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Partie 2. Les règlementations en matière de gestion des conflits d’intérêts développées par les agences fédérales EPA et FDA

2.1 Les comités d’expertise de la FDA : les « advisory committees »

2.1.1 Le fonctionnement des comités d’experts de la FDA

Les premiers comités d’experts datent comme nous l’avons mentionné des années 1960, lorsque la FDA a élargi sa mission à l’évaluation de l’efficacité et de la sûreté des produits médicamenteux. Entre 1966 et 1969, la FDA a lancé une grande étude intitulée « Drug efficiency study », afin d’évaluer l’efficacité des médicaments mis sur le marché entre 1938 et 1962, tel que l’exigeait les amendements de la loi de 1962175. Au lieu

d’établir ses propres panels, la FDA a sous-traité cette mission à la National Academy of

Science – National Research Council (NAS-NRC). Ainsi, l’agence n’avait pas sélectionné

elle-même les membres des comités d’expertise (et durant un temps, les noms des membres des comités n’étaient pas divulgués) et les réunions des comités avaient lieu en privé, sans annoncer la date et le lieu176. Comme nous l’avons vu, les conflits

d’intérêts n’étaient pas, eux non plus, divulgués de façon officielle et formelle.

Dans les premières années de la mise en place des comités d’experts, avant qu’il n’y ait des lois encadrant leur fonctionnement et exigeant leur transparence, les vives critiques sur les sessions closes des comités d’expertise de la FDA ne sont pas venues de la société

173 Elizabeth R. Glode note néanmoins que les comités d’experts proposent des recommandations tandis

que les agents officiels de l’agence prennent les décisions finales. Elizabeth R. Glode, “Advising under the influence”, 2002, Ibid., p. 295.

174http://www.fda.gov/oc/advisory/conflictofinterest/policies.html, consulté le 25 septembre 2015.

175 Institute of Medecine, Food and Drug Administration Advisory Committees, Washington DC, National

Academy Press, 1992, Ibid., p. 49.

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civile ou du monde académique mais, plus curieusement, de l’industrie. En effet, les entreprises pharmaceutiques n’étaient pas satisfaites de voir de nombreux refus de mise sur le marché de leur produits à la suite des réunions « secrètes » des comités d’expertise. Leurs représentants estimaient que les membres des comités d’experts n’avaient pas le temps nécessaire d’évaluer leurs produits et que certains d’entre eux n’avaient pas les compétences adéquates pour l’ensemble des médicaments à évaluer177.

En 1972, la FDA s’est mieux préparée pour évaluer l’efficacité des médicaments qui ont été mis sur le marché avant les amendements de la loi de 1962. Cette fois-ci, l’agence ne sous-traitait plus une expertise à l’extérieur (NAS-NRC), mais organisait elle-même ses comités d’expertise. Comme l’affirme Elizabeth Glode, c’est à ce moment-là que la FDA a mis les bases de ses comités d’expertise et du cadre général qui accompagne leur fonctionnement jusqu’à aujourd’hui. Les dix-sept comités crées en 1972 se composaient chacun de sept membres votants (médecins universitaires, pharmacologues, toxicologues…), un membre des consommateurs non votant et un représentant de l’industrie non votant178. En permettant à ces représentants non académiques de faire

partie des comités, la FDA espérait élargir le champ des points de vue sollicités (davantage que dans les sessions fermées du NAS-NRC précédemment) et éviter par ailleurs les critiques des consommateurs et de l’industrie sur le processus d’évaluation des médicaments179.

En plus de la grande loi sur les comités d’experts, le FACA, un autre évènement va avoir un impact sur l’organisation de l’expertise extérieure au sein de la FDA en 1972. Il s’agit du transfert de la Division des Standards Biologiques (DSB) des Instituts nationaux de

177 Elizabeth R. Glode, “Advising under the influence”, 2002, Ibid., p. 296.

178 Institute of Medecine, Food and Drug Administration Advisory Committees, Washington DC, National

Academy Press, 1992. Ibid. p. 53. Les représentants des consommateurs sont aujourd’hui des membres votants (voir infra).

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santé (« NIH – National Institutes of Health ») dans le champ d’action de la FDA. Ce transfert a été lié aux soupçons de conflits d’intérêts qui planaient sur les NIH du fait du double rôle de production et évaluation de la sécurité et l’efficacité des vaccins180. En

effet, comme l’explique Elizabeth R. Glode dans son article sur les comités d’expertise de la FDA, ce double rôle présentait des conflits d’intérêts financiers et intellectuels, car les scientifiques de la DSB évaluaient les vaccins mis au point par ses membres ou des collègues ou des laboratoires partenaires. A la suite de nombreuses critiques, un comité du Sénat a étudié en 1971 les multiples allégations de mauvaise gestion de la DBS et durant une des auditions, le Secrétaire d’Etat à la santé de l’époque a annoncé le transfert de cette division à la FDA. Cette décision a rencontré quelques résistances, la FDA exigeant des ressources supplémentaires et le Sénat doutant des capacités de cette dernière à réglementer les produits biologiques. Une fois transférée, cette division fut renommée le Bureau des produits biologiques et ensuite le Centre pour l’évaluation et la recherche des produits biologiques (CDER) et on lui créa des comités d’experts similaires à ceux que la FDA possédait déjà181.

Durant les années 1970, la FDA a petit à petit mis en place des comités d’expertise permanents afin d’évaluer les nouveaux médicaments. L’agence a trouvé qu’elle avait de meilleurs résultats lorsque les comités avaient un agenda fixe et étaient forcés de prendre une décision finale par vote182. Dans certains comités, comme ceux du CBER et

du CDER, les représentants des consommateurs ont acquis le droit de voter, tout en devant justifier des connaissances techniques et scientifiques pour participer aux

180 Ibid. 181 Ibid., p. 297.

182 Institute of Medecine, Food and Drug Administration Advisory Committees, Washington DC, National

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débats183. Les représentants des consommateurs et de l’industrie ont également un rôle

de consultants auprès des comités lorsqu’ils participent en tant que membres sans droit de vote.

Aujourd’hui, l’article 21 du Code of Federal Regulations (21 C.F.R.) §14.84 régit le statut des membres non votants des comités d’experts. Il mentionne les critères pour leur nomination et leur sélection184. Selon l’article 21 CFR §14.84(b), seulement un

représentant des consommateurs et un représentant de l’industrie peuvent siéger en tant que membres non votants dans un comité. Le paragraphe indique également qu’étant donné que les membres non votants représentent simplement des intérêts extérieurs et ne peuvent participer dans le processus de décision du comité d’expertise, ils ne sont pas tenus de respecter les dispositions juridiques de l’article 18 USC §208(a) sur les conflits d’intérêts, telles qu’elles s’appliquent aux membres votants. Par conséquent, les membres non votants sont exemptés à travers l’article 18 USC §208(b) étant donné que leurs intérêts financiers sont trop éloignés et sans conséquence pour les services que l’agence attend d’eux (18 USC §208(c)). L’article 21 CFR §14.86 mentionne les droits et les responsabilités des membres non votants des comités d’expertise. Ces membres ne doivent pas agir pour le compte d’une organisation ou d’une entreprise en particulier, mais doivent représenter « toutes les personnes intéressées au sein du groupe » (21 CFR §14.86(c)(1)). Les membres non votants doivent être des éléments « de liaison » entre l’industrie ou les consommateurs et le

183 Ibid., p. 124. Il convient de noter que dans les années 1970, des représentants des consommateurs non-

votants siégeaient dans les comités d’expertise sur les médicaments à la FDA (« drug advisory

committees »), et il n’y avait aucun représentant de l’industrie. Ces représentants « non-experts » n’étaient

souvent pas associés aux délibérations. Par la suite, le Bureau des Médicaments de la FDA a changé de politique et a cherché des représentants des consommateurs qualifiés et compétents pour siéger en tant que membres votants au sein des comités sur les médicaments et sur les produits biologiques. Voir également: Institute of Medecine, Food and Drug Administration Advisory Committees, Washington DC, National Academy Press, 1992, Ibid., 5, “Committee Membership”.

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comité, en fournissant des informations à la sollicitation du comité et en tenant informé le groupe des actions de ce dernier (21 CFR §14.86(c)(3))185. Par ailleurs, ces membres

ne doivent pas « s’engager dans des plaidoyers inconvenants ou chercher à exercer une influence indue sur les autres membres du comité » (21 CFR §14.86(c)(6)186.