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1.3 Prions

1.3.8 Le changement de conformation des prions de levures

Tous les prions décrits ci-haut partagent le même type de conformation lorsqu’ils sont dans leur forme prionique. En effet, PrPSc, [PSI+], [URE3], [RNQ] et [Het-s] correspondent aux formes amyloïdes de PrPC, Sup35p, Ure2p, Rnq1p et HET-s (revue dans [170, 171]). Les amyloïdes sont des fibres très structurées de protéines qui possèdent une structure secondaire formée de brins β empilés perpendiculairement à l’axe de la fibre (cross-β structure). En plus de leur structure caractéristique, les amyloïdes sont excessivement stables et résistantes aux protéases [136, 170, 172]. Si tous les prions les mieux caractérisés forment des amyloïdes, les amyloïdes ne sont pas tous des prions. En effet, plus de 20 différents peptides ou protéines faisant des amyloïdes ont été décrits chez l’humain, et seul PrP est un prion [136, 171].

La présence de fibres amyloïdes in vivo peut être examinée à l’aide de techniques basées sur l’insolubilité dans le SDS des fibres amyloïdes à température pièce. Par exemple, la centrifugation d’un lysat cellulaire préparé avec un faible pourcentage de SDS permettra de séparer en fractions solubles et insolubles. Typiquement, une protéine sous sa forme prionique va se retrouver dans les fractions insolubles alors que dans sa conformation normale elle sera soluble [122, 172]. Il est aussi possible de visualiser les

complexes de haut poids moléculaire, donc de type amyloïde, directement sur gel d’agarose [172]. D’autres techniques, comme la digestion d’extraits cellulaire avec la protéinase K, sont aussi fréquemment utilisées [122]. Finalement, la conséquence de la formation de fibres amyloïdes peut être visualisée directement à l’aide de fusions entre une protéine prion et une protéine fluorescente. Dans des cellules sans prions, la protéine est soluble et la fluorescence, diffuse, alors que dans les cellules contenant un prion, la fluorescence se retrouve concentrée en un ou plusieurs focis, reflétant l’agrégation de la protéine [122, 136, 171].

In vitro, les protéines prioniques agrègent en formant des fibres amyloïdes. C’est

d’ailleurs sous cette forme que les prions peuvent êtres transformés et entraînent l’apparition de leur phénotype in vivo. Compte tenu de leur structure unique, il est assez aisé d’examiner la formation de fibres amyloïdes à partir de protéines recombinantes in

vitro. Certains colorants comme le Congo Red ou la thioflavine T voient leurs propriétés

spectroscopiques modifiées lors de la liaison à des fibres amyloïdes, ce qui permet de suivre en temps réel la formation de fibres dans une réaction d’agrégation in vitro. Il est aussi possible de suivre la formation de fibres grâce à la digestion par la protéinase K, en examinant l’accumulation de matériel résistant, ou avec n’importe quelle méthode biochimique décrite plus haut. Finalement, il est possible d’observer directement les fibres à l’aide de techniques de microscopie à très haute résolution, soit la microscopie à force atomique (AFM) ou la microscopie électronique (EM) [122, 136, 171, 173].

Les amyloïdes des prions de levure produits in vitro sont infectieux. En effet lorsqu’ils sont introduits dans des cellules naïves, ils induisent l’émergence de la forme prion de la protéine et du phénotype qu’elle provoque. Tout comme pour le prion des mammifères, cette expérience visant à induire in vivo le prion à partir de protéines recombinantes et agrégées est considérée comme la preuve ultime que la protéine examinée

est infectieuse, donc un prion [120, 123, 137]. Cette expérience a été réalisée avec succès sur tous les prions de cellules eucaryotes énumérés jusqu’ici, soit [PSI+], [URE3], [RNQ] et [Het-s] [174-179].

Chez les prions de levure et de P. anserina, l’agrégation est dirigée par un domaine spécifique de la protéine nommé le domaine prion. Ces domaines sont à la fois nécessaires et suffisants à l’activité du prion [136, 166]. Ils apparaissent aussi être modulaires; la fusion d’un domaine prion avec une autre protéine résulte en une chimère agissant comme un prion [160, 169]. Les domaines prions de Sup35p, Ure2p et Rnq1p se ressemblent à cause de leurs séquences riches en acides aminés asparagine et glutamine [121, 136, 155]. Cependant, cette séquence n’est pas typique de tous les prions puisque le domaine prion de HET-s ne montre pas de biais dans sa composition en acides aminés [180, 181]. Étonnamment, le mélange aléatoire de l’ordre des acides aminés des domaines prions de Sup35p et Ure2p ne modifie pas leur habilité à former un prion [182, 183]. Il apparaît donc que c’est la composition et non la séquence en acides aminés qui détermine les propriétés d’agrégation. Ceci va de pair avec l’observation que tous les domaines prions sont flexibles et très peu structurés dans leur forme soluble [180, 181, 184, 185]. Grossièrement, un prion de levure peut être considéré comme un domaine globulaire fonctionnel fusionné à une queue susceptible d’agréger sous forme amyloïde [136].

Tout comme pour PrP, les prions de S. cerevisiae présentent un phénomène de souche. Les souches de prion sont caractérisées par la force du phénotype associé et la stabilité mitotique du prion; on distingue généralement des souches dites fortes et faibles [171]. Ce phénomène a d’abord été observé chez [PSI+], où les différentes souches sont mises en évidence par la couleur de la colonie. Les souches fortes montrent un haut taux de

read-through et sont donc blanches, alors que les souches faibles font moins de suppression

peuvent être créé et/ou propagées in vitro, ce qui indique que la différence entre les souches est encodée directement dans la structure amyloïde du prion. En effet, il apparaît que Sup35p peut adopter différentes formes amyloïdes et que celles-ci diffèrent dans leur stabilité et leur capacité à se propager [174, 176, 189]. Bien qu’il y soit moins étudié, il est intéressant de mentionner que le phénomène de souche est aussi présent chez [URE3] et [RNQ] [177, 190].

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