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3. Le microdialogue

3.1 L’hétérogénéité énonciative marquée

3.1.3 Le discours indirect

Le discours indirect se fait moins visible par rapport au discours direct qui garde l’invariance entre énoncé original et énoncé rapporté : ici, le personnage rapporte le discours d’autrui en modifiant sa forme, l’invariance se situe seulement entre eux au niveau du contenu pensé. Mais on pourrait facilement découvrir le discours d’autrui selon le verbe introducteur de parole et le complétive.

Si l’on prend Tarek comme exemple. L’angoisse de Tarek consiste dans la contradiction intérieure entre son désir d’entrer dans le moule et la société conformiste qui l’en empêche. Donc il réfléchit souvent sur la question du conformisme de la société. Sa mère est traditionnelle : elle se plaint souvent de ses cheveux blancs et se montre très déprimée par ceux-ci. Elle représente, dans une certaine mesure, les normes de la société : elle examine ses cheveux blancs du point de vue des normes sociales. Lorsqu’il parle de sa mère, un microdialogue se forme entre lui et sa mère au niveau du discours rapporté. Il s’attendrit lorsqu’il décrit sa mère : « Chaque fois que je passe près d’elle, elle passe ses mains dans mes cheveux et murmure que c’est le destin, qu’on n’y peut rien. Elle dit ça d’une voix tremblante. Une voix chaude, hésitante, aux accents douloureux. » (p. 68) Nous semblons pouvoir entendre la voix de la résignation de la mère qui rapporte le malheur au destin et la voix de Tarek qui est étonné par la caractère soumise de sa mère : « Elle dit ça d’une voix tremblante. ». Cette acceptation du destin renvoie à la mentalité musulmane propre à l’Algérie. Tarek rapporte le motif de sa mère dans son discours pour révéler comment les conventions qui contrôlent le peuple.

Rapporter le discours d’autrui a aussi le but de résoudre ses problèmes. Quand la mère réfléchit sur les raisons justifiant les agissements de ses enfants, il rapporte le discours de sa voisine Meriem pour lui aider à trouver une solution :

Meriem, ma voisine et amie, me dit que c’est la faute de l’époque, que le XXI siècle ne se prête pas aux relations durables. Mais elle, son mari, Hadj Youssef, est toujours près d’elle, ses trois filles s’habillent en femme, ne fument pas comme les miennes, ne regardent pas tout le monde de haut, et son fils a une jolie copine qu’il épousera sûrement et à qui il fera de beaux enfants. Meriem a beau dire, ce n’est pas l’époque qui pose problème, ce sont mes satanés enfants que je n’ai pas su élever. (p. 93-94)

En rapportant le discours de Meriem, la mère s’oppose à ce qu’elle révèle, parce qu’elle pense que la famille de Meriem n’est pas comme elle, elle est un peu envieuse de ce qu’elle a vu à propos de cette famille, mais en réalité selon d’autres monologues, on apprend que la famille de Meriem n’est pas ce que la mère pense : Hadj Youssef est occupé par la recherche de sa beauté, les trois filles sont des commères, le fils Chakib est en froid avec sa copine. Mais la mère ne voit que la surface, donc sa voix est en opposition avec la voix de Meriem dans le discours qu’elle rapporte : « Meriem, ma voisine et amie, me dit que c’est la faute de l’époque, que le XXI siècle ne se prête pas aux relations durables. » Cela s’interprète dans une certaine mesure comme l’envers des autres, l’écart des points de vue entraîne le microdialogue entre eux : les différents mots dans différents contextes produiront des sens différents. Mais au fond, à travers ce microdialogue, il nous semble que la mère ne veut pas avouer sa faute : elle a tendance de fuir à la réalité.

Ensuite, dans la deuxième intervention d’Adel, lorsqu’il évoque les insultes de deux jeunes ados qui dessinent sur une affiche en cherchant la paix dans les choses que l’on rejette, on s’aperçoit aussi qu’il rapporte le discours d’un vieil homme au moyen du discours indirect :

Je rase les murs. Les publicités collées un peu partout donnent un air faux à la ville. Deux ados dessinent avec un marqueur noir des insultes sur le poster d’un vieil homme qui aboie que la paix est là, dans quelque recoin de la ville, dans les égouts, dans le vapeurs du soir, dans les barbes trop longues et les jupes trop courtes. (p. 76)

Dans ce discours indirect, il utilise le mot « aboyer » comme le verbe introducteur de parole, dans une certaine mesure, ce mot montre aussi ses ressentiments sur ce poster. La paix que ce vieil homme aboie est en opposition avec les coups qu’il subit, les discours

opposés dans un énoncé met en évidence l’ignorance de vieil homme sur la situation de la société et le découragement d’Adel envers le pays.

Quant au discours que rapportent Mouna à partir de Yasmine, il est mis en parallèle avec le discours du rapporteur : les deux voix juxtaposées dans un énoncé ne sont pas en opposition, mais plutôt se complètent. Le personnage a pour but d’introduire un point de vue qu’elle veux pour compléter ce qu’elle a dit.

Mouna emprunte le discours de Yasmine pour avoir une explication supplémentaire sur les chauffeurs furieux :

Des automobilistes klaxonnent fiévreusement, s’interpellant méchamment, stressés par la nuit qui vient de mourir. Il foncent vers leur travail, ahuris par l’immense soleil. Tata Yasmine dit toujours que les gens sont comme ça parce qu’ils oublient que la nuit va revenir, qu’ils ont peur d’être obligés de passer leur vie dans la lumière du jour. (p. 61)

Mais on peut sentir que Mouna a uniquement compris la surface de ce que Yasmine veux dire. Dans ce cas, les deux voix superposées semblent divergentes au niveau du sens, ce qui met en relief la simplicité enfantine de Mouna.