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4. Les enveloppes psychiques et corporelles des patientes anorexiques mentales

1.2. Le cheminement « classique » de l’hospitalisation

De manière générale, la future patiente et sa famille seront vues dans le cadre d’une consultation externe, par des médecins psychiatres ou des psychologues de l’unité se constituant ainsi référents pour la patiente.

Si une hospitalisation s’avère nécessaire, la patiente est adressée en bilan pluridisciplinaire. Puis, un travail est envisagé au préalable, soit en consultation, soit en hôpital de jour, pour préparer au mieux l’hospitalisation.

1.2.1.

La contractualisation des soins

Au-delà de l’acceptation du patient à s’impliquer dans les soins, un temps d’évaluation et d’observation, réalisé par l’équipe pluridisciplinaire, aboutit à un contrat de soins personnalisé. Ce contrat est ensuite co-signé par le patient et son médecin référent. Cet engagement fixe les limites et les étapes de l’évolution physique et psychique du patient. La

49 contractualisation des soins avec ce dernier et sa famille est un principe clé du fonctionnement de l’UTCA.

Le premier temps de ce contrat est compris entre le poids d’entrée dans le service et le poids de levée de l’isolement d’abord partiel, puis de l’isolement total.

Le second temps est compris entre le poids de levée de séparation et le poids de sortie.

Ce contrat doit être respecté par tous les partis, à savoir la patiente, sa famille et l’équipe soignante. Il constitue un outil médiateur de l’alliance thérapeutique. Il témoigne par ailleurs de la crédibilité des soignants et crée un espace propre à la patiente, condition de son autonomie et du respect de son individualité.

1.2.2.

L’isolement comme stratégie thérapeutique

La période « d’isolement » est une séparation thérapeutique entre la patiente accueillie et son environnement habituel où les attitudes pathologiques se sont développées. Depuis Charcot, Gilles de la Tourette et Janet, en 1885, cet isolement social est de rigueur, utilisé comme levier thérapeutique essentiel au traitement de l’anorexie (Guillemot et Laxenaire, 1997, ch2).

La séparation du milieu familial et le placement en milieu thérapeutique fermé, constituent des conditions nécessaires au traitement de ce trouble afin de restituer à ces patientes un espace physique et psychique personnel (Jeammet, 1985).

La période durant laquelle l’isolement est total se veut dans cette perspective être le moment privilégié pour un questionnement sur soi, et ce qui fait qu’elles sont là. Seules face aux symptômes de la maladie, elles amorcent pendant cette phase le travail d’une prise de conscience de leur état jusqu’alors dénié.

On peut être amené à penser que leur chambre, garante de la contenance hospitalière, pose un cadre. Pour des jeunes filles en perte de limites corporelles, les quatre murs de la pièce permettent un premier recentrage d’un espace corporel perturbé sur le mode d’un espace concret qui tient bon, qui délimite l’intérieur de l’extérieur comme une réponse dans la réalité à ce qui fait défaut psychiquement.

Le premier défi souvent proposé par le chef du service lors de « la grande visite » est : « Décorez, à votre image, votre chambre ». Ce défi permet, entre autre, de les rendre davantage actrices dans leur hospitalisation. Il permet aussi d’apprécier l’implication des patientes dans leurs soins. Par exemple, lors d’une séance dans la chambre de Marine, j’ai

50 découvert son espace intime ; une chambre aux murs blanc et orange sans la moindre trace de personnalisation. « Je n’ai pas envie de m’y sentir bien, vu que je ne vais pas habiter ici toute

ma vie ». A travers son positionnement, elle laisse paraitre une résistance dans les soins et une

difficulté à les investir. Pour d’autres, la chambre d’hospitalisation devient un lieu ressource. Mélanie dira « avec mes objets personnels et les photos de ma famille, je m’y sens

contenue ». Son espace corporel propre se projette à l’espace de la chambre : les limites

corporelles sont alors repoussées aux limites de la pièce.

Lors de l’isolement total, qui dure au moins un mois en général, l’adolescente peut se rendre dans la pièce de vie commune avec les autres patientes. La séparation avec le milieu familial a également pour but de permettre aux patientes d’établir de nouveaux modes relationnels dans le partage de la vie collective institutionnelle.

Dans les contrats de soins, la sortie d’isolement passe par une phase intermédiaire : un isolement à temps partiel. Lors de cette période, l’adolescente va pouvoir reprendre contact avec sa famille et le milieu extérieur.

S’en suit la sortie d’isolement où la patiente obtient la possibilité de sortir quelques heures dans la journée et d’avoir des permissions le week-end.

1.2.3.

Les repas

La reprise alimentaire est portée progressivement par les diététiciennes et les psychiatres référents en fonction de l’évolution de la patiente.

Ainsi, les étapes sont :

1° La sonde nasogastrique. C’est un petit tuyau introduit par les voies naturelles hautes pour atteindre l'estomac et qui permet, goutte à goutte, la perfusion de mélanges nutritifs. La pose de cette sonde est une décision médicale.

2° Les trois repas en chambre

3° Le déjeuner en salle à manger en présence d’une soignante. Le petit déjeuner et le repas du soir sont pris en chambre.

4° Ouverture vers les ateliers cuisines

5° Les trois repas en salle à manger. Le petit déjeuner et le diner ne sont pas accompagnés d’un soignant.

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1.2.4.

Le suivi scolaire

La dimension scolaire est prise en compte dès que l’état clinique de la patiente le permet. Les cours sont dispensés par des professeurs bénévoles d’une association en lien avec les établissements d’origine.

En fin d’hospitalisation, l’aménagement d’un emploi du temps compatible avec l’hospitalisation dans l’établissement scolaire fréquenté auparavant est parfois réalisé.

1.2.5.

L’accompagnement des proches

Tout au long de cette période d’hospitalisation, la famille est également prise en charge par l’équipe soignante d’une part lors des entretiens familiaux avec la patiente, et d’autre part dans la constitution de groupes de parents, où chacun peut alors rendre compte de ses éprouvés face à la maladie et à l’hospitalisation de son enfant.