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Tour à vent traditionnelle

1.9 Le développement et la tour à vent traditionnelle

Les tours à vents étaient l’un des résultats des interactions culturelles, sociales, économiques et notamment environnementales des sociétés humaines depuis l’aube de l’histoire jusqu’à l’époque moderne, comme il a été cité auparavant. Elles ont été liées au développement imposé par la nature et l’homme avec ses priorités, ses besoins, ses nécessités et ses contraintes. La proximité géographique des pays où la tour à vent a vu le jour a conduit positivement à la fusion des cultures, à l’adaptation aux valeurs locales et aux paramètres environnementaux. Par conséquent, ce voisinage a contribué à la créativité d’un patrimoine et d’un paysage marqué par le développement du système tour à vent dans la région islamique médiévale.

L’homme a pu gérer et ajuster l’espace en fonction des constantes urbaines et non urbaines comme les systèmes environnementaux, les facteurs naturels, les valeurs religieuses islamiques et les matériaux de construction disponible localement. Ceci a généré un cadre de vie en symbiose avec l’environnement physique et par conséquent un tissu urbain conçu simple, bien intégré et distinct dans ses caractéristiques et qualités architecturales jusqu’aux années 60 où une période de transformation politique, économique a été vécue (MUNICIPALITÉ DE DUBAÏ, 2006). Cette période a coïncidé avec la découverte du pétrole, qui a bouleversé rapidement et radicalement divers domaines et a changé la structure traditionnelle du tissu urbain en raison de la construction en grande masse. La renaissance urbaine proprement dite a débuté après la 2e guerre mondiale suite à l’accroissement du revenu national dû aux exportations de pétrole l’or noir, chose qui a développé l’économie des pays islamiques disposant de cette ressource épuisable d’une façon spectaculaire. Ce développement économique a contribué aussi à l’accélération du taux de la croissance urbaine et à l’adoption de la technologie dans la construction pour subvenir aux nouveaux besoins sans penser aux coûts ou à l’environnement. L’évolution scientifique et technique est faite au détriment de la qualité architecturale et urbaine traditionnelle locale.

La prédominance de la dimension technique et technologique, a eu des répercussions néfastes sur la tour à vent directement et indirectement. Ces effets ont été constatés par l’abandon quasi-total ou l’utilisation très restreinte de cet élément architectural de ventilation naturelle et de rafraîchissement passif (MUNICIPALITÉ DE DUBAÏ, 2006). Le recours aux moyens mécaniques dynamiques tels que climatiseur, ventilateur, façade ventilée et façade dynamique a remplacé la tour à vent afin d’atteindre cet

équilibre et assurer le confort thermique adéquat durant toute l’année dans ces régions chaudes. La disponibilité du pétrole à bas prix a participé à l’augmentation et à la vulgarisation rapides de l’emploi de ces systèmes de climatisation actifs comme une alternative à la tour à vent. Ces systèmes sont plus sûrs, efficaces, faciles à entretenir, et indépendants des facteurs climatiques.

L’introduction de la réfrigération mécanique a permis non seulement d’augmenter la capacité de rétablir d’une manière plus ou moins satisfaisante le confort thermique pendant de longues périodes, mais également à avoir plus de flexibilité dans la conception des bâtiments, et simultanément l’usage et les pratiques exercées dans l’espace, les habitudes et les modes de vie des individus ont changé. Cependant, l’utilisation d’une technologie développée de refroidissement a eu comme conséquence la marginalisation des techniques de ventilation et de refroidissement naturel (DERRADJI, 2008).

L’intégration de nouveaux styles intrus dans l’architecture locale, de nouveaux matériaux de construction et l’exploitation du dernier cri de la technologie ont marginalisé la tour comme technique traditionnelle passive, sous prétexte que cette dernière fait rappeler aux gens la dureté de la vie vécue autrefois. De nombreuses tours à vent dans les anciennes constructions ont été complètement condamnées au niveau du soufflage (sortie d’air) par mesure de sécurité, d’éviter la pénétration de toutes sortes d’impuretés, des vents froids d’hiver et leurs nuisances sonores et surtout son rendement thermique insuffisant.

Dans la recherche formelle de l’esthétique, la tour à vent était présente dans les nouvelles constructions dans certains pays islamiques comme un symbole architectural exprimant l’identité culturelle locale de la région et la nostalgie vers le passé et non pas comme un écosystème fonctionnel. Elles ont été utilisées uniquement pour des fins décoratives et ont peu ou pas de fonction pratique (BAHADORI & DEHGHANI-SANIJ, 2014). Ces tours décoratives ne possédant pas de conduit, leurs têtes dépassent le plancher de la construction sans aucune connexion avec l’intérieur telles que le cas de la plupart des tours à vent réalisées aux Émirats arabes unis (figure 1.35).

Figure 1.35: Tour à vent décorative aux EAU Source: Djouima (2019)

Depuis les années 60, l’humanité a commencé à prendre conscience de l’épuisement des ressources fossiles et de l’environnement. Les risques de la révolution industrielle ont commencé à se faire sentir sur deux domaines très sensibles à la survie de l’être humain à savoir: la santé et l’environnement. Aujourd’hui, la question du changement climatique s’est installée durablement au premier plan de l’actualité et des préoccupations des opinions publiques. Les nouveaux modèles architecturaux produits durant ces dernières décennies sont de plus en plus inadaptés et gros consommateurs d’énergie. Les choix architecturaux ont rarement été effectués à partir du critère de moindre émission de carbone, mais à partir de considérations esthétiques et de coût.

L’abus de l’utilisation des systèmes de ventilation et de climatisation actives mécaniques sous ses différentes formes accentue encore plus le problème d’utilisation des gaz à effet de serre, causant ainsi la perforation de la couche d’ozone et le réchauffement planétaire par le phénomène de l’ilot de chaleur. Le recours aux énergies renouvelables est inévitable. Le retour aux concepts anciens dont la tour à vent présente un des remèdes passifs dans le secteur du bâtiment est aussi incontournable. Architectes concepteurs et chercheurs ont pris conscience de l’importance écologique de ce système ingénieux et durable, alors plusieurs études, expériences et projets ont été élaborés et réalisés à travers le monde entier afin de maîtriser, moderniser et développer ce système.

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Au début du XXe siècle, les conceptions et les écrits de l’architecte égyptien Hassan Fathy, ont ouvert les opportunités et sont devenus une source d’inspiration aux architectes pour reconnaître et apprécier son architecture traditionnelle caractérisée par l’utilisation des formes vernaculaires ayant des fonctions environnementales telles que:

la cour et le Malqaf (EL SHORBAGY, 2010). De nombreux exemples illustrent le retour vers l’utilisation de la tour à vent dans le monde arabe et islamique dans l’habitat et dans les équipements tels que: l’exemple de l’université de Doha qui a exprimé l’esprit de son temps moderne, tout en conservant sa fonction d’origine en tant que dispositif générant de flux d’air dans le bâtiment et le patio sous forme de tour à vent fraîche du siège principal de la ville de Masdar «à 0 carbone» aux Émirats arabes unis.

(figure 1.36).

a. Coupe et vue sur le patio du siège principal de Masdar-UAE/ b.Tour à vent université Doha Qatar Figure 1.36: Exemple de tour à vent dans le monde arabe au début de XXe siècle

Source: El-Shorbagy (2010)

L’idée des tours à vent a attiré l’attention des architectes occidentaux, qui ont relancé le capteur d’air traditionnel en tant que forme et fonction. Ils ont employé ce système dans leurs bâtiments modernes sous plusieurs formes et techniques tels que: en bois sans addition de dispositifs mécaniques modernes comme le cas du centre des visiteurs du parc national de Zion, aux États-Unis (figure1.37).

Figure 1.37: Centre des visiteurs du parc national de Zion, aux États-Unis Source: El-Shorbagy (2010)

Le terrain ovale de cricket de Kensington à Barbados et le Zénith Rhône-Alpes de Saint-Étienne (figure 1.38) conçus par Norman Foster et Partners, représentent une nouvelle interprétation contemporaine pour le capteur à vent traditionnel islamique en appliquant le concept de capture des vents dominants.

Figure 1.38:Terrain de cricket de Kensington à Barbados (a) Zénith Rhône-Alpes de Saint-Étienne (b) Source: Tolba (2014)