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Le CD34 et la réactivité du système respiratoire

Chapitre 7 : Discussion et conclusion

2. Le CD34 et la réactivité du système respiratoire

Cette étude a aussi permis de démontrer que la perte de réactivité du système respiratoire chez les souris Cd34-/- dans un modèle d’asthme allergique expérimental à l’House Dust Mite (HDM) ne semble pas occasionnée par un rôle direct du CD34 sur le muscle lisse. En

effet, le CD34 semble plutôt jouer un rôle dans la fonction des éléments non-contractiles qui participent à la réactivité du système respiratoire.

2.1 Le CD34 et la capacité contractile du muscle lisse

Dans l’asthme, les fibrocytes sont reconnus pour être des cellules circulatoires migrant jusqu’aux poumons et pouvant potentiellement se différentier en muscle lisse et participer au remodelage (hyperplasie/hypertrophie du muscle lisse et déposition de collagène)36,38,39 De plus, les fibrocytes sont reconnus pour assurer l’intégrité du muscle lisse en le réparant à la suite d’une insulte en conditions non-asthmatiques. 121,122 Toutefois, dans notre étude, aucune différence n’a été observée quant à l’augmentation du volume du muscle lisse autour des bronches et dans la déposition de collagène entre les souris wt et Cd34-/-

exposées à l’HDM. Le CD34 ne semble donc pas jouer de rôle direct dans le remodelage. Aussi, nous avons démontré que les capacités du muscle lisse ne semblent pas altérées par l’absence du CD34. En effet, nos études de contractilité sur les trachées isolées démontrent des capacités fonctionnelles similaires entre les souris wt et les Cd34-/-. Bref, l’expression

du CD34 ne semble pas affecter la structure et la fonction du muscle lisse bien que les précurseurs et cellules responsables du remodelage l’expriment.

Bien que l’expression du CD34 n’ait pas été observée dans le muscle différencié, nous avons observé une forte expression du CD34 en périphérie du muscle lisse. Or, les fibrocytes CD34+ pourraient être les cellules retrouvées en périphérie du muscle lisse et

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expliquer ce résultat. Ces cellules ont la capacité de sécréter des facteurs de croissance et des cytokines tels que le VEGF, le GM-CSF, l’IL-1, l’IL-18 et les métalloprotéinases.123 L’IL-1 quant à elle pourrait entraîner une production accrue de mucus.124,125 Finalement, les métalloprotéinases produites par ces cellules pourraient dégrader des protéines importantes à l’intégrité du poumon et à réactivité du poumon. Les fibrocytes pourraient donc être considérés comme des cellules interagissant aussi avec l’environnement du poumon. Ainsi, la perte d’expression du CD34 sur les fibrocytes pourrait affecter leur fonction et la réactivité des voies respiratoires séparément de leur effet sur le remodelage du muscle lisse.

2.2 Le CD34 et la capacité contractile du muscle lisse en contexte inflammatoire

Comme le CD34 est exprimé à la surface de plusieurs cellules inflammatoires importantes dans l’asthme, l’inflammation est un facteur important à considérer dans la perte de réactivité du système respiratoire observée chez les souris Cd34-/-. En effet, la perte de

réactivité observée chez ces souris suivant l’exposition à l’HDM est absente lorsque l’inflammation est résorbée. Premièrement, tel que démontré dans d’autres études,83, 91, 94, 95 nous observons une baisse du recrutement des cellules inflammatoires chez les souris

Cd34-/- exposées au HDM comparativement aux souris wt. En effet, il a été démontré

précédemment et dans notre modèle d’asthme chez les souris Cd34-/- que les mastocytes et

les éosinophiles s’y retrouvent en moins grande proportion, suggérant ainsi que le CD34 est important pour leur trafic au poumon.95 En revanche, on y retrouve une quantité élevée de macrophages. Or, il est connu que les cellules inflammatoires sont les principales cellules sécrétant des molécules bronchoconstrictrices et relaxantes. Ces molécules affectent le niveau d’activation du muscle lisse et peuvent ainsi entraîner un changement de réactivité du système respiratoire. En effet, les mastocytes et les éosinophiles sécrètent des prostaglandines (PGF2α, PGD2 et TXA2)et des leucotriènes (LTC4, LTD4, LTE4) reconnus pour leurs effets constricteurs.56,74,126 Les macrophages quant à eux sécrètent des molécules bronchodilatatrices (PGE2 et PGI2).56,74,126 Ainsi, nous pouvons spéculer que l’expression ou l’absence du CD34 par les cellules inflammatoires présentes au poumon influence le

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type de molécules sécrétées puisqu’on observe des différences quant aux populations recrutées suite à l’exposition au HDM. Or, différents patrons de sécrétion de ces molécules pourraient avoir des actions différentes sur la réactivité des voies respiratoires (avec une balance plus prononcée vers les bronchorelaxants en absence du CD34 (plus de macrophages)). Une autre hypothèse pouvant expliquer ce phénomène est que le CD34 pourrait créer un débalancement dans les fonctions sécrétrices des cellules produisant ces molécules bronchoconstrictices ou relaxantes. Ainsi, chez les souris Cd34-/- exposées au

HDM, un débalancement vers une sécrétion de molécules relaxantes pourrait expliquer la diminution de la réactivité du système respiratoire. Il serait donc important d’effectuer des études de contractilité du muscle lisse en contexte inflammatoire. Pour répondre à cette perspective, il faudrait exposer des trachées de souris salines à des LBA de souris wt et

Cd34-/- exposées au HDM. Cette expérience pourrait permettre de déterminer si

l’environnement hématopoïétique différent a un impact sur le muscle lisse.

2.3 Le CD34 et la production de mucus (élément non-contractile)

L’expression du CD34 pourrait aussi influencer la production de mucus qui participe au développement de l’HRB.22 Des modifications quant à la quantité ou les propriétés du mucus engendrées par l’absence d’expression du CD34 pourraient donc participer indirectement à la diminution de la réactivité du système respiratoire. En effet, notre étude a démontré que l’absence du CD34 induit une production de bouchons de mucus. Chez les souris wt de notre modèle, nous n’avons pas observé de bouchons de mucus et l’expression de MUC5ac est drastiquement augmentée, ce qui est en accord avec la littérature. Cependant, chez les souris Cd34-/-, on observe une importante accumulation d’amas de

mucus et une diminution de l’expression génique des mucines (MUC5b et MUC5ac) comparativement aux wt.118 Or, il est connu que les gènes MUC5ac et MUC5b sont les principales mucines entrant dans la composition du mucus, et qu’elles possèdent des charges différentes.118 Aussi, MUC5ac est sécrété par les cellules caliciformes, alors que MUC5b est produit par les glandes de la sous-musqueuse.120,119 En condition normale,

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MUC5b et MUC5ac assurent les fonctions de barrière et la «clearance» mucociliaire.125,124 En contexte allergique, l’expression de MUC5ac est drastiquement augmentée alors que l’expression de MUC5b reste constante.24-26, 118 Le gène MUC5ac correspond à la mucine la plus souvent associée à l’asthme et ce gène joue un rôle important dans l’hyperréactivité bronchique. 118,127,128 Ainsi en contexte d’asthme allergique, il serait possible que le CD34 soit important afin que MUC5ac soit capable d’effectuer adéquatement la «clearance» mucociliaire et ainsi éviter la formation d’amas de mucus. La «clearance» mucociliaire est en fait assurée par la capacité des cils à éliminer le surplus de mucus. La viscosité du mucus pourrait donc affecter cette fonction puisque l’expression des gènes MUC5ac et MUC5b, qui ont des charges différentes, est diminuée chez les souris Cd34-/-. De plus, cette

différence de charge dans le mucus pourrait mener à l’obstruction des voies respiratoires par l’accumulation d’amas de mucus. Cette obstruction pourrait ultimement entraîner une diminution de la biodisponibilité de la métacholine et ainsi réduire la réactivité. La principale limitation de la méthode actuellement est le manque d’analyse protéique de MUC5ac (ELISA, westen blot, immunohistochimie ou immunofluorescene). Ces expériences sont aussi à reproduire sur des poumons n’ayant pas subi de lavage bronchoalvéolaire. De plus, il faut aller vérifier ce qu’il se passe pour ces gènes 1 semaine après la dernière sensibilisation. Si l’expression de MUC5ac chez les souris Cd34-/- revient

au niveau des souris wt et bien l’hypothèse de l’implication du mucus est valable sinon elle est à rejeter. Il sera donc important de vérifier ces éléments avant de poursuivre dans cette ordre d’idée et pour la publication de l’article.

On sait aussi que l’expression de MUC5ac est influencée par la sécrétion de cytokines qui stimulent les cellules épithéliales telles que l’IL-13, L’IL-1, l’IL-4 et l’IL-9.124 Or, dans notre étude, seule l’expression de l’IL-13 a été mesurée et aucune différence entre les souris wt et Cd34-/- n’a été observée. En perspectives, il serait donc être intéressant de vérifier si

les profils de sécrétion de l’IL-1, L’IL-4 et l’IL-9 sont différents en l’absence du CD34, étant donné qu’ils pourraient avoir un impact sur la production de ces mucines et la composition du mucus.

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Dans la même ligne de pensée, il serait intéressant de mesurer si le CD34 affecte davantage les mucines sécrétées (telles que MUC5ac et MUC5b) que les mucines membranaires (MUC1). En effet, la mucine MUC1 a été identifiée dans les poumons à la surface des cellules épithéliales sécrétrices et de certaines cellules souches hématopoïétiques.129,130 De façon intéressante, MUC1 possède plusieurs caractéristiques communes avec le CD34. C’est une protéine transmembranaire de type-I qui est hautement glycosylée, lui conférant un rôle adhésif et anti-adhésif comme le CD34.124 Elle peut aussi exprimer le motif sialyl-Lewis qui est associé à l’adhésion des leucocytes, ce qui est aussi le cas du CD34.131 La particularité la plus intéressante de MUC1 survient lors du clivage de cette protéine. En effet, en condition normale, la forme clivée de MUC1 contribue à la «clearance» mucociliaire. Au contraire, en contexte inflammatoire, la forme MUC1 clivée occasionne l’obstruction des voies respiratoire en formant un gel de mucus.132 Ainsi, il serait intéressant de comparer l’expression de MUC1 en présence et en absence du CD34, et de mesurer s’il y a un phénomène de compensation de MUC1 lorsque le CD34 n’est pas exprimé. Bref, il pourrait y avoir une plus forte expression de MUC1 en absence du CD34, ce qui faciliterait l’accumulation de mucus et les bouchons.

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