposition qu’elle considère comme fondatrice de toute pensée : celle de l’identique et du différent. Pour F. Héritier, la pensée symbolique s’est fondée sur la différence des sexes. En effet, si l’on suit le raisonnement d’Héritier :

Support majeur des systèmes idéologiques, le rapport identique/différent est à la base des systèmes qui opposent deux à deux des valeurs abstraites ou concrètes (chaud/froid, sec/humide, haut/bas, inférieur/supérieur, clair/sombre, etc.), valeurs contrastées que l’on retrouve dans les grilles de classement du masculin et du féminin (Héritier, 1996, p. 20).

Pour F. Héritier, le corps humain renvoie à la différence sexuée et au rôle différent des sexes dans la reproduction. Cette opposition conceptuelle de la différence est, selon elle, au fondement de la pensée scientifique et de tous les systèmes de représentation. F. Héritier (1996) invoque un domaine masculin construit à partir du domaine spécifiquement féminin, celui de la reproduction biologique. Elle propose le concept de « valence différentielle des sexes » pour signifier l’universalité de la dominance du principe masculin sur le principe féminin. Selon elle, cette valence différentielle des sexes exprime « un rapport conceptuel orienté, sinon toujours hiérarchique, entre le masculin et le féminin, traduisible en termes de poids, de temporalité (antérieur/postérieur), de valeur » (Héritier, 1996, p. 24). Cette valence différentielle des sexes est

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universelle car elle est l’expression de la volonté de contrôle de la reproduction de la part des hommes et vient du fait que : « Les hommes des origines se sont trouvés confrontés à un mystère déconcertant, lui aussi permanent et non maniable, comme en témoignent certains mythes : le privilège exorbitant qu’ont les femmes d’enfanter les deux sexes » (Héritier, 2003, p. 35). Ainsi F. Héritier, à la différence de C. Lévi-Strauss, a analysé la hiérarchie entre les sexes. Elle met au jour l’une des raisons sociales de la subordination des femmes : la volonté des hommes de contrôler la mise au monde des enfants.

D - L’anthropologie économique

Dans le cadre de l’anthropologie économique, Maurice Godelier, notamment dans son étude sur les Baruya (1982/1996a), a apporté un éclairage sur la question des rapports sociaux de sexe, ainsi que sur la hiérarchie des sexes. Dans une partie de cet ouvrage il explique la nature des rapports entre les hommes et les femmes baruya. Chez les Baruya, les femmes ne sont pas propriétaires des principaux moyens de production, de destruction et de gouvernement et cet état de fait est justifié dans la pensée baruya comme étant la conséquence d’une expropriation fondamentale dans laquelle les hommes ont dépossédé les femmes de leur pouvoir créateur. M. Godelier explique que les hommes appuient leur supériorité sur les femmes car ils sont détenteurs d’un double pouvoir : celui des hommes (le sperme, la puissance, la force) et celui des femmes qu’ils leur ont pris (leur créativité originelle). Il précise que la flèche est le symbole du pouvoir guerrier des hommes et de leur pouvoir de mort et de destruction. Alors que le pouvoir initialement féminin, de faire naître et de faire croître les enfants, est symbolisé par les flûtes. La flûte représente le sexe des femmes purifié des dangers de mort qu’il recèle pour les hommes et pour la société. La flûte est le pouvoir créateur et procréateur des femmes devenu positif grâce au fait que les hommes les en aient dépossédé ; il est le pouvoir de vie des femmes séparé de leur pouvoir de mort.

Les Baruya affirment qu’il est nécessaire et légitime de séparer les procréateurs de leurs capacités de procréation et de leur produit que sont les enfants et avant tout les enfants mâles. Il révèle que chez les Baruya les femmes sont un jour séparées de leur garçons que les hommes viennent rechercher pour les re-procréer en les transformant en hommes. M. Godelier précise que chez les Baruya, le sperme a le pouvoir de faire re-naître les garçons hors du ventre de leur mère, loin du monde féminin. Quand les jeunes initiés pénètrent dans la maison des hommes, ils sont nourris du sperme de leurs aînés. Cette ingestion sera répétée pendant de nombreuses années dans le but de renforcer la force et la puissance des hommes et de les rendre aptes à dominer les femmes. C’est parce que ces pouvoirs féminins sont devenus une part supplémentaire de la substance masculine qu’ils sont devenus positifs et sont entrés au service de l’ordre social et cosmique.

Cette description faite par M. Godelier indique bien l’opposition de deux mondes, le monde masculin et féminin et surtout l’opposition de deux pouvoirs, le pouvoir féminin de vie et le

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pouvoir masculin de mort et de destruction (symbolisé par la chasse et la guerre)53. Cependant les femmes deviennent dangereuses à partir du moment où elles s’emparent du pouvoir masculin de mort comme par exemple en tuant leurs enfants (avortement, infanticide) 54. Ainsi, pour déjouer ce double pouvoir de vie et de mort des femmes, les hommes les ont soumises à des règles sociales faites d’interdits et d’obligations. Ils ont ainsi pu garder le contrôle sur les femmes et leurs corps reproducteurs, ainsi que sur leurs produits, les enfants55. Dans un autre ouvrage et dans la même logique que celle développée par F. Héritier, M. Godelier appuie l’idée que le fait que les femmes soient celles qui mettent au monde les enfants est à l’origine des conflits qui opposent les deux sexes :

Bien entendu, le fait que les hommes, quelle que soient les représentations de leur rôle dans la fabrication des enfants, ne les font pas dans leur ventre et ne les mettent pas au monde a pour conséquence que ceux-ci sont un enjeu des rapports de pouvoir et de force entre les sexes. Ils sont l’un des motifs, sinon le plus important, de la volonté des hommes de contrôler le corps et la sexualité des femmes et, à travers leur corps, de contrôler (et même s’approprier) les enfants qu’elles mettent au monde (Godelier, 2004, p. 490).

Dans un autre contexte, Claude Meillassoux (1975/2005) étudie le statut des femmes dans les sociétés domestiques d’Afrique subsaharienne basées sur l’agriculture et le pouvoir des aînés. Dans ces sociétés, C. Meillassoux démontre que les femmes sont soumises, dans la production, aux

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