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II - La régulation économique étatique face au cas lyonnais

Dans le document Td corrigé Thèse Lyon 2 - Td corrigé pdf (Page 128-133)

L’action directe de l’Etat en matière de régulation économique au niveau local est assez limitée, en dehors des dispositifs financiers de primes et d’exonérations fiscales. De fait, l’analyse de la mise en œuvre de la politique économique sur le territoire révèle la primauté des leviers financiers dans l’ensemble des outils utilisés par les pouvoirs publics pour atteindre les objectifs fixés, mais aussi leur incidence limitée. Leur attribution est cependant déterminée par des critères de localisation géographique (zones

en crise) ou de transformation structurelle (reconversion), qui ne sont pas remplis dans l’agglomération lyonnaise. Par ailleurs, les actions de soutien ou de participation directe de la puissance publique au développement des secteurs industriels et tertiaires moteurs s’opèrent surtout au niveau national, à travers la prise de contrôle des grandes entreprises ou le soutien financier massif à la concentration des capitaux privés au sein de grands groupes industriels et bancaires.

Pour mettre en application la politique économique prévue par le Plan au niveau local, l’Etat dispose donc essentiellement d’outils territoriaux, comme la planification spatiale, la production d’équipements collectifs nécessaires au fonctionnement et à l’amélioration de l’environnement des entreprises, et l’aménagement de l’espace. Ils lui permettent non seulement d’intégrer les collectivités locales dans l’effort de soutien au processus d’industrialisation, de tertiarisation et de restructuration de l’économie nationale (Veltz, 1975), mais aussi de mieux encadrer et accompagner l’évolution des entreprises et des systèmes économiques locaux. La politique des métropoles d’équilibre de la DATAR offre en outre un encadrement conceptuel central pour la conduite de la régulation économique dans l’agglomération lyonnaise à partir de 1965, en traduisant les objectifs et contenus de la politique économique nationale en termes spatiaux et territoriaux.

La planification économique spatiale n’agit pourtant qu’à la marge en matière de régulation, même si elle occupe une place importante. Elle ne traite que très indirectement du problème économique, en s’inscrivant seulement comme un accompagnement des mesures et interventions directes réalisées par les pouvoirs publics. Le recours systématique à la dimension spatiale et territoriale de l’action publique en faveur de l’économie est ainsi révélateur de la difficulté pour l’Etat d’assurer directement la mise en œuvre de la politique de régulation économique autrement que par des aides financières et par l’accompagnement de la concentration industrielle et tertiaire, publique et privée, en agissant sur l’environnement des entreprises et des activités économiques tout en canalisant les possibilités d’intervention des pouvoirs publics locaux. Il permet aux autorités publiques centrales à la fois de contrôler la réalisation des objectifs de la planification économique nationale au niveau local et de promouvoir les intérêts des grands groupes industriels et bancaires dans l’agglomération lyonnaise.

1- L’impact limité des dispositifs financiers au niveau local

Les moyens directs de la politique économique de l’Etat, nécessaires à la mise en œuvre des orientations du Plan sur le territoire local, se limitent à des mesures d’aides financières et à des primes pour les entreprises, mobilisables pour favoriser le développement des activités industrielles ou tertiaires et le renforcement du potentiel économique dans les territoires locaux. Il s’agit essentiellement d’aides financières ponctuelles délivrées par la puissance publique (via les Préfets) à certaines activités économiques dans le cadre de secteurs géographiques nettement identifiés, ayant pour but de corriger les déséquilibres ou de soutenir les orientations politiques de modernisation structurelle et d’aménagement volontaire (décentralisation industrielle et tertiaire, promotion des métropoles d’équilibre...).

Dès les années 1950, le dispositif financier spatialisé des pouvoirs publics combine des mesures autoritaires de restriction du développement industriel en région parisienne (procédure d’agrément) et des mesures incitatives sous forme de subventions, qui

permettent d’orienter la localisation et le comportement géographique des entreprises dans l’espace géographique national (Laborie, Langumier, De Roo, 1985).

Si l’agrément en région parisienne contribue potentiellement au renforcement de l’attractivité de la région lyonnaise, la majeure partie des aides financières incitatives disponibles ne concerne cependant pas l’agglomération lyonnaise. Celle-ci n’est en effet pas considérée comme une zone critique d’un point de vue économique, qui serait affectée par le déclin des activités industrielles et classée comme prioritaire à ce titre : les entreprises qui s’y implantent ou s’y développent ne peuvent donc pas prétendre aux subventions publiques, même si elles opèrent des regroupements ou des adaptations de leurs structures productives. Entre 1955 et 1965, les aides financières de l’Etat délivrées par le FDES et les SDR ne concernent que les portions du territoire national frappées par le déclin industriel, les reconversions ou la sous-industrialisation (Laborie, Langumier, De Roo, 1985).

A partir de 1964, le système de primes d’aménagement du territoire se précise, en identifiant deux types d’espaces éligibles au régime d’aides. Toutefois, les zones de développement régional et les zones d’adaptation industrielle, auxquelles correspondent de nouvelles primes spécifiques, ne couvrent pas le périmètre de l’agglomération lyonnaise. Celui-ci correspond en effet à une « zone blanche » sur la carte nationale des aides au développement industriel établie par la DATAR en 1967, interdisant aux entreprises toute possibilité d’obtention d’exonération. Les entreprises qui s’implantent ou s’agrandissent dans la région lyonnaise ne peuvent donc pas bénéficier de la Prime de Développement Régional attribuée par la SDR38. Seules les entreprises industrielles ou tertiaires qui s’installent ou s’étendent dans les secteurs de la ville nouvelle de l’Isle d’Abeau, de la Plaine de l’Ain (Saint Vulbas – Loyettes) et de la région de Vienne (Isère) peuvent bénéficier d’allégements fiscaux39 (voir infra).

En effet, suite au lancement de la politique des métropoles d’équilibre qui vise à faire de Lyon une grande métropole tertiaire, la DATAR instaure une procédure d’agrément pour les créations ou extensions de surfaces industrielles sur le périmètre de l’agglomération lyonnaise de 1967 à 197140, sur le modèle du dispositif parisien. Cette mesure autoritaire est destinée à encourager le mouvement de desserrement des activités et de décentralisation industrielle au niveau local, afin de libérer des surfaces dans la partie centrale de l’agglomération pour permettre l’accueil des activités de service.

Parallèlement, une prime à la création ou à la décentralisation tertiaire est instituée à partir de 1967. Ce dispositif, fondé sur les mêmes mesures fiscales et financières que le système d’aides destiné aux implantations industrielles, doit encourager les transferts depuis Paris, les créations ou les extensions dans l’agglomération lyonnaise des services de haut niveau des entreprises (activités tertiaires ou industrielles directionnelles, unités de recherche & développement).

Les Primes de Localisation d’Activités Tertiaires (PLAT) sont des aides essentiellement fiscales : exonération de la taxe professionnelle et réduction des droits de mutation.

Elles couvrent en priorité les communes appartenant aux grandes agglomérations urbaines de province, comme Lyon, Marseille, Bordeaux ou Lille, qu’elles soient

38 Société de Développement Régional, créée en 1955.

39 Exonération partielle ou totale de la taxe professionnelle pendant 5 ans et réduction des droits de mutation, en fonction du nombre d’emplois créés.

40 La commission d’agrément de la région lyonnaise est présidée par Claudius-Petit, et assure le rôle d’une commission d’urbanisme donnant ou non son accord aux projets d’implantations industrielles nouvelles. La même procédure d’agrément est par contre maintenue dans la région parisienne après 1971.

centrales ou périphériques. Sont visés par ces mesures les sièges sociaux des grandes firmes, les services de direction, de gestion, d’ingénierie, de recherche et développement, d’études ou d’informatique (Poche, Rousier, 1981). Cependant, le nombre de PLAT octroyées dans l’agglomération lyonnaise reste limité, particulièrement dans le périmètre du centre directionnel de la Part Dieu, qui est censé accueillir et regrouper les fonctions de commandement économique de la métropole (voir infra). En outre, le résultat qualitatif des opérations subventionnées dans ce cadre s’avère assez mitigé.

Entre 1967 et 1977, une dizaine de PLAT seulement sont accordées dans l’agglomération lyonnaise : six à Lyon, notamment à la Part Dieu, les autres majoritairement sur les communes de l’Ouest lyonnais (Rillieux, Ecully, Dardilly, Champagne-au-Mont-d’Or, Solaize). Elles portent essentiellement sur des opérations d’extension ou de création de délégations régionales de grandes sociétés bancaires ou d’assurances (UAP, Crédit Lyonnais, BNP, Crédit Agricole, Caisse d’Epargne), qui sont en fait des centres de gestion technique sans réel pouvoir de commandement économique, mais très peu sur l’implantation de sièges sociaux ou de services supérieurs de direction.

Seules deux sociétés industrielles décentralisent leurs fonctions de direction dans l’agglomération : le groupe Rhône-Poulenc, historiquement attaché à Lyon, implante son siège textile à la Part Dieu et sa division phytosanitaire à Vaise ; le centre de recherche Elf-ERAP s’installe à proximité de la raffinerie de Feyzin (Poche, Rousier, 1981). Quelques groupes français et étrangers, notamment informatiques, profitent également du dispositif pour réorganiser leurs activités en France et dans la région, exclusivement dans l’Ouest, verdoyant et attractif, de l’agglomération (Black&Decker, IBM, Hewlett Packard, Philips, SEB, etc.).

Les dirigeants des sociétés qui réalisent ces opérations d’implantation distinguent en effet clairement dans leurs choix stratégiques les opérations effectives de déconcentration d’une partie des activités de gestion et les opérations annoncées de décentralisation directionnelle. Le pouvoir de commandement des grandes banques reste par exemple fortement centralisé sur Paris, tandis que l’agglomération lyonnaise voit la création de centres de gestion régionaux n’ayant que peu de rapport avec les fonctions directionnelles et supérieures attendues (Lojkine, 1974). Les communes de l’Ouest sont particulièrement prisées, car elles conjuguent proximité des foyers de main d’œuvre et cadre de vie de qualité pour les cadres décentralisés depuis Paris.

Il s’agit donc plutôt du renforcement des possibilités de contrôle des centres de décision parisiens des grandes sociétés financières ou industrielles sur leurs délégations régionales implantées à Lyon, ainsi que de l’organisation d’un nouveau maillage commercial ou productif du territoire aux échelles nationale et régionale, mais pas de véritables opérations de décentralisation des sièges sociaux des grandes firmes. Le dispositif des PLAT profite principalement à des sociétés appartenant à des grands groupes industriels, informatiques ou financiers, qui se développent au niveau local en référence à leurs intérêts économiques régionaux, nationaux et internationaux. Il s’avère peu efficace au regard des objectifs fixés par la politique de décentralisation industrielle très ambitieuse de l’Etat (voir infra, Section 3).

2- L’intégration de la planification territoriale locale dans la politique nationale d’aménagement au service du développement économique

L’aménagement spatial et la planification territoriale sont mobilisés par l’Etat pour faciliter et accompagner la politique volontariste et incitative en faveur du développement économique national. Ils constituent un moyen concret, quoique indirect, de concourir à la réalisation des objectifs du Plan et de la politique économique, en fournissant un cadre réglementaire et technocratique, tant pour l’intervention des collectivités locales dans la régulation économique que pour le comportement spatial des entreprises.

Le développement économique de l’agglomération lyonnaise se réalise en même temps que se dessinent les documents de planification territoriale successifs, de la fin des années 1950 au début des années 1970. Bien qu’ils soient élaborés à des échelles géographiques différentes, le PDGU, le PADOG et le SDAM permettent de saisir la manière dont la régulation territoriale de l’économie se matérialise dans l’agglomération lyonnaise. L’analyse de leur contenu révèle l’affirmation progressive du double principe de l’exurbanisation des activités industrielles et de la construction d’une métropole tertiaire autour de Lyon, essentiellement porté par les services de l’Etat bien que partiellement relayé par les autorités politiques de l’agglomération et les structures de représentation des intérêts économiques locaux.

Les deux premiers documents de planification territoriale établis pour l’agglomération lyonnaise sont en effet fortement imprégnés de l’empreinte industrielle locale, tant au niveau des études préparatoires qu’au niveau des orientations spatiales qu’ils proposent pour le développement urbain et industriel local. Les structures de représentation des intérêts économiques locaux participent activement à leur élaboration, aux côtés des techniciens de l’Etat et de la Ville de Lyon. Les municipalités de Lyon et Villeurbanne sont consultées dans le cadre du GU et délibèrent pour approuver les plans, assurant un rôle de coordination des études avec une certaine liberté conférée par les autorités centrales. L’influence des travaux d’expertise économique du patronat lyonnais est déterminante la délimitation des échelles territoriales de référence de l’ensemble lyonnais et sur la conception d’une planification spatiale fonctionnaliste conduite à l’échelle de l’agglomération.

La réflexion territoriale est cependant menée plus en termes de localisation des fonctions dans l’espace que de stratégie de développement économique pour l’agglomération. Cette période de forte expansion économique demande avant tout de parer au plus pressé dans la répartition des fruits de la croissance et dans l’ordonnancement des équipements sur le territoire, mais pas encore de positionner l’agglomération lyonnaise sur le marché des villes, par rapport à d’autres métropoles françaises ou étrangères.

En revanche, le schéma de l’OREAM est beaucoup plus marqué par la conception stratégique des services centraux de l’Etat en matière de développement économique et d’aménagement du territoire. Il prévoit en effet de hisser l’ensemble lyonnais au rang de métropole d’équilibre, traduisant le renforcement de la mainmise de l’Etat sur la destinée économique de l’agglomération lyonnaise et l’influence de la logique de développement industriel et tertiaire nationale sur la conduite de la régulation économique territoriale. Les acteurs locaux, élus et représentants des intérêts industriels,

sont en grande partie exclus du processus décisionnel, du moins confinés dans un simple rôle de consultation pour avis.

La problématique de la localisation des activités tertiaires devient centrale, tandis que la thématique industrielle est redéfinie et calibrée en fonction des enjeux nationaux et internationaux de la réorganisation des structures productives françaises. Le schéma instaure un système territorial d’intervention dual, organisé à partir de deux dimensions spatiales emboîtées : la Région Urbaine de Lyon, où s’exprime le projet métropolitain des services de l’Etat, et l’agglomération lyonnaise, correspondant au périmètre institutionnel de la COURLY (voir infra, Section 2).

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