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Chapitre 1. Revue des travaux antérieurs

1.3 Le climat projeté

Le climat connaîtra dans le futur, autant de variations naturelles que par le passé (GIEC, 2014). D’autre part, le réchauffement climatique d’origine anthropique observé dans les dernières années continuera d’évoluer à une vitesse et à des niveaux dépendants de l’évolution des émissions de GES dans l’atmosphère. Les facteurs déterminants de cette évolution sont principalement la taille de la croissance démographique, l’activité économique, le mode de vie, la consommation d’énergie, le mode d’utilisation des terres, la technologie et la politique climatique (GIEC, 2007).

1.3.1 Les modèles climatiques et les scénarios de forçage de gaz à effet de serre

Plusieurs modèles climatiques ont été développés par différents centres de climatologie internationaux afin d’effectuer des descriptions plausibles des climats passé et futur pour des régions et des horizons temporels donnés. Ces modèles complexes sont basés sur des équations mathématiques, fondées sur les lois physiques de la mécanique des fluides, visant à représenter les interactions observées au sein du système climatique. Ainsi, les équations décrivent le comportement et les interactions entre l’atmosphère, la lithosphère, l’hydrosphère, la cryosphère et la biosphère. Tel que mentionné par Jancovici (2007), les équations des modèles climatiques devraient idéalement être résolues pour chaque point de l’atmosphère, des océans et des couches supérieures du sol afin d’obtenir une représentation climatique la plus précise possible. Toutefois, ceci est impossible en pratique considérant le nombre infini de points. Pour pallier à cette difficulté, les modèles climatiques séparent les composantes du système climatique en maillage de différentes tailles (verticales et horizontales); la taille du maillage déterminant la résolution du modèle.

Les divers modèles climatiques développés au cours des dernières années diffèrent selon plusieurs facteurs tels que le choix du schéma numérique, le degré de simplification, la grille et la manière de représenter les phénomènes physiques qui se produisent à des échelles plus fines que celles résolues directement par les équations fondamentales (Ouranos, 2010). De plus, une différence importante entre les modèles provient des champs géophysiques utilisés pour représenter les textures de sol et les types de végétation. Ces champs et la topographie sont nécessaires comme intrants dans les modèles climatiques. Ultimement, les différences énumérées font en sorte que chaque modèle est unique et peut générer un résultat différent.

Les modèles climatiques sont séparés en deux groupes en fonction de leur résolution aussi appelée le domaine du modèle. En premier lieu, il y a les modèles climatiques globaux (MCG) dont les domaines couvrent

l’ensemble de la planète. Les MCG actuels ont généralement une résolution horizontale de 200 km (Ouranos, 2010). En deuxième lieu, il y a les modèles climatiques régionaux (MCR). Au contraire des MCG, les grilles de calculs des MCR ne couvrent qu’une partie de la planète. Ainsi, il est possible de résoudre les équations du modèle climatique sur une résolution horizontale plus fine (45 km et moins; Ouranos, 2010).

En plus d’avoir comme intrants les champs géophysiques et la topographie, les modèles climatiques sont alimentés de différents scénarios de forçage de GES afin de prendre en considération l’incertitude concernant leur évolution dans le futur. Dans le cadre de son cinquième rapport, le GIEC (2014) a établi, en collaboration avec la communauté scientifique, quatre scénarios de trajectoires du forçage radiatif nommés Representative Concenration Pathways (RCP) (Tableau 1.2).

Tableau 1.2 Caractéristiques des scénarios de forçage des émissions de gaz à effet de serre utilisés par le

Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat pour effectuer des projections climatiques Nom Forçage radiatif

(W/m2)

Trajectoire Équivalent

CO2 (ppm) Réchauffement moyen global vers 2100 p/r 1850 (ºC)

RCP 8,5 8,5 Émissions fortes et continues 1370 4,9

RCP 6,0 6,0 Stabilisation sans

dépassement 850 3,0

RCP 4,5 4,5 Stabilisation sans

dépassement 650 2,4

RCP 2,6 2,6 Pic avant 2050 et déclin 490 1,5

Adapté de Rogelj et al., 2012

Ces scénarios reposent sur quatre hypothèses distinctes concernant la quantité de GES qui sera émise dans l’environnement dans les prochaines années. Ainsi, ils correspondent à des efforts plus ou moins grands de réduction des émissions de GES au niveau mondial. Les quatre scénarios sont nommés selon leur forçage radiatif total autour de l’an 2100. Un forçage radiatif représente, dans le cas de l’étude des changements climatiques, une modification du bilan radiatif de la Terre (GIEC, 2014). Ainsi, un forçage radiatif positif exprimé en W/m2 indique un accroissement de l’énergie sur Terre, ce qui mène ultimement à un réchauffement. Ainsi, plus un forçage radiatif est élevé, plus le système Terre-atmosphère gagne en énergie et se réchauffe. Le RCP 8,5 représente donc le scénario le plus extrême, c’est-à-dire qu’il conduit aux plus fortes augmentations de températures de surface d’ici 2100 (Tableau 1.2; +4,9 °C par rapport à la moyenne de 1850). Pour sa part, le RCP 2,6 possède la plus faible intensité puisqu’il intègre les effets d’une politique de réduction des émissions de GES susceptible de limiter le réchauffement planétaire à 2 °C en 2100 (GIEC, 2014). Il projette ainsi les plus petits changements de température (Tableau 1.2; +1,5 °C par rapport à la moyenne de 1850). De son côté, le

RCP 4,5 représente un scénario à émissions mondiales modérées, c’est-à-dire qu’il comprend certaines mesures pour limiter les changements climatiques.

1.3.2 Les simulations et les projections climatiques

Les simulations climatiques sont le produit final de l’utilisation des modèles climatiques. La durée des simulations peut varier de quelques années à des milliers d’années. Pour leur part, les projections climatiques sont la portion qui représente le futur et qui est influencée par les différents scénarios d’émissions des GES.

Ouranos (2015) a mesuré l’impact prévisionnel des changements climatiques sur le climat québécois pour trois horizons temporels (court, moyen et long terme) : 2020, 2050 et 2080. Ces changements attendus ont été évalués dans quatre régions du Québec (sud, centre, Golfe et nord) à partir d’un ensemble de 126 simulations climatiques globales tenant en compte les quatre scénarios d’émissions de GES introduits précédemment par le GIEC en 2014 (Tableau 1.2). Globalement, les résultats indiquent que le climat de l’ensemble de la province se réchauffera, et ce, de façon plus marquée à l'hiver qu’à l’été. Le nord de la province sera également plus touché que le sud (Ouranos, 2015). Toutefois, le sud de la province, qui abrite le territoire agricole, sera également affecté (Tableau 1.3).

Tableau 1.3 Changements saisonniers de températures (°C) et de précipitations (%) pour le sud du Québec

évalués pour les horizons 2020, 2050 et 2080

1RCP 4.5 : Representative Concentration Pathways stable sans dépassement. 2RCP 8.5 : Representative Concentration Pathways émissions fortes et continues. 3ΔT : Variation de la température en ˚C par rapport aux données de 1971 à 2000. 4ΔP : Variation des précipitations en % par rapport aux données de 1971 à 2000.

Adapté d’Ouranos, 2015

Selon les projections climatiques effectuées par Ouranos (2015), les températures hivernales augmenteraient de 1,0 à 8,2 °C alors que les températures estivales augmenteraient de 1,0 à 7,2 °C pour les horizons étudiés sous les différents scénarios d’émission des GES. Les précipitations hivernales seront également affectées au sud du territoire avec des augmentations de 0,0 à 36,0 %. Malgré cette hausse, une

Saison Changement à l’horizon

2020 Changement à l’horizon 2050 Changement à l’horizon 2080

RCP 4,51 RCP 8,52 RCP 4,51 RCP 8,52 RCP 4,51 RCP 8,52 Hiver ΔT3 ΔP4 +1,2 à 2,7 +0,0 à 15 +1,0 à 2,9 +1,0 à 17 +1,8 à 4,3 +2,0 à 22 +3,0 à 5,5 +5,0 à 27 +2,3 à 5,5 +5,0 à 24 +5,1 à 8,2 +7,0 à 36 Printemps ΔT3 ΔP4 +0,7 à 2,3 +0,0 à 11 +0,8 à 2,1 -2,0 à 10 +1,4 à 3,5 +3,0 à 17 +2,2 à 5,1 +7,0 à 18 +1,8 à 4,2 +1,0 à 18 +3,9 à 7,6 +11 à 25 Été ΔT3 ΔP4 +1,0 à 1,8 -2,0 à 10 +1,0 à 2,0 -3,0 à 8,0 +1,6 à 3,3 -1,0 à 9,0 +2,2 à 4,5 -5,0 à 10 +1,9 à 4,2 -4,0 à 12 +3,9 à +7,2 -10 à +11 Automne ΔT3 ΔP4 +0,8 à 2,1 -3,0 à 10 -7,0 à +8,0 +0,9 à 2,2 -2,0 à -13 +1,7à 3,4 +2,5 à 4,2 -2,0 à 14 +2,1 à 4,3 -2,0 à 13 +3,9 à +6,8 -5,0 à +19

diminution de l’accumulation de neige au sol est projetée au sud du territoire en raison de la hausse prévisionnelle des températures. De plus, le rapport Ouranos (2015) indique qu’il n’y aura pas de changement significatif dans la quantité moyenne de précipitations en été au sud de la province puisque les projections estivales ont une grande incertitude dû au fait que le territoire agricole du Québec se trouve dans une zone de transition entre un régime typique des régions du sud dominé par l’évaporation et un régime plus au nord, où les précipitations augmentent en raison de la plus grande quantité que pourra contenir une atmosphère plus chaude. Les modèles climatiques utilisés dans les simulations ne positionnant pas tous cette transition entre régimes au même endroit, leurs projections sont mitigées.

Pour sa part, le cinquième rapport effectué par le GIEC (2014) établi que dans la plupart des régions actuellement caractérisées par un climat continental comme le sud du Québec, les extrêmes chauds seront plus nombreux alors qu’au contraire, les extrêmes froids seront moins nombreux aux échelles quotidiennes et saisonnières. De plus, les projections climatiques présagent que les vagues de chaleur seront potentiellement plus fréquentes et dureront plus longtemps. Toutefois, des extrêmes froids pourront continuer de se produire occasionnellement en hiver. Enfin, le GIEC (2014) indique, tel qu’exposé dans le rapport d’Ouranos (2015), que les changements au niveau des précipitations ne seront pas uniformes dans l’ensemble des territoires.