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Le développement de l’offre d’implantation tertiaire

Dans le document Td corrigé Thèse Lyon 2 - Td corrigé pdf (Page 196-200)

La réalisation de la métropole tertiaire lyonnaise, fortement soutenue par l’Etat, est activement relayée par les COURLY et la SERL à la fin des années 1960 sur le volet opérationnel de l’aménagement urbain. Elle s’opère principalement dans le secteur central de l’agglomération (Lyon et Villeurbanne), en cohérence avec la nature immatérielle et communicationnelle des activités de services, ainsi qu’avec la dynamique spontanée de développement du marché immobilier de bureaux au sein de l’agglomération. Le parc tertiaire de l’agglomération passe en effet de 700 000 m² en 1964 à presque un million en 1968, dont 1/5ème environ est occupé par des activités tertiaires relevant d’entreprises industrielles (CERAU, 1968). Les banques, assurances, professions libérales et autres services « purs » occupent les 80 % restants.

Les deux tiers des bureaux sont concentrés dans le centre de Lyon, une moitié en Presqu’île et l’autre sur la rive gauche du Rhône (Guillotière, Brotteaux, Part Dieu). Le tiers restant se répartit de façon assez homogène entre les 1ère couronnes Est (Perrache – Gerland, Montplaisir – Montchat, Villeurbanne, Saint-Fons – Vénissieux – Bron) et

Ouest de l’agglomération (Croix-Rousse, rive droite de la Saône, Caluire, Sainte-Foy – Oullins – La Mulatière – Pierre Bénite). Le secteur Sud-est, correspondant aux quartiers péricentraux et aux communes industrielles périphériques, concentre plus particulièrement les bureaux « dissociés », c’est-à-dire abritant des activités tertiaires relevant d’entreprises industrielles, en cohérence avec la forte concentration des activités productives dans ce secteur. La localisation des bureaux de tertiaire « pur » correspond plutôt à un ensemble de fonctions centrales dans la ville, et de manière secondaire à des fonctions d’accompagnement dans les zones résidentielles de l’Ouest.

Un desserrement tertiaire s’opère également dans l’agglomération, mais d’une ampleur géographique et numéraire bien moindre que pour les activités industrielles. Il s’opère essentiellement depuis la Presqu’île vers le centre rive gauche (Part Dieu, Brotteaux…), ainsi qu’en direction des quartiers péricentraux de Lyon ou des communes de la proche banlieue, à l’Est pour les bureaux relevant d’entreprises industrielles et à l’Ouest pour les activités tertiaires « pures ». Il libère un volume conséquent de surfaces de bureaux en Presqu’île, qui augmente l’offre disponible dans le centre tout en la diversifiant. Le marché de bureaux est ainsi envisagé par les acteurs publics lyonnais de façon qualitative, en distinguant progressivement l’offre immobilière neuve de l’offre de seconde main, moins adaptable aux besoins des entreprises mais plus attractive financièrement (ATURCO, 1972).

L’offre neuve est majoritairement localisée dans le nouveau quartier d’affaires de la Part Dieu, où les pouvoirs publics tentent de réaliser une opération favorisant la décentralisation des fonctions tertiaires supérieures depuis Paris et d’affirmer le rôle métropolitain de Lyon, en concentrant l’effort financier public et privé sur un seul site (voir supra, Section 1). Les bureaux y sont plus chers qu’en périphérie lyonnaise, comme dans les programmes neufs de la Presqu’île, mais ils restent très compétitifs par rapport aux prix pratiqués en région parisienne. La conduite de l’opération (aménagement et commercialisation des 28 ha de terrains couverts par le programme) est confiée à la SERL. Elle dispose de l’appui technique et financier de la SCET et de la CDC pour développer son savoir-faire sur ce type de projet très complexe, qui inclut la participation d’investisseurs et de promoteurs privés.

Les programmes de bureaux de la Part Dieu sont livrés progressivement à partir de 1971 et sont très rapidement commercialisés. Ils génèrent un effet d’entraînement de la demande très important sur le développement de l’immobilier tertiaire dans les quartiers centraux de la Presqu’île, des Brotteaux, de la Guillotière, de la Villette et de Villeurbanne Est, qui sont autant de réservoirs de terrains mobilisables pour le développement futur du nouveau centre d’affaires grâce aux opportunités de rénovation urbaine qu’ils offrent. La Part Dieu constitue ainsi l’élément déclencheur du développement du marché de bureaux dans l’agglomération lyonnaise (SERL, 1988).

Les réalisations immobilières à destination des activités tertiaires se multiplient durant les années 1970, dans le centre (Lyon et Villeurbanne) et dans une moindre mesure en périphérie Ouest de l’agglomération.

Le secteur de la Part Dieu concentre 40 % du marché de l’agglomération (400 000 m² de programmes neufs), l’ensemble de la zone centrale environ 80 % et la périphérie lyonnaise seulement 20 %, avec un profond déséquilibre entre l’Ouest, bien fourni en immobilier de bureaux, et l’Est dominé par les activités industrielles. L’attraction exercée par le nouveau centre d’affaires lyonnais sur les activités de services contribue cependant aussi à vider en partie le centre économique historique de la Presqu’île de ses fonctions tertiaires traditionnelles, remplacées progressivement par le commerce

(Reynaud, 1973a). Les autres opérations de rénovation urbaine du centre de Lyon s’orientent également massivement vers l’accueil des activités tertiaires et le développement d’une offre immobilière de bureaux conséquente, capable de compléter l’offre disponible dans le nouveau centre directionnel, à défaut de pouvoir réellement la concurrencer. En Presqu’île, des petites opérations ponctuelles complètent l’offre immobilière de seconde main existante par des programmes de bureaux neufs, situés entre le quai de Saône et la rue Mercière et dans le secteur de la Martinière – Tolozan (Terreaux).

Le quartier du Tonkin à Villeurbanne constitue l’ensemble immobilier dédié au tertiaire le plus important de l’agglomération lyonnaise après celui de la Part Dieu, avec plus de 90 000 m² de bureaux prévus (en plusieurs tranches), y compris en rez-de-chaussée des immeubles de logements. La réalisation de l’opération est aussi assurée par la SERL à partir de 1966. Elle bénéficie notamment de la proximité du boulevard périphérique, de la réalisation des premières lignes de métro, d’un accès direct à la Part Dieu et de la proximité du campus universitaire de la Doua pour assurer la commercialisation rapide des programmes. La création de la ZAC du Tonkin en 1972 permet de conférer à l’opération, mêlant logements et immobilier d’entreprises, un contenu beaucoup plus conséquent en matière de surfaces de bureaux.

D’autres programmes de bureaux importants sont réalisés à Villeurbanne, notamment par des sociétés privées issues du groupe de l’ICP115, dans le quartier de la Perralière ainsi qu’à proximité du quartier central des Gratte-Ciel. Entre le complexe scientifique et universitaire de la Doua et le centre de Villeurbanne, le tissu urbain du quartier des Charpennes est profondément renouvelé au début des années 1970 (Bonnet, 1975). Au total, entre 1968 et 1977, près de 100 000 m² de bureaux sont construits à Villeurbanne, représentant entre 10 et 15 % de la production de bureaux à l’échelle de l’agglomération selon les années (Bonneville, 1978). Les prix pratiqués pour les bureaux neufs à Villeurbanne sont compétitifs par rapport à la Part Dieu, facilitant une commercialisation rapide. La jonction entre les réalisations tertiaires de la Part Dieu et de Villeurbanne est assurée par l’opération de rénovation urbaine de la Villette. Les usines, les ateliers et autres maisons ouvrières qui constituent le paysage urbain traditionnel de l’Est de Lyon et de Villeurbanne cèdent ainsi la place à une multitude de programmes modernes de bureaux mêlés au reste du tissu bâti.

En dehors du périmètre central de l’agglomération, l’offre d’immobilier tertiaire s’organise de manière assez diffuse dans le tissu urbain, ainsi qu’à partir de quelques opérations d’aménagement conduites par les pouvoirs publics en banlieue. La ZAC de Dardilly est ainsi aménagée par la SERL au début des années 1970 dans l’Ouest lyonnais (65 ha réservés aux activités tertiaires, dont 95 000 m² de bureaux). C’est la plus vaste zone d’activités dédiée aux services de l’agglomération, offrant un cadre paysager très qualitatif pour les entreprises, différent de celui des opérations immobilières de Lyon et Villeurbanne. Elle bénéficie en outre d’une très bonne desserte routière, rendant Dardilly et les communes voisines (Ecully, Limonest, Champagne-au-Mont d’Or, Tassin la Demi Lune) très attractives pour les grandes surfaces commerciales, les directions régionales des grande sociétés financières ou d’électronique, les entrepôts et SAV.

Dans l’Est, la principale opération tertiaire est localisée sur la commune de Bron, à proximité de l’aérodrome, de l’autoroute A46 et de la RN6 vers les Alpes et Grenoble.

115 Immobilière Construction de Paris : SEFIMEG, COFIMEG.

Les documents de planification successifs prévoient en effet la réalisation d’un centre directionnel et tertiaire secondaire à Bron, complémentaire de la Part Dieu, afin d’assurer un développement des activités économiques plus complet dans l’Est de l’agglomération et la liaison fonctionnelle entre la ville nouvelle de l’Isle d’Abeau et Lyon. L’implantation du nouvel aéroport de Satolas et le risque de concurrence avec le nouveau quartier d’affaires de la Part Dieu pour exercer la centralité économique à l’échelle de l’agglomération, conduisent cependant les pouvoirs publics à abandonner le projet initial au profit d’un développement économique plus axé sur les fonctions commerciales (SAV, grande distribution).

Après avoir été quasiment inexistant, un véritable marché de bureaux émerge donc dans l’agglomération lyonnaise à partir de la fin des années 1960, parallèlement à la réalisation du nouveau centre directionnel de la Part Dieu. L’effort collectif de développement d’une offre neuve adaptée aux besoins des activités de services supérieurs dans l’agglomération se concentre massivement sur le quartier de la Part Dieu et ses alentours, même si les promoteurs immobiliers et les investisseurs lyonnais jugent d’abord disproportionné ce projet de centre directionnel créé ex-nihilo, dans une ville où l’on ne construit alors qu’à peine 10 000 m² de bureaux par an.

Durant les années 1970, le climat général de stagnation économique amène les autorités centrales à préconiser le desserrement des fonctions tertiaires à l’échelle de l’agglomération, comme cela s’opère déjà pour les activités industrielles. Les difficultés de gestion programmatique de l’opération Part Dieu incitent également les acteurs lyonnais à la prudence quant au développement de nouveaux programmes de bureaux : à la démesure du centre directionnel succède ainsi un système hiérarchisé de centres tertiaires permettant de desservir l’ensemble de l’agglomération (centre principal, centres filtres, secondaires ou relais, centres de quartier). Les nouvelles opérations mixtes, mêlant les fonctions tertiaires (de bureaux) aux fonctions résidentielles ou commerciales, à Villeurbanne, Dardilly et Bron s’inscrivent dans cette nouvelle dynamique de développement, plus qualitative et adaptée aux contraintes de la conjoncture.

Conclusion de chapitre

Les années 1960 voient la mise au pas des autorités politiques lyonnaises par le nouveau dispositif institutionnel de coopération intercommunale imposé par l’Etat. Il permet le dépassement de l’échelle communale, dont les pouvoirs d’intervention dans le domaine de l’économie sont limités, pour organiser la conduite des politiques urbaines et du développement économique de la métropole lyonnaise au niveau territorial jugé pertinent par les autorités centrales. La COURLY apparaît ainsi comme un outil de gestion de la croissance urbaine et économique sur le territoire de l’agglomération lyonnaise, qui offre un nouveau cadre politique et spatial pour le déploiement de la politique de l’Etat.

Celui-ci impose sa domination et son leadership dans la conduite de la régulation économique au niveau local, par l’entremise de nouveaux organismes qui portent l’expertise et les intérêts économiques dominants défendus par le niveau central (OREAM, bureaux d’études du réseau CDC-SCET). La COURLY facilite la mise en application des principes et objectifs de la politique économique nationale dans la métropole lyonnaise, grâce à l’intervention planificatrice et opérationnelle de ses bras exécutants, SERL et ATURCO. Ceux-ci sont également étroitement contrôlés par l’Etat

central, qui les utilisent pour véhiculer les conceptions et les modes de faire de sa technocratie dans le domaine de la production de surfaces d’activités et de la répartition spatiale des fonctions économiques.

Toutefois, la COURLY peine à émerger comme un nouveau lieu de pouvoir et de gouvernement local pour l’agglomération durant les premières années. Elle constitue seulement un relais plus ou moins coopératif pour la mise en application des orientations économiques et urbaines définis par les autorités étatiques dans le cadre de la politique des métropoles d’équilibre. Elle permet ainsi d’accompagner et d’encadrer la dynamique de desserrement industriel préconisée par les services de l’Etat pour favoriser la modernisation et le développement des structures productives lyonnaises, et de faciliter l’émergence d’un marché immobilier tertiaire moderne dans le cœur de la métropole, conformément aux souhaits et attentes des grands groupes nationaux en quête de redéploiement dans les grands villes du pays.

Conclusion de section

Le système d’acteurs lyonnais se trouve donc profondément déstructuré par l’intervention autoritaire de l’Etat et de ses services centraux et déconcentrés dans le domaine de la régulation économique et de l’aménagement du territoire au cours des années 1960. Les structures de représentation des intérêts économiques lyonnais perdent leur légitimité à produire l’expertise économique et territoriale au niveau local. Elles sont placées dans une position de subordination aux intérêts des grands groupes industriels nationaux et internationaux, imposée par la technocratie étatique, et sont en grande partie contraintes de renoncer à leur capacité de participation au processus décisionnel de la planification économique et de l’aménagement spatial.

Les pouvoirs publics locaux et les responsables politiques lyonnais subissent eux aussi le joug de l’Etat centralisé et dirigiste. Ils subissent non seulement l’importante réorganisation institutionnelle et territoriale de l’agglomération urbaine imposée par le pouvoir central, mais également la vision très techniciste et dominatrice de l’administration et du gouvernement français concernant la gestion de la croissance et la manière dont l’intervention publique dans le champ de l’économie doit être organisée, conduite et pensée au niveau local (Prager, 2004). La COURLY apparaît comme une institution qui, si elle consacre l’émergence du niveau intercommunal dans la gestion territoriale et l’ébauche d’un pouvoir politique d’agglomération, permet surtout une mise en application plus aisée de la politique économique et d’aménagement du territoire voulue par l’Etat pour la métropole lyonnaise, et accessoirement le renforcement du pouvoir de la ville centre sur ses périphéries.

L’appui technique et opérationnel apporté à cette dynamique de centralisation par la SERL et l’ATURCO, véritables courroies de transmission de l’expertise et des méthodes rationnelles de la technocratie étatique, permet cependant aux acteurs politiques et économiques locaux de bénéficier plus ou moins directement du transfert de savoir-faire opéré par le niveau central vers le niveau local dans la cadre de la mise en œuvre de la politique nationale. Ces derniers peuvent ainsi développer leurs compétences en matière d’interventionnisme économique, ne fut-il qu’indirect, en participant à leur niveau à l’effort d’accompagnement du développement et de la modernisation des structures productives et tertiaires, et d’amélioration de l’insertion du territoire local dans le fonctionnement de l’économie nationale.

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