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Le festival des fantômes de Keelung Zhongyuanjie comme objet

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 24-29)

Chapitre 1. Transmission

1.1 Le festival des fantômes de Keelung Zhongyuanjie comme objet

Le festival des fantômes de Keelung Zhongyuanjie, croyons-nous, est un objet d'appartenance ethnique, historique, religieuse, politique, esthétique, de communication, etc., ainsi qu'un objet médiologique. Les idées ne voyagent pas toutes seules et les acteurs, ces clans patronymiques, donnent à voir les mécanismes de la transformation. Cette idée se retrouve dans les Cahiers de médiologie: Il s’agit d’abord de faire corps: ordres religieux, confréries, associations,ONG… permettent de recruter ceux qui partent, de les financer, de les protéger, d’en surveiller l’orthodoxie et, en cas de malheur, d’en conserver la mémoire11. Il faut aussi faire croire: c’est par l’écrit et l’image, la parole et le corps, que s’exposent les croyances et que l’on gagne les esprits.

Les fantômes, les esprits font depuis longtemps l'objet de spéculations car jusqu'à aujourd'hui, nous ne pouvons toujours pas expliquer ces phénomènes de manière scientifique.

C'est précisément pour cette raison que la recherche sur “le festival des fantômes de Keelung Zhongyuanjie” mérite une exploration plus approfondie dans une perspective plus diversifiée.

Au delà des fantômes et des esprits, le festival des fantômes de Keelung Zhongyuanjie se donne pour tâche d’explorer les voies et les moyens de l’efficacité symbolique. La présentation des activités et des objets (objets de culte, images etc.) du festival des fantômes

11 Bertho Lavenir Catherine, « Missions : les laboratoires de la conversion », dans Les Cahiers de médiologie : Une anthologie, revue dirigée par Debray Régis, CNRS, Paris, 2009, p500.

de Keelung Zhongyuanjie cache de nombreux indices qui évoquent les mutations du contexte culturel à Taïwan et de l’identité taïwanaise.

La fête (au début, le festival des fantômes de Keelung Zhongyuanjie était plutôt appelé

“fête”en raison de sa simple fonction de religion; elle est devenue ensuite un “festival” après avoir intégré des fonctions multiples. Nous allons l’expliquer dans le chapitre 4. C’est aussi un genre de source historique. Elle l’est lorsqu’elle se présente sous diverses formes tels que des écrits, des cérémonies etc., par exemple dans un coutumier ou dans un texte quelconque, tels un jugement, un registre, une enquête, voire une cérémonie, une chronique, exprimant occasionnellement une règle coutumière. Mais même non écrite et transmise oralement (par bouche à oreille), la coutume est une source historique antique; par exemple, sur la base des albums souvenirs des clans patronymiques rédigés à une époque donnée, à partir du moment où il se sont installés à Taïwan. Cela peut aussi être une histoire orale que les personnes âgées transmettent aux plus jeunes. Il est possible de connaître approximativement le coutumier d’une région donnée à une époque antérieure. Nous pourrons nous en servir pour reconstituer la vie culturelle, sociale, économique et politique de cette époque dans cette région (plus précisément dans la ville de Keelung) sur l’île de Taïwan.

Ainsi, le festival des fantômes de Keelung Zhongyuanji étant si intimement lié à l’histoire entre Chinois et Taïwanais, il n’est pas étonnant qu’il joue un rôle significatif dans tous les domaines de la vie humaine. La connaissance des coutumes, des rituels, des pratiques sociales et des événements festifs autour du festival est par conséquent un excellent moyen d’approfondir notre compréhension de la culture matérielle et spirituelle d’une période ou d’un groupe.

Notre cas s’articule autour de systèmes de communication dans l’espace et de transmission dans le temps, et montre un déplacement historique et géographique (de la Chine continentale vers l’île de Taïwan). Sa signification, de ce fait, n’est ni fixe ni intemporelle. Il épouse les lignes de force politiques de son temps et en mobilise les techniques. Trois âges médiologiques du festival des fantômes de Keelung Zhongyuanjie se dégagent: un âge religieux, que l’on peut faire remonter à la période originelle de la fête; un âge politique, qui correspond, à partir du XXe siècle, à la transition de la Chine continentale à l’île de Taïwan et à l’alternance du pouvoir, et qui est une période de bouleversements politiques; et enfin, aujourd’hui, un âge idéologique marqué par le retour de la tradition et la dynamique des droits

de l’homme et de la culture(voir Tableau II). À chaque âge ses façons de faire corps, et ses procédés pour faire croire. L’existence des fêtes n’est pas la seule raison. C’est un universel, c’est à dire, que ce sont des les choses communes, la base de la culture humaine.

Tableau II Bref aperçu des trois âges médiologiques du festival des fantômes de Keelung Zhongyuanjie

Transmission

Type Période Lieu d’application Fête

Cette analyse interroge le festival en tant qu’objet dans lequel, à divers moments, se cristallisent des intentions variées. Si nous considérons la culture sociale comme un processus de dialogue de la société dans son ensemble, nous pouvons constater que pendant ce processus, le milieu dans lequel il se produit joue un rôle important. Comprendre ce lieu équivaut à obtenir une clé pour ouvrir la porte de la culture sociale. Par exemple, pendant le festival, on peut trouver certains éléments transmis par tradition, ainsi que des cérémonies pratiques, des activités artistiques et l’extension des activités commerciales … . L’idée méthodique consiste à confronter les cérémonies et les activités artisitiques, en les accompagnant d’une mise en perspective destinée à cerner l’expérience dont il est objet.

Dans la vie quotidienne, les hommes ont besoin d’un élément pour se rassembler et pour évacuer leur stress. Ils atteignent toujours cet objectif à l’occasion d’un événement « spécial ».

Par conséquent, les festivals sont indispensables dans les différentes cultures du monde. Le

festival est comme une clé, non seulement pour hériter des traditions, mais aussi pour innover et créer de nouvelles cultures, spécialement dans les fêtes folkloriques traditionnelles. Une fête folklorique enregistre les pensées, les comportements, les rituels, les activités, etc. de la vie quotidienne, et est donc relativement proche de la vie des citoyens. Derrière le festival qui touche la société tout entière, se jouent d’autres problématiques plus discrètes, mais tout aussi fondamentales comme les remises en cause de l’histoire enseignée.

Le festival folklorique est aujourd’hui un espace intellectuel qui peut prendre de l’ampleur et ne pas être seulement une fête. Nous pouvons retrouver l’histoire, la mémoire collective ou individuelle, la tradition… dans le festival folklorique; ainsi une relance au niveau de l’Etat ne peut provenir que d’une politique transversale entre les domaines d’intervention, de la culture aux relations internationales en passant par l’intérieur, les activités artistiques.

La fête est un milieu qu’on peut comparer à une «boîte noire» incluant comme le dit Regis Debray, [une] histoire de concept, histoire d’une vie et chacun son labyrinthe d’entrée12. C'est une opération de transition du signe à l’acte. Entrer dans cette «boîte noire» et la démonter sont des faits de transmission[Debray Régis, 2000].

En faisant notre histoire au présent, les divers événements festifs jouent un rôle de médiation symbolique qui représente notre mémoire collective, notre culture, et notre engagement politique dans la société. Un festival est ainsi un lieu de médiation sociale parce que « Il se plaisait à passer d’un domaine à l’autre de la sociologie, à transposer des questions d’un «objet» à un autre: du travail à l’art , des religions, des techniques à la culture, des médias aux objets, etc. Ces différents thèmes, loin d’être confinés dans des domaines de spécialisation, étaient appréhendés comme les déclinaision complémentaires d’un programme général de réflexion et de recherche sur les médiations sociales13». La sémiotique des événements permet de comprendre la signification que la fête revêt, c’est-à-dire à la fois la portée que nous pouvons lui donner par rapport à d’autres événements ou à d’autres informations qui nous sont proposées dans les médias, ou encore les associations que nous pouvons faire à propos de cet événement dans notre mémoire, dans notre culture, ou

12 Debray Régis, Les cahiers de médiologie, une anthologie,CNRS, Paris, 2009, p13.

13 Flichy Patrice, Médiations: Hommage à Paul Beaud, Paris, Lavoisier, 2008, pp11-12.

dans notre inconscient14. De ce fait, la fête est comme un code culturel, grâce auquel nous pouvons découvrir les transformations à différentes époques.

En Occident, les festivals et les événements spéciaux (festivals and special events) sont souvent étudiés ensemble comme sujet à part entière. Falassi 15 pense que la signification du festival a cinq pôles : (Espèce de fêtes節慶的種類)

1. Les événements religieux et les activités folkloriques.

2. Organisé pour l’homme, l’événement ou la réussite spécifique est important.

3. Les manifestations culturelles liées à une célébration se montrent par une série de représentations.

4. Les Foires des temples, les marchés ou les expositions réguliers.

5. L’atmosphère pleine de joie.

En conséquence, la fête est un symbole signifiant qui porte notre culture et sert de pont entre la tradition et la modernité. Elle apporte de la cohésion, soulage, par ses fonctions esthétiques, symboliques, etc. Elle permet de se remémorer notre culture traditionnelle. Les activités d’une fête conservent la tradition ancienne comme les rites, les sacrifices, les instruments rituels, les pensées. Les rites rassemblent. Ils permettent d’évacuer le stress lors des activités de la fête comme c’est le cas dans le carnaval. Les sacrifices et les instruments rituels permettent de connaître l’artisanat traditionnel qui agit comme esthétique traditionnelle.

Les activités de la fête sont considérées comme une expérience spéciale, différente de la vie quotidienne. Elles font appel à notre mémoire, notre expérience et nos traditions à travers le rite. La fête est à la fois folklorique et artistique et croise l’espace et le temps, les ethnies, les cultures, etc. De nos jours, elle tend à prendre l’envergure plus large d’une industrie du festival. Une ville intègre les activités de la fête et se créée une image distinctive afin d’attirer les touristes. Par là, elle entraîne le développement d’industries périphériques et de l’économie locale. En même temps, elle ouvre la sphère de ses activités au monde et attire des activités festives extérieures à son univers. Elle provoque ainsi des échanges entre cultures.

La fête sans doute est un objet culturel et présente une double caractéristique. Nombre de pays

14 Lamizet Bernard, Sémiotique de l’événement, Lavoisier, Paris, 2006, p. 17-18.

15 Falassi Alessandro ed., Time Out of Time: Essays on the Festival, Albuquerque : University of New Mexico Press, 1987, p. 1-2.

ont essayé de promouvoir leur ville par ce moyen. Par exemple, Lorient et son Festival interceltique, Lyon et sa fête des Lumières ou le Mexique et son Jour des morts.

Pour toutes ces raisons, nous consacrerons cette étude au festival des fantômes de Keelung Zhongyuanjie à Taïwan et nous aborderons le sujet par une approche médiologique.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 24-29)