• Aucun résultat trouvé

Chapitre  II.   Les guillemets ou la discipline du regard 76

2.1.   La signification absolue et l’usage des guillemets 80

2.1.1.   Le dualisme des significations absolues et relatives 83

Dans la Conférence sur l’éthique de 1929, Wittgenstein note que l’éthique ne constitue pas une science et qu’elle repose sur un usage local du mot « bon ». Lorsque nous disons d’une action qu’elle est « bonne », le sens du mot « bon » n’est pas du tout similaire à celui que ce terme peut avoir si nous parlons d’une « bonne » chaise ou d’un « bon » pianiste. Afin d’illustrer ces deux usages fort différents, Wittgenstein prend l’exemple du chemin (LC, p. 144). Olivier peut m’indiquer quel est le « bon » chemin à emprunter pour aller à la maison de campagne de Laurence. Il s’agit d’un usage trivial et relatif, car le chemin est qualifié de « bon » en relation avec un certain but. Si l’objectif est de s’y rendre le plus rapidement possible, le meilleur chemin correspondra au plus court. Par contre, si j’aime emprunter de petites routes pour admirer le paysage, le chemin le plus court ne constituera pas nécessairement le « bon » chemin. Comme le note Wittgenstein : « Si je dis que c’est là la route correcte, j’entends par là que c’est la route correcte pour atteindre un certain but » (LC, p. 144).

Or, lorsque l’on emploie la notion de « bien » dans un contexte éthique, on ne se situe pas au niveau de cet usage trivial et relatif du mot « bien ». Une action qui est moralement bonne n’est pas une action « correcte » qui nous permettrait d’atteindre un certain « but ». Lorsqu’on pose un jugement éthique, « bon » a un sens beaucoup plus substantiel sur le plan normatif. Le bien éthique implique l’idée d’un devoir absolu et donc indépendant des inclinations et des objectifs de chaque individu. Si quelqu’un me reproche de ne pas être un bon joueur de tennis, je pourrais toujours lui répondre que j’en suis parfaitement conscient et que je n’ai aucune intention de m’améliorer. Par contre, si Pierre m’apostrophe en déplorant le commentaire désobligeant que j’ai fait sur son ami, ce reproche contient une portée normative que je ne peux ignorer (LC, p. 145). Lorsqu’on est en présence d’un tel

usage du langage, les expressions que l’on considère n’ont plus leur signification triviale et habituelle et elles possèdent une signification absolue.

Cette notion de signification absolue est étroitement liée à la conception du langage avancée par le Tractatus. Selon une formule célèbre de Wittgenstein, le monde est composé de faits (T, 1.1). Sans nul doute, une telle définition revêt quelque chose de franchement réducteur et, sans surprise, elle en a irrité plusieurs. En raison du rôle déterminant que jouent les jugements normatifs dans notre existence, on pourrait considérer que les normes et les valeurs participent aussi de l’architecture ontologique de notre monde. Encore une fois, la comparaison avec la phénoménologie s’avère instructive. On trouve chez Husserl une ontologie beaucoup plus riche et stratifiée. S’il faut en croire les analyses du second tome des Idées directrices, notre monde n’est pas seulement peuplé de faits bruts. Le monde tel que compris par la physique ne représente qu’une abstraction ne permettant pas de rendre compte de la pluralité des entités ontologiques qui composent la trame du monde de la vie13. À cette objection, Wittgenstein rétorquerait sans doute que le seul moyen de respecter la particularité de la dimension éthique de notre existence consiste à placer les valeurs éthiques en dehors du monde objectif et factuel. Il y a un gouffre entre la valeur éthique et le fait empirique qui nous interdit de faire du monde objectif le site de l’éthique. Fortifié par cette observation, Wittgenstein en tire la conclusion que c’est uniquement par le biais du sujet métaphysique que les valeurs éthiques peuvent être introduites dans le discours philosophique. Comme le note encore Wittgenstein dans les Carnets : « Le bien et le mal n’apparaissent que par le sujet » (C, p. 149).

Le lecteur enclin à distribuer les étiquettes sera probablement tenté de considérer Wittgenstein comme l’apôtre d’une forme de projectivisme. Selon une telle hypothèse de lecture, au monde factuel et objectif ferait face le sujet qui projetterait sur ce monde des valeurs. Même si Wittgenstein estime bel et bien que la subjectivité se présente comme le point d’ancrage de l’éthique, il serait tout à fait trompeur de lui attribuer un tel subjectivisme, qui rendrait théoriquement incohérent le concept de signification absolue. L’éthique ne peut pas être « relative au sujet » puisque, justement, l’obligation éthique n’est pas relative, mais absolue. Si Wittgenstein estime que le monde est exclusivement composé de faits, ce n’est donc

13 Pour Husserl, les objets possèdent une valeur susceptible d’être « perçue » à la faveur d’une

perception axiologique (Wertnehmen) analogue à la perception sensible (Wahrnehmung). Cf. Hua IV, §4, p. 32 [p. 9].

pas parce qu’il veut minorer l’importance de l’éthique dans notre existence. Les valeurs ne sont pas des productions arbitraires sécrétées par le sujet et elles jouent un rôle crucial dans notre vie pratique. En soulignant que monde factuel n’est ni bon ni mauvais et que le sujet représente la plate-forme de l’éthique, Wittgenstein vise à mettre en relief le caractère « surnaturel » et « transcendantal » de l’éthique. Il ne s’agit donc pas de déprécier l’éthique en remarquant son défaut d’objectivité. En réalité, ce qui apparaît avec ce défaut d’objectivité, c’est l’originalité essentielle de l’éthique. En s’exceptant du monde des faits, l’éthique nous empêche de vider de son sens le devoir absolu qui est à son fondement. Il devient alors impossible de faire basculer la normativité du devoir absolu du côté des faits contingents et empiriques qui composent le monde objectif.

Il y a donc une asymétrie fondamentale entre l’usage ordinaire du langage et l’attitude éthique, qui se situe au-delà de toute considération de la sphère des faits empiriques. Comme le mentionne Wittgenstein dans une note écrite en 1929 qui reprend encore une fois la métaphore du chemin : « On ne peut conduire les hommes vers le bien ; on ne peut les conduire qu’à tel endroit ou tel autre. Le bien est en dehors de l’espace des faits » (VB, p. 54 [p. 3]). Un tel cloisonnement fonctionne bien sûr dans les deux sens et il implique que le bien éthique ne possède aucun fondement factuel ou objectif14. Cette conviction mènera Wittgenstein à critiquer systématiquement toute description de l’éthique qui voudrait la traiter comme un simple discours factuel. Afin d’illustrer le gouffre séparant le discours éthique du langage ordinaire, Wittgenstein souligne que le récit biblique occupe une place bien particulière dans l’économie générale de la pensée chrétienne qui nous empêche de le considérer comme un récit historique portant sur des faits :

Le christianisme ne se fonde pas sur une vérité historique, il nous donne un récit (historique), et dit : maintenant, crois ! Non pas : accorde à ce récit la foi qui convient à un récit historique, mais : crois quoi qu’il arrive, ce qui ne peut être que le résultat d’une vie. Tu as là un récit. —Ne te comporte pas envers lui comme envers les autres

récits historiques ! Donne-lui une place tout autre dans ta vie (VB, p. 92 [p. 32]).

Lorsque le récit biblique prétend rapporter un fait historique, l’énoncé en question n’est pas vraiment « historique ». L’objectif de l’historiographe consiste à faire état d’un événement qui a effectivement eu lieu. Or, la question de savoir si les événements racontés ont effectivement eu lieu ne revêt aucune importance lorsqu’on

considère le récit biblique. « Aussi étrange que cela puisse sonner, le contenu historique des Évangiles pourrait être démontré faux, historiquement parlant, la foi n’y perdrait pourtant rien » (VB, p. 92 [p. 32]). La foi n’y perdrait rien, car la fonction du récit biblique n’est pas de dresser l’inventaire de faits historiques mais de changer notre vie ; il n’a donc pas une portée historique mais éthique (LC, p. 113).

Mon propos ne vise pas à reconstruire la vision que se fait Wittgenstein de l’éthique ou de la religion, mais seulement à souligner que ces formes de discours pointent en direction d’un usage particulier qui s’oppose à l’emploi ordinaire et trivial que nous faisons du langage pour désigner une réalité factuelle. Afin de clarifier encore davantage ce concept de signification absolue, il n’est pas inutile de rappeler les trois exemples proposés par la Conférence sur l’éthique pour l’illustrer.

1. Le premier exemple de Wittgenstein est celui de l’étonnement que l’on peut avoir à l’égard de l’existence du monde (LC, p. 149). D’un point de vue strictement grammatical, il ne fait effectivement aucun sens de s’étonner de l’existence du monde. On peut s’étonner de l’existence de tel ou tel objet. On peut aussi s’étonner qu’un objet possède telle ou telle propriété. Je peux, par exemple, m’étonner de la petite taille de Toulouse-Lautrec ou de l’intensité du bleu utilisé dans certains tableaux de Matisse. Toutefois, cet étonnement ne peut porter sur le monde lui-même puisque l’existence du monde constitue le cadre au sein duquel l’étonnement peut avoir lieu (LC, p. 149). Un objet peut m’étonner dans la mesure où il ne se conforme pas aux attentes que j’entretiens à son égard. Par contre, un tel étonnement ne peut être ce qu’il est que s’il fait fond sur un ensemble d’attentes confirmées. Si le monde ne cessait de décevoir les attentes que j’ai à son égard, on pourrait en effet se demander si le concept d’étonnement aurait encore un sens. Husserl fait une remarque similaire dans Expérience et jugement : certaines attentes que j’ai à propos du monde peuvent sans doute être déçues, mais ces déceptions ne peuvent être que partielles, car toute anticipation n’a un sens que si l’on présuppose tacitement l’existence constante et permanente du monde15. Pour reprendre la terminologie de Husserl, lorsque je me rends compte que ce que je vois dans la vitrine n’est pas une personne mais un mannequin, un objet est « biffé ». Néanmoins, ce procédé de rature n’aurait aucun sens si je tentais de

l’appliquer au monde lui-même. L’idée d’un étonnement absolu est incohérente, car l’étonnement (à l’instar de la déception) est un phénomène local qui ne peut se déployer que sur le fond des attentes habituelles sans cesse confirmées que j’entretiens à l’égard du monde.

2. Wittgenstein donne aussi l’exemple du sentiment de « sécurité absolue ». Peu importe ce qui se produit, l’homme religieux prétend qu’il se sent « absolument sûr » parce que Dieu le protège. Pour reprendre la formule citée un peu plus haut : « J’ai la conscience tranquille, rien ne peut m’atteindre, quoi qu’il arrive ». Cet usage du concept de sécurité est illégitime, car on ne peut parler de sécurité que lorsqu’il y a des risques (LC, p. 149). L’analyse grammaticale de cette sécurité absolue est non sans rappeler la critique de l’épistémologie cartésienne que l’on trouve dans les Recherches philosophiques et ailleurs. L’idée même d’une connaissance qui reposerait sur une certitude absolue n’a pas de sens. Comme le note Wittgenstein dans un passage essentiel, il ne peut y avoir certitude, et donc connaissance, que là où la possibilité du doute est admise. De même, la sécurité est toujours relative et elle perd son sens si l’on tente de la déconnecter de toute forme de risque.

3. Dans le cas du troisième exemple (« Dieu réprouve ma conduite »), la position de Wittgenstein est plus nuancée et contrastée. De façon générale, Wittgenstein ne prétend pas que le mot « Dieu » n’ait pas de sens ou qu’il s’enracine dans une quelconque confusion grammaticale. Il se contente d’admettre sa propre impuissance. Il est tout simplement incapable de déterminer si les propositions qui contiennent le mot « Dieu » peuvent avoir un quelconque sens pour lui. Néanmoins, cet aveu possède une clause grammaticale importante qui nous permet de bien prendre la mesure du rapport que Wittgenstein entretient avec la religion : celui qui ne croit pas en Dieu ne peut pas comprendre le mot « Dieu » de même que les qualifications qu’en donne le croyant (« Esprit Saint », « Seigneur », etc.), car il devrait vivre une tout autre vie pour pouvoir donner un sens à ces expressions16.

16 « Je lis : “Et nul ne peut appeler Jésus ‘Seigneur’, sinon par l’Esprit Saint.” – Et c’est vrai : Je ne

puis d’aucune façon l’appeler “Seigneur”, car cela ne veut rien dire pour moi. Je pourrais l’appeler “l’Exemple”, ou même “Dieu”- ou plus exactement, je puis comprendre quand on le nomme ainsi ; mais je ne puis articuler le mot “Seigneur” avec du sens. Car je ne crois pas qu’il viendra pour me

Il est important de souligner énergiquement que l’objectif de Wittgenstein n’est pas de discréditer ces formes de discours. Constatant que le discours religieux et éthique s’écarte de la grammaire ordinaire de notre langage, Wittgenstein tire la conclusion que ces pratiques discursives reposent sur un non-sens17. Pourtant, en forgeant le concept de « signification absolue », Wittgenstein tente de respecter la spécificité de ces régimes de discours. Il y a certaines attitudes qui impliquent – et d’une manière essentielle – une transgression des limites du langage. L’éthique et la religion correspondent à une tendance constitutive de l’esprit humain à transgresser les limites du langage, tendance à laquelle Wittgenstein voue un « profond respect » (LC, p. 155).

De l’aveu même de Wittgenstein, l’éthique ou la religion sont des formes de discours qui ne relèvent pas à proprement parler de la juridiction de la grammaire philosophique. En évoquant une dispute à propos de l’existence divine entre un croyant et un athée, Wittgenstein exprime son indécision : « Ma technique normale du langage m’abandonne. Je ne sais pas s’il faut dire que ces interlocuteurs se comprennent ou non » (LC, p. 110). La méthode descriptive employée par Wittgenstein le place effectivement dans une position très inconfortable. Puisque la grammaire philosophique est purement descriptive et ne possède aucune velléité normative ou réformatrice, Wittgenstein ne peut sans outrepasser les limites qu’il assigne à la philosophie critiquer et rejeter l’usage qui est mobilisé par la foi religieuse ou la conscience éthique. Le fait est que les mots « Dieu », « châtiment »

juger, cela ne veut rien dire pour moi. Et cela ne pourrait me dire quelque chose que si je vivais tout à

fait autrement » (VB, p. 92 [p. 33]).

17 Comme le note avec justesse Emmanuel Halais, ce fait textuel pose un problème à Cora Diamond.

Cf. Emmanuel HALAIS, 2007, Wittgenstein et l’énigme de l’existence, Presses universitaires de France, Paris, p. 125. Selon la lecture résolue (resolute reading), il n’y a pas chez Wittgenstein de conception substantielle de l’indicible. En clair, l’indicible tel qu’il est mobilisé par l’éthique ou l’élément mystique ne correspond pas à une quelconque réalité métaphysique. Par conséquent, il n’y a pas diverses classes de non-sens, le non-sens vide et stérile des philosophes et le non-sens positif et profond de la logique, de la métaphysique et de l’éthique. Le grand mérite d’une telle lecture est de faire ressortir certains motifs de la pensée de Wittgenstein qui, jusqu’à maintenant, étaient restés inaudibles. Puisqu’il ne peut pas y avoir un non-sens profond et positif, Cora Diamond soutient que la signification absolue n’est pas un non-sens en rapprochant ladite signification absolue de ce que les

Recherches nomment le sens secondaire (« mardi gras », « régime sain », etc.). Cora DIAMOND, 2004, « Le sens secondaire », L’esprit réaliste, Paris, Presses universitaires de France, tr. E. Hallais et J.- Y. Mondon, p. 309. Si une telle interprétation représentait une reconstruction adéquate de la position effective de l’auteur des Recherches, on trouverait alors chez Wittgenstein une certaine forme de compartimentation du sens (sens ordinaire / sens absolu et secondaire). Malheureusement, on ne peut pas considérer la signification absolue comme un « sens secondaire » pour la simple raison que, lorsque Wittgenstein fait appel à la notion de signification absolue en 1929, c’est pour penser certaines formes de discours qui relèvent du non-sens. Il faut donc traiter séparément signification absolue et sens secondaire, et refuser de défigurer le concept de signification absolue en l’inscrivant au registre du sens.

et « enfer » sont employés dans la pratique effective des locuteurs ; on ne peut donc pas se contenter de discréditer ces usages et de les considérer comme de purs non- sens. Pourtant, lorsque le croyant parle de la « vie », de la « mort » ou du « châtiment dernier » il donne à ces expressions un sens tout à fait particulier, sens qui s’oppose radicalement à l’usage ordinaire et profane que l’on peut en faire dans la vie quotidienne.

Il y a donc des pans entiers de notre existence qui relèvent du non-sens et qui forcent Wittgenstein à reconnaître une polarité du langage, qui s’organise autour d’un usage « trivial » et d’un usage « absolu ». Reste que cette dualité des significations relatives et absolues possède une portée beaucoup plus régionale que celle impliquée par la distinction tracée par Husserl entre les significations normales et anormales. Selon la quatrième Recherche logique, toute nominalisation de même que tout usage métaphorique font basculer une expression de sa signification normale à sa signification anormale. On ne trouve rien de tel chez Wittgenstein pour au moins deux raisons.

1. Comme en témoigne avec éloquence le Cahier bleu, Wittgenstein se méfie fortement du procédé même de la nominalisation qui, comme on l’a vu, joue un rôle essentiel dans la réflexion de Husserl sur le statut du discours phénoménologique. Selon Wittgenstein, à l’origine de toutes les aberrations philosophiques qui nous mènent à postuler l’existence d’entités métaphysiques illusoires telles les idéalités mathématiques ou les significations, il y a toujours un acte de nominalisation qui, d’une manière subreptice mais irrésistible, nous conduit du substantif à la substance. Une fois que l’on s’est engagé sur cette pente, il semble alors impossible de nier que la signification soit un « objet » : « L’erreur que nous sommes susceptibles de faire pourrait s’exprimer ainsi : nous cherchons l’utilisation d’un signe, mais nous la cherchons comme s’il s’agissait d’un objet qui coexiste avec le signe » (BlB, p. 40 [p. 5]). De ce point de vue, la quatrième Recherche logique érige cette confusion en principe. Cette dernière thématise et analyse en effet le procédé par lequel on bascule de la signification normale à la signification anormale lorsqu’on cesse de considérer la signification comme un acte de visée pour en faire un objet de discours. En nous invitant à immerger les concepts philosophiques dans l’usage effectif que nous faisons du langage, Wittgenstein nous met en garde contre une telle

manœuvre, qui nous incite à gonfler notre ontologie au risque de brouiller la grammaire de notre langage ordinaire.

2. En dépit de cette opposition frontale, si l’on prend cette fois-ci pour fil conducteur le phénomène de la métaphore, un rapprochement pourrait être risqué. Il est effectivement tentant d’interpréter les expressions qui véhiculent une signification absolue comme des expressions métaphoriques. Si tel était le cas, on pourrait alors ranger les expressions éthiques et religieuses telles que comprises par Wittgenstein dans la classe des expressions véhiculant une signification anormale. Puisque la quatrième Recherche considère que l’usage métaphorique du langage confère une signification « anormale » à certaines expressions, la manœuvre semble légitime. Malheureusement, ce choix interprétatif s’expose à de graves objections18. 1/ Si l’on considère que l’on peut identifier le sens métaphorique au sens absolu, cela signifie tout d’abord que la distinction sens relatif/sens absolu s’applique au langage dans sa totalité. Le sens figuré représente effectivement un dispositif de la grammaire du langage ordinaire qui possède une portée générale, alors que le concept de