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1.1 Repliement des protéines : réticulum endoplasmique

1.1.8 L’apoptose et le RE

Dans les cas de stress du RE très importants ou prolongés, l’activation de l’UPR n’est pas suffisante pour restaurer le bon fonctionnement de la voie de sécrétion. L’UPR va alors contribuer à induire la mort par apoptose de la cellule. Les composantes impliquées dans ce mécanisme ont été partiellement identifiées, mais l’apport exact de chacune et leurs interactions restent encore à élucider. La Figure 2 schématise globalement les signaux menant du stress du RE à l’apoptose.

Un des plus important médiateur de l’apoptose causée par un stress du RE est sans doute le facteur de transcription CHOP, dont la transcription découle directement de l’activation de PERK et de la traduction subséquence d’AFT4. ATF6 et IRE1 induisent aussi la transcription de CHOP, mais leur implication est beaucoup moins significative [34, 35, 39]. CHOP module la transcription de nombreux gènes associés à l’apoptose, provoquant une réponse globale d’augmentation de celle-ci. Notamment, il active la transcription des gènes GADD34, ERO1α, DR5 (death receptor 5) et TRB3, mais il diminue celle de la protéine anti-apoptotique Bcl-2 [37]. L’expression de GADD34, une protéine interragissant avec la protéine phosphatase PP1, corrèle avec l’apoptose provoquée par différent signaux mais son mécanisme d’action n’est pas connu [36]. De plus, GADD34 va augmenter le niveau de stress du RE en induisant la déphosphorylation de eIF2α et renversant le blocage de la traduction instauré par l’activation de PERK. ERO1α, une oxidase du RE, augmente quant à elle la quantité d’espèces réactives d’oxygène dans le RE. La fonction de ce mécanisme d’augmentation du stress du RE dans l’induction de l’apoptose n’est pas encore très claire; il pourrait s’agir d’un signal de non-retour poussant définitivement la cellule vers la mort [33, 35, 39]. DR5 encode un récepteur de mort cellulaire situé à la surface des cellules qui active la cascade des caspases [37]. Finalement, TRB3 agirait en séquestrant et diminuant l’activité de la sérine/thréonine kinase pro-survie Akt, poussant les cellules vers l’apoptose [36].

Figure 2. Schéma simplifié de certaines voies menant à l’apoptose suite à un stress du RE. Les stress du RE mènent à l’activation de PERK et du complexe GADD34/PP1

phosphatase, qui déphosphoryle alors eIF2alpha, ce qui mène à la promotion de l’apoptose notamment via la transcription accrue de CHOP. La Caspase-12 (souris) ou -4 (humain) est associée à la face cytosolique de la membrane du RE et peut être activée par les stress du RE via notamment IRE1 et TRAF2, ou par un clivage de la calpaïne, elle-même activée par un relâchement de calcium du RE. Les membres de la famille Bcl-2 sont aussi associés à la membrane du RE et influencent l’apoptose à la fois en modulant le relâchement de calcium et l’amplification des signaux apoptotiques via la mitochondrie. Adapté de Boyce, M. et Yuan, J. Cell Death and Diff. 2006; 13: 363-373 [39]

PERK n’est pas le seul transducteur du UPR à être directement impliqué dans l’activation de l’apoptose. En effet, la surexpression d’IRE1 dans des cellules en culture résulte en la mort par apoptose [39]. Cette activation de l’apoptose serait provoquée, du moins en partie, par le recrutement de TRAF2 par IRE1 activé. Le complexe IRE1-TRAF2 recrute alors ASK1, une mitogen-activated kinase kinase kinase associée à l’apoptose dans plusieurs types cellulaires, qui active alors les kinases JNK et p38. L’activation de JNK est une réponse fréquente à plusieurs formes de stress cellulaires, et est connue comme régulant la machinerie de mort cellulaire via la régulation des protéines de la famille BCL-2 [36, 37, 40].

Un paradoxe réside dans le fait que les effecteurs de l’UPR induisent à la fois un mécanisme d’adaptation au stress du RE et une voie menant à l’apoptose. Il semblerait qu’en fait, le choix entre l’adaptation ou l’apoptose résulte de la composition en protéines des cellules répondant à un stress du RE. Ainsi, un stress modéré ou court changera les niveaux de chaperones du RE, mais vu sa nature faible ou transitoire il ne sera pas suffisant pour l’induction persistante d’ATF4, CHOP et GADD34 dont les ARNm et protéines sont instables. Cette situation mènera les cellules à l’adaptation à ce stress. Un stress fort et prolongé, quant à lui, provoquera une augmentation stable des niveaux d’ATF4, CHOP et GADD34, poussant les cellules sur la voie de l’apoptose [41].

Les membres de la famille de protéines BCL-2 sont d’importants régulateurs de la mort cellulaire par apoptose. Certains sont anti-apoptotiques, comme BCL-2 et BCL-xL, et d’autres, comme BAX et BAK, sont pro-apoptotiques. Identifiées d’abord pour leur importance dans l’apoptose médiée par la mitochondrie, ces protéines sont aussi localisées dans la membrane du RE et agissent dans l’apoptose induite par le stress de celui-ci [36, 37, 40]. Bien que leurs effets restent en grande partie incompris, différentes voies d’action sont connues. D’abord, l’inhibition de BCL-2 par JNK via l’activation de IRE1 permettrait

l’activation de BAX et BAK, menant à l’exécution de l’apoptose [36]. BAX et BAK sont des protéines cruciales pour la maintenance du niveau luminal de calcium; lors d’un stress du RE, leur oligomérisation permet un efflux de Ca2+ dans la mitochondrie et le cytoplasme. Cet apport de calcium au niveau de la mitochondrie dépolarise la membrane intérieure, provoquant la libération du cytochrome C et l’activation du apoptosis protease-

activating factor 1 (APAF-1). Quant à lui, l’augmentation cytosolique du calcium activerait

des cascades de caspases dépendantes et indépendantes de la mitochondrie, et ce notamment via l’activation de la protéase dépendante du calcium m-calpain [37, 42]. D’autres protéines de la famille BCL-2 ont aussi été impliquées dans l’apoptose médiée par le RE, telles PUMA et NOXA, mais leurs rôles précis ne sont pas connus [37, 42].

La caspase 12, présente à la surface cytosolique du RE, a été proposée comme médiateur clef de l’apoptose provoquée par un stress du RE [36]. En effet, elle est activée uniquement par des stimuli provenant du RE. Elle peut être clivée et activée par la m- calpain, ou encore suite à une interaction avec TRAF2 et IRE1, cette dernière voie restant à l’état d’hypothèse [35, 40]. L’activation de la caspase 12 provoquerait l’activation subséquente des caspases 9 et 3, menant à la mort cellulaire par apoptose [35, 37, 40]. L’importance de la caspase 12 est cependant mise en doute par certains facteurs. D’abord, le gène encodant la caspase 12 humaine contient des mutations inactivatrices. Il a été proposé que la caspase 4 remplace sa fonction, mais cela est encore matière à débat. Finalement, les études sur l’effet protecteur de la délétion de la caspase 12 sont contradictoires [36, 40].

Bap31 est une protéine transmembranaire du RE qui existe en complexe avec la pro- caspase 8 et BCL-2 ou BCL-xL. L’activation de la caspase 8 induit le clivage de Bap31, créant le fragment p20 qui induit alors le relâchement de Ca2+ du lumen et son absorption

par la mitochondrie. Ceci est suivi d’une dépolarisation de la mitochondrie et d’une augmentation de son taux de division, le tout menant à l’apoptose [42].

En conclusion, les processus régissant l’homéostasie du RE et la réponse aux stress de celui-ci, soit l’adaptation ou la mort par apoptose, sont excessivement complexes. Ils impliquent un grand nombre de protéines qui interagissent entre elles et sur plusieurs voies cellulaires différentes. L’élucidation de ces mécanismes n’en est donc qu’à ses débuts, et plusieurs autres études seront nécessaires pour avoir un portrait complet de la situation.

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